COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4AF
13e chambre
ARRÊT No
CONTRADICTOIRE
DU 09 JUILLET 2019
No RG 19/00993 - No Portalis DBV3-V-B7D-S6OG
AFFAIRE :
M. P... U...
C/
PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre :
No Section :
No RG : 18/00053
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 09/07/2019
à :
Me Martine DUPUIS
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
TGI NANTERRE
MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur P... U...
né le [...] à METZ (MOSELLE)
[...]
[...]
Représenté par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1961234 et par Maître Jean-Yves MARQUET avocat plaidant au barreau de PARIS.
APPELANT
****************
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
[...]
LA SELARL C.V... Prise en la personne de Maître Q... V...
[...]
Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - No du dossier P1900076 et par Maître François DUPUY avocat plaidant au barreau de PARIS.
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juin 2019, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 19/02/2019 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.
Monsieur P... U..., auto-entrepreneur, est inscrit au répertoire des entreprises et des établissements (Sirene) pour une activité de conseil en développement commercial et marketing depuis le 15 octobre 2015.
Le 17 juillet 2018, il a déposé une déclaration de cessation des paiements au greffe du tribunal de grande instance de Nanterre et sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée.
Suivant jugement du 26 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné une mesure d'enquête pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de M. U... et désigné pour y procéder un juge commis, qui par ordonnance du même jour a nommé la Selarl C. V..., prise en la personne de maître Q... V..., pour l'assister dans sa mission.
Maître V..., ès qualités, a déposé son rapport le 21 janvier 2019.
Selon jugement contradictoire rendu le 8 février 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire formée par M. U... et l'a condamné aux dépens.
M. U... a régulièrement interjeté appel de cette décision le 12 février 2019.
Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 mai 2019, il demande à la cour de :
- annuler ou en tout état de cause infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 8 février 2019 ;
Et statuant à nouveau,
- constater son état de cessation des paiements et son redressement manifestement impossible;
- constater l'existence de son activité professionnelle ;
En conséquence,
- ouvrir une procédure de liquidation judiciaire et nommer les organes de la procédure.
Après avoir rappelé que l'auto-entrepreneur est un entrepreneur individuel soumis à un régime fiscal et social particulier, qu'une personne physique qui bénéficie du statut d'entrepreneur individuel en situation de cessation des paiements peut bénéficier du régime des procédures collectives prévues pour les professionnels, et qu'en application du principe de l'unité du patrimoine, peu importe que l'essentiel du passif soit ou non constitué de dettes professionnelles et que celles-ci aient été contractées postérieurement ou antérieurement à l'acquisition du statut d'entrepreneur individuel, dès lors qu'une telle procédure lorsqu'elle est ouverte affecte l'ensemble du patrimoine professionnel ou non, M. U... soutient qu'il est dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, comme l'a confirmé maître V... dans son rapport, et qu'il n'est pas éligible à une procédure de surendettement.
Il prétend également qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'importance de son activité, qui même faible, n'en est pas pour le moins réelle, et qu'en portant une appréciation sur cette activité qu'il a jugé insuffisante et donc fictive le tribunal a ajouté aux textes précités un critère qui n'existe pas.
Il précise ensuite que, même si son montant exact importe peu dans la mesure où il existe, son passif professionnel s'élève actuellement à la somme de 369 euros, dont 67 euros dus à l'Urssaf et 302 euros dus au Trésor public.
Reconnaissant avoir un passif personnel important composé de diverses condamnations notamment au titre de cautionnements personnels, et indiquant que l'intégralité de son patrimoine a été confisquée, il conteste les allégations de fraude formulées à son encontre. Il fait valoir que les dispositions relatives à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'ont rien à voir avec la notion de fraude, en sorte que là encore le tribunal a ajouté une condition aux textes, et indique que la notion de fraude existe pour la protection des tiers mais résulte d'autres textes qui permettent après l'ouverture de la procédure de protéger leurs droits.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 mars 2019, la Selarl C. V..., ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. U... aux entiers dépens.
Pour conclure que M. U... n'est pas éligible à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, elle prétend que celui-ci ne démontre pas l'exercice effectif d'une activité telle que celle visée aux articles L.640-2 et L.640-3 du code de commerce.
Soulignant que lors de sa déclaration de cessation des paiements, M. U... a indiqué que le montant du chiffre d'affaires annuel pour l'exercice 2017 s'élevait à la somme de 280 euros, qu'il ne disposait d'aucun actif, et que son passif s'élevait à la somme de 1 117 787 euros dont 1 117 785 euros correspondant non aux conséquences de l'exercice de son activité professionnelle mais exclusivement à une condamnation prononcée à son encontre, de sorte que le passif issu de son activité professionnelle s'élève à 2 euros en 2017, il relève d'une part qu'il est résulté de l'enquête que d'octobre 2015 à juillet 2018, M. U... a réalisé un chiffre d'affaires total de 980 euros et que le passif afférent à cette activité serait de 4 euros ; que, même porté à 369 euros à hauteur d'appel, ce passif symbolique ne démontre aucunement la réalité de l'activité alléguée, et d'autre part que l'absence réelle de chiffre d'affaires conduit à considérer que l'activité prétendument exercée par l'appelant est fictive.
Dans son avis communiqué le 19 février 2019, le ministère public recommande la confirmation du jugement dès lors que si le passif personnel de l'appelant s'élève à la somme de 1,373 millions d'euros, son passif au titre de son activité d'auto-entrepreneur, seule visée dans sa demande de liquidation judiciaire, ne s'élève qu'à la somme de 4 euros pour un actif de 980 euros, de sorte que l'état de cessation des paiements n'est pas caractérisé. Il considère que M. U... tente, par le biais d'une fraude à la loi, d'effacer sa dette personnelle.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2019.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
M. U... ne développant aucun moyen au soutien de sa demande d'annulation du jugement, celle-ci sera rejetée.
Aux termes des articles L.640-1, L.640-2 et L.640-3 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire applicable notamment à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementé ou dont le titre est protégé, en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible, y compris après la cessation de l'activité professionnelle, si tout ou partie de son passif provient de cette dernière.
Si ces dispositions sont applicables aux auto-entrepreneurs, peu important la nature professionnelle ou personnelle de leurs dettes en raison du principe de l'unicité du patrimoine, encore faut-il démontrer l'exercice d'une activité professionnelle indépendante.
A l'appui de sa demande et nonobstant les termes du rapport d'enquête et du jugement, M. U... ne produit en cause d'appel aucune pièce pour justifier de la réalité de son activité professionnelle, se contentant d'indiquer que celle-ci était faible en raison de la publicité ayant accompagné sa condamnation.
Il est justifié que M. P... U... est inscrit au répertoire Sirene depuis le 19 novembre 2015 pour une activité de "conseil pour les affaires et autres conseils de gestion" débutée le 1er octobre précédent, et qu'il est affilié auprès de l'Urssaf au régime auto-entrepreneur.
Il indique avoir cessé cette activité à compter du mois de juillet 2018, soit concomitamment à la déclaration de cessation des paiements, suite au jugement du tribunal de grande instance d'Epinal en date du 11 juillet 2018 qui l'a notamment condamné à une mesure d'interdiction de gérer pendant 10 années.
Il résulte du rapport d'enquête établi par maître V... que M. U... lui a communiqué ses livres de recette desquels il ressort que celui-ci a réalisé un chiffre d'affaires de 280 euros en 2016, soit deux factures du 25 février et 22 avril 2016, et de 700 euros en 2017, soit deux factures du 28 février et du 31 décembre 2017, étant observé que les quatre factures listées émanent du même créancier. Selon les propres déclarations de M. U... à maître V..., aucun chiffre d'affaires n'a été réalisé en 2018.
S'il est exact que la loi n'exige pas un volume d'activité minimal pour pouvoir bénéficier d'une procédure collective, la simple production de quatre factures, sans les devis ou bons de commande y afférents comme de tout document attestant de la réalité de la prestation effectuée, est insuffisante à apporter la preuve de l'exercice effectif d'une activité professionnelle indépendante, laquelle n'est pas plus établie par les réclamations faites à M. U... par l'Urssaf, 67 euros au titre des cotisations dues pour les 1er et 4ème trimestres 2017 pour les allocations familiales et les contributions travailleurs indépendants, et le Trésor public, 152 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises et/ou de l'imposition forfaitaire sur les entreprises, s'agissant de cotisations légales résultant de son immatriculation et qui ne reflètent pas l'existence d'une activité professionnelle.
Faute pour M. U... de rapporter la preuve qu'il exerce réellement une activité professionnelle indépendante, même modeste, il ne peut bénéficier de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, sans qu'il soit besoin de caractériser un état de cessation des paiements au demeurant non contesté.
Le jugement sera donc confirmé.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déboute M. P... U... de sa demande d'annulation du jugement ;
Confirme le jugement ;
Condamne M. U... aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,