COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 97D
DU 22 OCTOBRE 2019
N° RG 17/03341
N° Portalis DBV3-V-B7B-RQJD
AFFAIRE :
[V] [L]
C/
CONSEIL RÉGIONAL DES NOTAIRES - CHAMBRE DE DISCIPLINE
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
Décision déférée à la cour : Décision rendue le 07 Mars 2017 par les organes disciplinaires de La Chambre des Notaires de [Localité 1]
N° chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Maître [V] [L]
-la SELARL Teitgen & Viottolo,
-CONSEIL RÉGIONAL DES NOTAIRES - CHAMBRE DE DISCIPLINE
-la SCP FINKELSTEIN /DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE,
-le Procureur Général
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Maître [V] [L], notaire
[Adresse 2]
[Localité 2]
présent et assisté de Me Francis TEITGEN de la SELARL Teitgen & Viottolo, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : R011
APPELANT
****************
CONSEIL RÉGIONAL DES NOTAIRES - CHAMBRE DE DISCIPLINE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par M. [T] [E], en vertu d'un pouvoir général
assisté de Me Eric AZOULAY de la SCP FINKELSTEIN/DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE, avocat plaidant - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10 - N° du dossier 2180219 -
INTIMÉE
****************
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
pris en la personne de Mme TRAPERO, Avocat Général
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 1]
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Juin 2019, Monsieur Alain PALAU, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL
Par décision du 7 mars 2017, la chambre régionale de discipline des notaires de la cour d'appel de Versailles a prononcé à l'encontre de Maître [L], notaire à [Localité 2] (Val d'Oise), la peine de la censure devant la chambre assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels pour une durée de six ans.
La chambre a considéré que Maître [L] avait commis des infractions aux règles comptables de la profession notariale.
Elle a estimé que les rapports d'inspection sur la période de 2012 à 2016 révélaient des manquements répétés aux obligations comptables caractérisés notamment par :
un retard récurrent dans la tenue de la comptabilité clients et office, la comptabilité quotidienne n'étant pas à jour et, ainsi, ne donnant pas une image fidèle de la situation des comptes clients et ne permettant pas le contrôle quotidien de la couverture des comptes clients ; les mouvements de fonds prévus dans les actes authentiques étant inscrits en comptabilité avec retard ;
un défaut de consignation des sommes détenues par l'étude dans le délai requis par l'article 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 ;
une mauvaise gestion des chèques non rapprochés et périmés (le compte client n'est pas re-crédité immédiatement après constatation de la péremption du chèque)
l'encaissement trop largement différé de chèques de clients, constitutif d'une avance de trésorerie prohibée.
Elle a également considéré que ces rapports d'inspection révélaient que Maître [L] ne respectait pas les délais imposés aux notaires dans la communication des documents lors des inspections.
Elle a en outre jugé que Maître [L] ne respectait pas l'article 22 du règlement national en adressant après l'expiration des délais de transmission la déclaration annuelle d'activité professionnelle et la circulaire n° 2012-7 du 25 juillet 2012 du Conseil supérieur du notariat en adressant après l'expiration des délais de transmission le tableau de bord mensuel de l'office.
Elle lui a enfin fait grief de faire obstruction à la mission de la chambre des notaires de traitement des réclamations de clients en ne fournissant pas à la chambre les éléments lui permettant de répondre de façon satisfaisante et dans les délais impartis par l'article 43.2 alinéa 2 du règlement national.
Elle a conclu qu'il était, par ces comportements, porté atteinte aux intérêts des clients et à l'image du notariat et qu'était caractérisé un non-respect répété de ses confrères et des autorités de tutelle, constitutif d'une violation des articles 4.1, 6.1, 6.2 du règlement national et de l'article 4 dernier alinéa de l'ordonnance numéro 45-2590 du 2 novembre 1945.
Elle a ensuite relevé, « sans qu'il en soit tenu compte dans la présente décision en considération de l'article 58 du règlement national », l'absence d'activité dématérialisée.
Elle a estimé que la répétition depuis 2012 des faits reprochés en dépit de rappels à l'ordre contenus notamment dans les rapports annuels d'inspection constituait un caractère aggravant.
Par déclaration orale du 26 avril 2017, Maître [L] a interjeté appel.
Dans ses dernières écritures remises le 24 juin 2019, Maître [L] sollicite l'infirmation de la décision et la condamnation du conseil régional des notaires aux dépens d'appel.
Il réfute l'irrecevabilité de son recours.
Il expose que ni lui ni son conseil n'étaient présents lors du délibéré et se prévaut des mentions contenues dans la décision.
Il ajoute que celle-ci lui a été notifiée le 27 mars 2017, et non le 17 mars comme il l'avait indiqué par erreur, l'acte lui rappelant la possibilité d'interjeter appel dans le délai d'un mois.
Il relate la procédure et fait valoir que l'action a été engagée peu de temps avant la nomination- réclamée par lui depuis longtemps- d'un notaire salarié dans son étude nonobstant l'obstacle illégal opposé par la chambre.
Il estime que cette entrave- contraire aux articles 4.1 et 4.2.1 du règlement national- est fondamentale car expliquant son impossibilité d'organiser de manière optimale le service rendu à ses clients.
Il fait également valoir que les rapports d'inspection ne sont ni probants ni sincères aux motifs qu'ils contiennent des erreurs et même des dénonciations imaginaires et qu'ils ne mentionnent pas ses réponses.
Il ajoute que la chambre applique ses règles avec rigueur à son encontre alors qu'elle n'a pas respecté l'article 4.1 dudit règlement qui prévoit que les notaires se doivent mutuellement respect, conseil et assistance et qu'elle perpétue des délits continus de prise illégale d'intérêt.
Maître [L] invoque la violation du principe du contradictoire et du droit à un juge impartial.
Il rappelle que l'obligation du respect du contradictoire s'applique également aux procédures orales.
Il fait état d'un défaut de réponse à ses conclusions et d'un défaut de prise en compte des pièces produites par lui, y compris pour les rejeter.
Il indique que, dans la décision, les réquisitions orales du syndic sont reprises textuellement alors que ses observations orales sont consignées de manière partielle et approximative, que la motivation est réduite à une page et que les pièces produites par lui ne sont pas visées.
Il fait état d'un « copié-collé » du rapport d'inspection.
Il affirme que la référence à la violation de l'article 58 -alors que ses éventuelles violations ne peuvent donner lieu à des poursuites disciplinaires- démontre l'état d'esprit de la chambre et qu'en visant la répétition de faits qui ont déjà donné lieu à des sanctions, elle viole le principe non bis in idem et ne prend pas en compte la prescription.
Il estime que la violation du respect du principe du contradictoire résulte de l'ignorance des pièces produites et de ses réponses.
En réponse à l'intimé, il affirme qu'il ne démontre pas en quoi les pièces produites par lui et ses réponses ont été prises en compte dans la décision.
Il en infère que la décision était prise avant même la tenue de l'audience et qu'elle n'est pas motivée, en contravention avec l'article 455 du code de procédure civile.
Il se prévaut des rapports d'inspection qui contredisent l'existence des infractions prétendues.
Il soutient que les développements précités établissent l'absence de juge impartial.
Il fait également valoir que le président et le premier syndic ont retenu, illégalement, sa demande de nomination d'un notaire salarié.
Il fait en outre valoir qu'elle a repris un fait insusceptible de poursuite disciplinaire et qu'elle a violé le principe non bis in idem.
Il souligne qu'il a reproché au conseil régional des notaires d'avoir paralysé sa demande de nomination d'un notaire salarié retenant irrégulièrement sa demande alors qu'il était tenu de la transmettre après avoir émis un avis.
Il estime que cette faute, lourde, a produit de graves conséquences et démontre l'absence d'impartialité de la chambre.
En réponse à celle-ci, il rappelle que la liste des causes de récusation figurant à l'article L 111-6 du code de l'organisation judiciaire n'est pas limitative.
Il souligne que l'atteinte au principe d'impartialité est établie compte tenu, notamment, de l'obstruction précitée à laquelle a participé un des membres de la formation de jugement.
Il souligne également que cette atteinte peut être sanctionnée par la récusation mais aussi par l'exercice des voies de recours.
Il ajoute qu'il n'avait pas connaissance de la composition de la formation de jugement et qu'il n'a pris connaissance de la preuve définitive de l'obstruction subie dans l'organisation de son étude du fait d'un de ses membres qu'après la décision.
En réponse à l'intimé, il réitère ses moyens et observe que celui-ci développe longuement le non respect des obligations de télé-publication, pourtant non pris en compte d'après la décision.
Il fait état d'une « haine » à son encontre.
Il déclare enfin qu'il a déjà été sanctionné en raison de retards comptables en 2012 soit pour des faits repris dans le périmètre de la poursuite litigieuse.
Il conteste les infractions reprochées.
S'agissant du retard dans la tenue de la comptabilité, il expose qu'en 2012, la cause de ce retard résidait dans la contamination du serveur principal et affirme qu'il a justifié de démarches pour y mettre fin.
Il déclare qu'en 2013 et 2015, la comptabilité était à jour.
Il observe que le conseil régional ne le conteste pas alors que la décision attaquée mentionne que la comptabilité est toujours tenue en retard.
Il fait état, en 2014, d'un retard de 6 jours causé par son absence durant 3 jours.
Il rappelle que les études notariales peuvent être fermées durant 15 jours- ce qui est source de retard- et que le curateur nommé a conclu à la cessation de sa mission en l'absence de difficulté.
Il indique que la cause du retard en 2016 est imputable à des « paramétrages Fiducial non opérationnels » pour parvenir à la clôture de l'exercice 2015.
Il conclut que les retards poursuivis sont inexistants ou imputables à des incidents techniques et fait valoir que la responsabilité disciplinaire d'un notaire ne peut être engagée en raison de causes non intentionnelles et qui ne lui sont pas imputables.
S'agissant du défaut de consignation des fonds clients dans les délais requis, il expose que la période 2012/1er semestre 2013 correspond à la période de clôture du compte de consignation ancien et à celle de la mise en service du nouveau compte de dépôts obligatoires.
Il indique que, lors de la visite annuelle de la caisse des dépôts et consignations en février 2012, il lui a été précisé que le compte de dépôts ancien ne devait plus être utilisé afin de faciliter la « bascule » et que le nouveau compte serait mis en fonctionnement prochainement.
Il en infère que les griefs ne sont pas fondés.
Il affirme, concernant le 2ème semestre 2013 et les exercices postérieurs que des consignations ont été effectuées.
Il explique la faiblesse du taux de consignation par le mode de calcul des inspecteurs soit le nombre de comptes en attente de consignation au regard du total des comptes consignés et à consigner.
Il admet devoir améliorer les consignations mais critique ce mode de calcul, de nombreux comptes présentant un solde créditeur minime ou correspondant à des honoraires. Il estime plus significatif de prendre en compte les sommes.
Il affirme avoir amélioré les consignations à la suite de l'intervention de Fiducial sur un module.
Il réitère, en réponse à l'intimé, que le montant des sommes à consigner et non celui des comptes doit être pris en considération.
S'agissant de l'imputation des chèques périmés, il conteste toute faute.
Il expose que les opérations comptables litigieuses sont l'annulation de chèques périmés émis à l'ordre de clients et l'imputation de la somme correspondante au crédit du compte du bénéficiaire du chèque périmé.
Il réfute toute anomalie, l'annulation du chèque n'ayant aucune conséquence sur la créance du client.
Il affirme que, contrairement à ce que laisse accroire le rapport d'inspection de 2015, il n'a pas comptabilisé un chèque périmé en profit.
Il déclare fournir le relevé exhaustif du compte 7788 enregistrant les produits sur soldes des comptes des clients.
Il reproche aux deux inspecteurs d'avoir commis une erreur de lecture comptable sur l'écriture reprochée.
Concernant le rapport d'inspection 2016, il affirme que les profits enregistrés sur soldes de comptes clients correspondent à des soldes inférieurs ou égaux à deux euros et déclare que cette pratique est admise.
S'agissant de l'encaissement différé de chèques en contravention avec l'article L 131-31 du code monétaire et financier, il relève que le rapport d'inspection 2012 lui fait grief de laisser en portefeuille au sein de l'étude des chèques pendant plus de 20 jours.
Il rappelle que l'action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la fin du délai de présentation -huit jours- et réfute donc toute contravention.
Il estime que pourrait être établie une faute sur le terrain de l'avance déguisée aux clients compte tenu de la concurrence.
Il l'estime non démontrée en ce qui concerne les règlements, importants, établis par chèques de banque dont le montant est débité dès l'émission.
Il fait état, concernant les autres chèques, de montants faibles a fortiori compte tenu de l'obligation de procéder, depuis le 1er janvier 2015, à des virements bancaires pour certaines opérations.
Il fait état d'oublis de chèques dans les dossiers « ce qui ne permet pas d'établir de manière certaine » sa faute personnelle et ce qui s'explique par l'absence d'un notaire salarié dans l'étude.
Il ajoute que la date d'émission n'est pas révélatrice, seule comptant la date de réception des chèques.
Il conclut que ces retards n'ont pu participer d'une intention de consentir une avance déguisée aux clients ou réaliser de telles avances.
Il relève que l'intimé reconnaît que le grief des avances déguisées ne peut être retenu pour les chèques de banque.
S'agissant de l'ouverture de comptes clients multiples pour une même opération, il expose que la faute invoquée vise deux pratiques soit l'ouverture de plusieurs comptes pour un même client dans le cadre d'une même affaire pour taxer un honoraire et l'ouverture de plusieurs comptes dans le cadre d'une succession, un pour la succession et un au nom de chaque héritier.
Concernant la première pratique, il fait valoir que la perception d'un honoraire-exclue pour un acte soumis au tarif sauf prestation détachable- ne peut correspondre à une même affaire que celle soumise au tarif et que les inspections ont estimé justifiée la perception d'un honoraire.
Concernant la seconde, il excipe du manuel de comptabilité notariale prescrivant d'ouvrir un compte par affaire et autant de comptes que d'intérêts représentés comme tel est le cas pour une vente avec l'ouverture d'un compte vendeur et d'un compte acheteur.
Il estime donc nécessaire d'ouvrir, outre le compte de la succession, un compte par héritier afin de constater le paiement d'une soulte ou des attributions divises après partage d'actifs réalisés par la comptabilité de l'étude.
S'agissant du non respect de la règle des 8%, il déclare que ce ratio a toujours été respecté.
S'agissant du risque fiscal causé par la mauvaise gestion, il conteste également ce grief et souligne qu'un contrôle fiscal n'a pas constaté d'anomalie.
Il réfute toute obstruction aux inspections.
Il expose que les contrôles ont été réalisés sur place et affirme avoir remis tous les documents demandés sauf, en 2016, la déclaration 2035 qui a fait l'objet d'une télé-déclaration qu'il n'a pu récupérer pendant la journée de l'inspection.
Il qualifie de « nouveau concept » et d'insusceptible de constituer une faute disciplinaire le reproche fondé sur un délai « très lent » de communication.
Il réfute, de même, toute obstruction à la mission de vérification de la comptabilité, son absence empêchant la délivrance de documents.
Il invoque la désorganisation de son étude à laquelle la chambre a contribué « de manière déterminante » en ne transmettant pas le dossier de nomination d'un notaire salarié.
S'agissant de la dématérialisation, il dément l'absence de transmission, à supposer que celle-ci puisse justifier des poursuites disciplinaires.
Il affirme alimenter les bases et relève le faible taux d'alimentation de celles-ci.
Il réfute également ne pas respecter les obligations relatives à « Téléactes » et précise que son adresse électronique en « notaires. Fr » a été paramétrée en 2016.
Il ajoute que l'instance supérieure du notariat avait ordonné la suspension de « Téléactes » en réaction « au projet de loi [S] » et que les statistiques confirment l'importance des réquisitions et publications « papier ».
Il conteste refuser de se conformer aux rappels à l'ordre résultant des inspections, curatelle, courriers, convocations.
Il précise que le curateur ne lui a pas communiqué le rapport qui lui est opposé et relève que la chambre n'a pas visé les courriers invoqués.
Il affirme avoir toujours répondu aux convocations dont l'objet était d'attirer son attention sur les réclamations des clients et avoir toujours alerté la chambre sur son impossibilité à continuer sans la nomination d'un notaire salarié qu'elle refuse depuis 2012.
Il estime que le nombre de réclamations n'est pas pertinent, seules les réclamations fondées devant être prises en compte, et critique, reprenant chaque dossier, le tableau de synthèse produit.
Il oppose ses éléments de réponse aux mentions portées par la chambre.
Il ajoute que ses réponses ont été complètes et dément être responsable des réouvertures de dossiers.
Il affirme que l'intimé ne rapporte pas la preuve de ses prétendues réponses hors délai.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 mai 2019, le président du conseil régional des notaires de la Cour d'Appel de Versailles siégeant en chambre de discipline demande à la cour de :
Débouter Maître [L] de toutes ses demandes, fins, et conclusions.
Confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue le 7 mars 2017 par la chambre départementale des notaires statuant en chambre de discipline.
Condamner Maître [L] en tous les dépens d'appel.
Il expose que le syndic régional a saisi, le 2 décembre 2016, la chambre de discipline pour dénoncer divers manquements commis par Maître [L] dont témoignent plusieurs rapports d'inspection sur la période de 2012 à 2016, rappelle les reproches qui lui étaient adressés et cite la décision querellée.
Il conteste toute violation du principe du contradictoire.
Il rappelle les articles 16 et 455 du code de procédure civile.
Il estime que les questions du président et les réponses de Maître [L], ainsi que les observations de ce dernier concernant les manquements reprochés, apparaissent clairement dans la décision.
Il déclare que la formation disciplinaire a repris succinctement les prétentions des parties sans que cela soit constitutif d'une violation du principe du contradictoire.
Il indique que le président de la chambre de discipline à pris l'initiative de lui demander de lui remettre les pièces exposées et citées à l'audience pour sa défense.
Il conteste tout manquement à l'impartialité.
S'agissant de l'impartialité subjective, il rappelle les articles 461 du code de procédure civile et L.111-6 du code de l'organisation judiciaire.
Il expose qu'en application de l'article 462 du code de procédure civile, la partie qui veut récuser un juge ou demander le renvoi pour cause de suspicion légitime doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause justifiant la demande et que la demande ne peut être formée après la clôture des débats et cite un arrêt du 6 mai 1999.
Il relève que Maître [L] n'a pas sollicité la récusation des membres visés et n'a jamais introduit de requête en suspicion légitime.
S'agissant de l'impartialité objective, il réfute le moyen tiré du « mépris » concernant les arguments de la défense.
Il fait valoir que Maître [L] a eu la parole, a répondu aux questions qui lui étaient posées et a formulé des observations concernant les manquements reprochés, que son conseil a été entendu en sa plaidoirie et qu'il lui a été proposé de s'exprimer en dernier ce qu'il a refusé.
Il ajoute qu'il admet lui-même que le président lui a demandé de lui présenter ses pièces.
Il réfute le moyen tiré de la prise en compte d'un fait insusceptible de poursuite.
Il rappelle que l'article 448 du code de procédure civile dispose que : « les délibérations des juges sont secrètes » et que l'article 42.2 du règlement national contient une disposition identique.
Il déclare que la chambre régionale n'a fait que relever « incidemment » que le taux de dématérialisation était inexistant pour l'année 2016 en l'office de Maître [L] et relève qu'elle a elle-même précisé que ce fait était insusceptible de poursuite et qu'elle n'en tiendrait pas compte.
Il souligne que cet élément est mentionné après que la chambre a considéré que le comportement de Maître [L] avait porté atteinte aux intérêts des clients et à l'image du notariat et qu'il était de nature à caractériser un non-respect répété de ses confrères et des autorités de tutelle et constitutif d'une violation des articles 4.1, 6.1, 6.2 du règlement national et de l'article 4 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n°45-2590.
Il en infère qu'elle n'a fait que rapprocher de manière incidente, le taux inexistant de dématérialisation du comportement nuisible de Maître [L] à l'image du notariat qui a vocation à se moderniser et de son inertie en dépit des rappels à l'ordre provenant des autorités de tutelle.
Il conclut qu'outre l'impossibilité de rapporter une preuve négative compte tenu du secret du délibéré, la chambre n'a pas à démontrer qu'elle n'a pas tenu compte de ce taux de dématérialisation inexistant dans le cadre de son délibéré.
Il conteste toute violation du principe « non bis in idem ».
Il rappelle le sens de cette locution, cite l'article 368 du code de procédure pénale et l'article 4 du protocole n°7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'un arrêt de la CEDH.
Il indique que Maître [L] a déjà été condamné par la Chambre de discipline le 16 octobre 2012 pour des faits de retard et de carence dans le traitement de la comptabilité et que les infractions similaires commises de manière répétée après cette sanction ont été commises en état de récidive.
Il fait valoir, citant la décision, que la chambre n'a pas sanctionné une seconde fois les mêmes faits mais qu'elle a simplement tenu compte du comportement récidiviste de Maître [L] pour des faits postérieurs.
Par ailleurs, il affirme que Maître [L] ne démontre pas que le conseil régional aurait délibérément paralysé le dossier de nomination de son épouse.
Il expose que, le 3 avril 2012, la chambre interdépartementale des notaires a sollicité des informations concernant sa demande et que, le 22 mai 2013, le conseil régional des notaires n'a fait que notifier la délibération de la commission d'accès à la profession rejetant la demande.
Il déclare que Maître [L] ne démontre que pas que le conseil régional n'avait pas transmis son dossier à la Chancellerie.
Il ajoute que ces faits sont indifférents à la présente instance.
L'intimé reprend les infractions aux règles de la profession notariale reprochées à l'appelant.
S'agissant des infractions aux règles comptables, en ce qui concerne le retard dans la tenue de la comptabilité (rapports de 2012 à 2016), il déduit du rapport de 2012 une absence de consignation et de prise en compte des remarques effectuées les années précédentes en ce que la clôture quotidienne est réalisée avec un retard de plusieurs jours.
Il cite le rapport qui fait état de l'habitude prise par Maître [L] de modifier l'horodatage ce qui explique pourquoi les tableaux de bord arrivaient avec une date de clôture théorique du jour même, mais toujours avec un retard d'un ou plusieurs mois.
Il affirme que Maître [L] ne justifie pas avoir entrepris des démarches pour mettre fin à la contamination prétendue de son ordinateur principal et tenir sa comptabilité dans les délais.
Il souligne la gravité de la falsification de documents comptables par un officier ministériel.
Il cite le rapport de 2013 aux termes duquel la gestion du titulaire et sa mauvaise présentation des comptes font peser sur l'étude un risque fiscal important qui à terme pourrait remettre en question son équilibre financier.
Il ne conteste pas que la comptabilité était, pour cet exercice, à jour mais invoque d'autres manquements.
Il cite le rapport 2014 qui suggère de clôturer les journées comptables tous les jours et de ne pas maintenir un stock de journées en attente de saisies de 9 jours ouvrés, le retard étant de neuf jours et non de six comme prétendu.
Il estime que l'absence de notaire en son office pendant trois jours invoquée par l'appelant démontre un manque certain d'organisation de sa part.
Il ajoute que ces manquements ont entraîné la mise en place d'une mesure de curatelle entre octobre 2014 et octobre 2015 conformément à l'article 30 du décret du 29 février 1956.
Il cite le rapport de 2015 qui lui recommande de mettre en place une assistance comptable pour les comptes clients afin d'épurer les soldes créditeurs et de mettre en place une méthodologie sur la tenue des comptes et qui estime nécessaire l'intervention d'un expert- comptable pour mettre de l'ordre dans la comptabilité de l'office.
Il cite le rapport 2016 et la reconnaissance par Maître [L] d'un retard de 25 jours ouvrés.
Il conclut qu'au-delà de la négligence délibérée de Maître [L], le défaut d'exactitude, de fidélité et de sincérité de sa comptabilité est particulièrement grave et dangereux, s'agissant d'un officier ministériel manipulant régulièrement des fonds clients.
En ce qui concerne le défaut de consignation, il rappelle l'article 15 du décret n°45-0117 du 19 décembre 1945 et l'article 14, 2° du décret du 19 décembre 1945.
Il expose que le rapport de 2013 fait état de 48 comptes consignés au jour de l'inspection et que, par rapport à la précédente inspection, il restait 26% des comptes dans la balance, non mouvementés depuis plus de trois mois, l'absence de mouvement sur ces comptes n'ayant pas donné lieu à consignation.
Il relève que, selon les inspecteurs, il restait à la date de l'inspection 184 comptes clients créditeurs non mouvementés depuis plus de trois mois, seuls 48 d'entre eux ayant été consignés.
Il en infère que 136 comptes non mouvementés n'avaient pas été consignés au-delà du délai de trois mois, alors qu'ils auraient dû l'être conformément à l'article 15 du décret susvisé.
Il expose que, selon le rapport 2014, 373 comptes clients créditeurs n'avaient pas fait l'objet de mouvement pendant plus de trois mois et que 84% des comptes étaient en attente de consignation, ces chiffres démontrant que les consignations ne sont pas réalisées régulièrement.
Il cite le rapport de 2015 d'où il résulte que 89% des comptes étaient en attente de consignation, le nombre de comptes clients créditeurs sans mouvement depuis plus de trois mois, comptes consignés confondus, s'élevant à 429.
Il cite le rapport de 2016 qui a relevé que 553 comptes clients créditeurs n'avaient pas fait l'objet de mouvement pendant plus de trois mois, le pourcentage moyen de consignation depuis le début de l'année 2016 s'élevant à 10%.
En réponse à l'appelant, il fait valoir que le non-respect de l'article 15 du décret du 19 décembre 1945 est caractérisé par le seul défaut de consignation concernant les comptes non-mouvementés depuis plus de trois mois.
Il en conclut que la contestation du mode de calcul n'a pas lieu d'être.
Concernant l'imputation des chèques périmés, il rappelle qu'il est interdit de comptabiliser un chèque périmé en profit.
Il expose que, dans le rapport d'inspection de 2015, il a été constaté la présence de 34 chèques périmés et de 10 écarts constatés non régularisés.
Concernant l'encaissement différé des chèques en contravention avec l'article L131-31 du code monétaire et financier, il rappelle les articles L.131-31 et L 131-22 du code monétaire et financier.
Il cite le rapport de 2012 d'où il résulte que, selon un sondage, des chèques peuvent rester en portefeuille au sein de l'étude pendant plus de 20 jours et relève que cette habitude permet une avance aux clients déguisée.
En réponse à Maître [L], il estime sans incidence les recours possibles dans le cas où le chèque ne serait pas déposé en paiement.
Il ajoute qu'il ne démontre pas que les chèques laissés en portefeuille pendant plus de 20 jours étaient des chèques de banque.
S'agissant de l'obstruction aux missions de la chambre et de l'atteinte à l'image de la profession, il cite, concernant l'obstruction aux inspections, l'article 11 du décret n°74-737 du 12 août 1974 et l'article 4.5.2 du règlement national.
Il soutient que Maître [L] ne démontre pas avoir réellement transmis les documents.
Il expose que l'inspection se déroule en général sur plusieurs journées ce qui lui donne le temps de produire les documents demandés.
Il excipe des rapports d'inspection réalisés entre 2012 et 2016 que les documents demandés n'ont pas tous été produits et que le délai de communication des documents pour les besoins de l'inspection a été très lent.
Concernant l'obstruction à la mission de vérification de la comptabilité, il cite l'article 4, 5° de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945, la circulaire n°2012-7 du 25 juillet 2012 du Conseil supérieur du notariat et 'article 6.2 du règlement national qui fait obligation aux notaires de respecter les circulaires du Conseil supérieur du notariat.
Il cite des courriers adressés notamment les 24 octobre 2013, 11 mars 2014, 27 mai 2014 pour un total de huit lettres de relance par la Chambre interdépartementale des notaires de [Localité 1] à Maître [L] et trois convocations devant celle-ci qui témoignent de l'obstruction répétée faite aux missions de la chambre.
Il invoque également les rapports de 2012 à 2016.
Il relève que Maître [L] n'était pas absent durant toutes les inspections et qu'il pouvait s'organiser pour produire les documents demandés le cas échéant, l'envoi s'opérant par un simple courriel.
Il soutient que son comportement a contraint la chambre à porter une attention particulière à son office.
Concernant le non-respect des obligations relatives à la dématérialisation, il cite le défaut d'alimentation des bases de données immobilières du notariat.
Il rappelle qu'en application de l'article 6 de la loi du 25 ventôse an XI créé par la loi n°2011-331 du 28 mars 2011, de l'article 1er du décret n°2013-803 du 3 septembre 2013 et de l'article 6.3 du règlement National, les notaires doivent fournir au Conseil supérieur du notariat de façon dématérialisée les informations relatives aux mutations immobilières qu'ils traitent, de façon à alimenter les bases que la loi charge le notariat de maintenir.
Il fait valoir qu'il résulte des extraits des bilans d'alimentation de la base BIEN de 2012 à 2016 et du rapport d'inspection de 2016, que Maître [L] ne transmet jamais les informations relatives aux mutations immobilières traitées.
En réponse à l'appelant, il lui fait grief de prétendre que, sous prétexte qu'une obligation n'est pas consacrée légalement, elle peut être violée impunément.
Il cite le non-respect des obligations de télé publication prévues par l'article 6.7 du règlement national.
Il infère des rapports d'inspection de 2012 à 2016 que Maître [L] ne respecte pas les obligations relatives aux « télé actes », les inspecteurs ayant constaté qu'aucune « télé réquisition » ou « télé publication » n'ayant été réalisée.
En réponse à l'appelant, il fait valoir que celui-ci n'a pas cru nécessaire de se conformer aux téléprocédures.
Il cite l'utilisation d'une adresse courriel non conforme au plan de nommage de la profession en violation de l'article 4.4.2 du Règlement national.
Il souligne qu'à ce titre, les notaires doivent exclusivement utiliser les serveurs de messagerie mis en place par la profession afin d'assurer leur obligation de secret professionnel et de confidentialité.
Il relève que, selon le rapport d'inspection de 2016, Maître [L] utilise une messagerie non sécurisée.
Il déclare qu'il n'a pas fait que recevoir des courriels de la part des clients sur cette adresse mais qu'il a également lui-même envoyé des courriels à ses clients contrairement à ce qu'il prétend.
Il ajoute qu'il a également utilisé cette adresse pour envoyer des courriels à la chambre entre 2012 et 2016.
Il conclut que, si une adresse conforme a effectivement été paramétrée en 2016, il lui aura fallu attendre 2016 pour qu'il se conforme aux plans de nommage.
Concernant le non respect des autorités de tutelle, il cite l'article 1.2 du règlement national sur l'obligation de faire les efforts nécessaires et les articles 4.1, 4.5.2, 6.1 et 6.2 de ce règlement ainsi que l'article 4 de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945.
Il reproche à Maître [L] d'avoir, ainsi qu'il résulte de ces développements, refusé systématiquement de se conformer aux rappels à l'ordre résultant des inspections, curatelle, courriers, convocations du président, du premier syndic et du deuxième syndic.
Il en conclut qu'il a violé les textes susvisés.
Il estime dénués d'équivoque les rapports d'inspection de 2012 à 2016 et considère que la réitération des manquements reprochés démontre en elle-même, qu'il n'a pas donné suite aux demandes ou recommandations des inspecteurs.
Il rappelle également les courriers précités qui démontrent que les autorités de la chambre sont régulièrement contraintes de relancer Maître [L] et de réitérer les mêmes recommandations et les mêmes rappels à l'ordre, faute d'évolution.
Il déclare qu'au-delà de ternir gravement l'image de la profession, il a délibérément alourdi le travail des autorités de tutelle.
Il affirme que l'objet des convocations du premier syndic, du deuxième syndic et du président était d'attirer l'attention sur le nombre de réclamations et également d'obtenir des explications de sa part sur son absence de réaction concernant les relances dont il a fait l'objet.
Il cite ces courriers.
Il lui fait grief, comme en témoigne leur nombre, d'avoir laissé perduré sciemment la situation.
Il fait valoir que la chambre, le président, le premier syndic, le deuxième syndic, les inspecteurs sont unanimes sur sa négligence constante.
Concernant l'obstruction à la mission de traitement des réclamations des clients et l'atteinte grave portée à l'image de la profession, il cite l'article 4, 4° de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 et l'article 43.2 du règlement national qui chargent la chambre des notaires de traiter les réclamations des clients à l'encontre des notaires d son ressort.
Il cite également l'article 1.2 alinéa 1 et 3 du règlement national et l'article 3.2.1 du même règlement.
Il observe que Maître [L] enregistre le taux le plus élevé de la compagnie avec 5,19 réclamations pour 100 actes en 2015 contre 0,4% en moyenne pour l'ensemble des offices des Yvelines et du Val d'Oise.
Il fait valoir, se prévalant de courriers, qu'il ne fournit pas à la chambre les éléments lui permettant de répondre de façon satisfaisante et dans les délais impartis aux clients, ce qui induit un surcroît de travail pour elle compte tenu du nombre anormal de relances, réouvertures et retours de dossiers.
Il ajoute le mécontentement de ses clients confrontés à son inertie.
Il affirme que ces pratiques ternissent l'image de la profession dans la mesure où dans la trop longue attente du dénouement de leur dossier, les clients mettent en cause la crédibilité de la chambre et de la profession comme en témoignent les nombreux courriers adressés par ces derniers ou leurs avocats.
Il estime inopérant le moyen tiré de l'absence d'un notaire dans la mesure où il n'a pas fait les efforts nécessaires pour améliorer la qualité de ses services et s'assurer de la satisfaction du client en s'attachant à ce que les réclamations portées à sa connaissance soient traitées avec efficacité, rapidité et transparence.
Il soutient, en tout état de cause, en réponse à ses contestations sur le délai, que le délai de réponse est toujours supérieur au délai de 15 jours imposé par le Règlement national.
Aux termes d'un avis du 22 mars 2019, le ministère public demande à la cour de constater l'irrecevabilité de l'appel interjeté.
Il expose que, le 26 ou 27 avril 2017, Maître [L] a relevé appel de la décision du 7 mars 2017 auprès du greffe de la cour d'appel, semble t-il par déclaration orale, confirmée par une télécopie du 28 avril 2017, mais dont aucun récépissé n'a été délivré.
Il estime que l'appel est tardif.
Il relève qu'aux termes de l'article 36 du décret du n° 73-1202 du 28 décembre 1973, l'appel est formé dans le délai d'un mois, quinze jours en ce qui concerne les décisions rendues en matière de suspension provisoire.
Il expose que le délai court, à l'égard de l'officier public ou ministériel, du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, dans le cas contraire, du jour de la notification qui lui est faite.
Il constate que la décision est contradictoire.
Il indique que la présence du notaire poursuivi et de son conseil le jour de l'audience disciplinaire et du prononcé de la décision est attestée par diverses mentions.
Il relève également que, dans ses conclusions déposées au greffe le 11 décembre 2017, Maître [L] indique que la décision disciplinaire lui a été notifiée le 17 mars 2017.
Il en infère qu'à supposer que l'on tienne compte de cette notification surabondante, l'appel est également tardif.
Il ajoute que la chambre départementale des notaires ne pouvait notifier le 27 mars 2017 une décision rendue par le Conseil régional et fait valoir que cette notification qui n'émane pas de la juridiction qui a rendu la décision ne peut faire courir un nouveau délai.
Il se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2009 aux termes duquel « ayant relevé que la décision avait été rendue en présence de l'intéressé, l'arrêt retient exactement que le délai de recours avait commencé à courir du jour de son prononcé en application de l'article 36 du décret du 28 décembre 1973, de sorte que l'appel formé à l'expiration dudit délai était irrecevable, la notification de cette décision n'ayant pu avoir pour effet de faire courir un nouveau délai de recours ».
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A l'audience, les parties ont développé les écritures précitées, le ministère public concluant subsidiairement à la confirmation de la décision.
Maître [L] a eu la parole en dernier.
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Sur la recevabilité de l'appel
Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du n° 73-1202 du 28 décembre 1973, l'appel est formé, compte tenu de la nature de la décision, dans le délai d'un mois ; que ce délai court, à l'égard de l'officier public ou ministériel, du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, et, dans le cas contraire, du jour de la notification qui lui est faite ;
Considérant qu'il ne résulte pas des termes de la décision querellée - qui doit contenir toutes les mentions utiles- que Maître [L] ou son conseil étaient présents lorsque la décision a été rendue ;
Considérant que le délai d'appel court donc du jour de sa notification ;
Considérant que la seule notification émane de la chambre départementale des notaires ; qu'elle est datée du 27 mars 2017, et non du 17 mars comme indiqué par erreur dans les premières écritures de Maître [L] ;
Considérant que l'appel interjeté le 26 avril 2017 n'est donc pas tardif ;
Sur la violation du principe du contradictoire
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision que Maître [L] et son conseil ont été invités à présenter leurs observations avant l'exposé de la procédure puis après lecture de la citation ; qu'après cette lecture, Maître [L] a été amené en outre à répondre à des questions ; que, « plus personne ne demandant la parole », le président a invité le syndic régional à procéder aux réquisitions puis Maître [L] et son conseil à présenter sa défense ;
Considérant que le procès-verbal énonce à deux reprises les réponses faites par Maître [L] ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Maître [L] a remis les pièces invoquées par lui ;
Considérant que la chambre régionale - qui n'a pas à entrer dans le détail des arguments invoqués- a motivé sa décision en se référant notamment aux rapports d'inspection et à d'autres documents annexés à la citation ; que les critiques du bien fondé de la décision relèvent de son appréciation au fond ;
Considérant que cette motivation ne caractérise pas une atteinte au principe du contradictoire ; qu'elle ne traduit pas davantage une absence d'impartialité ;
Considérant que la seule présence dans la formation d'officiers ministériels ayant examiné la demande de nomination d'un notaire salarié déposée par Maître [L]- voire ayant selon lui retenu irrégulièrement son dossier- ne peut caractériser une absence d'impartialité ;
Considérant que la chambre régionale de discipline a « relevé incidemment » une absence d'activité dématérialisée et précisé qu'il n'en est pas tenu compte au regard de l'article 58 du règlement national ;
Considérant que la chambre a ainsi énoncé expressément qu'il n'était pas tenu compte de ce grief figurant dans la citation ; qu'elle ne traduit donc pas une partialité de celle-ci ;
Considérant que la référence à la « répétition depuis 2012 des faits reprochés en dépit de rappels à l'ordre contenus notamment dans les rapports annuels d'inspection » ne constitue pas une violation du principe « non bis in idem » mais démontre que la chambre a pris en compte, pour apprécier la gravité des faits retenus, le comportement passé de Maître [L] ; que le caractère aggravant retenu dans la décision attaquée ne conduit donc pas, comme le prétend Maître [L], à « intégrer la première sanction disciplinaire dans les débats sans encourir le risque de contrevenir à l'autorité de la chose jugée » ;
Considérant, s'agissant des faits jugés le 16 octobre 2012, que Maître [L] a alors été condamné pour avoir empêché des inspecteurs de procéder à leur mission d'inspection le 16 mars 2012 et pour avoir fait preuve de retard et de carence dans le traitement de la comptabilité et du répertoire ainsi qu'il résulte de constatations effectuées le 27 avril 2012 ;
Considérant que le rapport sur le fondement duquel Maître [L] a été condamné dans le présent litige porte sur une inspection terminée le 4 décembre 2012 ;
Considérant que si ce rapport est également fondé, partiellement, sur des constatations opérées le 27 avril 2012 et fait grief à Maître [L] de ne pas avoir adressé en temps utile les documents nécessaires, la citation devant la chambre ne s'appuie que sur les conclusions de ce rapport soit, notamment, un retard constaté le 4 décembre 2012 ;
Considérant que la condamnation elle-même ne vise pas les faits pour lesquels Maître [L] a été jugé le 16 octobre 2012 ; que seules les écritures des parties font référence aux constatations opérées le 27 avril 2012 ;
Considérant que le principe « non bis in idem » n'a donc pas été enfreint ;
Considérant que les moyens fondés sur la violation du principe du contradictoire et du droit à un juge impartial seront rejetés ;
Sur le fond
Sur les infractions aux règles comptables
Sur le retard dans la tenue de la comptabilité
Considérant qu'il ne ressort pas des rapports d'inspection de 2013 et 2015 l'existence d'un retard ;
Considérant qu'il résulte du rapport de 2012 que, le mardi 4 décembre 2012, la dernière journée clôturée était celle du jeudi 29 novembre ;
Considérant que Maître [L] ne démontre pas que ses difficultés informatiques- attestées par une seule intervention en 2012- expliquent ce retard ;
Considérant que le rapport de 2014 établit un retard comptable de 6 jours ouvrés, du 20 mars au 1er avril ;
Considérant que la seule absence de Maître [L] pendant trois jours est insuffisante à justifier ce retard étant observé que l'étude n'était pas fermée et donc que sa référence à la faculté de fermer des études pendant 15 jours est sans portée ;
Considérant que ces griefs sont donc fondés ;
Considérant que le rapport 2016 fait état d'un arrêté de caisse du 5 février 2016 et d'une dernière écriture du 31 décembre 2015 soit d'un retard de 25 jours ouvrés ;
Considérant que ce retard est particulièrement important ;
Considérant, toutefois, que Maître [L] verse aux débats un courriel de la société Fiducial en date du 3 février 2016 aux termes duquel la version nécessaire pour la clôture de l'exercice comptable 2015 est « maintenant disponible » ;
Considérant que l'intimé ne justifie pas, dans ces conditions, que le retard est imputable à Maître [L] ;
Sur le défaut de consignation
Considérant qu'il résulte de l'article 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 que les comptes « non mouvementés » depuis plus de trois mois doivent faire l'objet de consignation ;
Considérant que les rapports d'inspection font état de plusieurs dizaines de comptes clients créditeurs sans mouvement depuis plus de trois mois et non consignés ;
Considérant que cet article ne distingue pas selon le montant des sommes créditées ;
Considérant que Maître [L] ne peut donc décider de s'affranchir, au motif que les sommes en cause seraient faibles, du respect des dispositions précitées ;
Considérant que le grief est justifié ;
Sur l'imputation des chèques périmés
Considérant que le rapport de 2015 a constaté, au jour de l'arrêté sur place, sur le compte DCN, la présence de 34 chèques périmés et de 10 écarts non régularisés ; que Maître [L] répond sur l'existence d'un chèque- mentionnée en page 24 du rapport- mais pas sur ce constat figurant en page 6 de celui-ci ;
Considérant que le grief est fondé ;
Sur l'encaissement différé de chèques
Considérant que le rapport de 2012 fait état de chèques pouvant rester en portefeuille au sein de l'étude pendant plus de 20 jours alors que, selon l'article L131-32 du code monétaire et financier, un chèque doit être présenté au paiement dans un délai de huit jours ;
Considérant que Maître [L] n'a donc pas procédé à l'encaissement de ces chèques dans les délais prescrits ; que l'existence de recours en cas de non paiement est sans incidence sur le défaut de respect par lui de cette disposition ;
Considérant que ce grief, non visé dans la précédente poursuite, est établi ;
Sur l'obstruction aux inspections
Considérant qu'en application de l'article 11 du décret n°74-737 du 12 août 1974 et de l'article 4.5.2 du règlement national, le notaire doit déférer aux demandes des inspecteurs et leur faciliter la tâche ;
Considérant que le rapport d'inspection de 2012 indique que Maître [L] n'a pas communiqué ses tableaux de bord et balances comptables ;
Considérant que ces manquements se sont poursuivis après ceux ayant fait l'objet d'un procès-verbal adressé par les inspecteurs le 30 avril 2012 au titre desquels Maître [L] a été jugé le 16 octobre 2012 ;
Considérant que Maître [L] ne démontre nullement que ces manquements- ayant fait l'objet de la décision dont appel- sont imputables à son absence ou à ses difficultés informatiques, un seul relevé d'intervention étant produit pour cet exercice ;
Considérant que les rapports 2013 et 2014 font également état d'absence de transmission de documents comptables réclamés ; que les courriers des inspecteurs faisant état de la réalisation des « vérifications préalables » avant la fixation des rendez-vous ne contredisent nullement ces constatations ;
Considérant que ces obstructions sont donc avérées au titre des exercices 2012 à 2014 ;
Considérant, toutefois, que l'indication d'un délai de transmission « très lent » en 2016 est trop imprécise pour caractériser un manquement ;
Sur l'obstruction à la mission de vérification de la comptabilité
Considérant qu'afin de permettre à la Chambre des notaires de « vérifier la tenue de la comptabilité », la circulaire n° 2012-7 du 25 juillet 2012 prescrit l'envoi à compter du 1er janvier 2013 « du tableau de bord dématérialisé au dernier jour de mois et de l'état statistique au dernier jour de chaque trimestre » ; que les notaires doivent, conformément à l'article 6.2 du Règlement national, respecter cette circulaire ;
Considérant que la chambre a réclamé de tels états et tableaux de bord dans de nombreux courriers du 24 octobre 2013 au 29 septembre 2016 ;
Considérant que Maître [L] n'a communiqué que certains documents ; que des rapports d'inspection ont constaté ces carences ;
Considérant que Maître [L] ne peut utilement prétendre que ces manquements répétés sont imputables à l'absence de nomination d'un notaire salarié ;
Sur l'obstruction à la mission de la chambre de traitement des réclamations des clients
Considérant qu'aux termes de l'article 43.2 du règlement national, les notaires doivent répondre à la chambre, saisie de réclamations de clients, « dans le délai de quinze jours sous peine de sanction disciplinaire » ;
Considérant que la chambre a réclamé à Maître [L], par courriers des 7 juillet et 3 novembre 2016 visant plusieurs dossiers, des réponses aux réclamations qui lui ont été adressées ; que son courrier du 3 novembre fait référence à des engagements pris par Maître [L] de fournir des réponses précises et complètes qu'il ne conteste pas ;
Considérant que la chambre verse aux débats un tableau dressant la liste de réclamations reçues en 2015 et 2016 et les dates des réponses de Maître [L] ;
Considérant, toutefois, d'une part, que ce tableau est fondé sur une date de réception par Maître [L] des courriers de réclamation adressés par la chambre ; qu'il ressort de courriels de la chambre que les délais d'acheminement de ces courriers ne sont pas fiables ;
Considérant, d'autre part, que certaines dates mentionnées sont, au vu des courriels adressés par Maître [L] et versés aux débats, erronées ;
Considérant que ce tableau ne peut donc être pris en compte ;
Mais considérant que les lettres des 7 juillet et 3 novembre font référence à des dossiers précis ;
Considérant qu'il en résulte que le délai prescrit n'a pas été respecté et que la chambre a dû, non seulement, adresser des lettres de rappel à Maître [L] mais également le convoquer ;
Considérant que ces pièces démontrent le manquement par Maître [L] à son obligation ;
Considérant que ces manquements ont empêché la chambre de remplir sa mission et porté atteinte à l'image du notariat ainsi qu'il résulte de lettres de relance de MM et Mmes [O], [F], [J], [W], [I] , [O] et [X] ; que le sort de leurs réclamations est sans incidence, le grief tenant à la tardiveté des réponses de Maître [L] ;
Sur le non respect des obligations relatives à la dématérialisation et à l'adresse courriel
Considérant que la décision litigieuse n'a pas retenu ces griefs invoqués dans la citation ;
Considérant qu'en l'absence d'appel incident, les développements des parties à cet égard sont donc sans conséquence ;
Sur les autres griefs
Considérant que, de même, la décision n'a pas retenu les griefs tirés de l'ouverture de comptes clients multiples, du non respect de la règle des 8% ou du risque fiscal causé par une mauvaise gestion ;
Considérant qu'en l'absence d'appel incident, les développements relatifs à ces griefs sont donc sans conséquence ;
Sur les conséquences
Considérant que les faits reprochés à Maître [L] sont donc, pour l'essentiel, démontrés ; qu'ils constituent des violations des dispositions précitées et caractérisent un non respect de ses confrères et des autorités de tutelle ;
Considérant qu'ils justifient donc le prononcé d'une sanction ;
Considérant qu'afin de sanctionner ces agissements, il convient de prendre en compte leur gravité et leur caractère répété mais aussi les circonstances dans lesquelles ils ont été commis ;
Considérant que Maître [L] a été condamné, le 16 octobre 2012, à la peine de la censure simple assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels durant trois ans ;
Considérant que Maître [L] avait demandé dès le 13 février 2012 la nomination de son épouse en qualité de notaire salarié au sein de son office ;
Considérant que la commission d'accès à la profession a émis, le 15 mai 2012, un avis défavorable à sa demande ;
Considérant que le ministère de la justice a nommé son épouse selon arrêté du 10 novembre 2016 ;
Considérant qu'il a indiqué à Maître [L] qu'il n'avait pas eu connaissance de la demande formée en 2012 ;
Considérant, en tout état de cause, que Maître [L] n'a bénéficié de l'aide d'un notaire salarié que quatre ans après en avoir fait la demande ; que les faits litigieux se sont déroulés durant cette période ;
Considérant que si l'étendue de certains manquements peut s'expliquer par la durée de la procédure de nomination, il appartenait, toutefois, à Maître [L] de rechercher d'autres solutions dans l'attente de cette nomination ;
Considérant, également, que Maître [L] a persisté dans ses manquements après la décision du 16 octobre 2012 ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la peine de censure devant la chambre assemblée sera confirmée mais l'inéligibilité réduite à trois ans ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;
DÉCLARE recevable le recours,
INFIRME la décision de la chambre régionale de discipline en ce qu'elle a retenu un retard dans la tenue de la comptabilité de 2016 et une obstruction aux inspections en 2016 et prononcé à l'encontre de Maître [L] la peine de la censure devant la chambre assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels pour une durée de six ans ;
Statuant de nouveau de ces chefs :
DÉCLARE infondés les griefs tenant au retard dans la tenue de la comptabilité de 2016 et à l'obstruction aux inspections réalisées en 2016 ;
PRONONCE à l'encontre de Maître [L] la peine de la censure devant la chambre assortie d'une inéligibilité aux chambres, organismes et conseils professionnels pour une durée de trois ans,
Y ajoutant :
LAISSE les dépens à la charge de Maître [L] ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,