La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2019 | FRANCE | N°16/04687

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 mai 2019, 16/04687


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 80A


15e chambre


ARRÊT No




CONTRADICTOIRE




DU 15 MAI 2019


No RG 16/04687




AFFAIRE :




SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST




C/




G... U...








Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHATEAUDUN
No Section : Industrie
No RG : F16/00002




Copies exécutoires et certifié

es conformes délivrées à :




SELARL ROBERT CASANOVA ET ASSOCIES




AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON




le :




RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,


La cour d'appel de Versailles, a ren...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2019

No RG 16/04687

AFFAIRE :

SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST

C/

G... U...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHATEAUDUN
No Section : Industrie
No RG : F16/00002

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELARL ROBERT CASANOVA ET ASSOCIES

AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST
[...]
No SIRET : 444 617 690

Représentée par Me Anne ROBERT-CASANOVA de la SELARL ROBERT CASANOVA ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000043

APPELANTE
****************

Monsieur G... U...
[...]
né le [...] à MAMERS, de nationalité française

Représenté par Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002

INTIMÉ
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Maryse LESAULT, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidenet,
Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. G... U... a été embauché par la SA MATHURIN FRÈRES exerçant sous l'enseigne BATIMENT DUNOIS suivant contrat de travail écrit le 12 février 1998 pour la durée d'un chantier sur RAMBOUILLET, à compter du 16 février 1998 en qualité de CHEF DE CHANTIER. Ce contrat s'est poursuivi au terme du chantier par un contrat à durée indéterminée.

Le contrat de travail a été transféré à la société à la société SPIE BATIGNOLLES OUEST compte tenu de la fusion absorption de la société MATHURIN FRÈRES par cette société.

Le 12 avril 2013 M. U... a été promu chef de chantier ETAM niveau FI à compter du 1er juin 2013.

M. G... U... a été convoqué par lettre du 7 juillet 2014 en entretien préalable en vue de son licenciement, fixé au 17 juillet 2014.

Il a été en arrêt maladie jusqu'au 16 juillet 2014 puis jusqu'au 1er août 2014 avec autorisation de sorties. Il ne s'est pas rendu à l'entretien préalable, ne s'est pas vu proposer de nouvelle date, ni n'en a sollicité une.

Par lettre du 21 juillet 2014, M. U... a été licencié pour faute grave.

Par requête du 9 octobre 2014, il a saisi le conseil de prud'hommes de CHATEAUDUN et a demandé, lors de l'audience de jugement, de :
- le déclarer recevable et fondé en ses demandes,
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Y faisant droit,
- condamner la société SPIE BATIGNOLLES OUEST à lui payer les sommes suivantes :
- 83.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.580 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 558 euros au titre des congés payés y afférents,
-11.738,17 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir ordonner la remise sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir des documents suivants, le Conseil des prud'homes se réservant le droit de liquider l'astreinte : du bulletin de paie afférent au préavis aux congés payés y afférents du certificat de travail rectifié, de l'attestation de l'employeur destinée au Pôle Emploi rectifiée,
- voir dire que l'intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l'introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil,
- voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant eu égard au caractère parfaitement incontestable des demandes formulées,
- condamner la société SPIE BATIGNOLLES OUEST aux entiers dépens.

Par jugement du 16 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de CHATEAUDUN a :
- déclaré M. U... recevable en ses demandes,
- déclaré la SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST recevable en sa demande reconventionnelle,
Au fond,
- requalifié le licenciement pour faute grave de M. U... en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST à payer à M. U... les sommes de :
- 25.110 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.580 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 558 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 11.738,17 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- et à délivrer à M. U... les documents sociaux (bulletin de paie, certificat de travail, attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 30 par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir. Le conseil de prud'hommes se réservant expressément le droit de liquider l'astreinte,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- débouté la SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST de sa demande reconventionnelle,
- condamné la SAS SPIE BATIGNOLLES OUEST aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 octobre 2016, la société a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :
- réformer totalement la décision entreprise,
Statuant à nouveau,
- dire que M. G... U... a commis des fautes graves,
En conséquence
- dire que le licenciement de M. U... repose sur des fautes graves, privatives de toutes indemnités de rupture,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes,
Reconventionnellement
- le condamner à verser à la société SPIE BATIGNOLLES OUEST la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience, M. U... demande à la cour de :
- débouter la société SPIE BATIGNOLLES OUEST de son appel,
-le déclarer recevable et bien fondé en l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
Y faisant droit,
- voir condamner la société SPIE BATIGNOLLES OUEST à lui payer les sommes suivantes :
- 83.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.580 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 558 euros au titre des congés payés y afférents,
-11.738,17 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- voir ordonner la remise sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir des documents suivants, la Cour se réservant le droit liquider l'astreinte : du bulletin de paie afférent au préavis aux congés payés y afférents du certificat de travail rectifié, de l'attestation de l'employeur destinée au Pôle Emploi rectifiée,
- voir dire que l'intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l'introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil,
- condamner la société SPIE BATIGNOLLES OUEST aux entiers dépens.

Lors de l'audience de plaidoirie initiale du 18 décembre 2018 la Cour a ordonné la communication en délibéré des compte-rendus de chantier sur la période de juin à septembre 2019.

Pour satisfaire au contradictoire de l'échange sur ces pièces la Cour, par arrêt du 6 février 2019, a ordonné la réouverture des débats et l'affaire a été renvoyée à d'audience du 19 février 2019, afin de recueillir les observations et conclusions des parties.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des demandes et moyens.

SUR CE, LA COUR,

1- Sur le licenciement

La société fait valoir que les manquements au respect des plans de construction et du cahier des charges ainsi qu'aux obligations de sécurité ayant fondé le licenciement pour faute grave sont avérés. Elle produit pour en justifier des courriels dans lesquels il est fait état des problèmes constatés, des photographies ainsi que des attestations.
Elle soutient que dans son courrier de réponse, M. U... reconnaît que les étais n'ont pas été posés, que l'écartement pour l'implantation était trop important, que la plate-forme n'était pas conforme. Elle ajoute que M. U... tente de s'exonérer de sa faute avec des affirmations de mauvaise foi et erronées alors qu'il a mis en péril par ses manquements la sécurité des salariés travaillant sur le chantier. Elle conclut au rejet des demandes indemnitaires du salarié.

Répondant aux arguments de M. U..., la société soutient encore que l'avertissement du 4 février 2010, portant sur le non-respect des instructions données, a un rapport direct avec certains griefs énoncés dans la lettre de licenciement. Elle ajoute que les entretiens d'évaluation du salarié font mention de points sur lesquels il doit s'améliorer et notamment sur l'attention au respect des règles de sécurité des sous-traitants gros oeuvre.
Elle répond par ailleurs que le courriel de M. X... produit au débat ne permet pas de mettre en lumière des discordances avec la version des faits de la société, étayée par des attestations de deux salariés. Elle précise que le grief tiré du vol de matériel n'a pas été retenu et ne figure pas dans la lettre de licenciement.
La société conteste enfin que le véritable motif du licenciement est économique. Elle soutient qu'elle ne connaît pas de difficultés économiques et que M. U... a été remplacé suite à son licenciement, de même qu'un autre chef de chantier parti à la retraite.

M. U... rappelle avoir contesté les griefs par lettre du 24 juillet 2014 envoyée à son employeur et indique qu'il incombe par conséquent à la société de démontrer la réalité des griefs invoqués.
Il fait valoir que l'avertissement du 4 février 2011 est sans lien avec les faits reprochés aux termes de la lettre de licenciement et ajoute avoir donné pleine satisfaction à son employeur, ce dont témoignent les comptes -rendus d'entretien d'évaluation qu'il verse au débat. Il fait valoir qu'en plus, ces entretiens ont eu lieu entre la notification de l'avertissement et de son licenciement.

Il relève encore que les manquements allégués par l'employeur n'ont jamais été constatés lors des contrôles techniques effectués par la société BUREAU VERITAS en juillet 2014 et qu'il a pu échanger avec M. X... sur les problèmes de remblais dont étaient responsables les sous-traitants.

Il ajoute enfin que :
- M. X... s'était opposé à la mise en place du dallage du rez-de-chaussée,
- il n'a pas été nécessaire de stopper les opérations de coulage, le coulage ayant simplement été décalé en raison d'un manque de béton,
- les étaiements de rive ont été réalisés malgré les dispositions du fournisseur qui n'en préconisait pas.

M. U... relève que les attestations produites par la société sont imprécises et écrites sous la dictée de la direction de la société, ajoutant qu'il a en réalité été licencié en raison des difficultés économiques rencontrées par la société qui connaissait une chute de son activité et envisageait une mesure de chômage partiel.

Sur ce,

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de la faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige.

La lettre de licenciement a été notifiée à M. U... le 30 juillet 2014 dans les termes suivants :

« à titre liminaire, nous vous rappelons qu'en qualité de chef de chantier, vous avez notamment la responsabilité de la réalisation du chantier où vous êtes affecté dans le respect des objectifs fixés (délais, qualité, sécurité, environnement), en organisant et gérant les ressources humaines et les moyens matériels mis à votre disposition.

Pour mener à bien vos fonctions de chef de chantier, vous devez notamment et en toutes circonstances agir de manière rigoureuse, avoir le sens des responsabilités, de l'observation et de l'adaptation. Vous devez également savoir encadrer vos équipes ce qui nécessite une bonne implication et des qualités managériales.

Lors d'une visite de chantier, le 1er juillet dernier, sur le chantier de la cabanasse, M. P... K... a constaté de graves manquements aux règles internes, aux modes opératoires et au nécessaire respect des exigences de sécurité.

Lors du tour de chantier, M. P... K... a été consterné tant de devoir vous faire des observations quant à vos manquements que de la désinvolture dont vous avez fait preuve. M. P... K... nous a déclaré qu'il était « inadmissible » pour un chef de chantier de votre expérience d'avoir manqué à vos obligations de sécurité.

Vos agissements tant lors de ce tour de chantier que depuis, sans constitutive en cela d'une première faute grave et plus particulièrement de manquements à l'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Par ailleurs, pour faire face à vos manquements et afin d'assurer la poursuite du chantier en toute sécurité, nous avons dû demander à M. Q... L... chef de chantier, de faire un « état des lieux » plus exhaustif pour mettre le chantier en sécurité avant d'envisager la reprise de la production.

Vos initiatives nous ont, en effet, contraint à arrêter les opérations de coulage que vous aviez prévu le mercredi 2 juillet 2014.

Ce manquement à vos obligations est clairement inadmissible et inacceptable. Cette situation est d'autant plus grave compte tenu de votre positionnement hiérarchique et de la nécessaire confiance qui vous est accordée, par la délégation de pouvoir qui vous est donné.

Ainsi, nous avons découvert de graves dysfonctionnements sur les points suivants :

-organisation de chantier » (suivent divers griefs repris ci-après-point A)

Puis plus loin,

« - obligation de sécurité » (suivent divers griefs repris ci-après-point B).

En l'espèce les manquements reprochés à M. U... doivent être examinés à la lumière de ses obligations contractuelles et, s'agissant d'un chantier d'importance, dans l'articulation de celles-ci avec celles des autres acteurs à l'acte de construction alors également présents sur le chantier.

A cet égard il s'est agi d'une opération importante ayant porté sur l'extension et la rénovation d'un hôtel dont le maître d'ouvrage était l'Etablissement du service d'infrastructure de la Défense de Lyon. Les intervenants à la construction ayant notamment été :
- un groupement de maîtrise d'œuvre dont SPIE BATIGNOLLES SUD OUEST (SBSO) était mandataire avec pour représentants dans les comptes -rendus de chantier produits en délibéré M. M... X... comme Directeur de travaux et M.W... C... comme conducteur de travaux.
Ce groupement a réuni un maître d'œuvre Architecture, deux maîtres d'œuvre bureau d'études, SERIGE/SETEC et TECHNIB, un maître d'œuvre Energie.
-un contrôleur technique
-un coordinateur de Sécurité Prévention (SPS)

Il s'agit selon pièces versées aux débats d'un marché réalisé par lots sous-traités par SBSO.

Ainsi le rôle de M. U... (désigné comme chef de chantier) par la société SPIE BATIGNOLLES avait pour mission d'assurer le bon déroulement du marché de travaux confié à son employeur, cela, certes dans le cadre de l'auto-contrôle de tout intervenant à l'exécution d'un marché de travaux, mais également sous la surveillance du maître d'œuvre et du contrôleur technique.

La Cour retient des pièces communiquées que :

- il n'est pas fait de reproche à M. U..., dans la lettre de licenciement, concernant l'utilisation de matériaux de remblais non adaptés de sorte que les observations du contrôleur technique Veritas sur ce point courant juin 2014 ne sont pas dans le débat,
- le cahier des charges et les plans de construction que l'employeur reproche au salarié de ne pas avoir respecté ne sont pas versés aux débats ce qui ne permet pas à la cour d'apprécier cette non-conformité des prestations exécutées par rapport à ces documents.

A- Sur les griefs relatifs à l'organisation du chantier la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

• fondations, l'employeur reproche dans la lettre de licenciement le fait que : «aucune attente n'a été mise en place alors que le règlement sismique nous impose une liaison des bétons »

• implantation : par rapport au mur de soutènement il avait été convenu qu'une zone en excroissance sur ce mur serait piquée par le sous-traitant démolisseur (lors de sa venue la semaine suivante pour faire les finitions), au lieu de décaler le bâtiment (environ 4 cm). Lors de la venue du sous-traitant, vous avez manqué de demander à ce dernier de piquer cette zone en excroissance. En conséquence nous avons dû intervenir derrière des éléments posés, provoquant ainsi une perte de temps supplémentaire et un inconfort au travail.

• Implantation contre le bâtiment existant : la zone de référence avait été convenue d'un commun accord (elle nécessitait la découpe d'une partie d'un élément préfabriqué). Aujourd'hui cet élément a été posé sans découpe, le bâtiment est donc trop écarté d'environ 10 cm.

• Une erreur sur les largeurs de passage des menuiseries nous a contraint décaler certaines pièces dont deux ou trois devaient être recoupés. Cette découpe n'ayant pas été fait et le coulage de ces parties ayant malheureusement été réalisé, la reprise va donc être beaucoup plus longue et compliquée qu'initialement prévu.

• au moins un poteau a été posé après coulage Duomur donc la liaison n'est pas assurée (P 22) entre ces éléments.

• Aciers en attente pour les verticaux (voir le poteau absent ou insuffisant, assis en chapeau entre le plancher et le plancher de la rotule absents, réservation pour scellement de l'escalier absente, (...)

Organisation : le coffrage des réservations entre le Duomur n'ayant pas été fait avant la pose, celui-ci a dû être fait en place. La conséquence immédiate et donc une perte de temps et un risque sécurité supplémentaire dû à une intervention dans une zone encombrée.

Planning : si l'avancement des fondations et des Duomurs a été correct, le plancher a été constamment reporté entraînant une dérive du planning (deux à trois semaines). Vous n'avez à aucun moment, malgré les points réguliers, sollicité votre hiérarchie sur d'éventuels besoins de main-d'œuvre supplémentaire. »

S'agissant des fondations, M. U... indique qu'en conformité avec les préconisations para-sismiques, toutes les attentes pour relier les gros bétons et le béton des semelles isolées et filantes ont été mis en place y compris au niveau des clavetages de longrines, ces longrines préfabriquées du fournisseur SEAC ayant obligé à reconstituer de longues zones dispensant d'avoir des aciers de liaison à ces endroits malgré la perte de temps. Il ajoute que pour remédier à l'absence et à l'insuffisance des attentes incorporées dans les longrines pour assurer la liaison avec les Duomurs, M. X..., directeur des travaux est en mesure d'expliquer la validation de ces plans de longrines, et il fait valoir que le contrôleur technique en la personne de M. D... a visité deux fois le chantier durant la réalisation de ces fondations en la présence de M. U....

La cour constate que le premier compte rendu du contrôleur Veritas du 21 mai 2014 fait référence aux fondations de l'extension en cours de réalisation en ces termes : « l'entreprise nous a confirmé que toutes les fondations seront ancrées dans le substratum rocheux et au moins au même niveau que les fondations des ouvrages et temps avoisinants. Cela comprend également les fondations au droit de l'ancien sous-sol qui seront descendus au-delà de l'ancien sous-sol ». Le compte rendu de Veritas suivant du 12 juin 2014 ne fait plus référence aux fondations de sorte que le problème évoqué sera tenu par la Cour pour avoir été réglé à cette date, ce qui permet de conclure que le grief n'est pas démontré.

S'agissant des griefs relatifs à l'implantation et à une erreur sur les largeurs de passage des menuiseries, le salarié indique avoir donné des instructions aux ouvriers présents de l'entreprise de sous-traitance Camar pour traiter la zone d'excroissance de 4 cm entre le mur existant et la nouvelle construction à charge pour cette entreprise à cette date d'exécuter la prestation correspondante avec le matériel de sciage et la sécurité nécessaire, M. U... indiquant ne pas avoir connu l'impact de réel de ce défaut avant la réalisation de l'ouvrage. Il ajoute qu'il s'agit d'un élément capital permettant d'assurer la dilatation de 6 cm entre les bâtiments exigée par la règlementation, de sorte que l'erreur d'implantation alléguée n'est pas de 10 cm comme prétendu mais de 3 cm. Il ajoute que sur ce point, à la demande du client par la représentation de son architecte, une modification sur les largeurs de baie en façade a été demandée et validée alors que les pré-murs étaient en fabrication et ont dès lors été montés aux dimensions de la commande. M. U... indique qu'il lui semblait cependant plus judicieux de modifier la commande de ces pré-murs comme demandé contrairement à l'avis exprimé par M. X... qui recommandait d'effectuer les modifications des cotes par sciage ultérieurement, avant pose, malgré les difficultés que cela engendre sur site.
M.U... développe par ailleurs dans sa lettre du 24 juillet 2014 diverses précisions sur les conditions dans lesquelles il a mené le chantier s'agissant tant du poteau préfabriqué P22 dont des compagnons peuvent attester de la bonne exécution ainsi que de celles des attentes pour les vols verticaux dont il explique qu'elles étaient en cours de réalisation au jour où il lui a été demandé de quitter immédiatement le chantier ce qui ne lui a pas permis d'en assurer le suivi final.
M. U... dénonce par ailleurs une validation hâtive des duos murs de M. X..., sans le consulter ce qui a contraint selon lui à coffrer toutes les réservations des ouvertures et des réservations des autres corps d'état. Il ajoute avoir sollicité des moyens humains par le recours d'intérimaires qui n'ont pas été mis sur le chantier évoquant le non remplacement de certains membres du personnel affectés à d'autres chantiers Spie Batignolles.

La cour retient s'agissant de ce grief relatif à l'implantation, que n'est pas produit le compte rendu de Veritas de nature à établir une exécution défectueuse sur ce point du chantier étant observé que les autres acteurs présents sur le suivi de ce chantier ou directement concernés, comme le maître d'ouvrage représenté par l'architecte, ou encore M. X... supérieur hiérarchique de M. U... ont été en dialogue de suivi de chantier comme c'est l'usage sur ce type d'opération. Il n'est pas contesté qu'il a été demandé à M. U... de quitter le chantier le 4 juillet 2014 soit pendant la période d'exécution de cette phase de sorte que le défaut de finalisation ne peut lui être reproché.
L'attestation de M. K... produite par la société Spie Batignolles sera écartée des débats dès lors que celui-ci ne fait état d'aucun lien de subordination ou de collaboration de communauté d'intérêts avec les parties alors qu'il était à la date des faits directeur d'exploitation de cette société et que la partialité de sa teneur est en cause.

De même l'attestation de M. L... mandaté par M. K... pour aller vérifier la conformité du chantier sur lequel travaillait M. U... ne sera pas retenu au soutien du grief allégué car il constate qu'une amélioration des étaiements avait été faite avant son arrivée alors qu'il n'avait pas fait de visite antérieure de nature à apprécier une « amélioration ».

La Cour s'étonne d'ailleurs que la lettre de licenciement se fonde sur l'avis de M. L... (page4) selon lequel les opérations de coulage du béton relevaient clairement des responsabilités et exigences attendues de M.U..., alors que celui-ci, écarté du chantier le 4 juillet, n'a pu achever sa mission sur ce point, étant rappelé que M. K... Directeur d'activité de Spie avait décidé d'arrêter cette opération le 1er juillet en raison du problème d'étaiement allégué.

S'agissant de l'erreur prétendue dont les ouvertures pour les menuiseries la cour constate qu'il n'est pas produit de documents précis sur ce point de nature à permettre d'apprécier une exécution fautive par le salarié de sa mission étant observé que M.U... évoque pour sa part une validation hâtive des Duos murs de M. X..., sans le consulter, ce qui a contraint selon lui à coffrer toutes les réservations des ouvertures et des réservations des autres corps d'état, cette validation n'étant pas contredite par l'employeur.

La cour observe qu'il n'est pas justifié par Spie Batignolles d'un retard de chantier imputable à des manquements de M. U... étant observé que le calendrier du chantier concernant tous les corps d'état (pièce U... no14) a prévu la réalisation des fondations, des élévations RDC et plancher haut RDC en juin-juillet et début août 2014, comme cela s'est déroulé, en l'absence de tout élément contraire au débat, M. U... ayant été en toute hypothèse retiré de ce chantier le 4 juillet 2014.

Il n'est pas davantage justifié par la société Spie Batignolles de ce qu'elle aurait subi un préjudice tant en interne que dans les aspects financiers et commerciaux de cette opération.

Cette première série de griefs n'est donc pas démontrée et ne saurait caractériser une faute grave.

B- S'agissant des griefs relatifs à l'obligation de sécurité, la lettre de licenciement rédigée dans les termes suivants :
« Malgré les procédures en vigueur, les règles élémentaires de sécurité de sécurisation du chantier, vous avez de façon consternante manqué à vos obligations.

En effet, lors de la visite du 1er juillet dernier, nous avons fait part d'un certain nombre de reproches sur l'étaiement du plancher au rez-de-chaussée.

D'une façon générale, l'étaiement est très mal maîtrisé et exécuté avec notamment de graves manquements en termes de sécurité.

• Mauvaise stabilisation de certaine tours d'étaiement ou d'étais simple : les pieds sont juste posés sur des bouts de planche de 30 cm, le hérisson n'ayant pas été ratissé au préalable recouvert d'un lit de sable égalisateur.
• Sur les prédalles de 7 m, étaiement sur deux files centrales de 1,6 m d'entraxe alors que le plan du préfabricant SEAC mentionne un entraxe de 2,2 m.
• Absence d'étaiement de rives alors que l'appui de quatre ou 5 cm n'est pas assuré.
• Des tours d'étaiement en faux aplomb très important.
• Des étais supportant des poutrelles d'étaiement de marque DOKA sans fourche de tête sécurise le réglage de la poutrelle.
• Des poutres étayées en leurs extrémités par de simples étais, non sécurisé.
• Un étaiement de rive réalisée par un chevron 7x7 probablement les chevrons consignés séparant les prêts dalle lors du transport) étayées par de simples étais instables.
• Un étaiement incomplet sur certaines files de poutrelles DOK.

P... K... (directeur d'exploitation) a aussitôt exigé de votre part l'arrêt des opérations de coulage tant que les vérifications n'étaient pas effectuées.

Comme il a été précisé précédemment, il vous a été demandé de reprendre la totalité de l'étaiement après avoir arrêté le poste ferraillage de plancher.

Nous avons dû également libéré (sic) M. Q... L... pour qu'il se rende le vendredi 4 juillet 2014 sur le chantier de la Cabanasse afin de contrôler cette bonne reprise et valider ou non la possibilité de couler la semaine suivante.

Lors de cette visite M. Q... L... a encore noté 4 points à renforcer en vue du futur coulage : renfort poutres avec demande d'étaiement à mi-portée, renfort d'étaiement de rives, assurer la continuité des étaiements des poutrelles, étaiement au niveau de la terrasse basse.

Il était exigé de votre part de prendre en compte ces simples remarques. La mise en conformité était un préalable avant d'envisager toute opération de coulage prévu le mardi 8 juillet 2014, soit une semaine environ après la date prévisionnelle.

Selon les propos de M. Q... L..., cette opération relève clairement des exigences attendues.

Ce manquement flagrant de votre part, aurait pu, sans aucune intervention de notre part, entraîner risque d'accident grave voire mortel.

En conséquence, vous avez commis, dans le cadre de vos missions de chef de chantier des fautes graves qui ont une incidence de risque majeur sur la sécurité des équipes et la sécurité d'un ouvrage d'art.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous sommes obligés de vous le rappeler.

Aux actions mettent donc en péril la nécessaire qualité de nos ouvrages et le respect des fondamentaux du management de Spie batignolles (..) »

Dans sa réponse, dans sa lettre du 24 juillet 2014, au grief de ce chef, M. U... indique être stupéfait par tant de détails qui ne mettent pas en cause la viabilité de la construction, ni même ne représentent une mise en danger du personnel sur place. Il se dit consterné par la volonté de faire un étalage à charge sur les tours d'étaiement et étais en place ajoutant qu'il avait néanmoins accompli les actions et les ajustements relevés. Il se réfère d'ailleurs aux courriels des 4 et 7 juillet en rendant compte, et ajoute que M. L... avait validé le contrôle des étaiements et sa mise en conformité lors de la visite du 4 juillet.
M. U... rappelle par ailleurs être arrivé sur le chantier en mai 2014 seulement alors que la plate-forme était déjà faite et il expose avoir suivi les préconisations du fournisseur concernant l'étaiement en deux phases du plancher. Il ajoute avoir vu M. X..., directeur de travaux, à plusieurs reprises, qui n'avait émis aucune objection à la poursuite du chantier. Il indique avoir mis les actions correctrices nécessaires demandées en place bien qu'elles n'aient pas été prévues par les préconisations du fournisseur.

Il déplore par ailleurs l'accusation à son égard, certes non reprise dans la lettre de licenciement mais qui contextualise la rupture, d'être à l'origine d'une disparition de matériel, alors qu'il rappelle avoir dû quitter le chantier le 4 juillet à la demande de M. N... (Directeur de projet).

La cour observe que l'attestation de M. K..., supérieur hiérarchique de M. U... pour être directeur d'activité, en date du 22 octobre 2015, ne fait que reprendre sous forme de quasi copier-coller les termes rappelés ci-dessus de la lettre de licenciement du 30 juillet 2014 sur l'obligation de sécurité sous la signature du directeur des ressources humaines, ce qui est antinomique avec un témoignage personnel direct circonstancié et étayé. Force est en effet de constater que l'employeur ne dénie pas le fait que M. U... aurait mis en œuvre initialement les seules préconisations du pré fabricant des dalles avant d'adapter l'étaiement aux demandes de sa hiérarchie.
L'argumentation selon laquelle M. U... aurait pu faire l'objet d'avertissements antérieurs sur la mise en danger de salariés appelle les observations suivantes :
- l'attestation produite par l'employeur en date du 21 octobre 2015 émanant de M. B..., salarié de Spie batignolles, faisant état de ce que à plusieurs reprises il aurait constaté,sur des chantiers en charge de M. U... des compagnons en situation de danger grave et imminent (absence de protection collective, absence de port de marné) est, malgré la gravité de l'affirmation, dénuée de toute précision sur les circonstances dont il s'agit alors qu'elle ne pouvait qu'appeler un signalement particulier à cette époque (non précisée) qui n'est pas justifié.

Enfin la société ne démontre pas le manquement de M. U... à son obligation de loyauté dans l'exécution de son contrat.

En ces circonstances la Cour retient que la réalité de manquements de M. U... d'une gravité telle qu'elle aurait fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, n'est pas démontrée par l'employeur alors que le doute doit bénéficier au salarié.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'existence d'une faute grave du salarié et déclaré le licenciement dépourvu de cause sérieuse.

2- Sur les demandes salariales et indemnitaires de M.U...

2-1- Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le jugement entrepris a fixé cette indemnité à la somme de 25.110 euros.

M. U... demande la condamnation de son employeur à lui verser 83.700 euros en expliquant avoir dû faire d'importantes recherches avant de retrouver un emploi en février 2015. Il justifie d'une embauche en contrat à durée indéterminée à cette date pour un salaire brut de 2.946,65 euros pour une durée hebdomadaire de 39 heures, outre primes et indemnités de la convention ETAM.

Au jour de la notification de son licenciement le 30 juillet 2014, M. U..., né en [...], embauché par la société Mathurin Bâtiment Dunois à compter du 16 février 1998, avant son transfert à la société Spie Batignolles comptant plus de 11 salariés, avait une ancienneté de 16 ans, 5 mois et 14 jours et était âgé de 49 ans et demi.

Au vu de ces éléments et des pièces produites la Cour dispose d'éléments permettant de confirmer le montant de l'indemnité allouée en première instance.

2-2- Demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés y afférents

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué 5.580 euros et 558 euros à ce titre.

2-3- Indemnité légale de licenciement

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué 11.738,17 euros à titre d'indemnité de licenciement.

3- Sur les autres demandes

Il sera statué sur les dépens frais irrépétibles dans les termes du dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société SPIE BATIGNOLLES OUEST à payer à M. G... U... la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SPIE BATIGNOLLES OUEST aux dépens d'appel.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 16/04687
Date de la décision : 15/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-15;16.04687 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award