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01/10/2019 | FRANCE | N°19/02311

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 01 octobre 2019, 19/02311


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4AF



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 OCTOBRE 2019



N° RG 19/02311 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TDIR



AFFAIRE :



[U] [U]



C/



LE PROCUREUR GÉNÉRAL

...



Société BTSG Mission conduite par Maître [X] ès qualités de liquidateur

Judiciaire de Monsieur [U] [U]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 20

19 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 18/00034



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 01/10/2019



à :



Me Richard NAHMANY



Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN



Me Oriane D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AF

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 OCTOBRE 2019

N° RG 19/02311 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TDIR

AFFAIRE :

[U] [U]

C/

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

...

Société BTSG Mission conduite par Maître [X] ès qualités de liquidateur

Judiciaire de Monsieur [U] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 18/00034

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 01/10/2019

à :

Me Richard NAHMANY

Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN

Me Oriane DONTOT

TGI NANTERRE

M-P

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [U]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (Cameroun)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Maître Richard NAHMANY avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 485 et par Maître J-P SOMMELET avocat plaidant au barreau de PARIS.

APPELANT

****************

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Etablissement Public COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DES YVELINES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1700665.

INTIMES

****************

LA SOCIÉTÉ BTSG mission conduite par Maître [X] ès qualités de liquidateurJudiciaire de Monsieur [U] [U]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20190393

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Septembre 2019, Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN

Monsieur [U] [U] exerce la profession de maître d'oeuvre à titre indépendant depuis le 5 janvier 2009. La société Acrotère, dont il a été le gérant, lui confie des missions d'assistant de maître d'oeuvre et de direction de travaux.

Par arrêt rendu le 22 juin 2010, la cour d'appel de Lyon a prononcé à l'encontre de M. [U] une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de sept ans.

Le 22 novembre 2017, M. [U] a été assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de constatation de son état de cessation des paiements et d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou subsidiairement de liquidation judiciaire par le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines, qui se prévalait d'une créance exécutoire d'un montant de 67 338,73 euros au titre de la TVA impayée.

Le 19 février 2018, M. [U] et le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines ont conclu un protocole d'accord aux termes duquel M. [U] s'est engagé à procéder au règlement échelonné de sa dette professionnelle et personnelle envers l'organisme par le versement d'une première échéance de 30 000 euros suivie d'échéances mensuelles de 9 500 euros à compter du 20 mars 2018, le dernier règlement étant fixé au 20 août 2019. En raison de cet accord, l'affaire a été radiée du rôle selon jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 23 mars 2018.

M. [U] n'ayant pas effectué le premier versement, le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle.

Par jugement du 29 juin 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné une mesure d'enquête sur la situation économique, financière et sociale de M. [U]. Suivant ordonnance du même jour, maître [M] a été désigné pour assister le juge commis dans son enquête.

M. [U] a interjeté appel de ces deux décisions. Par ordonnance du 13 mars 2019, il a été prononcé la caducité de sa déclaration d'appel à l'encontre du jugement du 29 juin 2018 et par arrêt du 13 mars 2019, sa déclaration d'appel à l'encontre de l'ordonnance désignant maître [M] a été annulée.

Par avis écrit du 12 octobre 2018, le juge commis a indiqué qu'il faisait sien le rapport de maître [M] daté du 12 septembre 2018.

Selon jugement contradictoire et assorti de l'exécution provisoire du 22 mars 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- rejeté la demande de M. [U] [U] de transmission à la Cour de cassation d'une question

prioritaire de constitutionnalité ;

- rejeté la demande du pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines au titre de l'article 700 du

code de procédure civile ;

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [U] [U] ;

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 22 septembre 2017 ;

- désigné la SCP BTSG, prise en la personne de maître [X], en qualité de liquidateur judiciaire ;

- fixé à un an le délai au terme duquel la clôture des opérations de liquidation judiciaire devra

intervenir, soit au 22 mars 2020 au plus tard.

M. [U] a interjeté appel de cette décision le 29 mars 2019.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 juin 2019, il demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement pour défaut de réponse aux exceptions et fin de non-recevoir et, au fond, absence de cessation des paiements ;

- prononcer la nullité du « rapport du juge commis en date du 12 octobre 2018 par avis » faute de dépôt au greffe et de notification au débiteur et au ministère public ;

- prononcer la nullité de la procédure et du « rapport » établi par l'expert commis pour violation des dispositions des articles 1 et 61 de la Constitution, de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, des articles 16, 20, 184, 454, 456, 457, 458,502 du code de procédure civile et des articles L.621-1 et L.623-2 du code de commerce ;

- prononcer l'extinction de l'instance en raison du règlement des causes de l'assignation ;

- dire et juger que le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines n'a plus qualité pour exercer l'action faute d'intérêt, la créance objet de l'assignation ayant été réglée intégralement, faute aussi de titre exécutoire, sa créance alléguée prêtant à contestation ;

À titre subsidiaire :

- dire et juger qu'il n'est pas en état de cessation de paiement, comme l'ont démontré le règlement des causes de l'assignation, le paiement des sommes dues postérieurement au Trésor, le règlement de l'Urssaf et l'accord pris avec cet organisme pour le solde ;

A titre très subsidiaire :

- prononcer son redressement judiciaire, étant à même d'apurer ses créances professionnelles par un plan d'apurement, mais aussi de régler ses dettes personnelles ;

en conséquence,

- débouter le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines en toutes ses demandes et le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 juin 2018, le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines, demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

Et statuant à nouveau,

- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 juin 2019, la SCP BTSG, ès qualités, demande à la cour de prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice et d'admettre les dépens en frais privilégiés de procédure collective de la société Cases investissement [sic] en autorisant maître Dontot à en recouvrer le montant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans son avis communiqué par RPVA le 2 avril 2019, le ministère public recommande la confirmation du jugement sauf à ce que M. [U] rapporte la preuve de l'absence d'un état de cessation des paiements.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Il convient de relever en préalable que si M. [U] a relevé appel du jugement non seulement en ce que le tribunal a prononcé sa liquidation judiciaire mais aussi en ce qu'il a refusé de transmettre sa question prioritaire de constitutionnalité, il n'a pas présenté de moyen relatif à cette question devant la cour, que ce soit dans ses dernières écritures ou conformément aux dispositions de l'article 126-1 du code de procédure civile, dans un écrit motivé et distinct de ses conclusions, en sorte qu'il est réputé avoir abandonné cette demande.

Sur la régularité de la procédure de première instance :

M. [U], à l'appui de sa demande de nullité de la procédure de première instance et des rapports du juge commis et de maître [M], invoque la méconnaissance du principe d'impartialité du juge et de tout auxiliaire de justice et du respect des droits de la défense qui impliquent en particulier l'existence d'une procédure judiciaire équitable reposant sur l'égalité des armes et le respect du principe du contradictoire. Il explique que le mandataire judiciaire désigné par le juge commis le 29 juin 2018, par une décision qui ne lui a pas été signifiée, n'est pas objectivement indépendant, qu'il a désigné un collaborateur alors qu'il était tenu d'exercer personnellement sa mission et qu'il s'est substitué au juge alors qu'il n'avait qu'une mission d'assistance, exerçant ses pouvoirs et en commettant 'des excès de pouvoir' en convoquant le débiteur et en rédigeant en lieu et place du juge un rapport qui détermine, au lieu et place de la juridiction, l'état de cessation des paiements et lui indique la décision à prononcer ; qu'en outre maître [M] a rédigé une note complémentaire le 8 janvier 2019 alors qu'il n'avait plus qualité pour ce faire. M. [U] souligne que le rapport, qui a été déposé hors délai, ainsi que l'avis du 2 octobre 2018 par lequel le juge commis aurait indiqué qu'il faisait sien ce rapport et la note complémentaire ne lui ont pas été notifiés par le greffe.

Le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines indique que M. [U] ne saurait se prévaloir de la nullité de la procédure de première instance pour défaut de signification du jugement et de l'ordonnance du 29 juin 2018 dans la mesure où il a interjeté appel de ces décisions, de sorte qu'il ne justifie d'aucun grief viciant cette procédure ; que le juge commis, en application des dispositions de l'article L.621-1 du code de commerce qui lui permettent d'être assisté de tout expert de son choix, a régulièrement désigné pour ce faire maître [M], qui en sa qualité de mandataire judiciaire bénéficie d'une certaine expertise qu'il a mise en oeuvre pour recueillir des renseignements sur la situation de M. [U] sans commettre d'excès de pouvoir et sans se substituer au juge ; qu'enfin le rapport, dont les termes ne lient pas le tribunal, a été soumis à un débat contradictoire, de sorte que les droits de la défense ont été respectés.

La demande de nullité de la procédure de première instance, soutenue par M. [U], s'analyse en une demande aux fins également d'annulation du jugement.

La désignation, le 29 juin 2018, d'un juge commis par le tribunal, préalablement à l'ouverture de la procédure collective, est intervenue conformément aux dispositions de l'article L.621-1 du code de commerce qui prévoit que le tribunal peut, avant de statuer, commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise et que ce juge peut se faire assister de tout expert de son choix.

Maître [M] a été désigné par le juge commis par le tribunal conformément à ces dispositions pour effectuer toutes constatations utiles par la consultation des documents sociaux et des pièces comptables pouvant contribuer à une meilleure connaissance des difficultés auxquelles le débiteur est confronté et déposer un rapport sur la situation financière, économique et sociale de ce dernier et sur tous éléments utiles à l'appréciation de sa solvabilité au regard de l'article L.621-1 du code de commerce. C'est dans ce cadre que le mandataire judiciaire s'est attaché à recueillir les éléments permettant d'éclairer le tribunal sur la situation de M. [U], sans que ce dernier ne puisse lui reprocher d'avoir excédé sa mission en le convoquant à son étude où celui-ci s'est présenté, accompagné de son conseil, cette convocation ayant au contraire offert à M. [U] la possibilité de s'expliquer directement et précisément sur sa situation. De même, il ne peut être reproché à maître [M] de donner son avis sur l'état de cessation des paiements et les possibilités de redressement de M. [U], étant observé que ses observations ne s'imposent ni au juge commis ni au tribunal.

La partialité de maître [M] n'est pas démontrée, celle-ci ne pouvant se déduire du seul fait qu'il est mandataire judiciaire. Si M. [U] affirme que ce dernier n'aurait pas exercé personnellement sa mission et l'aurait déléguée à un collaborateur, qui a effectivement échangé des messages avec le conseil de M. [U], il convient de relever que le rapport est établi sous le nom et la signature de maître [M] et que l'enquête, menée en application des dispositions de l'article L.121-1 et qui n'est pas assimilable à une expertise, ne peut encourir l'annulation sur le fondement de l'article 233 du code de procédure civile.

Le rapport de maître [M], dont d'après le message électronique du 8 janvier 2019 une copie aurait été adressée au conseil de M. [U], n'encourt donc pas l'annulation, peu important qu'il ait été déposé au delà du délai fixé par le juge commis.

Il ressort du jugement, du dossier du tribunal et des propres écritures de M. [U] que le juge commis a donné son avis par écrit ; celui-ci a en effet apposé le 12 octobre 2018, sur le rapport de maître [M], son nom et sa signature précédée de la mention ' Faisons nôtre le rapport de maître [M]'. Cet avis du juge commis, lequel ne lie pas davantage le tribunal que le rapport du mandataire judiciaire qui l'a assisté dans son enquête, n'encourt pas la nullité.

Si le rapport du juge commis auquel est annexé le rapport de maître [M] a ainsi été déposé au greffe, conformément à l'article R.621-3 alinéa 2 du code de commerce, il ne ressort cependant ni du jugement ni du dossier du tribunal que conformément à cet article, il a été communiqué par le greffier au débiteur avant l'audience du 8 février 2019 à laquelle l'affaire a été mise en délibéré.

Il ressort des conclusions de M. [U] que ce n'est qu'à la dernière audience du 8 février 2019 que son conseil a été informé que le juge commis avait fait siennes les conclusions de l'expert.

La lecture de la note d'audience mentionne que le conseil de M. [U] a demandé le renvoi de l'affaire dans l'attente de la communication du rapport du juge commis, celui-ci soulignant à cette occasion que son client n'en avait reçu aucune notification.

Le tribunal qui n'a pas accueilli cette demande a porté atteinte au principe de la contradiction, rappelé à l'article 16 du code de procédure civile et aux droits de la défense de M. [U], d'autant qu'à la lecture des motifs du jugement, le tribunal s'est appuyé sur des éléments recueillis par le rapport d'enquête pour prononcer la décision dont appel.

Le jugement encourt par conséquent l'annulation. Celle-ci ne résultant pas d'une irrégularité affectant l'acte introductif d'instance, il appartient à la cour de statuer au fond au regard de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur l'intérêt à agir du pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines :

M. [U] indique qu'il a réglé auprès du pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines la somme de 67 338,13 euros, cause de l'assignation, de sorte que ce dernier n'a plus d'intérêt à agir et que l'instance est éteinte faute d'objet.

Le pôle de recouvrement spécialisé expose que si les règlements effectués par M. [U] ont permis d'apurer la totalité des créances professionnelles visées dans l'assignation, des créances identifiées ultérieurement ont alourdi le passif fiscal professionnel de l'appelant, qui s'élève à la somme de 55 517,87 euros, outre un passif personnel de 150 953,10 euros. Il souligne que dans la mesure où l'assignation a pour objet l'ouverture d'une procédure collective, le règlement des causes de l'assignation n'a aucune incidence sur son intérêt à agir dans la mesure où M. [U] demeure dans l'incapacité de régler ses dettes à leur échéance.

La présente procédure n'a pas été introduite sur une assignation en paiement mais sur une assignation, délivrée à l'initiative du pôle de recouvrement spécialisé, aux fins de constater l'état de cessation des paiements de M. [U] et de prononcer son redressement judiciaire ou subsidiairement sa liquidation judiciaire.

Par conséquent, quand bien même les causes de l'assignation ont été réglées, le pôle de recouvrement spécialisé qui soutient que M. [U] reste devoir des sommes au titre de ses impositions professionnelles et personnelles et qu'il est en état de cessation des paiements, a un intérêt à agir et est recevable en sa demande, étant souligné que la cour apprécie l'état de cessation des paiements des débiteurs au jour où elle statue.

Sur l'ouverture d'une procédure collective :

M. [U] conteste son état de cessation des paiements et expose, en observant que seul son passif professionnel doit être pris en compte, que la créance du pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines, d'un montant de 36 167,87 euros, a été réglée en totalité depuis l'introduction de l'instance par trois versements et dont le pôle de recouvrement spécialisé n'a pas tenu compte en totalité, l'appelant soulignant qu'on ne peut en outre lui reprocher l'absence de règlement des sommes dues postérieurement à l'ouverture de la procédure ; il ajoute que la créance de l'Urssaf, d'un montant de 28 886 euros, a été réglée intégralement.

Il fait valoir qu'en tout état de cause son revenu, de 217 075 euros en 2018, lui permet de faire face à la créance invoquée par le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines et de régler son éventuel passif professionnel exigible dans le cadre d'un plan d'apurement.

Il ajoute que son revenu ainsi que celui de sa compagne lui permettent de faire face à son passif personnel, composé d'un prêt bancaire d'un montant à échoir de 152 000 euros et d'un arriéré d'impôt qui doit être recalculé par les services fiscaux et qui devrait s'établir entre 50 000 et 60 000 euros au lieu de la somme de 134 488 euros indiquée par la trésorerie.

Le pôle de recouvrement spécialisé fait valoir que M. [U] est redevable au total de la somme de 194 815 euros au titre de ses impositions professionnelles et personnelles, somme supérieure à son chiffre d'affaires annuel et que celui-ci, qui n'a jamais émis de contestation relativement à la TVA et qui se prévaut d'un abandon de créance pour la première fois en cause d'appel, s'abstient systématiquement de s'en acquitter et n'apparaît pas en mesure de régler les impositions au fur et à mesure de leur échéance, de sorte que sa dette fiscale ne diminue pas. Il ajoute que M. [U] n'a pas respecté ses engagements pris dans le cadre du protocole d'accord, seuls dix règlements d'un montant de 9 500 euros ayant été honorés, preuve qu'il n'est pas en mesure de respecter ses engagements ; que le versement de 27 000 euros, allégué par M. [U] et intervenu le 10 mai 2019, postérieurement à l'ouverture de la procédure, ne peut s'imputer sur les créances antérieures conformément aux dispositions de l'article L.622-7 du code de commerce et ne pourra qu'être affecté à l'apurement des créances postérieures. Il observe que si M. [U] a effectué des règlements pour apurer les sommes visées dans l'assignation, les tentatives de recouvrement opérées à compter de 2014 se sont avérées vaines, que celui-ci n'a pas été dans le même temps en capacité de s'acquitter des nouvelles impositions émises au fur et à mesure et qu'en outre les règlements effectués ne proviennent pas de l'appelant mais de la société Acrotère, ce qui prouve qu'il n'est pas en mesure d'assumer seul ses charges. Le pôle de recouvrement spécialisé qui ajoute que le rapport de maître [X], ès qualités, montre que le passif de M. [U] s'élève à ce jour à la somme de 487 578 euros, considère que l'état de cessation des paiements de M. [U] qui ne dispose d'aucun actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible, est ainsi caractérisé et que sa situation fiscale, 'complètement obérée, ne présente aucune possibilité de règlement par voie de plan de règlement'.

La SCP BTSG fait observer que la première échéance du plan d'apurement conclu avec le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines n'a pas été réglée, de sorte que la dette fiscale n'est pas apurée à ce jour. Elle souligne également que tous les règlements au profit de l'administration fiscale ont été effectués par la société Acrotère et non par M. [U] lui-même et que par ailleurs, l'examen des comptes de résultat de M. [U] fait ressortir un résultat bénéficiaire de 54 259 euros pour 2016 et 62 927 euros pour 2017 mais sans que les dettes fiscales et sociales soient toutefois prises en compte ; qu'enfin, l'état des créances fait ressortir un important passif de 487 578 euros, dont 455 955,20 à titre privilégié.

Sur la cessation des paiements :

Selon l'article L 631-1 du code de commerce, tout débiteur dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation des paiements ; le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. Conformément au principe de l'unité du patrimoine, le passif exigible est constitué de toutes les dettes certaines, liquides et exigibles du débiteur, quelle que soit leur nature, qu'elles soient ou non professionnelles.

Enfin, la cour d'appel, saisie de l'appel du jugement d'ouverture, doit apprécier si les conditions de la cessation des paiements sont réunies au jour où elle statue.

Il ressort des éléments du dossier que :

* M. [U] n'a pas respecté l'échéancier conclu avec l'administration fiscale pour le règlement échelonné de sa dette d'un montant de 201 283,73 euros. Il n'a pas respecté cet échéancier faute de paiement de la première mensualité de 30 000 euros , même si des règlements sont intervenus postérieurement ; cette créance est par conséquent exigible ;

* au vu des bordereaux de situation, des avis de mis en recouvrement communiqués par le pôle de recouvrement spécialisé et compte tenu des règlements opérés pour le compte de M. [U] et dont il est justifié, est exigible au titre de la taxe sur la valeur ajoutée impayée depuis 2013 et arrêtée au 15 juin 2019 et de la cotisation foncière des entreprises, la somme de 28 517,87 euros ( 36 167,87 + 19 350 euros - 27 000 euros, règlement versé le 29 avril 2019 qu'il convient de prendre en compte, le jugement prononçant la liquidation judiciaire étant annulé), étant précisé que les autres versements dont M. [U] a justifié ont été imputés sur les sommes dues par l'administration fiscale et que l'appelant ne conteste pas en leur quantum les sommes réclamées au titre de la CFE et de la TVA et notamment pas la somme de 19 350 euros correspondant à la dernière déclaration de TVA authentifiée le 15 juin 2019;

* au vu du bordereau de situation établi le 14 mai 2019 accompagné des avis d'imposition portant sur les revenus de 2012 à 2017, des avis de paiement ou tentatives d'exécution concernant les taxes d'habitation de 2013 à 2016 et les taxes foncières de 2013 à 2018, est exigible la somme de 150 953,10 euros, étant précisé qu'il n'est pas justifié que cette somme devrait être recalculée comme l'indique M. [U] qui expose dans ses écritures que serait au moins exigible à ce titre une somme comprise entre 50 000 et 60 000 euros ;

* s'agissant de la créance déclarée par l'Urssaf au cours de l'enquête, à hauteur de la somme de 32 069 euros puis à la somme de 28 886 euros 'après un règlement partiel intervenu le 10 décembre 2018" selon le mail de l'Urssaf du 7 janvier 2019 à maître [M], celle-ci correspond comme confirmé par maître [X], aux cotisations impayées du 1er trimestre 2014 au 3ème trimestre 2018. Contrairement à ce que soutient M. [U], cette créance n'est pas apurée dans la mesure où il ressort des éléments qu'il communique que :

++ le relevé de situation comptable sous sa pièce 38 est relatif au détail de 'sa situation comptable correspondant à l'année 2019" qui ne fait état que de l'apurement des cotisations du 1er trimestre 2019 ( 2 732 euros) et de celles de l'année 2018 dont celles du 4ème trimestre d'un montant de 3 936 euros,

++ les règlements pour le compte de M. [U], selon sa pièce 28, ont été effectués :

-le 9 décembre 2018 à hauteur de 5 809 euros, règlement qui a été imputé par l'Urssaf à hauteur de la somme de 3 183 euros à la dette de 32 069 euros, soit une somme de 2 626 euros à affecter aux autres sommes dues à l'Urssaf,

- le 22 janvier 2019, à hauteur de la somme de 5 522 euros et de la somme de 10 840 euros, enregistrées respectivement pour la période associée au dernier trimestre 2018 et pour celle du 3ème trimestre 2018, comme précisé dans le message de l'Urssaf.

Au vu de ces éléments, la créance de l'Urssaf arrêtée au 1er trimestre 2019 s'évalue à la somme de 16 566 euros ( 28 886 + 3936 + 2 732 - 2 626 - 5 522 -10 840).

Le passif exigible de M. [U] s'établit donc à tout le moins à la somme de 196 036,97 euros, étant précisé que le passif à échoir de 152 500 euros correspondant au montant du capital restant dû sur le prêt immobilier souscrit par M. [U] n'est pas exigible.

Au titre des éléments d'actif de M. [U], il a été indiqué par maître [X] qu'il avait sollicité la clôture des deux comptes bancaires dont il avait été informé que celui-ci était titulaire, son rapport ne contenant pas d'information sur la position créditrice de ses comptes. Les seuls relevés communiqués par M. [U], relatif à son compte Nickel, ouvert auprès de la société Financière des paiements électroniques, font état au d'un solde créditeur de 3,29 euros au 28 février 2019. Il n'indique pas si son compte ouvert au Crédit agricole était créditeur.

Le commissaire-priseur, désigné par les premiers juges, n'a pu dresser d'inventaire compte tenu de l'hospitalisation de M. [U] qui communique toutefois un mail de son conseil du 3 juin 2019, sous sa pièce 42, indiquant qu'il a adressé 'une attestation' au commissaire-priseur pour lui indiquer 'qu'il ne détient aucun mobilier ou matériel'.

Le bien immobilier dont M. [U] est propriétaire dans un immeuble en copropriété à [Adresse 5] n'est pas un actif disponible, étant observé que le conseil du syndicat des copropriétaires a indiqué à maître [X], par courrier du 15 avril 2019, qu'il avait été entrepris une procédure de saisie immobilière avant l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Enfin, si M. [U] évoque dans ses écritures 'le compte courant créditeur' qu'il détiendrait au sein de la société Acrotère, ce compte dont il indique avoir 'fait abandon partiel en 2017 pour un montant de 124 613 euros' et dont il ne précise pas le montant actuel ne peut constituer un actif disponible.

Dans ces conditions, M. [U] ne dispose pas de l'actif disponible lui permettant de faire face à son passif exigible et il se trouve en état de cessation des paiements.

Compte tenu de l'ancienneté des créances exigibles, il convient, conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 631-8, de fixer la date de cessation des paiements au 1er avril 2018.

Sur la possibilité de redressement :

Aux termes de l'article L 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

M. [U] verse aux débats ses trois dernières déclarations fiscales 2035 accompagnées des bilans portant sur les exercices 2016 à 2018, lesquels mentionnent un chiffre d'affaires en hausse de 2016 à 2018 et un résultat positif, étant cependant observé que le montant des sommes dues au titre de la TVA et des cotisations sociales, non reporté dans ces bilans, diminue le bénéfice qui y est mentionné.

Cependant M. [U] qui a cessé son activité en suite du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et dont l'exécution provisoire n'a pas été arrêtée, ne communique aucun état prévisionnel établi par un professionnel du chiffre ; le contrat de prestation de services le plus récent, qu'il a signé avec la société Acrotère pour une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution sur un chantier, a été signé le 9 juillet 2018 pour une durée d'un an et il ne communique aucun document justifiant qu'une mission pourrait lui être de nouveau confiée s'il reprenait son activité.

M. [U] ne dispose d'aucune trésorerie lui permettant d'apurer ses charges courantes, notamment fiscales et sociales, étant observé que tous les règlements effectués pour régler les sommes dont il était redevable l'ont été par la société Acrotère et non par l'appelant lui-même.

Dans ces conditions, le redressement de M. [U] est manifestement impossible. Il convient, M. [U] n'employant pas de salarié et son chiffre d'affaires étant inférieur à 300 000 euros, de prononcer sa liquidation judiciaire simplifiée dans les termes du dispositif.

Il ne peut y avoir recouvrement direct des dépens par l'avocat de la SCP BTSG intimée compte tenu de l'ouverture de la procédure collective à l'égard de l'appelant.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire

Déclare recevable l'appel de M. [U] [U],

Déclare recevable le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines en son action,

Annule le jugement du 22 mars 2019,

Ouvre une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'encontre de M. [U] [U],

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 1er avril 2018,

Désigne Mme Pascale Loué-Williaume juge-commissaire et Mme Céline Champagne juge-commissaire suppléant,

Désigne la SCP BTSG², mission conduite par maître [X], en qualité de liquidateur judiciaire,

Dit que le liquidateur déposera au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet, ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans un délai de six mois à compter de la publication de la décision d'ouverture au Bodacc,

Désigne la SCP [D]-[V], mission conduite par maître [V], commissaire-priseur, aux fins de réaliser l'inventaire, et le cas échéant la prisée, du patrimoine du débiteur et dit que le commissaire-priseur déposera son rapport au greffe du tribunal et le communiquera aux personnes prévues par l'article R.622-4 du code de commerce,

Fixe à six mois le délai au terme duquel la clôture des opérations de liquidation judiciaire devra intervenir,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02311
Date de la décision : 01/10/2019
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°19/02311 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-01;19.02311 ?
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