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26/06/2019 | FRANCE | N°16/05892

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 26 juin 2019, 16/05892


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80H



15e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 26 JUIN 2019





N° RG 16/05892





AFFAIRE :





SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE





C/





[Y] [M]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Se

ction : Commerce

N° RG : F14/01109



Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :





AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS



Me Jean-Marie PINARD





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80H

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 JUIN 2019

N° RG 16/05892

AFFAIRE :

SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE

C/

[Y] [M]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Commerce

N° RG : F14/01109

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Me Jean-Marie PINARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 329 152 367

Représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 et par Me Jean baptiste TRAN-MIMH de la SCP AGUERA ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 8

APPELANTE

****************

Monsieur [Y] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (Algérie), de nationalité française

Représenté par Me Jean-Marie PINARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 130 et par Me Thibaud DESSALLIEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1003:

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 avril 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Maryse LESAULT, Présidente et Hubert DE BECDELIEVRE, Magistrat honoraire, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [Y] [M] (ci-après M. [M]) a été engagé par contrat de travail à durée déterminée par la SA VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE, devenue SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE , pour la période du 9 mai 2000 au 31 juillet 2000 en qualité de magasinier cariste niveau 3 échelon 1 coefficient 215. La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2000.

La convention collective applicable est celle de la métallurgie.

M. [M] est passé chef d'équipe production magasin pièces de rechange à compter du 1er janvier 2010, agent de maîtrise niveau V échelon 1 coefficient 305 à compter du 1er avril 2011, puis a exercé, à compter du 1er mars 2013, les fonctions de responsable magasin pièces de rechange, sa dernière rémunération mensuelle de base étant d'un montant de 2.588,25 euros.

M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, par lettre remise en main propre le 25 septembre 2014.

Il a été mis à pied à titre conservatoire à compter du même jour.

Le 10 octobre 2014, M. [M] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception pour des faits relevant de la tentative de vol, de la manipulation et de la destruction de données informatiques de l'entreprise.

Contestant son licenciement, M. [M] a saisi le Conseil des prud'hommes le 24 octobre 2014.

Devant le bureau de jugement il a sollicité la condamnation de la SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE à lui régler les sommes suivantes :

- 1.913,30 euros à titre de rappel de salaire entre le 25 septembre 2014 et le 10 octobre 2014 outre 191,33 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 105,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1010,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 12.200,79 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 50.126,90 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la remise de l'attestation Pôle emploi rectifiée et de bulletins de salaire rectifiés et conformes au jugement.

Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- fixé la moyenne des salaires à 3.368,46 euros, conformément à l'article R. 1454-28,

- dit que le licenciement de M. [M] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT à verser à M. [M] les sommes suivantes :

- 1.913,30 euros au titre de la mise à pied,

- 191,33 euros au titre des congés payés y afférents,

- 10.105,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.010,53 euros au titre des congés payés y afférents,

- 12.200,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 21.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné à la SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE d'envoyer à M. [M] en son domicile l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail ainsi que le bulletin de salaire du mois d'octobre 2014 conformes à la décision dans un délai de 30 jours après la notification de la présente décision,

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile,

- dit que les intérêts courent à compter du prononcé de la décision,

- ordonné à la SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE de procéder au remboursement des indemnités de chômage versées à M. [M] dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage soit 3.368,46 euros,

- condamné la SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE aux entiers dépens y compris les frais d'exécution de la décision, notamment tous les frais de recouvrement résultant de l'application des articles 10 et 11 du décret du 12 décembre 1996 modifié portant fixation du tarif des huissiers de justice et le remboursement de la contribution de 35 euros,

- débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration du 30 décembre 2016, enregistrée le même jour, la société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE a interjeté appel de la totalité du jugement.

Par dernières conclusions communiquées par RPVA le 20 mars 2018, la société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENTEUROPE, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2016 en ce qu'il a jugé le licenciement pour faute grave de M. [M] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée à verser les sommes suivantes :

- 21.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1.913,30 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied du 25 septembre 2014 au 13 octobre 2014 ainsi que les congés payés y afférents à hauteur de 191,33 euros,

- 10.105,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de prévis ainsi que 1.010,53 euros au titre des congés payés y afférents,

- 12.200,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2016 en ce qu'il l'a condamnée à remettre un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire du mois d'octobre 2014 rectifiés conformes à la décision,

- confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2016 en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

En statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement notifié à M. [M] repose sur une faute grave,

- débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes à ce titre,

- condamner M. [M] à lui payer la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées par RPVA le 2 mars 2018 , M. [M], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Versailles en date du 15 décembre 2016, en ce qu'il a :

- dire que son licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

- condamner la société VOLVO CONSTRUCTION au paiement des sommes suivantes :

- à titre de salaire (mise à pied du 25 septembre 2014 au 13 octobre 2014) : 1.913,30 euros,

- à titre d'Indemnité de congés payés sur salaire de mise à pied : 191,33 euros,

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 10.105,38 euros,

- à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1.010,53 euros,

- à titre d'indemnité légale de licenciement : 12.200,79 euros,

- au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 1.500,00 euros,

Et statuant à nouveau,

- condamner la Société VOLVO CONSTRUCTION à payer à Monsieur [M] les sommes de :

- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50.126,90 euros,

- à titre de dommages intérêts pour rupture vexatoire, atteinte à l'honneur et à la dignité, préjudice moral et financier : 100.000,00 euros,

- article 700 du Code de procédure civile : 5.000,00 euros,

- condamner la société VOLVO CONSTRUCTION aux entiers dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de justice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2019.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens

MOTIFS,

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 octobre 2014 dont les termes fixent le litige est ainsi motivée :

'Monsieur

Nous vous avons convoqué le lundi 06 octobre 2014 à 9h00 à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. A la suite de cet entretien pour lequel vous étiez accompagné par M. [W] [H], nous avons le regret de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Le motif invoqué à l'appui de cette décision tel qu'il vous a été exposé est, nous vous le rappelons, le suivant :

Le mercredi 24 septembre 2014, monsieur [J] [N], Directeur Services Clients a demandé à effectuer un contrôle qualité au départ de la remorque Géodis vers 17h45 / 18hafin de vérifier l'état des expéditions sur la base du fichier Géodis généré par nos demandes de transport. Etaient alors présents messieurs [K] [K],soit 0,00 Euros [B] [S], [Z] [A] et vous-même.

Lors de ce contrôle, une caisse a attiré notre attention car le numéro d'ordre de transport, n°17605 correspondait à une demande d'expédition manuelle.

En effet, les ordres de transport adressés à Géodis comportent un numéro de bon de livraison à sept chiffres issus de la production de notre système de gestion commandes clients et stock pièces de rechange (MOPS), généré en séquence automatique sans rupture.

Les demandes manuelles, quant à elles, comportent un numéro dans une séquence chronologique particulière permettant de les identifier.

La caisse en question a alors été extraite du chargement et mise en sécurité pour nous permettre de vérifier la demande de transport manuelle liée à cet envoi. L'article contenu dans cette caisse a été identifié sous le numéro « 0017403769 » correspondant à un convertisseur de couple. Monsieur [J] [N] vous a alors interrogé sur cette expédition et vous ne lui donnez aucune explication, à part que cette caisse figurait dans la liste des colis à expédier.

Des contrôles ont alors été réalisés dans les systèmes informatiques et monsieur [J] [N] n'y a trouvé ni la demande de transport et ni de client répertorié à l'adresse de destination indiquée. Monsieur [J] [N] a de suite questionné les responsables du SAV IDF, messieurs [P] [B] et [A] [D] car la demande était affectée au SAV IDF, le compte client interne « 06023 » utilisé par ce service y étant indiqué. Ces derniers n'ont alors retrouvé aucune demande pour ce convertisseur au sein de leur service.

De plus, une recherche sur le nom du « client » a de suite montré que c'était un particulier

et que l'adresse de livraison ne correspondait aucunement à une entreprise mais à un immeuble d'habitation.

Le système se fermant à 19h pour les sauvegardes, des contrôles approfondis ont été repris

dès le lendemain matin.

En premier, un contrôle des flux théoriques dans le système MOPS a été effectué, montrant

que le dernier achat sur cette pièce datait du 28 août 2014 suite à un ordre de réapprovisionnement en commande de stock pour le flux automatique (MMI). Nous avons aussi constaté qu'aucune commande client n'était en cours à la date du 24 septembre 2014 et qu'aucun mouvement d'entrée ou de sortie n'avait eu lieu entre le 28 août 2014 et le 24 septembre 2014. Ceci confirmait bien qu'aucune commande n'avait été passée par le SAV IDF ou par un autre service pour cette pièce.

Dans un deuxième temps, le contrôle s'est fait sur l'ordre de transport n°17605. Il a été identifié que cet ordre avait été créé et confirmé par la procédure manuelle « ZTR3 » permettant de réaliser exceptionnellement des transports via le service logistique des pièces de rechange. Informatiquement la demande a été supprimée de l'application « ZTR3 » ainsi que l'adresse de livraison (fichier RAN de l'application MOPS) indiquée sur le document destiné à « Géodis ».

Ceci nous a alors amené à contrôler le fichier des demandes d'expéditions manuelles « ZTR3 » et nous y avons constaté que la demande de transport inclus dans le fichier d'ordonnancement des expéditions à Géodis portant le n°17605 était inexistante dans ce fichier « ZTR3», par contre le compteur du chrono de ces demandes manuelles affichait que le dernier numéro attribué est le 17605.

Après une recherche dans la liste des demandes supprimées, il a été identifié que cette demande a été créée sous votre profil le 24 septembre 2014 à 16h29, puis confirmée en expédition à 16h57 générant ainsi automatiquement l'ordre de transport « Géodis » à 16h58. Lors du contrôle de l'adresse d'expédition (programme RAN de MOPS), cette adresse était aussi inexistante dans le fichier. Il existe dans le programme de création d'une demande de transport manuelle une fonction de mise à jour de l'adresse de livraison qui est générée dans le fichier MOPS RAN. Par conséquent l'adresse a été créée puis supprimée.

Nous avons de suite contrôlé les connexions aux transactions AS400 liées ou générant des expéditions sur la journée du 24 septembre 2014. Il a été constaté que vous vous êtes connecté à « ZTR3 » à 16h28 à partir de la console AS400 n° WD0040 du poste emballage et que vous vous êtes déconnecté à 16h29. Votre connexion était la première connexion de ce jour pour l'ensemble des utilisateurs autorisés et aucune connexion du service SAV IDF n'y figurait. De plus, votre connexion correspond à l'heure de création de la demande manuelle de transport en cause. Vous avez réalisé d'autres connexions à « ZTR3 » entre 17h06 et 17h11 soit à partir d'un PC ou de la console AS400 WD0040 du poste emballage.

Ces connexions ont été effectuées avant notre contrôle de l'ordre de transport et de l'adresse de livraison.

Lors de cet entretien, comme lors de la remise de votre convocation, vous avez reconnu avoir chargé vous-même cette caisse dans la remorque, comme cela vous arrive régulièrement.

Vous nous avez affirmé n'avoir aucunement procédé aux transactions informatiques décrites ci-dessus et que tout à chacun dans le magasin était en capacité de procéder à ce type de transaction.

Ce dernier point est erroné car les droits d'accès à la transaction « ZTR3 » au sein du magasin ne sont attribués à aucun magasinier. Par conséquent, ils sont dans l'incapacité de réaliser des demandes de transport manuelles.

De plus, vous nous avez indiqué que tous les matins vous ouvriez au moins quatre postes AS400 sous votre profil dont les deux évoqués dans les faits et que vous aviez donné votre profil et votre mode de passe à l'ensemble des magasiniers. Vous étayez ce point par la remise d'un courrier signé par douze magasiniers appartenant à notre société et un intérimaire déclarant sur l'honneur « utiliser les codes informatiques de monsieur [M] [Y] pour la gestion au quotidien de leur activité ».

Nous vous avons alors précisé que selon la politique informatique de notre société, il était interdit de transmettre pour tout collaborateur ses profils et mots de passe, comme il est indiqué dans la charte informatique :

« Chaque utilisateur est responsable de l'usage qu'il fait des ressources de la société. Pour ce faire et afin de mener à bien son activité professionnelle, celui-ci se voit attribuer un (ou plusieurs) compte informatique (appelé identifiant) qui devra être sécurisé par un mot de passe et qui lui permettra de se connecter au réseau informatique. Tout compte informatique est strictement personnel et incessible ».

Ceci a d'ailleurs été rappelé lors des réunions de présentation de cette charte le 11 décembre 2013 auprès du CHSCT avec un compte rendu diffusé le 15 janvier 2014 et le 17 décembre 2014 auprès du Comité d'entreprise avec un compte rendu diffusé le 13 janvier 2014 avec joint à ce dernier la charte informatique.

De plus faisant parti du management de proximité, vous avez été de nouveau sensibilisé sur ce point lors de la réunion Management de proximité du 16 janvier 2014 à laquelle vous étiez présent.

Vous avez justifié avoir donné vos accès par le fait que l'ensemble des accès des magasiniers étaient, selon vos dires, « grillés » et que malgré de nombreuses demandes auprès du service informatique, vous n'obteniez pas de nouveaux accès.

Nous sommes très surpris de ceci car dès le 26 septembre 2014, nous avons demandé à ce que chaque magasinier se connecte avec son propre accès AS400. Sur l'ensemble, il n'y a qu'une seule personne qui a dû avoir recours au service informatique car elle avait oublié son mot de passe. Le déblocage a été immédiat. Par ailleurs, tous les autres magasiniers ont réactivé leur accès dans le système directement en indiquant leur dernier mot de passe et en générant un nouveau. Vos explications sur les difficultés à avoir des accès pour votre équipe ne sont donc pas recevables.

Il est donc clair que vous vous êtes mis en dehors des règles de sécurité informatique du Groupe, rendant ainsi très difficile l'identification de manière précise des auteurs des diverses transactions informatiques.

En tant que Responsable du magasin, il est de votre responsabilité d'assurer la sécurité des biens et des personnes de votre périmètre d'activité. Vous n'étiez pas sans ignorer que nous subissions des disparitions inexpliquées dans le magasin depuis plusieurs années et que nous avions à plusieurs reprises essayé d'identifier les auteurs de ces disparitions sans succès. Le fait d'avoir maintenu un système informatique ouvert sous votre seul nom pour un bon nombre de magasiniers va à l'encontre totale des règles de sécurité et fait perdurer une opacité sur ce qui peut se passer au niveau des diverses transactions réalisées par le magasin.

Les faits évoqués relèvent de la tentative de vol, de la manipulation et de la destruction de données informatiques de notre entreprise et l'ensemble des constats ci-dessus ne peut nous amener à écarter votre responsabilité dans ces faits.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis.

Votre licenciement, sans indemnité de préavis ni de licenciement prend donc effet à compter de la date de première présentation de cette lettre à votre domicile.(...)'

Le salarié fait valoir devant la cour qu'aucun élément ne permet de lui imputer les faits de tentative de vol, de manipulation et de destruction de données informatiques perpétrés le 24 septembre 2014, les plaintes de la société ayant à cet égard fait l'objet d'un classement par le procureur de la république du tribunal de grande instance de Versailles le 11 septembre 2017.

Il convient cependant d'observer que l'employeur ne fait pas grief à M. [M] de la tentative de vol perpétrée dans le magasin le 24 septembre 2014.

En effet, sur la base de ses constatations portant sur un convertisseur de couple en cours d'expédition ce 24 septembre 2014 dont il était révélé qu'il n'avait fait l'objet d'aucune commande client, celle ci ayant été créée artificiellement par le biais d'une connexion informatique interne au nom de M. [M], l'employeur reproche à celui-ci de s'être mis en dehors des règles de sécurité informatique 'rendant très difficile l'identification de manière précise des auteurs des diverses transactions informatiques', d'avoir manqué à ses obligations relativement à la sécurité des biens et des personnes de son périmètre d'activité ' alors qu'il n'était pas sans ignorer que l'entreprise subissait des disparitions inexpliquées dans le magasin depuis plusieurs années'.

Afin de justifier du non-respect par M. [M] des règles de sécurité informatique en ce que ce dernier a 'maintenu ce système ouvert sous son seul nom pour un bon nombre de magasiniers' et fait dès lors 'perdurer une opacité sur ce qui peut se passer au niveau des transactions réalisées par le magasin', la société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE produit aux débats la charte de bonne conduite numérique ayant donné lieu à un avis favorable du comité d'entreprise lors d'une séance extraordinaire du 17 décembre 2013.

Il est mentionné à l'article 1.2 de ce document que chaque utilisateur est responsable de l'usage qu'il fait des ressources de la société, son compte informatique étant strictement personnel et incessible sauf pour les identifiants génériques partagés par plusieurs personnes et liés à l'activité.

L'article 1.2.1 précise que chaque utilisateur doit à son niveau, contribuer à la sécurité générale du système d'information de la société, certaines règles devant être ainsi observées pour garantir un maximum de sécurité et réduire les risques d'utilisation frauduleuse soit le choix d'un mot de passe d'un certain niveau de complexité, l'interdiction de le rendre visible à des tiers, de laisser son poste connecté pendant une absence prolongée, la règle étant de changer immédiatement son mot de passe si une tierce personne en a eu connaissance et de ne pas mettre à la disposition d'utilisateurs non autorisés l'accès au système réseau.

Or, il se déduit de la lettre du 29 septembre 2014 signée par 13 magasiniers de l'établissement de [Localité 2] que ces salariés, hiérarchiquement rattachés à l'intimé, utilisaient les codes informatiques de M. [M] pour la gestion au quotidien de leur activité ce, de manière récurrente et que ce soit en sa présence ou pendant son absence.

Le salarié oppose sur ce point la connaissance, par son employeur, de l'utilisation quotidienne de ses codes et de son profil de connexion au sein du magasin.

Il fait également observer que son attention n'a jamais été attirée sur la charte de bonne conduite numérique.

La société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE justifie cependant de la notification par courriel du 13 janvier 2014 à M.[M] de la charte de bonne conduite numérique tandis qu'il découle du procès verbal de la réunion management de proximité du 16 janvier 2014 que la charte y a été abordée au titre des 'points RH'.

Au regard des ses fonctions de responsable magasin pièces de rechange, le salarié se devait d'être particulièrement attentif à la bonne gestion des livraisons et dans ce cadre aux règles précises d'utilisation de son compte informatique.

Or, la cour observe qu'aucun élément ne vient justifier de ce que M. [M] aurait informé son employeur de l'utilisation quotidienne de ses codes par ses subordonnés ce alors que le compte rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 17 décembre 2013 également joint au courriel susvisé du 13 janvier 2014 appelait pourtant l'attention des salariés sur les nouveaux risques inhérents à l'utilisation des outils informatiques.

Par ailleurs l'employeur énonce, sans être démenti, que les magasiniers avaient des identifiants personnels dont ils se sont notamment servis sans difficulté le 26 septembre 2014.

Le grief portant sur le défaut de respect par le salarié des règles de sécurité informatique a ainsi lieu d'être retenu à son encontre.

L'opacité des transactions réalisées par le magasin se déduisant de cet irrespect des règles informatiques est également justifiée par l'employeur.

En effet, celui ci produit aux débats des connexions informatiques effectuées sous le nom [M] le 24 septembre 2014 justifiant de la création suivie de la suppression d'une demande manuelle de colis, un ordre de transport étant parallèlement édité permettant la sortie de ce dernier du magasin sans commande effective.

Dès lors, ces éléments, justifiant de négligences dans le respect des règles de sécurité informatiques et de leur conséquence pour le magasin, conduiront à retenir la faute grave du salarié par infirmation du jugement entrepris.

Ce dernier sera donc également infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à régler à M. [M] des sommes au titre d'un rappel de salaire sur mise à pied, les indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des sommes sur le fondement des articles L 1235-4 du code du travail et 700 du code de procédure civile.

L'infirmation portera de même sur la remises des documents sociaux, seule son rejet de la demande de dommages et intérêts formulée par le salarié étant donc confirmé.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [Y] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement en date du 10 octobre 2014 fondé sur une faute grave ;

REJETTE les demandes de M. [Y] [M] ;

VU l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Y] [M] à payer à la société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de M. [Y] [M] de ce chef ;

CONDAMNE M. [Y] [M] aux dépens.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05892
Date de la décision : 26/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°16/05892 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-26;16.05892 ?
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