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25/06/2019 | FRANCE | N°18/05111

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 25 juin 2019, 18/05111


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4DC



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JUIN 2019



N° RG 18/05111 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SQ3B





AFFAIRE :





Société VILLE D'ANTONY Agissant poursuites et diligences de son Maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège



C/



[G] [Z]



[U] [K]

...









Décision déférée à la cour : Ordonnance re

ndue le 10 Juillet 2018 par le juge commissaire du Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 2018M3201



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.06.19



à :



Me Franck LAFON,



Me Véronique BUQU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4DC

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JUIN 2019

N° RG 18/05111 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SQ3B

AFFAIRE :

Société VILLE D'ANTONY Agissant poursuites et diligences de son Maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

C/

[G] [Z]

[U] [K]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Juillet 2018 par le juge commissaire du Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 00

N° Section : 00

N° RG : 2018M3201

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.06.19

à :

Me Franck LAFON,

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL,

Me Christophe DEBRAY,

TC NANTERRE,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société VILLE D'ANTONY Agissant poursuites et diligences de son Maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20180305 et par Maître BOURDAIS, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

- Monsieur [G] [Z]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (ALGERIE) - de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

- Monsieur [U] [K]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 3] (ALGERIE)- de nationalité Algérienne

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 619 et par Maître EL MAM, avocat plaidant au barreau de PARIS

- SCP BTSG - [H] représentée par Maître [H], ès qualités de liquidateur Judiciaire de la SARL C&C BUSINESS STORE - N° SIRET : 434 12 2 5 111

[Adresse 4]

[Adresse 4]

- SARL C&C BUSINESS STORE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 5] -

[Localité 2]

Représentées par Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 19025 et par Maître WYON, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2019, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

La SARL C&C business store, spécialisée dans la vente au détail de chaussures, vêtements et accessoires, a le 10 août 2011 conclu avec la Ville d'[Localité 2] un bail commercial portant sur un local sis [Adresse 5], moyennant un loyer annuel de 36 800 euros, d'une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2011.

La société C&C business store ayant cessé de s'acquitter des loyers, la Ville d'Antony lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 10 août 2017.

Par ordonnance rendue le 7 décembre 2017 sur assignation de la Ville d'Antony, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a condamné la société C&C business store au paiement de la somme de 56 168,94 euros et d'une indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2017, constaté la résolution du bail au 11 septembre 2017 et ordonné son expulsion .

Sur appel de cette dernière, la cour de céans a, par arrêt rendu le 29 mars 2019, annulé cette décision.

La société C&C business store a par ailleurs saisi le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nanterre, qui, par jugement du 13 avril 2018, a notamment constaté qu'elle avait quitté les lieux d'elle-même après remise des clefs le 22 février 2018 et déclaré que l'expulsion diligentée le 28 février 2018 avec le concours de la force publique était injustifiée.

Le 21 mars 2018, la société C&C business store a régularisé une déclaration de cessation des paiements et sollicité l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à son profit.

Suivant jugement du 29 mars 2018 le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société C&C business store et désigné la SCP BTSG, prise en la personne de maître [M] [H], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 13 juin 2018, la Ville d'Antony a conclu un bail commercial avec la SASU Vic homme portant sur les mêmes locaux.

Le 18 juin 2018, dans le cadre de la procédure collective, le liquidateur judiciaire ayant fixé à cette date la limite de dépôt des offres, MM. [G] [Z] et [U] [K], en qualité de représentants de la société Manly shoes en cours de constitution, ont déposé une offre de reprise du fonds de commerce.

Le 2 juillet 2018, la Ville d'Antony a sollicité du juge-commissaire la résiliation du bail consenti à la société C&C business store notamment pour défaut de paiement de loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure collective et manquements aux obligations du bail. Cette demande a été rejetée par décision du 22 novembre 2018, confirmée sur opposition du bailleur, par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 27 mars 2019, dont appel a été interjeté.

Par ordonnance du 10 juillet 2018, le juge-commissaire désigné dans la liquidation judiciaire a autorisé la cession du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société C&C business store au profit de MM. [Z] et [K] en qualité de représentants de la société Manly Shoes, en cours de constitution, au prix de 26 020 euros hors frais et charges, dont 26 000 euros au titre des éléments incorporels et 20 euros au titre des éléments corporels, et fixé la date d'entrée en jouissance et le transfert de propriété du fonds de commerce à la date de l'ordonnance.

La Ville d'Antony a régulièrement interjeté appel le 17 juillet 2018 puis saisi le premier président d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à cette décision, prétention qui a été rejetée par ordonnance de référé du 28 août 2018.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 mai 2019, elle demande à la cour de :

- constater l'absence de réunion des éléments constitutifs d'un fonds de commerce, et, notamment, de toute clientèle actuelle et certaine ;

- dire et juger sans objet l'autorisation de céder un fonds de commerce donnée aux termes de l'ordonnance du 10 juillet 2018 ;

- dire et juger que la cession du seul droit au bail n'aurait pu être ordonnée à défaut d'avoir recueilli l'accord express du bailleur ;

- constater, au contraire, qu'elle a déposé le 2 juillet 2018 une requête aux fins de constat de la résiliation dudit bail ;

- dire et juger surabondamment que le juge-commissaire ne pouvait, le 10 juillet suivant, en l'état de la condition suspensive affectant l'offre et de l'aléa attaché à l'existence même de la chose cédée, autoriser la moindre cession emportant celle du droit au bail ;

En conséquence,

A titre principal :

- réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- dire et juger irrecevables et subsidiairement mal fondés MM. [Z] et [K] en leur requête du 18 juin 2018, et maître [H], ès qualités, en sa requête du 29 juin 2018 ;

- les en débouter ;

- déclarer irrecevable la demande indemnitaire nouvelle formée en cause d'appel par MM. [Z] et [K] ;

- constater que ces derniers renoncent à leur acquisition et leur en donner acte ;

A titre subsidiaire :

- débouter les intimés de leur demande indemnitaire ;

En tout état de cause :

- condamner les parties intimées au paiement in solidum de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Lafon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 mai 2019, la société C&C business store et la SCP BTSG², ès qualités, demandent à la cour de:

- rejeter l'ensemble des demandes de la Ville d'Antony et débouter tout contestant aux présentes ;

- confirmer l'ordonnance en date du 10 juillet 2018 en tous ses points ;

Y ajoutant,

- condamner la Ville d'Antony à payer à la société C&C business store la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Debray.

Dans leurs dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 avril 2019, MM. [G] [Z] et [U] [K] demandent à la cour de :

- les recevoir en leurs demandes et les dire bien fondées ;

- confirmer les termes de l'ordonnance du 10 juillet 2018 ;

- constater que la mairie d'[Localité 2] manque à son obligation de délivrance ;

- constater que la mairie d'[Localité 2] est dans l'incapacité de justifier de l'absence de clientèle;

- constater que la mairie d'[Localité 2] contribue à l'aggravation de la situation commerciale en

empêchant le repreneur d'accéder au local commercial ;

- constater que la cession comporte tous les éléments constitutifs d'une cession de fonds de

commerce ;

- débouter la mairie d'[Localité 2] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la mairie d'[Localité 2] à leur régler la somme de 281 400 euros (montant à parfaire) au titre du préjudice subi ;

- condamner la mairie d'[Localité 2] à leur régler la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la mairie d'[Localité 2] aux dépens, qui seront recouvrés par maître Buquet-Roussel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1- Sur la cession

La Ville d'Antony fait valoir en premier lieu que l'ordonnance est irrégulière en raison de l'inexistence du fonds de commerce cédé en l'absence de clientèle, élément indispensable selon la Cour de cassation, la cession envisagée devant s'analyser en réalité comme une cession du droit au bail, laquelle nécessite le consentement du bailleur.

Elle explique que la société C&C business store n'exerçait plus la moindre activité dans ses locaux depuis au moins août 2017, ce qui a entraîné la disparition de sa clientèle au jour de l'ordonnance de cession, sans que MM. [Z] et [K] ne puissent utilement soutenir qu'elle a concouru à cette disparition par la présente procédure.

Elle ajoute que s'agissant d'une franchise, les éléments y afférents ne peuvent être cédés puisqu'ils appartiennent au franchiseur, peu important dès lors qu'elle ait 'saisi' les stocks, qui sont intransmissibles. Elle en déduit que les éléments corporels, valorisés à 20 euros, sont uniquement symboliques et que les éléments incorporels sont constitués du seul droit au bail commercial, de sorte que la cession autorisée ne pouvait pas être celle d'un fonds de commerce.

Elle indique également que dans la mesure où elle a obtenu une décision constatant l'acquisition de la clause résolutoire le 7 décembre 2017, rien ne lui interdisait de rechercher de nouveaux locataires, sans que sa démarche vise à favoriser un repreneur ou à porter préjudice à la procédure collective mais considère au contraire que le liquidateur judiciaire a voulu opérer la cession d'un fonds de commerce fantôme pour se passer de son accord.

Elle soutient en deuxième lieu qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L.641-12 3° du code de commerce le liquidateur ne peut céder le bail que dans les conditions prévues au contrat, dont l'article 5 prévoit 'le consentement exprès par écrit du bailleur, si ce n'est à son successeur dans le même secteur d'activité ' et qu'aucune cession ne peut être autorisée si le preneur doit une quelconque indemnité au bailleur », ce qui est le cas puisque l'indemnité due a été établie à la somme de 56 168,94 euros.

Elle considère en outre que l'activité des repreneurs putatifs n'est pas identique à celle de la société C&C business store qui exploitait un « fonds de commerce de prêt à porter homme, femme, enfants notamment des articles chaussants vêtements et accessoires sous toutes ses formes » puisqu'ils ne souhaitent commercialiser que des chaussures, et ainsi restreindre le périmètre de l'activité figurant au bail.

Elle prétend en troisième lieu que l'ordonnance est également irrégulière en raison de la condition suspensive dont est assortie l'offre de reprise, qui précise que cette dernière n'est valable que si « le bailleur ne demande pas la résiliation du bail commercial » et s'il « ne demande pas ['] de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial en raison du non-paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire », alors qu'elle a formé ces deux demandes par requête du 2 juillet 2018, au visa de l'article L.641-12 2° du code de commerce, de sorte que l'offre de reprise est devenue caduque et sans objet. Elle considère que MM. [Z] et [K] ne peuvent renoncer à cette condition suspensive qui n'a pas été levée.

La SARL C&C business store et la SCP BTSG², ès qualités, soutiennent que la Ville d'Antony a violé les règles d'ordre public des procédures collectives en concluant un bail avec un tiers en dehors de tout cadre légal et en violation des dispositions de l'ordonnance déférée pourtant exécutoire.

Rappelant les éléments constitutifs d'un fonds de commerce et l'absence d'incidence de la cessation d'exploitation, sauf à ce qu'elle entraîne la perte de la clientèle, elles prétendent qu'en l'espèce, l'appelante ne démontre pas en quoi l'arrêt d'activité aurait conduit à l'abandon de la clientèle du fonds de commerce alors que celui-ci est situé dans l'artère la plus passante de la Ville d'[Localité 2], à proximité du RER A et d'autres commerces, ce qui suffit à caractériser la présence d'une clientèle et qu'en outre la Ville d'Antony ne peut invoquer l'absence de stocks dans la mesure où elle a procédé à la vente des stocks de sa seule initiative, sans en avertir le liquidateur.

Elles font valoir ensuite que l'offre de reprise de MM. [Z] et [K], qui ne concerne pas le seul droit au bail mais le fonds de commerce, est dénuée de la moindre ambiguïté et pouvait donc être retenue par le juge-commissaire.

En dernier lieu elles exposent qu'il résulte de l'article 1304-4 du code civil que la renonciation à une condition résolutoire est possible tant que celle-ci est toujours pendante, et peut être implicite et qu'en l'espèce l'attitude de MM. [Z] et [K] depuis le dépôt de l'offre révèle qu'ils ont renoncé à la condition résolutoire stipulée à l'article 11 de l'offre dans leur intérêt exclusif.

Soulignant d'abord qu'ils n'ont pas la jouissance du local en raison de la mauvaise foi de la Ville d'Antony, qui a violé les dispositions d'ordre public en signant un nouveau bail commercial au profit de la société Vic homme alors que le bail la liant à la société C&C business store était toujours en cours, MM. [Z] et [K] soutiennent que les termes de leur offre de reprise attestent de l'existence d'un fonds de commerce composé d'éléments corporels et incorporels, étant précisé que les éléments corporels n'ont été valorisés qu'à 20 euros en raison de la saisie réalisée par le bailleur sur le stock après l'ouverture de la liquidation judiciaire. Ils exposent que l'existence d'une clientèle se déduit de l'importance du chiffre d'affaires réalisé par la société C&C business store pendant les trois années précédant la cession, que le cédant n'a jamais laissé son local commercial à l'abandon, que le fonds cédé bénéficie d'un bon emplacement qui lui permet de conserver son potentiel de clientèle, sur laquelle les quelques semaines de fermeture autour de sa cession n'ont eu aucun impact, que la franchise est sans incidence dans la mesure où la société C&C business store disposait d'une clientèle propre pour la vente de chaussures, qu'il importe peu que le stock n'ait pas été vendu dès lors que cela résulte de la saisie opérée par le bailleur, enfin que la cession du nom commercial n'est pas nécessaire.

Ils prétendent ensuite qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L.622-7 I du code de commerce, disposition d'ordre public, qui interdit de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes, la Ville d'Antony ne peut pas se prévaloir des clauses du bail stipulant que la cession ne pourra intervenir si le preneur n'est pas entièrement à jour des loyers, charges et taxes exigibles.

S'agissant de l'article 11 du contrat, qui prévoit que la cession ne pourra intervenir sans l'accord du bailleur 'si ce n'est à son successeur dans le même secteur d'activité', ils observent que le terme d''activité' doit s'entendre différemment de celui de 'commerce', ce dont il résulte que le contrat permet la cession du droit au bail sans l'accord du bailleur pour les mêmes activités indiquées dans le bail, et précisent qu'ils comptaient reprendre une activité de prêt-à-porter, notamment d'articles chaussants, de sorte que contrairement à ce que prétend la commune, il n'y a aucune déspécialisation par rapport à l'activité prévue au bail.

Ils font enfin valoir qu'ils ont renoncé à se prévaloir de la condition suspensive prévue dans l'offre de reprise, rédigée au profit du seul repreneur, devant le juge-commissaire, ajoutant qu'au demeurant cette condition suspensive n'était pas valable en raison des dispositions du cahier des charges qui exigeaient que l'offre soit ferme et définitive.

Selon l'article L.641-11-1 du code de commerce, la liquidation judiciaire n'emporte pas résiliation du bail des locaux affectés à l'activité de l'entreprise, lequel reste cessible en application de l'article L.145-16 du même code.

L'article L.641-12 du code de commerce précise que le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent.

Enfin, l'article L.642-19 du code de commerce prévoit que c'est le juge-commissaire qui autorise aux prix et conditions qu'il détermine la vente de gré à gré des autres biens du débiteur.

Sur le fondement de ces textes, le liquidateur judiciaire peut solliciter du juge-commissaire qu'il ordonne la cession d'un fonds de commerce en ce compris le droit au bail, ou de ce dernier seulement, sous réserve dans les deux cas de l'existence de celui-ci.

En l'espèce, et contrairement à ce qui est vainement soutenu par l'appelante, le bail était toujours en cours au 29 mars 2018, date du jugement d'ouverture de la procédure collective, puisque l'ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2017, qui a constaté la résolution du bail au 11 septembre 2017 et ordonné l'expulsion de la locataire, n'était pas passée en force de chose jugée par suite de l'appel interjeté le 10 janvier 2018 par la société C&C business store. Il l'est d'autant plus depuis car d'une part, la présente cour a annulé cette décision par arrêt rendu le 29 mars 2019 et d'autre part, le tribunal de commerce de Nanterre a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire rejetant la demande de résiliation du bail formée par la Ville d'Antony par jugement du 27 mars 2019, même si celle-ci n'est pas définitive.

Il est justifié par le document intitulé 'Présentation cahier des charges pour dépôt d'offre' que le liquidateur judiciaire a, dans le cadre de sa mission, sollicité des offres de reprise du fonds de commerce, et non du seul droit au bail, les actifs corporels étant évalués à 2 500 euros pour le stock et à 30 euros pour le matériel, et que MM. [Z] et [K] ont déposé une offre le 18 juin 2018 portant 'sur l'ensemble des éléments corporels et incorporels de la société C&C business store', comprenant notamment 'le fonds de commerce exploité par la société C&C business store, le contrat de bail commercial conclu par la société C&C business store en qualité de preneur, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage attaché', moyennant le prix de 26 020 euros, soit 25 000 euros pour les éléments incorporels, 1 000 euros pour le stock et 20 euros pour les actifs corporels, puis de 26 020 euros, soit 26 000 euros pour les éléments incorporels et 20 euros pour les éléments corporels. L'offre de reprise n'est donc pas ambigüe.

Pour déterminer si la cession portait réellement sur un fonds de commerce ou seulement sur un droit au bail nécessitant l'accord du bailleur, il convient de rechercher si celle-ci s'est accompagnée ou non d'une cession de clientèle.

Il est justifié par les plans et photographies produits, et au demeurant non contestés, de ce que le commerce litigieux est situé sur l'avenue de la division Leclerc, soit dans l'une des artères les plus passantes de la Ville d'[Localité 2], à 400 mètres de la station de RER [Localité 2] et dans une zone comportant de nombreux commerces, dont plusieurs magasins d'habillement, en sorte qu'il bénéficiait d'un achalandage important lié à sa situation et d'une clientèle susceptible de trouver un intérêt à d'autres marques de chaussures ou de vêtements que celles proposées par la société liquidée.

La fermeture du fonds de commerce, à tout le moins à compter du 4 octobre 2017 date à laquelle l'huissier de justice n'a pu délivrer l'assignation en référé aux fins de constatation de la résolution du bail, comme relevé dans l'arrêt du 29 mars 2019, et non de janvier 2018 comme prétendu par le liquidateur judiciaire, jusqu'à la date à laquelle le juge-commissaire a statué, n'a pas entraîné la disparition du fonds dès lors qu'elle n'a pas entraîné la disparition de la clientèle qui lui préexistait de par sa situation.

Il sera relevé en outre que l'huissier présent lors de l'expulsion le 27 février 2018 a relevé la présence de matériels ayant une valeur marchande et que l'inventaire dressé le 20 avril 2018 par le commissaire-priseur mentionne l'existence d'un stock de chaussures et de vêtements d'une valeur de 2 500 euros et d'un matériel d'une valeur de 30 euros, appartenant en propre à la société liquidée et non au franchiseur.

Selon la lettre adressée le 25 juin 2018 par le liquidateur judiciaire à la mairie d'[Localité 2], les biens meubles qui se trouvaient dans les locaux ont été retirés et vendus le 30 mai 2018 par le bailleur sans que le liquidateur n'en soit averti, expliquant ensuite la modification de la répartition du prix par MM. [Z] et [K]. La Ville d'Antony, qui ne conteste pas avoir fait procéder à cette vente, ne peut dès lors pas tirer argument d'une absence d'éléments corporels pour contester l'existence d'un fonds de commerce.

Il se déduit de ces éléments que la preuve de l'existence d'un fonds de commerce susceptible d'être cédé sur autorisation du juge-commissaire et sans l'agrément du bailleur, est rapportée.

L'offre de MM. [Z] et [K] stipulait en son article 11 qu'elle était valable 'à condition que le bailleur ne demande pas la résiliation du bail commercial ou de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial en raison du non paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ...'. Outre que cette clause est rédigée au profit du seul preneur et qu'elle contrevient aux conditions prévues par le cahier des charges fixé par le liquidateur judiciaire pour le dépôt des offres, lequel exige une offre ferme et définitive, ces derniers ont indiqué dans leurs écritures avoir renoncé à s'en prévaloir lors de l'audience devant le juge-commissaire, ce que leur comportement procédural à hauteur d'appel confirme.

C'est donc à bon droit que le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société C&C business store à MM. [Z] et [K]. L'ordonnance doit, en conséquence, être confirmée en toutes ses dispositions.

2- Sur la demande indemnitaire formée par MM. [Z] et [K]

MM. [Z] et [K] soutiennent que leur demande d'indemnisation est recevable dans la mesure où elle est l'accessoire et le complément de la défense opposée à la Ville d'Antony, conformément aux dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, et fondée par le refus injustifié du bailleur qui souhaitant maintenir un autre locataire dans le local, leur cause un préjudice constitué de la perte du fonds de commerce (185 000 euros), des frais de justice auxquels ils ont dû faire face en raison des procédures initiées par le bailleur (20 400 euros TTC), des frais de gardiennage des marchandises destinées au magasin (6 000 euros), du manque à gagner en raison de l'incapacité du repreneur à prendre possession du magasin (70 000 euros), soit un préjudice total s'élevant à 281 400 euros.

Ils sollicitent en outre la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'abus du droit d'agir de la Ville d'Antony qui a signé un nouveau bail avec la société Vic homme.

L'appelante réplique que la demande d'indemnisation est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel dans la mesure où elle n'est ni constitutive de moyens nouveaux au soutien de demandes initiales, ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire aux prétentions soumises en première instance.

A titre subsidiaire elle prétend que les intimés n'établissent ni la faute, ni le préjudice, ni le lien de causalité entre eux à l'appui de cette demande. Elle considère qu'il ne peut pas lui être reproché un refus injustifié de donner son accord pour la cession projetée dans la mesure où aucun accord ne lui a été demandé et que s'il avait été requis, elle aurait été fondée à le refuser dès lors que MM. [Z] et [K] souhaitaient limiter leur activité à la vente de chaussures en violation de l'article 3.k du bail, et qu'ils avaient posé une condition à leur offre. Elle ajoute que le préjudice allégué à hauteur de 281 000 euros, notamment au titre de la perte du fonds de commerce et du manque à gagner, présuppose que MM. [Z] et [K] renoncent à acquérir le fonds de commerce, qu'il y a lieu de leur en donner acte, la cour n'étant dès lors pas saisie de l'objet de leur demande. Elle souligne en outre que le montant du préjudice allégué n'est pas justifié.

La demande indemnitaire formée par MM. [Z] et [K] pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en ce qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges et n'est ni l'accessoire ni la conséquence ou le complément de l'offre de reprise du fonds de commerce formulée en première instance.

Enfin, MM. [Z] et [K] n'établissent pas que la Ville d'Antony aurait interjeté appel dans l'unique dessein de leur nuire, sachant que son recours était voué à l'échec. Ils doivent donc être déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif.

Il serait inéquitable en revanche de leur laisser supporter les frais, non compris dans les dépens, inhérents à cette procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

Y joutant,

Déclare recevable la demande d'indemnisation formée par MM. [Z] et [K] ;

Déboute MM. [Z] et [K] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Condamne la Ville d'Antony à payer la somme de 5 000 € à la Selarl BTSG², ès qualités, d'une part, et à MM. [Z] et [K], d'autre part, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Ville d'Antony aux dépens de la procédure d'appel avec droit de recouvrement au profit de maître Debray, avocat, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 18/05111
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°18/05111 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;18.05111 ?
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