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26/09/2019 | FRANCE | N°17/03986

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 26 septembre 2019, 17/03986


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





21e chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 SEPTEMBRE 2019



N° R 17/03986





AFFAIRE :



SAS ROCADE SECURITE PRIVEE





C/





UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juillet 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILL

ES

N° R : 15/00109





Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :



Me Marie-sophie DELAVENNE-TISSIER



U.R.S.S.A.F







le : 27/09/2019









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX SEPT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 SEPTEMBRE 2019

N° R 17/03986

AFFAIRE :

SAS ROCADE SECURITE PRIVEE

C/

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juillet 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° R : 15/00109

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-sophie DELAVENNE-TISSIER

U.R.S.S.A.F

le : 27/09/2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS ROCADE SECURITE PRIVEE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Non comparante et représentée par Me Marie-Sophie DELAVENNE-TISSIER, avocat au barreau de Versailles, vestiaire : 502

APPELANTE

****************

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

[Adresse 2]

[Localité 2]

Non comparante et représentée par Monsieur [H] [W], représentant légal muni d'un pouvoir spécial

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

Le 1er septembre 2011, la société Rocade Sécurité Privée anciennement dénommée Gardiennage Protection Sécurité (GPS) (la société) a conclu avec la société Behon Sécurité Privée un contrat de prestation de services d'une durée de douze mois, renouvelé le 31 août 2012, à effet au 1er novembre 2012, dont l'objet était de faire assurer par le fournisseur la surveillance et le contrôle des sites confiés à sa garde par GPS.

Le 12 juillet 2013, la société a informé la société Behon Sécurité Privée de la résiliation du contrat, au motif d'une dette fiscale de cette dernière, d'un montant de 150 453 euros, à l'égard du service des impôts de [Localité 3].

Le 30 janvier 2014 l'URSSAF [Localité 4] (l'URSSAF), faisant suite à un contrôle de la société Behon Sécurité Privée ayant fait apparaître un délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés et/ou dissimulation d'activité, a sollicité de la société la transmission :

- pour les contrats antérieurs au 31 décembre 2011, de tous les extraits Kbis, attestations fiscales, attestations URSSAF et attestations sur l'honneur indiquant que l'entreprise Behon Sécurité Privée employait du personnel régulièrement, demandés par ses soins, conformément aux dispositions de l'article D.8222-5 du code du travail,

- pour les contrats postérieurs au 1er janvier 2012, de toutes les attestations de fourniture de déclarations sociales auprès de l'URSSAF et de tous les extraits Kbis ou RCS, demandés par ses soins, conformément à la nouvelle rédaction de l'article D. 8222-5 du code du travail.

Par lettre d'observations du 23 juin 2014, l'URSSAF a mis en oeuvre à l'encontre de la société la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 et suivants du code du travail pour un montant de 310 575 euros, ramené à 273 469 euros le 29 juillet 2014, après échange entre les parties, considérant que la société n'avait pas respecté son obligation de vigilance.

Le 6 octobre 2014, l'URSSAF a adressé à la société une mise en demeure de payer la somme de 273 469 euros au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Le 6 novembre 2014, la société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF en contestation de cette mise en demeure.

Par requête du 20 janvier 2015, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines de la même contestation.

Le 19 février 2015, 1a commission de recours amiable a rejeté sa contestation et validé la mise en demeure.

La société a demandé au tribunal de :

- constater qu'elle a respecté son obligation de vigilance à l'égard de son cocontractant, la société Behon Sécurité, au moins quant à la vérification du respect des obligations de cette dernière vis-à-vis de l'URSSAF,

- dire que les conditions de la mise en 'uvre de la solidarité financière de la société Behon Sécurité à l'égard de l'URSSAF pour les cotisations éludées par cette dernière ne sont pas remplies,

en conséquence :

- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 février 2015,

- annuler la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 237 469 euros, subsidiairement,

- constater l'absence de lien de causalité entre la faute à elle reprochée et le dommage de l'URSSAF,

en conséquence :

- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 février 2015,

- annuler la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 237 469 euros,

en tout état de cause,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

L'URSSAF a demandé au tribunal de :

- débouter la société de son recours,

- confirmer le redressement opéré dans son intégralité,

- valider la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 273 469 euros,

- condamner en conséquence la société au paiement de cette somme.

Par jugement rendu le 4 juillet 2017, le tribunal a :

- confirmé le redressement opéré dans son intégralité,

- validé la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 273 469 euros,

- condamné la société Rocade Sécurité Privée à payer à l'URSSAF du [Localité 4] la somme de 273 469 euros,

- débouté la société Rocade Sécurité Privée de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Rocade Sécurité Privée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le 24 juillet 2017, la société Rocade Sécurité Privée a relevé appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 8 novembre 2018, la cour (vingt et unième chambre) a, avant dire droit sur les demandes des parties, ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à s'expliquer sur les dates auxquelles les vérifications devaient être effectuées par la société Rocade Sécurité Privée, (31 août 2012, 29 février 2012, 31 août 2012, 28 février 2013) et sur la validité des pièces produites par la société Rocade Sécurité Privée au regard des dates ainsi retenues.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Rocade Sécurité Privée a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

et jugeant à nouveau :

- constater qu'elle a respecté son obligation de vigilance à l'égard de son co-contractant, la société Behon Sécurité, au moins quant à la vérification du respect des obligations de cette dernière vis-à-vis de l'URSSAF,

- dire que les conditions de la mise en 'uvre de la solidarité financière de la société Behon Sécurité à l'égard de l'URSSAF pour les cotisations éludées par la société Behon Sécurité ne sont pas remplies,

en conséquence :

- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 février 2015,

- annuler la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 237 469 euros ; subsidiairement :

- constater l'absence de lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et le dommage de l'URSSAF,

en conséquence :

- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 février 2015,

- annuler la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 237 469 euros ; en tout état de cause :

- condamner l'USSAF à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le redressement opéré dans son intégralité,

- valider la mise en demeure du 6 octobre 2014 pour un montant de 273 469 euros,

- condamner la société Rocade Sécurité Privée à lui payer la somme de 273 469 euros,

- débouter la société Rocade Sécurité Privée de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Rocade Sécurité Privée au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Rocade Sécurité Privée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens et des prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

Motifs :

Sur l'obligation du contractant :

Selon les articles L.8222-1, L. 8222-2 et L.8222-3 du code du travail, toute personne doit vérifier, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum de 3 000 euros (selon l'article R8222-1 dans sa rédaction applicable au litige) en vue de l'exécution d'un travail ou de la fourniture d'une prestation de services, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte des obligations prévues aux articles L.8221-3 et L.8221-5 du même code. A défaut de respect de son obligation de vigilance, l'entreprise est tenue solidairement avec le sous-traitant auquel peut être reprochée une dissimulation d'activité ou une dissimulation d'emploi salarié, au paiement des cotisations sociales dues par le sous-traitant, ainsi que des pénalités et majorations de retard.

Selon l'article D.8222-5 du même code, est considérée comme ayant procédé aux vérifications précitées la personne qui s'est fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

- selon la rédaction résultant du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, applicable jusqu'au 1er janvier 2012 :

'1° Dans tous les cas, les documents suivants :

a) Une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois ;

b) Une attestation sur l'honneur du cocontractant du dépôt auprès de l'administration fiscale, à la date de l'attestation, de l'ensemble des déclarations fiscales obligatoires et le récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un [Localité 4] de formalités des entreprises lorsque le cocontractant n'est pas tenu de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et n'est pas en mesure de produire les documents mentionnés au a ou au b du 2° ;

2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants :

a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un [Localité 4] de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription ;

3° Lorsque le cocontractant emploie des salariés, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant de la réalisation du travail par des salariés employés régulièrement au regard des articles L. 1221-10, L. 3243-2 et R. 3243-1.'

- selon la rédaction résultant du décret n°2011-1601 du 21 novembre 2011, applicable à compter du 1er janvier 2012 :

'1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de

protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants :

a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un [Localité 4] de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription.'

Les documents énumérés par l'article D.8222-5 sont les seuls dont la remise permet à la personne dont le cocontractant est établi en France lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D.8222-4, de s'acquitter de l'obligation de vérification mise à sa charge par l'article L.8222-1.

Il en découle, en premier lieu, que le moyen soutenu par la société selon lequel la solidarité financière du donneur d'ordre n'est engagée que si celui-ci ne respecte pas les dispositions de l'article L.8222-1 et non celles de l'article D.8222-5, qui ne pose qu'une présomption au bénéfice du donneur d'ordre, ne peut prospérer.

Il en découle, en deuxième lieu, que l'éventuelle bonne foi du donneur d'ordre est indifférente, dès lors qu'il lui appartient de satisfaire à son obligation de vigilance selon les modalités susvisées, et en conséquence, les difficultés matérielles auxquelles la société explique s'être heurtée ne peuvent justifier le non respect de ses obligations.

Il en découle, en troisième lieu, que seuls les documents visés par l'article D.8222-5 peuvent justifier de l'accomplissement de son obligation par la société contractante, et qu'aucun autre ne peut s'y substituer.

Sur le respect de l'obligation par la société Rocade Sécurité Privée :

Quant aux dates auxquelles les vérifications devaient être opérées :

Dans sa lettre d'observation du 23 juin 2014, et dans sa lettre de réponse aux contestations de la société en date du 29 juillet 2014, l'URSSAF retient que les vérifications devaient s'opérer aux dates suivantes : à la conclusion du contrat, le 1er septembre 2011, le 1er mars 2012, le 1er septembre 2012, le 1er octobre 2012, date de l'avenant conclu entre les parties, et le 1er avril 2013.

Selon la société, les vérifications imposées au donneur d'ordre devaient être effectuées à la date de conclusion du contrat (soit le 1er septembre 2011), puis six mois après, soit le 29 février 2012, puis à nouveau six mois après, le 31 août 2012, date à laquelle le contrat a également été prorogé, puis le 28 février 2013, pour la dernière fois, le contrat ayant été rompu le 12 juillet 2013.

Au regard de la date de conclusion du deuxième contrat versé aux débats, soit le 31 août 2012, et des dispositions ci-dessus rappelées, il convient de retenir que les dates auxquelles les vérifications périodiques devaient être effectuées par la société sont les suivantes : 1er septembre 2011 (et non 31 août 2012 comme indiqué par erreur dans l'arrêt du 8 novembre 2018), 29 février 2012, 31 août 2012 et 28 février 2013, et rien ne justifie qu'une vérification soit opérée à la date du 1er octobre 2012.

Quant au respect de l'obligation à la date du 1er septembre 2011 :

L'URSSAF a retenu un manquement de la société à son obligation, pour n'avoir pas produit d'attestation URSSAF à cette date, l'attestation produite étant datée du 29 novembre 2011, soit trois mois après la conclusion du contrat, ni d'attestation fiscale, l'attestation SIE étant datée du 21 décembre 2011, soit près de quatre mois après la conclusion du contrat.

La société fait valoir que la société Behon Securité, nouvellement créée, n'avait pas encore de salarié, de sorte qu'aucune attestation de vigilance ne pouvait lui être délivrée. Elle disposait en revanche d'une notification administrative, en date du 2 août 2011, et considère que les trois documents fournis au jour de la conclusion du contrat ( extrait Kbis, notification administrative et attestation sur l'honneur) renseignaient suffisamment sur l'existence régulière de l'entreprise, conformément aux obligations de vérification du donneur d'ordre.

L'attestation administrative produite par la société mentionne une date d'affiliation au 1er juin 2011, et rappelle à la société affiliée (Behon Securité Privée) qu'il lui appartient de procéder à ses déclarations et versements trimestriellement, avant le 15 du 1er mois suivant le trimestre de référence, donc en l'occurrence avant le 15 juillet 2011. La société ne justifie pas de l'impossibilité pour son sous-traitant d'obtenir, avant la conclusion du contrat, les attestations requises, ni au demeurant de l'absence de salarié qu'elle allègue. Il importe peu que la société ait produit, à la place, d'autres documents, ni qu'elle n'ait selon elle commis aucune faute, dès lors que comme indiqué ci-dessus, les documents énumérés par l'article D.8222-5 sont les seuls dont la remise permet au donneur d'ordre de s'acquitter de son obligation et qu'il lui appartient donc de les réunir en temps utile.

La société a donc bien manqué à son obligation de vérification à la date de la conclusion du contrat.

Quant au respect de l'obligation pour la période du 29 février 2012 au 30 août 2012 :

L'URSSAF a retenu un manquement de la société au motif que l'extrait Kbis en sa possession, daté du 3 août 2011, avait plus de six mois d'ancienneté.

La société considère que le Kbis du 3 août 2011 était toujours valable, le texte n'exigeant pas que l'extrait Kbis date de moins de six mois. Elle fait également valoir que selon l'article D.8222-5 du code du travail, le donneur d'ordre peut demander d'autres documents qu'un extrait Kbis, et se prévaut à cet égard de l'attestation fiscale du 21 décembre 2011, qui permet l'identification de la société Behon Sécurité Privée, ainsi que de l'attestation sur l'honneur établie par cette dernière. Elle ajoute que l'extrait Kbis d'une société est consultable et téléchargeable sur internet. Enfin, elle fait valoir qu'un extrait Kbis n'est pas en mesure de démontrer la régularité ou la défaillance de la société dans l'établissement de ses déclarations et le paiement de ses cotisations, et que les extraits Kbis postérieurs montrent qu'il n'y a eu aucun changement de situation dans l'intervalle. Enfin, l'article L.243-16 du code de la sécurité sociale met au premier plan des documents qui permettent une vérification de la société sous-traitante l'attestation de vigilance, qui est la seule permettant de vérifier que le cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement.

Comme déjà indiqué, les documents énumérés par l'article D.8222-5 sont les seuls dont la remise permet au donneur d'ordre de s'acquitter de l'obligation de vérification mise à sa charge par l'article L.8222-1.

Dès lors que l'article D.8222-5 prescrit une vérification tous les six mois, l'extrait K Bis visé par ce texte, comme du reste les autres documents visés, doit dater de moins de six mois, sauf à priver ces prescriptions de tout effet utile. Pour remplir l'objectif visé par les textes en question, le donneur d'ordre est tenu de procéder à cette vérification à chaque échéance sans pouvoir échapper aux éventuelles conséquences de son abstention au motif qu'il n'y aurait pas eu de changement dans la situation de l'entreprise sous-traitante à laquelle il a choisi de recourir.

Ni les attestations sur l'honneur établies par le sous-traitant ni les attestations fiscales ne figurent au nombre des documents visés au 2° de l'article D.8222-5, de sorte que leur remise ne permet pas à la personne qui contracte, et qui n'est pas juge de l'opportunité des textes auxquels elle est soumise, de s'acquitter de son obligation, quand bien même ces attestations comporteraient toutes les mentions permettant l'identification de la société sous-traitante. Il convient à cet égard de souligner que rien ne permet d'établir que les attestations fiscales ou les attestations sur l'honneur qu'elle invoque reposeraient sur un extrait K bis répondant aux exigences de fraîcheur posées par les textes sus-visés.

Il est indifférent qu'un extrait Kbis soit ou non en mesure de démontrer la régularité ou la défaillance du cocontractant, dès lors qu'il s'agit d'un document obligatoire, comme il est également indifférent qu'aucune modification ne soit intervenue dans la situation de la société.

Enfin, l'obligation de vigilance incombant à la société, et non à l'organisme, il n'appartient pas à l'URSSAF d'aller requérir elle-même les documents nécessaires, quand bien même l'extrait Kbis d'une société pourrait être consulté et/ou téléchargé sur un site internet, le donneur d'ordre ne pouvant se libérer de ces obligations légales de vérification au motif que, selon elle, une autre personne pouvait également y procéder.

Il convient en conséquence de retenir que la société a manqué à son obligation de vérification pour la période considérée.

Quant au respect de l'obligation pour la période du 31 août 2012 au 28 février 2013 :

L'URSSAF a retenu un manquement de la société à ses obligations, l'extrait Kbis produit ayant plus de six mois.

La société conteste le manquement invoqué. Elle fait valoir que le Kbis du 3 août 2011 était toujours valable, qu'elle disposait d'un extrait Kbis du 14 septembre 2012, qui lui permettait de s'assurer de la situation de la société à l'égard du registre du commerce, le code du travail n'exigeant pas de surcroît de concomitance absolue entre le début du contrat et la production des documents, et enfin qu'elle disposait d'une attestation sur l'honneur du 31 août 2012, sur un papier à en tête de la société Behon Sécurité, permettant l'identification complète de cette dernière.

Pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, les arguments de la société tenant à la validité d'un extrait Kbis datant de plus de six mois, à la validité d'une attestation sur l'honneur comme équivalent d'un extrait Kbis et à l'absence de modification dans la situation de la société ne peuvent prospérer.

La vérification devant s'opérer tous les six mois, la société devait à la date du 1er septembre 2012, et non à une date postérieure, fût-ce de quelques jours, disposer d'un extrait Kbis de moins de six mois. L'argument invoqué à cet égard par la société ne peut donc être retenu.

Le manquement de la société est donc établi pour la période du 31 août 2012 au 28 février 2013.

Quant au respect de l'obligation pour la période du 28 février 2013 à la rupture du contrat :

L'URSSAF a retenu un manquement de la société à ses obligations, mais à compter de la date du 1er avril 2013, au motif que l'extrait Kbis produit ( du 14 septembre 2012), datait de plus de six mois.

La société fait valoir qu'à la date du 28 février 2013, l'URSSAF reconnaît l'existence d'une attestation de vigilance pour le mois de février 2013, elle dispose d'un Kbis du 14 septembre 2012, et elle a produit également une attestation sur l'honneur. Pour le surplus, elle reprend les arguments déjà exposés.

Contrairement à ce que soutient l'URSSAF, à la date du 28 février 2013, qui est celle où l'exécution de l'obligation doit en réalité être appréciée, l'extrait Kbis du 14 septembre 2012 datait de moins de six mois. Le seul manquement retenu par l'URSSAF étant l'absence de Kbis datant de moins de six mois, il ne peut donc être considéré que le donneur d'ordre n'a pas satisfait à son obligation de vigilance.

Sur la mise en oeuvre de la solidarité financière :

La société fait valoir que sa vigilance n'a pas été en défaut, puisque c'est seulement à la suite du contrôle de l'URSSAF qu'elle a été informée que son sous-traitant avait commis une infraction de travail dissimulé, et que les attestations de vigilance régulièrement fournies par la société Behon Sécurité ne lui ont pas permis, de même qu'à l'URSSAF, de constater un dysfonctionnement entre les cotisations payées et le travail demandé. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'il n'y a pas de lien de causalité entre son prétendu défaut de vigilance et le dommage constaté.

Dès lors que la société ne s'est pas fait remettre par son cocontractant les documents mentionnés par l'article D.8222-5, elle n'a pas procédé aux vérifications qui lui incombaient, de sorte qu'elle est tenue à la solidarité financière prévue par l'article L.8222-2 du même code, peu important l'existence, ou non, d'un lien de causalité, dès lors que la loi prévoit un mécanisme spécifique de solidarité financière, distinct du mécanisme de responsabilité pour faute de droit commun.

Comme indiqué ci dessus, le manquement de la société à ses obligations est établi pour les périodes du 1er septembre 2011 au 29 février 2012, du 29 février 2012 au 30 août 2012 et du 31 août 2012 au 28 février 2013.

Aucune solidarité financière n'a été mise en oeuvre par l'URSSAF pour la période allant du 1er octobre 2012 au 28 février 2013, l'URSSAF ayant considéré, aux termes de la lettre d'observation du 23 juin 2014, que l'obligation était remplie pour la période du 1er octobre 2012 au 31 mars 2013, et l'URSSAF ne réclame aucune somme au titre de cette période.

Aucune somme ne peut être réclamée au delà du 31 mars 2013, puisque le manquement de la société n'est pas retenu pour la période allant du 28 février 2013 à la rupture des relations contractuelles entre les deux sociétés contractantes.

En conséquence, compte tenu des montants retenus par l'URSSAF, aux termes de son courrier du 29 juillet 2014, la mise en demeure sera validée à hauteur de la somme de 188 707 euros, excluant le redressement de cotisations effectué au titre de l'année 2013, et la société Rocade Sécurité Privée condamnée au paiement de cette somme.

Le jugement déféré est infirmé en ce sens.

Sur les frais de procédure :

Aucune considération d'équité ni tirée de la situation économique des parties ne justifie de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes à ce titre sont en conséquence rejetées.

Il est rappelé qu'il est statué sans frais ni dépens.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Infirme la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF,

Valide le redressement opéré par l'URSSAF à hauteur de 188 707 euros,

Valide la mise en demeure en date du 6 octobre 2014 pour un montant de 188 707 euros,

Condamne la société Rocade Sécurité Privée à payer à l'URSSAF [Localité 4] la somme de 188 707 euros,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle qu'il est statué sans frais ni dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président, et par Madame Christine LECLERC, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03986
Date de la décision : 26/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°17/03986 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-26;17.03986 ?
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