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25/06/2019 | FRANCE | N°18/00738

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 25 juin 2019, 18/00738


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 29A





DU 25 JUIN 2019





N° RG 18/00738



AFFAIRE :



[F] [O]

C/

[W] [O]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : 1

N° RG : 15/1963



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le

:





à :



-SELARL LESTER GAMEIRO NENEZ TIANO



-SCP IMAGINE AVOCATS















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 29A

DU 25 JUIN 2019

N° RG 18/00738

AFFAIRE :

[F] [O]

C/

[W] [O]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : 1

N° RG : 15/1963

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

-SELARL LESTER GAMEIRO NENEZ TIANO

-SCP IMAGINE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 9 avril, 21 mai et le 18 juin 2019, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [O]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 12]

[Localité 8]

représenté par Me Marie NENEZ de la SELARL LESTER GAMEIRO NENEZ TIANO, avocat postulant/déposant - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000030

APPELANT

****************

Monsieur [W] [O]

né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 13]

représenté par Me Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE AVOCATS, avocat postulant/déposant - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 - N° du dossier 2014400

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement rendu le 10 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Chartres qui a :

-déclaré recevable la demande de M. [F] [O],

-constaté que l'action de M. [F] [O] n'est pas prescrite,

-débouté M. [F] [O] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné M. [F] [O] aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de la SCP Mercier Pierrat Rivière-Dupuy Vannier Monti K conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

-dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 1er février 2018 par M. [F] [O] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2018 par lesquelles M. [F] [O] demande à la cour de :

Vu les articles 953, 955 et 957 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu le bordereau de pièces annexé aux présentes,

-déclarer l'appel de M. [F] [O] recevable,

Et y faisant droit, infirmer le jugement en ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau,

-dire que l'ensemble des faits et comportements de [W] [O] envers [F] [O] depuis le 4 août 2013 compris jusqu'à ce jour, ne sont pas prescrits et constituent des injures graves qui justifient la révocation des donations faites par le donataire au donateur, et par conséquent :

-révoquer les donations consenties par M. [F] [O] à hauteur de sa quote-part par lui données à son fils M. [W] [O] sur les biens suivants :

+révocation de la donation en avancement d'hoirie du 16 octobre 1996 passée devant Maître [E] [P] notaire à [Localité 11], de la pleine propriété d'une maison d'habitation sise à [Adresse 9], cadastrée section [Cadastre 16] « [Adresse 9] » pour 6 a 06 ca et publiée le 19 décembre 1996 au bureau des hypothèques de [Localité 11] volume 1996 P 7516.

+révocation de la donation en avancement d'hoirie du 18 octobre 2006 passée devant Maître [E] [P] notaire à [Localité 11], de la nue-propriété d'un immeuble comprenant vingt logements de type F2 et F3 situé sur la commune de [Localité 13], [Adresse 2], pour une contenant de 14 a 84 ca, cadastré section [Cadastre 10] et publiée le 23 novembre 2006 au bureau des hypothèques de [Localité 11] sous le n° d'enliassement 2006 P 7182,

+révocation de la donation en avancement d'hoirie du 18 octobre 2006 passée devant Maître [E] [P] notaire à [Localité 11] et enregistrée au service des impôts des entreprises de Chartres, le 29 décembre 2009, sous le bordereau n° 2009/1 434 case n° 1,de la nue-propriété des parts sociales faite par M. [F] [O] :

- des 14 784 parts sociales de la SCI logis levois trois numérotées de 1 à 14784 inclus,

- des 4 491 parts sociales de la SCI logis levois quatre numérotées 1 à 4991 inclus,

+révocation de la donation de 308 300 euros consentie à l'occasion de la création de la SCI 5 constituée le 21 septembre 2010 avec des fonds apportés par M. [F] [O],

-ordonner la publication de l'arrêt à intervenir auprès du service de la publicité foncière du lieu de la situation des immeubles concernés s'agissant des donations révoquées par l'arrêt à intervenir,

-condamner M. [W] [O] à verser à M. [F] [O] la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [F] [O],

-condamner M. [W] [O] à verser à M. [F] [O] la somme de 9.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [W] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 10 juillet 2016 par lesquelles M. [W] [O] demande à la cour de :

Vu les articles 955, 957,958 du code civil,

Vu l'article 38 de la loi du 1er juin 1924, modifié par la loi du 29 décembre 1990.

Vu l'article 757 du code de procédure civile,

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 10 janvier 2018 en ce qu'il a débouté M. [F] [O] de l'ensemble de ses demandes,

-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 10 janvier 2018 en ce qu'il a débouté M. [W] [O] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

-condamner M. [F] [O] à payer à M. [W] [O] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 en première instance,

-condamner M. [F] [O] à payer à M. [W] [O] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel,

-condamner M. [F] [O] aux entiers dépens.

FAITS ET PROCÉDURE

De l'union de M. [F] [O] et Mme [H] [T] est né [W] [O].

Après constitution d'un patrimoine immobilier, les époux [O] ont réalisé les donations suivantes au profit de leur fils :

- par acte authentique en date du 5 janvier 1995, une donation en avancement d'hoirie passée devant Me [E] [P] notaire à [Localité 11], des 2/3 indivis du fonds artisanal d'électricité générale exploité à [Adresse 9],

-par acte authentique en date du 16 octobre 1996, une donation en avancement d'hoirie passée devant Me [E] [P] notaire à [Localité 11], de la pleine propriété d'une maison d'habitation sise à [Adresse 9], cadastrée section [Cadastre 16] «[Adresse 9]» pour 6 à 06 ca et publiée le 19 décembre 1996 au bureau des hypothèques de [Localité 11] volume 1996 P 7516,

- par acte authentique en date du 18 octobre 2006, une donation en avancement d'hoirie passée devant Me [E] [P] notaire à [Localité 11], de la nue propriété d'un immeuble comprenant vingt logements de type F2 et F3 situé sur la commune de [Localité 13], [Adresse 2], pour une contenance de 14 a 84 ca, cadastré section [Cadastre 10] et publiée le 23 novembre 2006 au bureau des hypothèques de [Localité 11] sous le n° d'enliassement 2006 P 7182,

- par acte authentique en date du 23 décembre 2009, une donation en avancement d'hoirie passée devant Me [E] [P] notaire à [Localité 11], enregistrée au service des impôts des entreprises de Chartres, le 29 décembre 2009, sous le bordereau n°2009/l 434 case n° 1, de la nue-propriété des parts sociales de M. [F] [O] :

-des 14 784 parts sociales de la SCI logis levois trois numérotées de 1 à 14784 inclus,

-des 4 491 parts sociales de la SCI logis levois quatre numérotées de 1 à 4 491 inclus,

Madame [H] [O] est décédée le [Date décès 3] 2010 et a laissé pour lui succéder M. [F] [O] et M. [W] [O].

Selon statuts en date du 21 septembre 2010, une nouvelle SCI logis levois cinq a été constituée, au capital social de 400 000 euros, M. [F] [O] a reçu 22 500 parts en usufruit, M. [W] [O] s'est vu attribuer 22 500 parts en nue-propriété et 17 330 parts en pleine propriété et Madame [Z] [C], épouse de M. [W] [O] a reçu 170 parts en pleine propriété.

Par acte d'huissier de justice en date du 22 juin 2015, M. [F] [O] a fait assigner M. [W] [O] devant le tribunal de grande instance de Chartres aux fins de voir révoquer certaines donations.

Par le jugement déféré, le tribunal a débouté M. [F] [O] de ses demandes.

Sur la prescription des faits du 4 août 2013

M. [W] [O] invoque la prescription 'des faits' du 4 août 2013, sur le fondement de l'article 957 du code civil.

Il fait valoir que si une première assignation, en date du 9 juillet 2014, visait exclusivement les faits de violences du 4 août 2013, celle-ci n'a pas été placée et une ordonnance de caducité a été rendue, de sorte que cet acte n'a pu interrompre la prescription.

Il observe que la seconde assignation , en date du 22 juin 2015, vise ces mêmes faits de violence mais que M. [F] [O], conscient de la prescription, y a ajouté de nouveaux faits liés à la gestion des SCI au sein desquelles ils sont associés.

Il soutient que les faits de violence, au demeurant contestés et pour lesquels aucune plainte n'a été déposée, ne peuvent être invoqués au soutien de la demande de révocation pour ingratitude car ils sont prescrits et qu'il résulte du défaut de placement de l'assignation que son père les lui a 'pardonnés'.

Il conteste l'argumentation de son père selon laquelle les faits de violence et les problèmes liés à son exclusion de la gérance des SCI Gounod formeraient un tout indissociable constituant des actes d'ingratitude répétés permettant toujours d'invoquer les premiers au soutien de sa demande. Il fait valoir à cet effet que les relations avaient repris entre eux sans que ne soient plus évoqués les faits du 4 août 2013 et qu'il n'existe pas de lien entre ceux-ci et les faits invoqués postérieurement dans le cadre de la gestion des SCI.

Il conclut par conséquent à ce que seuls soient pris en considération les derniers faits invoqués, à l'exclusion de ceux du 4 août 2013.

M. [F] [O] réplique que la prescription concernant les faits qui se sont produits le 4 août 2013, ne saurait être retenue alors qu'il n'a jamais renoncé à s'en prévaloir , lesdits faits constituant le début d'un comportement injurieux qui n'a jamais cessé depuis.

Il invoque la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle lorsque certains faits forment avec des faits nouveaux, un ensemble indivisible, le point de départ du délai d'un an est repoussé dans le temps au moment où le fait imputé au donateur ou le dernier des faits d'ingratitude a cessé.

Il précise que les faits du 4 août 2013 sont le point de départ de la discorde avec son fils et qu'il fonde sa demande également sur les faits postérieurs et notamment sur l'altercation ayant eu lieu le 31 octobre 2014, le refus d'accès au siège social avec l'intervention de la gendarmerie le même jour et sur le fait qu'il ait été démis de ses fonctions de cogérant le 28 septembre 2015. Il ajoute que son fils n'a plus aucun contact direct avec lui et qu'il est totalement privé de ses petits-enfants.

Il considère avoir subi des actes d'ingratitude répétés de la part de son fils, se prolongeant dans le temps qui forment un ensemble continu et indivisible, de sorte que le délai de prescription n'a jamais commencé à courir.

Il demande donc de voir déclarer son action recevable y compris en ce qu'elle se fonde sur les faits du 4 août 2013.

***

Considérant que selon l'article 957 du code civil, la demande en révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année à compter du jour du délai imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ;

Considérant à titre liminaire qu'il doit être retenu que M. [W] [O] ne saisit pas la cour, dans le dispositif de ses conclusions, d'une fin de non-recevoir tendant à voir déclarer prescrite l'action de M. [F] [O] ; que sa demande se limite ainsi à voir écarter, comme motif d'ingratitude ou d'injures graves, les faits de violence allégués par son père en date du 4 août 2013 ;

Considérant qu'il est constaté que l'action de M. [F] [O] est recevable dès lors que l'acte introductif d'instance du 22 juin 2015 vise notamment des faits antérieurs de moins d'un an ; que la question de la tardiveté de la demande en ce qui concerne les faits du 4 août 2013 sera examinée dans le cadre de l'examen de son bien fondé, qui nécessite d'examiner le lien éventuel entre ces premiers faits et les autres invoqués par M. [F] [O] ;

Sur l'existence de sévices , délits ou injures graves commis à l'encontre du donateur

M. [F] [O] expose que les faits de violences du 4 août 2013 commis par son fils sont constitutifs d'injures graves et se sont perpétués par la suite jusqu'à ce jour.

Il fait en effet valoir qu'un mois après les violences commises à son encontre alors qu'il était âgé de 71 ans, son fils, M. [W] [O] l'a averti par courrier du 8 septembre 2013, de ce qu'il ne viendrait plus le voir, puis l'a exclu progressivement de la gérance des SCI .

Il affirme que M. [W] [O] n'est de fait plus venu le voir depuis et qu'il n'a plus aucun contact avec ses petits-enfants .

S'agissant des faits de violences il expose que ceux-ci ont eu lieu alors que M. [W] [O] et sa famille arrivait à son domicile pour y passer des vacances et que celui-ci l'a attrapé violemment en lui démettant l'épaule gauche, en lui reprochant d'avoir reçu une amie chez lui, ce qu'il avait vu depuis son propre domicile au moyen de caméras de surveillance installées chez lui, dans le cadre d'un dispositif de télésurveillance.

Il expose que les actes de violence ont provoqué une rupture complète du tendon de l'épaule gauche, nécessitant pas la suite des soins, qui ne lui ont été prodigués que le lendemain, son fils étant reparti immédiatement avec sa famille.

Il fait valoir que son fils lui a écrit le 8 septembre 2013 pour notamment lui dire qu'il ne reviendrait pas le voir. M. [F] [O] soutient que la réaction violente de son fils, incompréhensible et inexcusable plus de trois ans après le décès de sa femme qu'il a soignée entre 2003 et 2010, année de son décès, aurait pu faire l'objet d'un pardon si son fils ne lui avait pas annoncé ensuite qu'il ne le verrait plus, ce qui s'est traduit dans les faits. Il expose en effet qu'ils ne se sont revus qu'à l'occasion de quelques assemblées générales avant qu'il ne soit exclu de la vie des sociétés par sa révocation en tant que co-gérant et par l'interdiction de se rendre au siège social des SCI .

Il ajoute qu'il se trouve également dépossédé de son droit de vote, en sa qualité d'usufruitier des parts de SCI, que lui réserve l'article 10 des statuts, s'agissant de l'affectation des bénéfices et qu'il ne perçoit que ce que son fils veut bien lui remettre au titre de ces bénéfices, dont le sort est décidé en assemblées générales, dans lesquelles il n'a plus de pouvoir décisionnaire.

Il rappelle qu'il n'a plus aucun patrimoine propre en pleine propriété, sauf la moitié de la maison qu'il habite en Touraine, le reste de son patrimoine ayant été donné à son fils unique.

Il critique la gestion des SCI par son fils et sa belle fille en dénonçant des surfacturations qui profiteraient à la SARL [O], entreprise de travaux d'électricité et d'isolation de son fils, intervenant sur les réparations à faire dans les logements des SCI.

Il critique les attestations versées au débat par son fils, qui le présentent pour l'essentiel sous un aspect autoritaire et qui pour certaines évoquent son caractère violent et entend les combattre par les propres témoignages qu'il produit.

Il fait valoir que son fils a pris sa place dans'l'empire qu'il avait créé' en le faisant disparaître de sa vie, ce qu'il vit lui-même comme une mort familiale et sociale.

Il se dit atteint tant sur le plan moral que patrimonial, vivant isolé et conservant des séquelles physiques des faits de violence d'août 2013. Il considère que l'ensemble des faits, replacés dans leur contexte, constituent des injures graves au sens de l'article 955 du code civil.

M. [W] [O] réplique que les faits de violence, contestés, ne peuvent être invoqués, compte tenu de leur trop grande antériorité, au soutien de la demande de révocation.

Il prétend avoir conservé des relations normales avec son père pour la période allant du 4 août 2013 au 31 octobre 2014, date à laquelle il ne conteste pas avoir refusé à son père l'accès à son domicile qui constitue également le siège social des SCI filiales.

Il conclut à l'absence de faits injurieux pouvant lui être reprochés. Il affirme que M. [F] [O] prétend à tort être appauvri par la gestion des SCI et fait valoir que notamment pour 2017, M. [F] [O] a perçu au titre des revenus locatifs provenant de la SCI Logis Levois 3 la somme annuelle de 77 337,04 euros, à quoi s'joutent d'autres sommes et sa pension de retraite.

Concernant la gestion des SCI il soutient que M. [F] [O] n'est pas laissé à l'écart et en veut pour preuve les nombreux courriers et mails qu'il adresse à sa belle-fille pour solliciter des explications.

Il ajoute que M. [F] [O] n'a jamais contesté judiciairement aucune des décisions de révocation de gérance et qu'il a perdu dans les procédures diligentées portant sur le remboursement de ses comptes courants.

Il affirme qu'aucune faute de gestion caractérisée ne peut lui être reprochée.

Il explique, s'agissant du refus opposé à son père d'accéder au siège social des SCI que celui-ci se trouve à son domicile, qu'il a appelé les services de police et que les faits sont consignés dans une main-courante qui ne lui est pas défavorable. Il fait observer que son père n'a pas déposé plainte pour les prétendues insultes et violences ayant eu lieu à cette occasion.

En ce qui concerne l'absence de relations de M. [F] [O] avec ses petits-enfants, M. [W] [O] fait valoir que ce sont les procédures incessantes et menaces de procédure ainsi que les propos injurieux de son père vis à vis de lui-même et de son épouse qui se trouvent à l'origine de l'isolement de son père, lequel a créé cette situation conflictuelle.

Il expose qu'il a travaillé avec son père durant 22 ans sur les chantiers et qu'il a lui aussi largement contribué à la constitution du patrimoine des SCI. Il affirme avoir, pendant des années assuré gratuitement l'entretien non seulement des appartements appartenant aux SCI mais aussi des appartements dont son père avait l'usufruit.

Il conclut que l'absence de relations n'est ainsi dû qu'au caractère de M. [F] [O] et ne constitue pas une injure grave au sens de l'article 955 du code civil.

***

Considérant que l'article 955 du code civil prévoit que la donation entre vifs pourra être révoquée pour cause d'ingratitude, notamment si le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves ;

Que selon l'article 957 du même code, la demande en révocation devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur.

Considérant que le délai d'un an fixé par l'article 957 du code civil est un délai préfix, fondé sur une présomption de pardon, insusceptible de suspension, d'interruption ou de prolongation ;

Que les faits de violence en date du 4 août 2013, non sérieusement contestables par M. [W] [O], dans la mesure où celui-ci les a expressément visés dans son courrier du 8 septembre 2013 adressé à son père, en s'en excusant et en reconnaissant que sa violence était disproportionnée, présentent un caractère instantané et unique ; qu'en effet il n'est pas démontré d'autres actes de violence à l'encontre de M. [F] [O], notamment lors de l'altercation entre les parties le 31 octobre 2013 à l'occasion de laquelle M. [W] [O] a déposé une main-courante au terme de laquelle il a exposé que son père voulait pénétrer de force dans son domicile et qu'il a été dans l'obligation de faire appel aux services de police pour le faire partir ;

Que tant M. [W] [O] que son épouse, Mme [Z] [C] avaient déposé une première main courante le 23 avril 2014, pour déclarer que leur beau-père et père était rentré chez eux pour y prendre des dossiers administratifs relatifs aux SCI, sans leur autorisation ;

Que M. [F] [O] n'a pas déposé de plainte au sujet de cet incident ; que celui-ci ne saurait constituer la réitération des faits de violence qui se sont produits le 4 août 2013 ;

Que les autres faits invoqués au soutien de la demande de révocation sont de nature tout à fait différente ; que l'on ne saurait considérer que les faits de violence de 2013 se sont prolongés dans le temps en se répétant, de telle manière qu'il convienne de les prendre en considération, alors qu'ils n'ont été utilement invoqués que par l'acte introductif d'instance du 22 juin 2015, postérieur de plus d'un an à leur commission ;

Que ces faits doivent donc être écartés ;

Considérant s'agissant des faits allégués par M. [F] [O], relatifs d'une manière générale à la gestion des SCI dans lesquelles il a la qualité d'usufruitier et son fils, celle de nu-propriétaire, d'une part qu'il est établi qu'il reçoit régulièrement des bénéfices desdites sociétés, ainsi que des explications chiffrées à ce sujet de la part de sa belle fille, Mme [C] et du cabinet d'expertise comptable, la société Strego ; que d'autre part, M. [F] [O] n'a pas contesté les assemblées générales des 28 septembre 2015 de la SCI Logis Levois 3 et Logis Levois 4, dont les procès-verbaux mentionnent qu'il était présent et portent sa signature, au cours desquelles il a été révoqué de son mandat de gérant ; que de plus, les assemblées générales sont concomitantes au retrait d'une instance en référé initiée par M. [F] [O], qui cherchait à ce moment une voie d'apaisement , ce qui vient conforter que M. [F] [O] ne s'est pas opposé à sa révocation ;

Que la mésentente révélée par le fonctionnement actuel des SCI peut, si les parties le souhaitent, être surmontée par d'autres voies juridiques que par le biais de cette action ; qu'elle n'est pas constitutive en soi, d'une injure grave à l'encontre de M. [F] [O] qui continue à recevoir des bénéfices ;

Que s'agissant de l'absence de relations entre les parties ainsi qu'entre M. [F] [O] et ses petits-enfants, qui n'est pas réellement contestée, cette situation de fait n'apparaît pas plus imputable à M. [W] [O] qu'à M. [F] [O], dans la mesure où chacun, au travers des attestations produites, dénoncent le caractère difficile de l'autre ; qu'elle procède du comportement dans lequel chacun d'eux s'est enfermé ;

Que pour préjudiciable qu'elle soit, particulièrement pour M. [F] [O], elle ne constitue pas une injure grave et ne caractérise pas suffisamment un fait d'ingratitude de la part de M. [W] [O], d'autant que les enfants de ce dernier, respectivement nés le [Date naissance 7] 2001 et le [Date naissance 4] 2003, ont un âge les autorisant à renouer de leur propre initiative des relations avec leur grand-père ;

Que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [F] [O] de sa demande tendant à la révocation des donations qu'il a consenties à son fils M.[W] [O] ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Qu'il ne saurait pas davantage être fait droit à la demande accessoire de dommages et intérêts présentée par M. [F] [O] au titre de son préjudice moral, aucune faute n'étant retenue à l'encontre de M.[W] [O] ;

Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé sur ces points ;

Considérant que M.[F] [O] , partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel ;

Qu'il n'y a pas davantage lieu cause d'appel, compte tenu de la nature familiale du litige, de faire droit aux demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que les parties en sont déboutées ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

AJOUTANT au jugement entrepris,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

CONDAMNE M. [F] [O] aux dépens d'appel,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 18/00738
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°18/00738 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;18.00738 ?
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