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01/10/2019 | FRANCE | N°18/03113

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 01 octobre 2019, 18/03113


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 93A





DU 01 OCTOBRE 2019





N° RG 18/03113

N° Portalis DBV3-V-B7C-SLPL





AFFAIRE :



Le DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS

C/

[G] [V]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES


N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 16/06342



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,



-Me Julie GOURION









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 93A

DU 01 OCTOBRE 2019

N° RG 18/03113

N° Portalis DBV3-V-B7C-SLPL

AFFAIRE :

Le DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS

C/

[G] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 16/06342

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

-Me Julie GOURION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS,

agissant sous l'autorité du Directeur Général des Finances Publiques

Pôle Fiscal Parisien 1 - Pôle Juridictionnel Judiciaire 11

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant/déposant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1859669

APPELANT

****************

Monsieur [G] [V]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 7] (GRÈCE)

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Julie GOURION, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 218591

Me Yann DELOFFRE, avocat plaidant - barreau de SENLIS

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Juin 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 5 avril 2018 qui a statué ainsi :

Déclare prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale pour les années 2007 et 2008,

Annule l'avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015,

Ordonne le dégrèvement subséquent des impositions,

Dit que le Trésor Public devra rembourser les dépens de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel du directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris en date du 2 mai 2018.

Vu les dernières conclusions en date du 25 mars 2019 du directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris qui demande à la cour de :

- infirmer le jugement

- confirmer la décision administrative de rejet du 25 février 2016 de la demande en décharge des rappels mis en recouvrement, d'un montant de 43 941 euros ;

- débouter M. [G] [V] de ses demandes, fins et conclusions ;

- rejeter les demandes de M. [V] en paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

- condamner M. [V] aux entiers dépens de première instance d'appel et dire qu'en toute hypothèse les frais de constitution d'avocat resteront «'à leur charge'».

Vu les dernières conclusions en date du 2 novembre 2018 de M. [V] qui demande à la cour de :

Confirmer le jugement

Condamner l'administration fiscale à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'Administration Fiscale aux entiers dépens.

Dire que les dépens pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 avril 2019.

*******************************

Faits et moyens

Par lettre du 3 novembre 2014, l'administration fiscale a demandé à M. [V] de lui fournir toutes informations et justifications sur des avoirs détenus ou utilisés à l'étranger et non déclarés soit l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur un compte ouvert dans une succursale de la banque Banco Santander sous le numéro [XXXXXXXXXX01].

Par courrier du 19 janvier 2015, le service vérificateur l'a mis en demeure de compléter les informations fournies.

Par courrier du 19 mars 2015, une proposition de rectification a été adressée à M. [V].

Le rappel de droits d'enregistrement a fait l'objet d'une mise en recouvrement le 29 mai 2015.

Par décision du 25 février 2016, la réclamation contentieuse présentée par M. [V] a été rejetée.

Par acte du 25 avril 2016, M. [V] a fait assigner l'administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Ile de France devant le tribunal de grande instance de Versailles qui a prononcé le jugement déféré.

Aux termes de ses écritures précitées, le directeur régional de finances publiques d'Ile de France et du département de Paris expose qu'une demande d'assistance administrative internationale a été effectuée le 5 février 2014 et une demande complémentaire le 10 juillet 2014 auprès des autorités fiscales espagnoles par la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France, que l'examen de leurs réponses parvenues au service les 29 avril et 18 août 2014 a permis de constater que M. [V] était titulaire d'un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01] ouvert depuis le 22 octobre 2003 en Espagne auprès de l'établissement bancaire Banca Personal Internacional, succursale de la Banco Santander et que ce compte n'avait fait l'objet d'aucune déclaration à l'administration fiscale française au titre des années 2003 à 2012.

Il explique ainsi la demande d'informations et de justifications adressée à M. [V] le 3 novembre 2014 portant sur les avoirs figurant sur ce compte entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009.

Il relate les échanges avec son conseil, la mise en demeure adressée le 19 janvier 2015, la taxation aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé prévu par l'article 777 du code général des impôts (60%) de la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte bancaire ouvert en Espagne au cours de la période considérée,'la proposition de rectification, la mise en recouvrement de la somme de 43.941 euros, le rejet de la réclamation et la procédure étant précisé que le jugement a été exécuté.

Il reproche au tribunal d'avoir déclaré prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale pour les années 2007 et 2008 alors que l'article L 169 alinéa 5 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable au cas d'espèce.

Le directeur rappelle l'article 8 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 qui tire les conséquences fiscales de l'absence d'information et de justification par un contribuable de l'origine de ses avoirs étrangers non déclarés en les réputant, jusqu'à preuve contraire, constituer un patrimoine acquis à titre gratuit.

Il rappelle également que cette présomption simple peut être levée par le contribuable en justifiant de l'origine et des modalités d'acquisition des avoirs dissimulés à l'étranger, quel que soit le caractère imposable ou non des sommes à l'origine de ces avoirs et leur imposition effective ou non.

Il rappelle enfin qu'à défaut de justification, l'imposition est effectuée selon une procédure de taxation d'office.

Il précise que ces dispositions sont codifiées à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, à l'article 755 du code général des impôts et à l'article L. 71 du livre des procédures fiscales.

Il indique que ces dispositions s'appliquent aux demandes adressées par l'administration à compter du 1er janvier 2013 relatives aux avoirs figurant sur des comptes ou des contrats d'assurance-vie étrangers non déclarés au moins une fois au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications.

Il souligne que le fait générateur des droits de mutation à titre gratuit est constitué par l'absence de réponse ou la réponse insuffisante à la demande adressée au contribuable en application de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales.

Il déclare qu'il intervient à la date d'expiration des délais prévus à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales.

Il expose que ce dispositif ne vise pas à réprimer le défaut de déclaration des comptes à l'étranger mais l'absence de justification de l'origine des avoirs qui n'ont pas été communiqués à l'administration, ces sommes étant présumées acquises à titre gratuit et devant donc être soumises aux droits de mutation à titre gratuit.

Il souligne qu'en application des dispositions de l'article 755 du code général des impôts, aucune taxation n'est effective si l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs ont été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L.23 C précité et ce quand bien même les obligations prévues à l'article 1649 A du code général des impôts n'auraient pas été respectées par le contribuable.

Il rappelle que, selon une jurisprudence constante, le législateur peut, disposant pour l'avenir, sans porter atteinte à des situations juridiques acquises, déterminer une assiette se rapportant à des éléments d'une période antérieure au fait générateur de l'imposition et à la promulgation de la loi.

Il en conclut, se prévalant d'une décision du Conseil constitutionnel et d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 septembre 2017 concernant un litige similaire qu'une imposition peut sans être rétroactive, reposer sur une assiette dont les éléments sont constitués antérieurement à son fait générateur et à la publication de la loi qui l'institue .

Il rappelle les faits précités concernant M. [V].

S'agissant du délai de reprise, il déclare que l'article L 169 alinéa 5 du livre des procédures fiscales auquel fait référence le jugement n'est pas cité dans la proposition de rectification car il ne concerne pas le présent litige puisqu'il s'applique en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés.

Il conclut que le tribunal a fait une mauvaise appréciation des textes au regard des règles relatives au droit de reprise de l'administration en écartant la taxation de sommes figurant sur le compte litigieux en 2007.

En réponse à l'intimé, il fait valoir que l'article 58, I-1 de la loi n°2011-1978 du 28 décembre 2011 concerne le cinquième alinéa de l'article L 169 et réitère que celui-ci n'est pas applicable au motif qu'il ne s'agit pas de taxer les revenus des avoirs litigieux mais les avoirs eux-mêmes selon la procédure prévue par l'article L 23 C du livre des procédures fiscale.

Il se prévaut également de l'article 1649 A, alinéa 2, en vigueur du 15 juin 1990 au 1er janvier 2019, qui impose une déclaration de tous les comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.

Il conteste donc qu'un compte bancaire espagnol n'ait pas eu à être déclaré avant le 1er janvier 2012.

S'agissant de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, il rappelle les articles L 57 et R 57-1 du livre des procédures fiscales.

Il affirme que l'administration a indiqué les motifs de droit ou de fait des rehaussements, de telle sorte que le contribuable puisse prendre position en toute connaissance de cause et qu'elle lui a fait connaître la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés.

Il estime que les explications apportées sur la détermination de l'assiette retenue pour le calcul des droits dans les conclusions d'appel ne peuvent être considérées comme des éléments de motivation manquants dans la proposition de rectification de nature à considérer que la proposition de rectification est insuffisamment motivée au sens de l'article L 57 précité.

Il indique qu'il a été produit avec la mise en demeure du 19 janvier 2015 les documents fournis par les autorités espagnoles en réponse aux demandes d'assistance administrative des 5 février 2014 et 10 juillet 2014 soit des opérations de compte faisant apparaître les débits et crédits opérés sur le compte.

Il estime que ces documents n'avaient pas à être annexés à la proposition de rectification.

Il ajoute démontrer que le rappel est fondé dans son principe et dans son montant.

S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement, il fait valoir qu'il résulte du 3ème alinéa de l'article R 256-1 du livre des procédures fiscales applicable depuis sa modification par décret n°2000-348 du 20 avril 2000 que, lorsqu'il fait suite à une procédure de rectification contradictoire, l'avis de mise en recouvrement n'a pas à mentionner les textes fondant les rectifications comme il était exigé auparavant.

Il indique qu'en l'espèce, l'avis de mise en recouvrement fait référence à la proposition de rectification qui constitue par ailleurs le dernier document adressé au contribuable.

L'appelant affirme justifier sur le fond de sa créance.

Il conteste que le service vérificateur ait commis une erreur dans la détermination de l'assiette retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit prévu à l'article 755 du code général des impôts.

Il rappelle que, conformément à l'article 755 du code général des impôts, les droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées.

Il souligne que l'assiette est constituée par les avoirs, ou la fraction des avoirs, figurant sur les comptes au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées au terme de la procédure prévue par l'article L 23 C du livre des procédures fiscales.

Il déclare que les copies des documents fournis par les autorités espagnoles en réponse aux demandes d'assistance administrative ont été jointes à la mise en demeure adressée à M. [V] le 19 janvier 2015 et précise qu'il s'agit notamment des relevés bancaires du compte afférents aux années 2007, 2008 et 2009.

Il indique que la valeur la plus élevée des avoirs figurant sur le compte bancaire de l'intimé se déduisait directement des copies des relevés bancaires de ce compte qui étaient jointes en annexe de la mise en demeure du 19 janvier 2015, ces relevés reproduisant la liste exhaustive des soldes et des sommes portées en débit et en crédit des années 2007 à 2009.

Il cite ces montants d'où il résulte que le solde créditeur le plus élevé s'élève à 73.235,69 euros, montant au 4 octobre 2007.

Il ajoute que M. [V] disposait de toutes les informations nécessaires pour vérifier l'exactitude du solde créditeur le plus élevé retenu par le service vérificateur dans la proposition de rectification du 19 mars 2015.

Il affirme qu'il n'a apporté aucun début d'explication sur l'origine de ces avoirs, ni aucun justificatif que l'administration fiscale aurait pu examiner.

Aux termes de ses écritures précitées, M. [V] relate les phases de la procédure.

S'agissant de la prescription, il cite les articles 1649 A du code général des impôts et L 169 alinéa 5 du livre des procédures fiscales.

Il déclare que cette prescription décennale ne concernait avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 (Article 58,I-1), que les comptes ouverts, utilisés ou clos dans des Etats ou territoires n'ayant pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale et que, depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2012, le périmètre de la prescription décennale a été élargi, la référence aux Etats ou territoires n'ayant pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ayant été supprimée.

Il fait donc valoir que sont visés par la prescription décennale, à compter du 1er janvier 2012, tous les comptes étrangers.

Il cite également les articles L 169 et L 180-0A du livre des procédures fiscales et affirme que cette dernière disposition, issue de l'article 8, II-F de la loi 2012-1510 du 29 décembre 2012, s'applique aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2012.

Il soutient que, s'agissant en l'espèce d'un compte espagnol, la prescription décennale de l'article L169 du livre des procédures fiscales ne pouvait s'appliquer qu'à compter de l'année 2009 selon l'article 1649 A du code général des impôts et de l'année 2010 selon l'article L23 C du livre des procédures fiscales.

Il expose, concernant l'article L169 qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, seule la prescription triennale était applicable pour les comptes ouverts, détenus ou clos dans des états ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, comme l'Espagne.

Il conclut qu'au moment de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 1er janvier 2012, le défaut de déclaration du compte espagnol était prescrit pour les années 2007 et 2008, respectivement le 31 décembre 2010 et le 31 décembre 2011.

Il affirme que seule l'année 2009 est susceptible d'être soumise à la prescription décennale, sous réserve que le solde des avoirs étrangers au 31 décembre de cette année excède 50.000 euros, ce que l'Administration ne démontre pas.

Il expose également, concernant l'article afférent aux droits d'enregistrement, que l'article 8, II-F de la loi 2012-1510 du 29 décembre 2012 institue une prescription décennale en matière de droits d'enregistrement afin de permettre la taxation aux droits de mutations à titre gratuit du montant des avoirs d'un compte bancaire étranger non déclaré par la combinaison des article L23 C du livre des procédures fiscales et de l'article 755 du code général des impôts.

Il précise qu'avant son entrée en vigueur (soit le 1er janvier 2013), aucune prescription ne régissait ce type de taxation, car cette procédure a été instituée à compter du 1er janvier 2013.

Il en conclut qu'au moment de l'entrée en vigueur de cette loi, le 1er janvier 2013, le défaut de déclaration du compte espagnol était prescrit pour les années 2007, 2008 et 2009.

Il conclut que, compte tenu de cette prescription l'administration fiscale ne pouvait pas retenir un solde bancaire d'une année prescrite, pour calculer le rappel de droits de mutation à titre gratuit prévus par l'article 755 du CGI.

Il soutient donc que le rappel de droits d'enregistrement de 43.941 euros n'est pas fondé, en raison de la prescription de l'année 2007.

En réponse à l'appelant, concernant la non- applicabilité des dispositions de l'article L169 du livre des procédures fiscales, il fait valoir que l'article L 180-OA dudit livre, qui est le pendant en droits d'enregistrement de l'article L169 susvisé, est entré en vigueur une année après la version modifiée de l'article L169 soit le 1er Janvier 2013.

Il en conclut que l'année 2007 est prescrite, cette situation étant définitivement acquise au 1er janvier 2012.

Concernant le point de départ du délai de prescription qui ne courrait qu'à compter de la non justification de l'origine des avoirs suite à la demande de l'administration, il soutient que celui-ci se heurte aux principes fondamentaux de notre système juridique car il validerait une imprescriptibilité des redressements opérés sur la base de l'article L23 C du LPF, dans la mesure où la prescription ne serait susceptible de commencer à courir qu'après la mise en 'uvre du droit de contrôle de l'administration.

Il fait donc grief à l'appelant de « tordre les principes juridiques » en créant une prescription autonome par l'article L 23 C du LPF et en décomptant un délai de prescription postérieur à l'exercice du droit de contrôle par l'administration.

Il réitère que la prescription des faits au titre de l'année 2007 était acquise dans la mesure où il est manifeste que le délai de dix ans dont fait état l'article L23 C tire sa source du délai décennale de reprise de l'administration prévu à l'article L169 A alinéa 5 et à l'article L 180 OA du livre des procédures fiscales.

Il estime non fondé le moyen selon lequel l'objectif des dispositions de l'article L23 C précité n'est pas de sanctionner l'absence de déclaration de compte à l'étranger mais la non- justification de l'origine des avoirs à l'étranger ce qui permettrait de viser une période de dix années antérieures à son entrée en vigueur intervenue le 1er Janvier 2013, soit entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2012.

Il soutient que la condition préalable à la mise en 'uvre des dispositions de l'article L23 C du LPF est le non-respect de l'obligation de déclaration des avoirs à l'étranger.

Il en infère qu'il s'agit d'un dispositif s'inscrivant dans la répression des avoirs étrangers non déclarés.

Il rappelle qu'il s'agit d'un compte bancaire espagnol, c'est-à-dire un compte situé dans un état avec lequel la France a conclu une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale et soutient que l'obligation de déclaration n'existe que depuis le 1er janvier 2012 en application de l'article 58,I-1de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011.

Il rappelle également que la période visée par le service vérificateur concerne les opérations passées entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009.

Il fait valoir qu'il n'était alors pas soumis à l'obligation de déclarer ce compte bancaire.

Il conclut qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté cette obligation de déclaration durant cette période, dans la mesure où celle-ci n'existait pas.

Il conclut également qu'il ne peut pas être retenu l'absence de déclaration du compte bancaire espagnol au titre des années 2007, 2008 et 2009 pour mettre en 'uvre les dispositions de l'article L23 C du LPF, une telle obligation n'existant pas au titre de ces années.

Il conclut enfin qu'il ne peut être retenu les soldes bancaires sur cette période pour déterminer l'assiette de calcul des droits d'enregistrement visés à l'article 755 du CGI.

Il soutient à cet égard que l'application rétroactive des dispositions de l'article L 23 C à des situations acquises serait contraire au principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ainsi qu'au règle régissant les conflits de lois dans la temps.

Il réfute les décisions invoquées par l'appelant et affirme que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 Septembre 2017 n'aborde pas le point évoqué dans la présente espèce.

Il souligne que n'est pas, en l'espèce, invoquée l'irrégularité de la rétroactivité de l'article L23 C du LPF en raison de son caractère punitif mais l'atteinte par la rétroactivité donnée à ce texte par l'administration, à des situations acquises par la prescription et, au titre des années non atteintes par la prescription, sur des faits dont à l'époque la non- déclaration de comptes espagnols ne constituait pas une infraction à l'article 1649 A du code général des impôts.

S'agissant de la proposition de rectification, il l'estime insuffisamment motivée.

Il rappelle l'article L 57 alinéa 1 du livre des procédures fiscales et souligne que l'insuffisante motivation d'une proposition de rectification constitue une erreur substantielle au sens de l'article L 80 CA du même livre sanctionnée par la décharge de l'ensemble de l'imposition.

Il reproche à la proposition de ne pas contenir le détail du calcul du solde créditeur le plus élevé ce qui prive le contribuable de la possibilité de critiquer utilement ce calcul par le service vérificateur.

Il ajoute que l'annexe jointe à la proposition de rectification, susceptible de permettre au contribuable de reconstituer ce calcul, ne fait apparaître que les opérations de crédit figurant sur le compte espagnol, le privant ainsi de facto de toute possibilité de contrôle.

Il fait valoir que, faute de disposer du montant du solde initial et du détail des opérations de débit, la reconstitution du solde bancaire aux dates de valeur indiquées n'est pas possible.

Il en conclut que la proposition de rectification du 19 mars 2015, à défaut d'expliquer l'assiette retenue pour le calcul des droits et de produire les éléments de nature à le justifier, ne l'a pas mis en état de pouvoir formuler des critiques utiles et est donc entachée d'une irrégularité substantielle.

Il estime tardives les explications données par l'appelant dans ses conclusions sur la détermination de l'assiette retenue.

Il considère que l'utilisation de la procédure de taxation d'office ne peut, en tout état à cause, aboutir à un non-respect du principe du contradictoire, en privant le contribuable des informations essentielles à la formulation d'observations utiles.

Il déclare en outre que cette exigence de clarté doit être d'autant plus stricte que la procédure de taxation d'office limite le débat contradictoire à la production unique d'observations par le contribuable, préalablement à la mise en recouvrement.

S'agissant de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement, il rappelle les dispositions de l'article R 256-1 du livre des procédures fiscales.

Il affirme qu'en l'espèce, il ne mentionne pas de fondement légal nécessaire à l'identification exacte de l'imposition et estime que ce défaut de visa l'entache d'irrégularité.

Il soutient qu'il aurait dû faire référence à l'article 755 du code général des impôts, afin de définir la nature exacte des droits rappelés.

Il déclare que cette irrégularité rend irrégulier le recouvrement du rappel de droits d'enregistrement.

************************************

Sur la prescription

Considérant que l'article L 23 C du livre des procédures fiscales permet en cas de non-respect, sous certaines conditions, de l'obligation de déclaration des « références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger » telle que prévue par l'article 1649 A du code général des impôts à l'administration fiscale de demander la fourniture d'informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ces comptes ;

Considérant qu'à défaut de réponse jugée satisfaisante, l'administration fiscale impose ces avoirs selon les droits de mutation à titre gratuit en se fondant sur leur valeur la plus élevée ;

Considérant que la taxation encourue n'est donc pas fondée sur l'absence de déclaration des comptes à l'étranger mais sur l'absence de justification des sommes portées sur ces comptes non déclarés ;

Considérant que ce dispositif a été introduit par l'article 8 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012';

Considérant qu'il a été constaté que M. [V] n'avait pas déclaré un compte ouvert en Espagne dans les livres d'une succursale de la banque Banco Santander SA le 22 octobre 2003';

Considérant que l'administration fiscale l'a donc mis en demeure, le 19 janvier 2015, de justifier de l'origine et des modalités d'acquisitions des avoirs figurant sur ce compte entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009';

Considérant que le délai de reprise prévu à l'article L 169 alinéa 5 du livre des procédures fiscales porte sur les « seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées » ;

Considérant que l'imposition litigieuse n'est pas fondée sur l'absence de déclaration des comptes à l'étranger mais sur l'absence de justification des sommes portées sur ces comptes et que sont taxés non les revenus ou bénéfices produits par les avoirs litigieux mais les avoirs eux-mêmes en l'absence d'information et de justifications sur leur origine ;

Considérant que cet article est donc inapplicable ;

Considérant que la prescription énoncée par lui ne peut être opposée ;

Considérant que le législateur peut, sans que soit portée atteinte à une situation juridique acquise, déterminer une assiette se rapportant à une période antérieure au fait générateur de l'imposition et à la promulgation de la loi ;

Considérant que l'article L 23 C du livre des procédures fiscales s'applique ainsi aux demandes formées par l'administration à compter du 1er janvier 2013'; qu'il est donc applicable à M. [V] ; qu'il est sans incidence que le défaut de déclaration du compte soit antérieur à l'entrée en vigueur de cette disposition ;

Considérant, toutefois, que la demande d'informations et de justifications est subordonnée à l'absence de déclaration du compte « au moins une fois au titre des dix années précédentes » ;

Considérant qu'elle ne peut donc être mise en 'uvre que si le contribuable avait l'obligation de déclarer son compte ; que l'administration ne peut réclamer ces informations qu'au titre des années pour lesquelles le compte devait être déclaré ;

Considérant, au regard des années retenues, que l'administration doit dès lors rapporter la preuve que M. [V] était tenu de procéder à cette déclaration avant l'intervention de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011';

Considérant que l'article 1649 A alinéa 2, dans sa version applicable du 15 juin 1990 au 1er janvier 2019 disposait : « Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger' » ;

Considérant que M. [V] était donc tenu, avant le 1er janvier 2012, de déclarer son compte litigieux ;

Considérant qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, la prescription triennale était applicable en cas d'absence de déclaration de comptes ouverts dans des pays ayant, comme l'Espagne, conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude fiscale ;

Considérant, ainsi, que lorsque le délai de prescription a été porté à dix ans, la sanction du défaut de déclaration était prescrite pour les années 2007 et 2008';

Mais considérant que l'acquisition de la prescription a pour conséquence d'interdire toute poursuite fondée sur l'absence de déclaration ; qu'elle est sans incidence sur l'absence de déclaration elle-même ;

Considérant que cette impossibilité d'exercer des poursuites fondées sur la non-déclaration du compte n'interdit donc pas à l'administration de tirer les conséquences de cette absence ;

Considérant que l'administration était dès lors en droit de réclamer, conformément au nouvel article L 23 C, des informations et justificatifs portant sur les sommes figurant sur le compte ; que sa demande était ainsi justifiée par l'absence de déclaration peu important que celle-ci ne soit pas, pour certaines des années considérées, susceptible de poursuites ;

Considérant que ce point de départ de la prescription n'a pas pour effet de « valider une imprescriptibilité des redressements opérés sur la base de l'article 23 C du LPF », la mise en 'uvre de cette disposition supposant que le contribuable n'ait pas procédé à la déclaration de son compte dans les dix ans précédant la demande ;

Considérant que la taxation litigieuse est fondée non sur l'absence de déclaration mais sur l'insuffisance de justificatifs ;

Considérant que son point de départ est l'absence ou l'insuffisance de réponse à la demande adressée au contribuable ;

Considérant que la prescription décennale de la taxation fondée sur l'insuffisance de réponse a donc couru à compter du 26 février 2015';

Considérant qu'aucune prescription n'est encourue ;

Considérant que la demande est recevable ;

Sur le fond

Considérant que l'article 57 alinéa 1 du livre des procédures fiscales dispose que la « proposition de rectification doit être motivée de manière à permettre [au contribuable] de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation »'; qu'ainsi, les motifs du rehaussement envisagé et de son montant doivent être explicités ;

Considérant que l'article 755 du code général des impôts énonce que sont applicables les droits de mutation à titre gratuit qui'« sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées. » ;

Considérant que la proposition de rectification en date du 19 mars 2015 mentionne que « l'examen du relevé bancaire du compte' a permis de déterminer le solde créditeur le plus élevé » soit 73.235,69 euros au 4 octobre 2007';

Considérant que le détail du calcul n'est pas mentionné ; que l'annexe jointe ne fait apparaître que les opérations portées au crédit ;

Considérant, ainsi, que l'assiette retenue pour le calcul des droits n'était pas expliquée et que les documents joints ne permettaient pas à l'intéressé d'apprécier son montant ;

Considérant que M. [V] ne pouvait donc vérifier, au vu des pièces jointes, le solde du compte bancaire pris en compte ;

Considérant que M. [V] n'a, en conséquence, pas été mis en mesure de formuler des observations sur le montant retenu ; qu'il n'a pas été mis en état de formuler des critiques utiles sur celui-ci ;

Considérant, par ailleurs, que l'administration ne démontre pas que la lettre de mise en demeure en date du 19 janvier 2015 contenait l'intégralité des opérations portées sur ce compte et donnait donc à M. [V] les informations nécessaires ;

Considérant que ce défaut constitue une violation de l'article précité et a empêché M. [V] d'apprécier, alors, le montant de la taxation proposée ; que les explications et pièces données dans la présente procédure sont sans incidence sur cette irrégularité ;

Considérant que cette irrégularité justifie l'annulation de l'avis de mise en recouvrement ;

Sur les autres demandes

Considérant que l'appelant devra payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a « déclaré prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale »,

Statuant à nouveau de ce chef :

DÉCLARE non prescrit ce droit de reprise,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015, ordonné le dégrèvement subséquent des impositions, dit que le Trésor Public devra rembourser les dépens de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant :

CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris ès qualités à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demande plus amples ou contraires,

CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris ès qualités aux dépens,

AUTORISE Maître Julie Gourion à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 18/03113
Date de la décision : 01/10/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°18/03113 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-01;18.03113 ?
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