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04/06/2019 | FRANCE | N°17/06632

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 04 juin 2019, 17/06632


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 04 JUIN 2019



N° RG 17/06632





AFFAIRE :



SA S.M.B.

C/

SASU BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST





Décision déférée à la cour : sentence arbitrale rendue le 29 août 2017



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :





à :



-Me [J] [J], ès qualités d'

administrateur provisoire du cabinet de Me Pierre GUTTIN



-Me Florence HELLY

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 22 févrie...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUIN 2019

N° RG 17/06632

AFFAIRE :

SA S.M.B.

C/

SASU BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST

Décision déférée à la cour : sentence arbitrale rendue le 29 août 2017

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

-Me [J] [J], ès qualités d'administrateur provisoire du cabinet de Me Pierre GUTTIN

-Me Florence HELLY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 22 février, 9 avril, 7 et 21 mai et le 03 juin 2019 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

SA S.M.B.

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 330 77 1 5 288

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me [J] [J], ès qualités d'administrateur provisoire du cabinet de Me Pierre GUTTIN, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

Me Philippe MATHURIN substitué par Me Nathalie DUPUY-LOUP de la SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS, avocat plaidant - barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SASU BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 321 006 892

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Florence HELLY, avocat postulant - barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 184 - N° du dossier 17057

Me Paul SEMIDEI de la SCP DE ANGELIS- SEMIDEI- VUILLQUEZ-HABART MELKI-BARDON-DE ANGELIS, avocat plaidant - barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue ç l'audience publique du 10 décembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, et Madame Nathalie LAUER, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu la sentence arbitrale intérimaire rendue le 29 août 2017 par M. [I] [T], arbitre, qui a statué comme suit :

DÉCLARE que le délai de l'arbitrage n'est pas expiré et que la procédure d'arbitrage poursuit son cours ;

En outre,

Afin d'assurer l'efficacité de la procédure arbitrale à venir, saisit concomitamment au prononcé de la présente Sentence, le Président du Tribunal de Grande Instance de Nantes en sa qualité de Juge d'Appui, afin de faire constater que le délai d'arbitrage n'est pas expiré.

Se réserve le droit d'ordonner, dans une sentence postérieure relative aux coûts de l'arbitrage, à l'une des parties et/ou aux deux parties, selon une proportion qui sera déterminée ultérieurement, de supporter les frais avancés par l'Arbitre Unique pour obtenir ladite confirmation du Juge d'Appui.

Vu le recours de la société SMB à l'encontre de cette sentence déférée à la cour le 6 septembre 2017 et ses dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2018 par lesquelles elle prie la cour de :

JUGER nulle et de nul effet, la sentence intérimaire en date du 29 août 2017, à raison de l'irrégularité de la désignation de Monsieur [I] [T] comme arbitre unique ;

JUGER nulle et de nul effet, la sentence intérimaire en date du 29 août 2017, à défaut pour Monsieur [I] [T], de s'être conformé à la mission qui lui avait été confiée ;

JUGER nulle et de nul effet, la sentence intérimaire en date du 29 août 2017, à défaut pour Monsieur [I] [T], de s'être conformé au principe de la contradiction ;

FAIRE usage des dispositions de l'article 1493 du Code de procédure civile, et avant dire droit sur les demandes respectives des parties, SURSEOIR A STATUER dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de Monsieur [D], désigné comme expert judiciaire par le Président du tribunal de commerce de NANTES,

DÉBOUTER la société BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société SMB ;

CONDAMNER la société BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST à payer une somme de 10 000 euros à la société SMB au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST aux entiers dépens de la présente instance ;

DÉBOUTER la société BOUYGUES BÂTIMENT GRAND OUEST, de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société SMB.

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 août 2018 par la société Bouygues bâtiment grand Ouest qui demande de :

DIRE ET JUGER :

que la demande de nullité de la sentence du 29 août 2017 fondée sur l'irrégularité de la désignation de Monsieur [T], est irrecevable et mal fondée,

que la demande de nullité de la sentence du 29 août 2017 fondée sur le non-respect de la mission confiée à Monsieur [T], est irrecevable et mal fondée.

DIRE ET JUGER que le fondement de l'article 1492 du Code de Procédure Civile, ne permet pas de solliciter la nullité de la clause compromissoire, action prévue et réglementée par le seul article 1455 du Code de Procédure Civile, pas plus que de demander la récusation de l'Arbitre, au demeurant pour des motifs déjà débattus judiciairement.

Vu l'autorité de la chose jugée s'attachant aux décisions des 16 mars 2017 et 21 décembre 2017 rendues respectivement par le Juge d'appui du Tribunal de Grande Instance de NANTES et le Juge d'appui du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES,

DIRE ET JUGER irrecevable les demandes fondées sur la nullité ou l'inapplicabilité de la clause compromissoire et sur le prétendu défaut d'indépendance de l'Expert.

DIRE ET JUGER que l'arbitre Monsieur [T], a respecté les principes d'organisation de la procédure arbitrale, dans des conditions ayant permis le respect des droits de la défense et qu'il n'a nullement contrevenu aux termes de sa mission

DIRE ET JUGER que Monsieur [T] a respecté le principe de la contradiction, rejeter toute demande contraire de ce chef fondée sur l'article 1492.4ème du Code de Procédure Civile.

DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 1493 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la Société SMB au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Bouygues bâtiment grand Ouest, ci-après la société Bouygues, s'est vu confier la réalisation du téléphérique de [Localité 1] par marché public du 29 octobre 2014. Par contrat du 29 juillet 2015, elle a confié à la société SMB la réalisation de certaines prestations.

Ce contrat, en son article 30 prévoyait notamment une clause compromissoire qui a été mise en 'uvre par la société Bouygues, celle-ci reprochant des malfaçons et des retards de réalisation à son sous-traitant et ce dernier ayant émis des facturations supplémentaires contestées. Elle a de plus refusé de faire agréer la société SMB par le maître de l'ouvrage pour des travaux supplémentaires.

Par ordonnance du 18 juillet 2017, le tribunal de commerce de Nantes et par ordonnance du 31 juillet 2017, le tribunal administratif de Rennes ont chacun diligenté des mesures d'expertise à la demande de la société SMB.

L'article 30 des conditions spécifiques du contrat de sous-traitance stipule que tout litige sera soumis à une procédure d'arbitrage conformément aux dispositions du présent article et des articles 1442 et suivants du nouveau code de procédure civile. L'article 30. 2 ' Procédure - stipule au titre de la saisine de l'arbitre que la partie qui soumettra un litige à l'arbitre doit adresser à l'un des arbitres désignés aux conditions particulières une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (appelée lettre de saisine) précisant l'exposé du litige et la demande qu'elle formule, en joignant à ce courrier les pièces justificatives (contrat, avenants, correspondances, comptes rendus utiles'). Au paragraphe «procédure arbitrale», il énonce qu'à la suite de la saisine, l'arbitre adresse aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans un délai de huit jours à compter de la saisine, une déclaration d'indépendance signée révélant, le cas échéant, toutes les circonstances, notamment : des liens de nature familiale ou des relations professionnelles passées présentes tels que consultants, conseils, avocat, avec l'une des parties, ou les missions de rapporteur, juge, expert, arbitre dans un ou des litiges, clos ou en cours, impliquant l'une ou l'autre des parties, ainsi que tout autre situation qui serait de nature à mettre en doute son indépendance ou son impartialité vis-à-vis de l'une ou l'autre des parties, et qui serait ainsi susceptible de supposer en la personne de l'arbitre un motif de récusation. Il est prévu également que l'arbitre ne peut accepter sa mission qu'en l'absence d'une demande de récusation exercée devant M. le président du tribunal de grande instance compétent, dans les 10 jours suivant la réception de cette déclaration d'indépendance par les parties.

L'article 10 des conditions particulières stipule quant à lui que conformément à l'article 30 des conditions spécifiques, la partie demanderesse en arbitrage, soumettra à son gré le différend, à l'un des arbitres ci-dessous désignés. Sont ensuite désignés M. [C] [H] et M. [I] [T].

Le 9 août 2016, la société Bouygues a adressé, par l'intermédiaire de son conseil, une lettre de saisine de l'arbitre désigné à M. [C] [H]. Celui-ci a accepté sa mission préalablement à toute déclaration d'indépendance.

Le 7 septembre 2016, la société SMB a alors saisi le président du tribunal de grande instance de Nantes en tant que juge d'appui en soulevant la nullité manifeste de la clause compromissoire et en sollicitant la récusation de l'arbitre désigné.

Le 9 septembre 2016, M. [C] [H] s'est désisté.

Le 3 octobre 2016, Bouygues a alors adressé à M. [T] une lettre recommandée avec accusé de réception intitulée 'lettre de saisine de l'arbitre désigné'.

Le 11 octobre 2016, M. [T] a transmis aux parties une «déclaration d'acceptation/déclaration d'indépendance et d'impartialité » puis, le même jour, il a transmis aux parties par e-mail et courrier modificatif, une «déclaration d'indépendance» modifiée en précisant que sa déclaration d'acceptation ne pourrait intervenir qu'aux termes d'un délai de 10 jours suivant la réception de sa déclaration d'indépendance, en l'absence de demande de récusation.

Le 30 octobre 2016, la société SMB a saisi le juge d'appui et transmis l'assignation à M. [T].

Par décision du 16 mars 2017, le tribunal de grande instance de Nantes, en tant que juge d'appui, a rejeté la demande de nullité et d'inapplicabilité de la clause compromissoire.

Le 12 juin 2017, M. [T] a accepté la mission d'arbitrage qui lui était confiée.

Par lettre RAR du 13 juin 2017, la société SMB a invité l'arbitre à considérer sa mission comme terminée.

S'en sont suivis différents échanges de courriers entre les parties et l'arbitre.

C'est dans ces conditions que l'arbitre a rendu la sentence intérimaire déférée à la cour.

Pour statuer ainsi, il retient que «sauf disposition contraire, le délai de six mois court à compter de l'acceptation de sa mission'; qu'aux termes de l'article 1461 du code de procédure civile, cette disposition peut faire l'objet d'une stipulation contraire'; que l'article 30 des Conditions Spécifiques ne déroge pas à l'article 1456 du code de procédure civile ; qu'en effet, cet article distingue clairement entre, en premier lieu, l'envoi d'une déclaration d'indépendance par l'arbitre et, en second lieu, l'acceptation de sa mission par l'arbitre, qui ne saurait intervenir qu'après une éventuelle phase durant laquelle l'une des Parties contesterait l'indépendance ou l'impartialité de l'arbitre, dans les dix jours suivant l'envoi de la déclaration d'indépendance'; que c'est précisément ce que prévoit l'article 1456, selon lequel il appartient à l'arbitre de « révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance et son impartialité avant d'accepter sa mission ; que l'article 30 des Conditions Spécifiques est donc conforme aux dispositions de l'article 1456'; que le seul emploi du terme «saisine» dans l'expression «Lettre de Saisine» à l'article 30 des Conditions Spécifiques ne suffit pas à considérer qu'il s'agit d'une dérogation aux dispositions de l'article 1456 du code de procédure civile, en l'absence de volonté clairement exprimée par les Parties à cet égard ; que l'arbitre estime qu'il a accepté sa mission par son courrier en date du 12 juin 2017'; qu'il ajoute que le courrier du 11 octobre 2016 au sein duquel l' Arbitre Unique avait initialement, par erreur, envoyé une déclaration d'acceptation a été corrigé par un courrier du même jour, faisant référence à une «erreur matérielle».

M. [T] a ensuite saisi le juge d'appui pour lui demander de constater que le délai d'arbitrage n'était pas expiré et de proroger ce délai de six mois.

Par décision du 14 décembre 2017, le juge d'appui a sursis à statuer sur la demande de délai complémentaire formée par l'arbitre dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Versailles suite au recours diligenté par la société SMB à l'encontre de la sentence intérimaire.

Par décision du 21 décembre 2017, il a rejeté la demande de récusation de M. [T].

SUR CE , LA COUR

Sur le délai de l'arbitrage

Considérant qu'au soutien de son recours, la société SMB fait valoir que l'arbitre, sans accord des parties ni décision du juge d'appui sur une prorogation de sa mission devant s'achever le 3 avril 2017, sans avoir préalablement entendu ni appelé les parties, leur a notifié le 29 août 2017 la sentence ; qu'en violation de l'article 1492.3°, il a statué sans se conformer à la mission qui lui était confiée pour avoir statué par une sentence alors que sa mission était expirée ; que précisément, les dispositions de l'article 30. 2 des conditions spécifiques du contrat de sous-traitance, qui ne fixent aucun délai spécifique d'arbitrage de sorte que la disposition supplétive de l'article 1463 du code de procédure civile a vocation à s'appliquer, distinguent clairement la saisine de l'acceptation de la mission par l'arbitre unique, de sorte que le délai de six mois est bien réputé commencer à courir à compter de l'événement valant saisine de l'arbitre, et non à compter de l'acceptation de sa mission par l'arbitre unique ; que conformément aux dispositions de l'article 1477 du code de procédure civile, l'expiration du délai d'arbitrage entraîne la fin de l'instance arbitrale ; qu'une fois expirée, la durée de la mission d'arbitrage ne saurait donc être prorogée par le juge d'appui en application de l'article 1463 du code de procédure civile, sauf à commettre un excès de pouvoir ; que c'est d'ailleurs ce qu'a retenu cette cour dans un arrêt du 3 novembre 2016 ; que, la clause compromissoire ne fixe aucun délai particulier à la mission confiée à l'arbitre ; que le délai légal supplétif de six mois a donc vocation à s'appliquer ; que la clause compromissoire stipulée à l'article 30 distingue clairement la saisine de l'arbitre de l'acceptation de sa mission, de sorte que, par dérogation à l'article 1456, la saisine de l'arbitre n'est pas réputée intervenir au jour de l'acceptation de sa mission et de la constitution du tribunal arbitral, mais bien au jour de la requête en arbitrage motivée qui lui est adressée, constitutive de la date de saisine de l'arbitre ; que de plus, alors que la décision du juge d'appui du 16 mars 2017 a été portée à sa connaissance par Bouygues par lettre du 27 mars 2017, l'arbitre n'a accompli aucune diligence dans le cadre de la mission d'arbitrage pendant plusieurs mois ; que sa demande de prorogation de la durée de sa mission, formée après l'expiration de celle-ci, ne saurait faire revivre la mission, éteinte depuis le 3 avril 2017 ; que si Bouygues fait valoir que seul l'arbitre aurait compétence pour apprécier le point de départ de sa mission et l'expiration de celle-ci, tel n'est pas la position exprimée par le juge d'appui de Versailles dans son ordonnance du 14 décembre 2017 ni celle adoptée par la cour de céans dans son arrêt du 3 novembre 2016 ;

Considérant que la société Bouygues fait valoir en préambule que le recours en annulation est un contrôle de légalité de la sentence et non un second degré de juridiction ; qu'elle réplique que l'analyse de la société SMB sur le délai d'arbitrage est contra legem au sens de l'article 1456 alinéa 1 du code de procédure civile, l'arbitre n'ayant accepté sa mission que le 12 juin 2017';

Considérant que la société Bouygues fait valoir de son côté que la société SMB a tout mis en 'uvre pour tenter de mettre en échec la procédure arbitrale'; que M. [T] a exactement jugé que le délai légal de six mois ne pouvait commencer à courir que du jour de l'acceptation de sa mission, c'est-à-dire à partir du moment où la procédure peut effectivement démarrer et se dérouler dans le respect des dispositions convenues ; que cette question relevait au demeurant clairement du périmètre de la compétence qui lui est dévolue par l'article 1465 du code de procédure civile ; que ce point de droit ne relève pas du 3 de l'article 1492 aux termes duquel le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; que seul est applicable l'article 1456-1 du code de procédure civile aux termes duquel si la convention d'arbitrage ne fixe pas de délai, la mission des arbitres ne dure que six mois à compter du jour où le dernier d'entre eux l'a acceptée ; qu'en tout état de cause, l'arbitre n'a pas contrevenu à sa mission sur l'organisation de la procédure arbitrale ; que toujours dans la droite ligne de sa stratégie de blocage, la société SMB a estimé que le délai de six mois était expiré et a cantonné le débat sur ce seul sujet ; qu'il a donc bien fallu que l'arbitre purge cette difficulté ; que pour ce faire, il a sollicité l'avis des parties ;

Considérant ceci exposé qu'en vertu de l'article 1492 1° du code de procédure civile, le recours en annulation d'une sentence arbitrale est ouvert en particulier si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent; que tel sera le cas dans l'hypothèse où le tribunal arbitral aura rendu sa sentence après l'expiration du délai de l'arbitrage ;

Considérant en l'espèce que la société SMB soutient en substance que la clause compromissoire liant les parties a entendu déroger aux dispositions de l'article 1456 du code de procédure civile en ce que les parties ont convenu que le délai de l'arbitrage courrait à compter de la saisine de l'arbitre de sorte que la société Bouygues ayant saisie l'arbitre le 3 octobre 2016, le délai de l'arbitrage était expiré lorsque l'arbitre a accepté sa mission le 12 juin 2017 ;

Mais considérant que l'article 30 du contrat de sous-traitance liant les parties est rédigé comme suit :

« 30. 1 clause compromissoire

tout litige, quelles qu'en soient la nature et la date de survenance, relatif à l'interprétation, à la validité, à l'exécution et notamment aux droits à paiement du sous-traitant ou à la résiliation du contrat jusqu'et y compris réception des travaux, levée des réserves, garantie de parfait achèvement et apurement des comptes, sera soumis à une procédure d'arbitrage (l'arbitrage) conformément aux dispositions du présent article et des articles 1442 et suivants du nouveau code de procédure civile.

L'arbitre unique constituant le tribunal arbitral est désigné parmi la liste des arbitres figurant à l'article 10 des conditions particulières.

La présente clause compromissoire demeurera sans effet dans le cas d'un appel en cause formé par l'entreprise principale à l'encontre du sous-traitant à la suite ou dans le cadre d'une procédure judiciaire principale. »

Considérant qu'il en résulte expressément que sauf stipulations particulières, la procédure d'arbitrage à laquelle les parties ont convenu de soumettre tout éventuel litige reste régie par les dispositions des articles 1442 et suivants du code de procédure civile ;

Considérant que l'article 30. 2 décrit ensuite les trois phases de la procédure ; qu'il est rédigé de la manière suivante :

« Saisine de l'arbitre

La partie qui soumettra un litige à l'arbitre (l'arbitre) doit adresser à l'un des arbitres désignés aux conditions particulières une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (appelée lettre de saisine) précisant l'exposé du litige et la demande qu'elle formule, en joignant à ce courrier les pièces justificatives (contrat, avenants, correspondances, comptes-rendus utiles').

Le même jour, une copie intégrale de la lettre de saisine et des pièces jointes doivent être adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'autre partie.

Constats d'urgence

En cas d'urgence, la lettre de saisine de l'arbitre peut demander la procédure de constat d'urgence à laquelle l'arbitre répondra dans les plus brefs délais.

Dans ce cas, l'arbitre procède lui-même ou fait procéder si nécessaire préalablement à l'établissement de l'acte de mission, par tout expert ou constatant qu'il nomme à cet effet, aux constatations en tous lieux, demandées par la partie qui l'a saisi ou à celles demandées par l'autre partie.

Les parties sont convoquées à ce constat qui donne lieu dans tous les cas à l'établissement d'un procès-verbal adressé à chacune des parties dans les plus brefs délais.

Procédure arbitrale

A la suite de la saisine, l'arbitre adresse aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans un délai de huit jours à compter de la saisine, une déclaration d'indépendance signée révélant, le cas échéant, toutes les circonstances, notamment :

- des liens de nature familiale ou des relations professionnelles passées ou présentes telles que consultant, conseil, avocat avec l'une des parties,

- ou les missions de rapporteur, juge, expert, arbitre dans un ou des litiges, clos ou en cours, impliquant l'une ou l'autre des parties ainsi que tout autre situation qui serait de nature à mettre en doute son indépendance ou son impartialité vis-à-vis de l'une ou l'autre des parties, et qui serait ainsi susceptible de supposer en la personne de l'arbitre un motif de récusation.

L'arbitre ne peut accepter sa mission qu'en l'absence d'une demande de récusation exercée devant M. le président du tribunal de grand instance compétent, dans les 10 jours suivant la réception de cette déclaration d'indépendance par les parties.

En cas de demande de récusation de l'arbitre, il est pourvu à son remplacement par la partie demanderesse parmi la liste figurant à l'article 10 des conditions particulières, sans que cette circonstance mette fin à l'instance.

Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent en cas de décès, démission, empêchement ou abstention d'un arbitre.

Puis l'arbitre établit un calendrier de procédure qui comporte toutes les indications nécessaires au bon déroulement de la procédure, notamment dans la mesure du possible :

la date de départ de la procédure d'arbitrage,

- les dates de dépôt de la demande reconventionnelle éventuelle ainsi que les mémoires d'observation et des pièces justificatives de chacune des parties,

- la date à laquelle l'affaire sera mise en délibéré par l'arbitre, excluant toute demande de production de pièces postérieures,

- la date à laquelle la sentence motivée sera rendue».

Considérant qu'il s'ensuit que les termes exprès de la clause compromissoire ne stipulent en rien que le délai d'arbitrage court à compter de la «saisine» de l'arbitre, terme qui ne peut donc être compris que comme la désignation par une partie d'un litige à l'arbitre lui-même désigné dans les conditions de l'article 10 des conditions particulières ;

Considérant en outre qu'affirmer que le délai de l'arbitrage commence à compter de cette désignation d'un litige à l'arbitre désigné dans les conditions de l'article 10 des conditions particulières supposerait que la mission d'arbitrage commence avant la phase destinée à permettre à une partie de récuser l'arbitre au besoin, ce qui n'a pas de sens ;

Considérant que l'article 1461 du code de procédure civile prévoit que sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 1456, toute stipulation contraire aux règles édictées au présent chapitre est réputée non écrite ; qu'or faute de stipulations particulières adoptées sur ce point par les parties, en dépit de ce que permet expressément l'article 1461 du code de procédure civile, le point de départ du délai d'arbitrage doit s'apprécier conformément aux dispositions du code de procédure civile auquel les parties ont expressément entendu soumettre la procédure d'arbitrage ;

Considérant ainsi que selon l'article 1456 du code de procédure civile, le tribunal arbitral est constitué lorsque le ou les arbitres ont accepté la mission qui leur est confiée ; qu'à cette date, l'arbitre est saisi du litige ; qu'il s'ensuit que la saisine de l'arbitre au sens du code de procédure civile est la date à laquelle le tribunal arbitral est constitué et que celui-ci ne peut l'être que lorsque l'arbitre a accepté sa mission ;

Considérant en l'espèce que M. [T] a accepté la mission le 12 juin 2017 ; que faute de stipulation contraire, l'article 1463 du code de procédure civile trouve à s'appliquer ; que celui-ci dispose que si la convention d'arbitrage ne fixe pas de délai, la durée de la mission du tribunal arbitral est limitée à six mois à compter de sa saisine ; que le délai de six mois prévu par ce texte doit être décompté à compter du 12 juin 2017 ; qu'il s'ensuit que le délai de l'arbitrage n'était pas expiré le 29 août 2017, date à laquelle M. [T] a rendu la sentence intérimaire déférée à la cour ; que celle-ci n'encourt donc aucune nullité sur ce point ;

Sur la régularité de la désignation de l'arbitre

Considérant qu'au soutien de son recours, la société SMB fait valoir qu'en violation de l'article 1492. 2° du code de procédure civile, l'arbitre a été irrégulièrement désigné pour avoir été choisi par Bouygues en application d'une clause compromissoire contraire au principe d'ordre public de l'égalité des parties dans la désignation des parties, des éléments sérieux permettant de mettre en cause son indépendance ; que l'article 1492 1° et 2° ouvre un recours en annulation à l'encontre de la sentence arbitrale, lorsque le tribunal arbitral, ou l'arbitre unique, s'est déclaré à tort compétent ou a été irrégulièrement constitué ; que tel est le cas dès lors que l'arbitre a été désigné en application d'une clause compromissoire qui méconnaît le principe d'ordre public de l'égalité des parties dans la désignation de l'arbitre, la Cour de cassation rappelant régulièrement que le principe de l'égalité des parties dans la désignation des arbitres est d'ordre public et qu'il n'est possible d'y renoncer qu'après la naissance du litige ; que se fondant sur cette clause, Bouygues a unilatéralement désigné M. [T], seul alors que la liste de 11 arbitres mentionnés à cet article, n'est pas établie d'un commun accord entre les parties, mais dressée puis imposée par Bouygues à ses sous-traitants, et notamment à elle-même, placée sous la dépendance économique de son donneur d'ordre ; qu'aucun critère de choix n'est fixé dans la clause compromissoire ; que la désignation de l'arbitre est par ailleurs laissée à la seule discrétion du demandeur à l'arbitrage, à savoir en l'espèce la société Bouygues ; qu'en réplique, elle fait valoir qu'il n'est pas demandé à la cour de constater la nullité manifeste de la clause compromissoire au sens de l'article 1455 du code de procédure civile, mais l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral, laquelle ne ressort pas de la compétence du juge d'appui par application de l'article 1455, mais de la seule compétence de la cour ; que l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du juge d'appui du 16 mars 2017 ne saurait être invoquée dans ces conditions ; que, contrairement à ce que soutient Bouygues, la stipulation des clauses compromissoires avec des listes d'arbitre ne reconnaît pas la faveur de la doctrine, mais celle d'une certaine doctrine, qui présente des liens avec le directeur juridique du groupe Bouygues ; que si ce type de clause, n'a pour l'instant pas été censuré par la Cour de cassation, celle-ci ne les a pas davantage validées au regard du principe d'égalité des parties dans la désignation de l'arbitre ; que le seul pourvoi ayant porté ce moyen devant la Cour de cassation à ce jour, a été rejeté non pas au motif qu'il aurait été non fondé, mais au motif qu'il était nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Considérant que la société Bouygues réplique que la société SMB saisit l'occasion du recours contre la sentence intérimaire du 29 août 2017 pour relancer un débat déjà tranché par l'ordonnance du 16 mars 2017 en utilisant le biais des alinéas 1 et 2 de l'article 1492 du code de procédure civile, sur l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral ou son incompétence ; qu'or, aucun des deux cas d'ouverture du recours en annulation ne permet de juger la validité intrinsèque de la clause compromissoire ; que le litige relatif à la nullité manifeste ou l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire relève du régime juridique exclusif de l'article 1455 du code de procédure civile aux termes duquel, si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d'appui déclare n'y avoir lieu à désignation ; que les demandes de la société SMB tendant à exercer sous couvert des articles 1492 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, l'action prévue au seul article 1455 sont donc irrecevables ; qu'il s'ensuit que les demandes de la société SMB se heurtent manifestement à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge d'appui du tribunal de grande instance de Nantes du 16 mars 2017 alors que la cour d'appel de Versailles n'est pas juge d'appel du juge d'appui du tribunal de grande instance de Nantes ; qu'en tout état de cause, la clause compromissoire ne contrevient pas au principe d'égalité des parties ; que la doctrine est favorable à la désignation préalable d'une liste d'arbitre pour éviter le contentieux chronophage de sa désignation ; que cette pratique assez courante dans le monde des affaires, n'a jamais été condamnée par la Cour de cassation ; que les juges du fond en ont admis la validité ; qu'en effet, le choix de la juridiction arbitrale, dans un souci d'efficacité, ne doit pas s'accompagner de la multiplication d'incidents devant les juridictions étatiques qui viendraient ainsi compliquer et retarder l'issue des procédures, au contraire de la raison d'être de cette clause ; que c'est la raison pour laquelle l'article 1455 du code de procédure civile précise que le juge d'appui si la convention d'arbitrage est manifestement nulle le constate et déclare n'y avoir lieu à désignation ; qu'il convient donc de démontrer le caractère manifestement nul de la convention d'arbitrage ; que le choix de l'arbitre par les parties se fait donc à la régularisation même de la convention ; qu'une fois le litige né, chaque partie choisit dans cette liste, à charge pour l'arbitre choisi d'établir de manière incontestable son impartialité et son indépendance ; qu'il n'y a donc pas de rupture du principe d'égalité des parties, celles-ci étant souveraines dans le choix de la liste d'arbitres ab initio ; que la société SMB ne s'est rien vu imposer par le groupe Bouygues ; qu'elle a choisi un mode de désignation arbitrale qui fonctionne selon le système de double détente ci-dessus décrit ; qu'il est vain de soutenir que la désignation de l'arbitre est laissée à la discrétion de la société Bouygues car c'est en réalité l'initiative du réclamant qui n'est par définition pas connue lors de la signature du contrat ; que les décisions de justice invoquées par la société SMB ne sauraient emporter la conviction de la cour, la jurisprudence considérant au contraire très majoritairement que la désignation de l'arbitre au sein de la liste d'arbitre laissée à l'initiative du demandeur à l'arbitrage ne constitue pas une désignation unilatérale ; que dans un arrêt Porée du 31 janvier 2002, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre un arrêt ayant admis qu'une telle clause compromissoire n'était pas manifestement nulle ; que si la doctrine n'est pas unanime comme l'observe la société SMB, la doctrine favorable est dominante et fondée sur des textes clairs ; que l'article 1444 du code de procédure prévoit que la convention d'arbitrage désigne, le cas échéant par référence à un règlement d'arbitrage, le ou les arbitres, ou prévoit les modalités de leur désignation ; que c'est à tort que la société SMB soutient que le contrat de sous-traitance dans lequel la clause compromissoire était incluse est un contrat d'adhésion dès lors qu'elle n'est pas elle-même une petite société mais une société locale d'importance au demeurant rattachée à un très grand groupe international ; qu'elle est ainsi parfaitement en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle souscrit ;

Considérant que l'article 1455 du code de procédure civile dispose que si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d'appui déclare n'y avoir lieu à désignation ; que néanmoins l'article 1492 2 ° de ce même code ouvrent le recours en annulation de la sentence arbitrale lorsque le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; que tel peut notamment être le cas si la clause compromissoire est nulle ; que, saisie sur le fondement de l'article 1492 2° du code de procédure civile, la cour doit apprécier la régularité de la clause compromissoire pour déterminer si le tribunal arbitral a été régulièrement constitué quand bien même le juge d'appui a considéré que la clause n'était pas manifestement nulle ;

Considérant en l'espèce que l'article 10 des conditions particulières du contrat de sous-traitance régularisée entre les parties stipule que conformément à l'article 10 des conditions spécifiques, la partie demanderesse en arbitrage, soumettra à son gré le différend à l'un des arbitres ci-dessous désignés ; qu'elle est ainsi suivie d'une liste de 11 noms d'arbitre classés par ordre alphabétique ; que la société Bouygues par courrier recommandé avec accusé de réception du 3 octobre 2016 a ainsi désigné M. [T] sans que la régularité des formalités prévues à l'article 30 des conditions spécifiques du contrat de sous-traitance et qui a été rappelé ci-dessus ne soit critiquée par la société SMB ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en outre, l'article 1444 du code de procédure civile prévoit que la convention d'arbitrage désigne, le cas échéant par référence à un règlement d'arbitrage, le ou les arbitres, ou prévoit les modalités de leur désignation, les modalités prévues aux articles 1451 à 1454, s'appliquant à défaut ; qu'en l'espèce, l'article 10 des conditions particulières et l'article 30 des conditions spécifiques définissent les modalités de désignation de l'arbitre ; qu'en signant, le contrat de sous-traitance, la société SMB a ainsi accepté que l'un des arbitres mentionnés à l'article 10 des conditions spécifiques soit désigné dans l'hypothèse où l'une des parties soumettrait un litige à l'arbitrage ; que, de plus, la société SMB ne rapporte pas la preuve de circonstances particulières qui se seraient opposées à ce qu'elle-même propose un certain nombre d'arbitres lors de la négociation de la convention ; que, si elle fait valoir qu'elle était sous la dépendance économique de son donneur d'ordre qui l'a soumis à un contrat d'adhésion, force est de constater qu'elle n'en rapporte la preuve d'aucune manière ; qu'enfin, la cour observe qu'au moment de la signature du contrat, le réclamant, par définition ne peut être connu ; qu'ainsi, la société SMB aurait parfaitement pu prendre elle-même l'initiative de soumettre un différend à arbitrage et ainsi choisir elle-même un nom d'arbitre dans la liste de l'article 10 des conditions spécifiques ; qu'aussi, la société SMB ne rapporte pas la preuve d'une rupture du principe d'égalité des parties dans la désignation de l'arbitre ; que la sentence déférée à la cour n'encourt donc aucune nullité de ce chef ;

Sur l'indépendance de l'arbitre

Considérant que la société SMB invoque par ailleurs le défaut d'indépendance de l'arbitre ; qu'elle observe que la déclaration d'indépendance avoue des liens avec le groupe Bouygues et est rédigée en des termes ambigus et on ne peut plus généraux ; qu'elle fait valoir que si dans son ordonnance du 16 mars 2017, le juge d'appui a retenu que ces éléments factuels ne pouvaient à eux seuls être analysés en un défaut d'impartialité et d'indépendance, de nouveaux éléments sont intervenus ; que, lorsque le 12 juin 2017, M. [T] a accepté la mission, il a sollicité l'accord des parties pour recourir à l'assistance d'une avocate spécialisée en arbitrage, Maître [K] en tant que secrétaire de l'arbitre unique ; qu'il apparaît que celle-ci travaille avec un avocat qui entretient des liens avec le directeur juridique et secrétaire général du groupe Bouygues ; que si BOUYGUES se prévaut de l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du juge d'appui de VERSAILLES du 21 décembre 2017 pour prétendre que la demande de SMB serait irrecevable, l'autorité de chose jugée ne saurait recevoir application qu'à la condition, rappelée à l'article 1355 du Code civil (dans sa nouvelle rédaction), que la chose demandée soit la même alors que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que le juge d'appui de VERSAILLES était en effet saisi d'une demande de récusation de l'arbitre en application de l'article 1456 du Code de procédure civile, alors que la Cour est saisie d'une demande de nullité de la sentence intérimaire du 29 août 2017'; que faire application de l'autorité de chose jugée de la décision du juge d'appui reviendrait à admettre que la saisine préalable du juge d'appui puisse permettre de vider la Cour de sa compétence, ce qui serait contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 1492 du Code de procédure civile ouvrant, aux parties à l'arbitrage, un recours en annulation à l'encontre de la sentence'; que, surabondamment, la décision du juge d'appui de VERSAILLES du 21 décembre 2017, non susceptible d'appel, est éminemment contestable ;

Considérant que la société Bouygues réplique que la société SMB n'est pas recevable à présenter des demandes qui relèvent en réalité du régime réglementé de la demande en récusation de l'arbitre, cette question ayant déjà été tranchée par le juge d'appui selon deux décisions bénéficiant de l'autorité de la chose jugée ; qu'elle ajoute que la demande, au visa inopérant de l'article 1492 du code de procédure civile, n'est pas recevable ; qu'en toute hypothèse, il n'est pas fondé de remettre en cause l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre ; que celui-ci a immédiatement rectifié sa déclaration d'indépendance ; que c'est d'ailleurs la première fois qu'il est invoqué « le courant d'affaires » pour un arbitre qui reçoit pourtant sa première mission d'arbitrage ; qu'en tout état de cause, l'intention de M. [T] de recourir au service de Mme [K] et les liens supposés de celle-ci avec le groupe Bouygues, n'ont pas été jugés comme constitutifs d'un doute raisonnable dans l'esprit des parties ; que d'ailleurs, M. [T], assigné pour sa seconde récusation, s'en est expliqué abondamment dans ses conclusions devant le juge d'appui du tribunal de grande instance de Versailles ; qu'en fait par ce biais, la société SMB a mis en place une stratégie de blocage ; que celle-ci est illustrée par le fait qu'elle a prétendu saisir le juge d'appui de Versailles au prétexte de révélation de nouveaux faits qui n'ont pas été retenus par le tribunal de grande instance de Versailles ;

Considérant ceci exposé qu'en application de l'article 1456 du code de procédure civile dernier alinéa, en cas de différend sur le maintien de l'arbitre, la difficulté est réglée par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, tranchée par le juge d'appui, saisi dans le mois qui suit la révélation ou la découverte des faits litigieux ; qu'en outre, en vertu de l'article 1460 alinéa 3 de ce même code, le juge d'appui statue par ordonnance non susceptible de recours, l'ordonnance ne pouvant être frappée d'appel que lorsque le juge déclare n'y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l'article 1455 ;

Considérant en l'espèce que la société SMB invoque une nouvelle fois l'envoi simultané de la déclaration d'acceptation et de la déclaration d'indépendance ; que ces faits ont toutefois fait l'objet d'une rectification quelques heures plus tard, l'arbitre ayant reconnu l'erreur constituée par cet envoi simultané ; qu'elle invoque encore l'ambiguïté de la déclaration d'indépendance ; que sur ces deux points, par ordonnance du 16 mars 2017, le juge d'appui du tribunal de grande instance de Nantes a rejeté la demande de récusation de l'arbitre ;

Considérant en outre que s'agissant des liens supposés de Mmes [K] et [A] avec le directeur juridique et secrétaire général du groupe Bouygues, M. [V], par ordonnance du 21 décembre 2017, le juge d'appui du tribunal de grande instance de Versailles n'a pas non plus fait droit à la demande de récusation ;

Considérant d'une part que la société SMB est mal fondée à soutenir que ces décisions sont éminemment critiquables dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles de recours ; que ces décisions ont ainsi irrévocablement statué sur l'indépendance de l'arbitre, question qui ne peut ainsi plus être rejugée par le moyen du recours en annulation dès lors que l'objet de la contestation est identique quant à l'appréciation des causes de récusation ou du moyen d'annulation, également fondés sur le défaut d'indépendance de l'arbitre et déduits des mêmes circonstances ; qu'ainsi, l'intervention du juge étatique dans le processus de constitution du tribunal arbitral a eu pour effet en réglant, sans recours possible, les contestations portant sur la qualité des arbitres, d'assurer et de consacrer la régularité de la constitution du tribunal arbitral à cet égard ; que, dans ces circonstances, une nouvelle contestation de cette régularité ne pourrait être fondée que sur la révélation ultérieure d'un vice affectant la composition du tribunal arbitral ; qu'or, tel n'est pas le cas des dernières circonstances invoquées et tenant aux liens supposés de Mmes [K] et [A], celles-ayant déjà été soumises de manière irrévocable au juge d'appui du tribunal de grande instance de Versailles ; que la sentence déférée à la cour n'encourt dès lors aucune irrégularité de ce chef ;

Sur le respect du principe de la contradiction

Considérant que la société SMB reproche à l'arbitre d'avoir rendu la sentence intérimaire sans avoir au préalable informé les parties à la procédure d'arbitrage de son intention de rendre une telle sentence, sans avoir au préalable appelé ni entendu les parties, ni les avoirs informées de la date à laquelle la question serait mise en délibéré, ni de la date à laquelle la sentence serait rendue et d'avoir ainsi, en violation de l'article 1492.4°, statué en méconnaissance du principe de la contradiction ;

Considérant que la société Bouygues réplique que l'arbitre a entendu les parties sur leurs moyens principaux, en réplique puis en duplique ; qu'exiger la tenue d'une audience sur ce sujet pour garantir les droits des parties ajoute à la loi et au contrat ;

Considérant ceci exposé qu'il résulte de l'article 1464 du code de procédure civile à moins que les parties n'en soient convenues autrement, le tribunal arbitral détermine la procédure arbitrale sans être tenu de suivre les règles établies pour les tribunaux étatiques ; que toutefois, sont toujours applicables les principes directeurs du procès énoncé aux articles 4 à 10, au premier alinéa de l'article 11, au deuxième et troisième alinéa de l'article 12 et aux articles 13 à 21, 23 et 23-1 ; qu'il en découle que si le formalisme applicable aux tribunaux étatiques n'est pas transposable aux tribunaux arbitraux, le tribunal arbitral doit respecter le principe de la contradiction ; qu'en conséquence, si la société SMB fait valoir que la sentence intérimaire a été rendue sans que les parties aient été appelées et que l'arbitre ne leur fasse part de la date à laquelle il rendrait sa sentence, il convient de déterminer si ces circonstances ont interdit que le principe de la contradiction ne soit assuré en l'espèce ; qu'or, il résulte des énonciations mêmes de la sentence déférée que suite au courrier adressé le 12 juin 2017 par l'arbitre aux termes duquel celui-ci faisait part aux parties de son acceptation de la mission d'arbitrage qui lui avait été confiée, par courrier du 13 juin 2017, la société SMB a demandé à l'arbitre de considérer sa mission comme terminée ; qu'alors par courrier du 15 juin 2017, Bouygues a exprimé son désaccord sur cette position ; que par un courrier du 23 juin 2017, la société SMB a maintenu cette position ; que par un courrier du 30 juin 2017, Bouygues a maintenu sa position ; que la sentence intérimaire ajoute ensuite que suite à ces échanges, les parties ont sollicité de l'arbitre qu'il se prononce sur la question de l'expiration du délai de l'arbitrage ;

Considérant qu'il résulte de ces échanges que la question de l'expiration du délai de l'arbitrage a fait l'objet d'échanges contradictoires nourris entre les parties ; que, sans être contesté par la société SMB sur ce point, M. [T] indique, dans le corps même de la sentence, avoir été sollicité par les parties elles-mêmes afin qu'il se prononce sur la question de l'expiration du délai de l'arbitrage; que cette difficulté devait donc être purgée par une décision elle-même susceptible d'ouvrir un recours aux parties ; que la société SMB est donc mal venue de soutenir que l'arbitre a rendu cette sentence sans qu'elle ait été appelée ou entendue ou encore informée de la date à laquelle cette sentence serait rendue ; que, quand bien même l'arbitre n'a tenu aucune d'audience préalable à la mise en délibéré de la décision, la position écrite réitérée de la société SMB à la suite des propres positions de Bouygues sur la question de l'expiration du délai de l'arbitrage démontre que le principe de la contradiction a dûment été respecté ; que la sentence déférée n'encourt pas davantage de nullité sur ce point ;

Sur les conséquences

Considérant que de ce qui précède, il résulte que la société SMB sera déboutée de toutes ses demandes et en particulier de sa demande d'évocation du litige, laquelle se trouve dépourvue d'objet, la demande de nullité de la sentence intérimaire du 29 août 2017 étant rejetée ;

Considérant que, compte tenu du sens de la présente décision, la société SMB, tenue aux dépens du recours, sera déboutée de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, elle versera sur ce même fondement à la société Bouygues la somme de 10'000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

DÉBOUTE la société SMB de toutes ses demandes,

La CONDAMNE à payer à la société Bouygues la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SMB aux dépens du recours.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIÈVRE, conseiller, pour le président empêché et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 17/06632
Date de la décision : 04/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°17/06632 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-04;17.06632 ?
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