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18/04/2019 | FRANCE | N°17/00779

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 18 avril 2019, 17/00779


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES







21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 AVRIL 2019



N° RG 17/00779

AFFAIRE :



[C] [I]





C/

SAS IBM FRANCE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE



N° Section : E

N° RG : F 15/02772









Copies exécutoires et certifiées conformes

délivrées à :



la SCP COBLENCE ET ASSOCIES



la AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS







le : 19 avril 2019





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt su...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 AVRIL 2019

N° RG 17/00779

AFFAIRE :

[C] [I]

C/

SAS IBM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 15/02772

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP COBLENCE ET ASSOCIES

la AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

le : 19 avril 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [I]

né le [Date naissance 1] 1956

à [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Comparant et assisté de Me Catherine DAVICO-HOARAU de la SCP COBLENCE ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0053 - N° du dossier 00116717

APPELANT

****************

SAS IBM FRANCE Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 552 118 465

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Non comparante et représentée par Me Blandine ALLIX de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 -

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20170185

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

M. [C] [I] a été engagé le 22 juin 1982 en qualité d'ingénieur, statut cadre, par la Compagnie Générale d'Informatique (CGI), laquelle a été intégrée au sein de la société IBM France, selon contrat de travail à durée indéterminée.

L'entreprise emploie plus de dix salariés, et est soumise à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

En 2000, M. [I] a été nommé 'Executive'. En 2007, il est devenu Directeur des Opérations (COO) de GBS France, entité de conseil et intégration de systèmes d'IBM.

Le 22 juillet 2009, un avenant a été conclu entre les parties, modifiant notamment les termes de la clause de non concurrence figurant au contrat de travail initial.

A compter du 11 février 2013, M. [I] a été affecté à la 'Tiger Team', mise en place dans le cadre d'une nouvelle organisation de l'entreprise.

Le 11 octobre 2013, il a demandé à adhérer à un plan de départ volontaire.

Une convention de rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique a été conclue entre les parties le 13 décembre 2013, avec dispense d'exécution par le salarié de son préavis, d'une durée de six mois, néanmoins rémunéré aux échéances normales de la paie, et levée de l'obligation de non concurrence prévue par le contrat de travail.

Le 1er octobre 2015, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, auquel il a demandé de condamner la Compagnie IBM à lui verser les sommes de :

- 92 000 euros au titre du bonus au titre de l'année 2012,

- 97 750 euros au titre du rappel de bonus au titre de l'année 2013,

- 46 00 euros au titre du rappel d'indemnité de préavis compensatrice,

- 138 000 euros au titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- 16 874 euros au titre du RSU de l'année 2013,

- 253 209 euros au titre de l'indemnité de clause de non concurrence,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et de :

- ordonner la délivrance d'un bulletin de salaire portant régularisation des rappels de salaire,

- assortir les condamnations des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamner la Compagnie IBM aux entiers dépens.

La société IBM a demandé au conseil de débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par jugement rendu le 21 décembre 2016, notifié par courrier du 13 janvier 2017, le conseil (section encadrement) a :

- débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la Compagnie IBM de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [I] aux entiers dépens.

Le 9 février 2017, M. [I] a relevé appel total de cette décision par voie électronique.

Une médiation a été proposée, en vain, aux parties.

Par ordonnance rendue le 19 avril 2017, un calendrier de procédure a été établi en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la cause, et par ordonnance rendue le 3 octobre 2018, la clôture de la procédure a été ordonnée, et la date des plaidoiries fixée au 25 février 2019.

Par dernières conclusions écrites du 1er octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [I] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner la Compagnie IBM à lui verser les sommes de :

92 000 euros au titre du rappel de bonus au titre de l'année 2012,

97 750 euros au titre du rappel de bonus de l'année 2013,

46 000 euros au titre du rappel d'indemnité de préavis compensatrice,

138 000 euros au titre de rappel d'indemnité de licenciement,

17 827 euros au titre des RSU de l'année 2013,

253 209 euros au titre de l'indemnité de clause de non concurrence,

- ordonner la délivrance d'un bulletin de salaire portant régularisation des rappels de salaire,

- assortir les condamnations des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamner la compagnie IBM aux entiers dépens.

Par dernières conclusions écrites du 21 septembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la Compagnie IBM France (la société) demande à la cour de :

A titre principal :

- juger qu'aucun bonus n'est dû à M. [I] au titre des années 2012 et 2013 ;

- juger que M. [I] est infondé à solliciter une quelconque somme à titre de RSU ;

- juger que M. [I] est infondé à solliciter une indemnisation au titre de l'obligation de non-concurrence applicable pendant l'exécution du contrat de travail ;

- juger que toutes les autres demandes de M. [I] sont infondées ;

en conséquence, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [I] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [I] aux entiers dépens d'appel dont distraction pour ceux qui la concernent au profit de Mme Dontot, de l'AARPI JRF Avocats ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de Versailles venait à faire droit aux demandes de M. [I] de rappel de bonus AIP au titre de l'année 2012, de RSU au titre de l'année 2013 et de clause de non-concurrence :

- limiter les condamnations aux sommes suivantes : 49 680 euros à titre de bonus AIP au titre de l'année 2012, 15 257,30 euros à titre d'actions gratuites (RSU) au titre de l'année 2013, 178 055 euros brut au titre de la clause de non-concurrence,

- réduire la condamnation au titre de l'article 700 à de justes proportions.

Motifs de la décision

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions qui y sont énoncées. Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif.

Sur les rappels de bonus :

Le salarié fait valoir que sa rémunération est constituée depuis l'année 2000 d'un salaire fixe et d'un variable, et conteste l'absence d'attribution de bonus pour l'année 2012. L'employeur affirme que les conditions d'éligibilité au bonus dit programme AIP sont adressées tous les ans par courriel aux 'Executive' concernés, mais est dans l'incapacité d'en justifier le concernant, comme

il ne justifie pas des règles d'attribution et d'éligibilité à ce programme applicables pour les années 2012 et 2013, ni de ce qu'il les lui aurait communiquées via un lien envoyé par courrier électronique. En toute hypothèse, le document datant de 2016 sur lequel s'appuie l'employeur ne justifie pas le non paiement de son bonus. Les critères d'attribution étant, même si l'employeur le conteste, les mêmes que les critères d'évaluation, il aurait dû percevoir un bonus puisque son évaluation, initialement PBC 3 (parmi les plus faibles contributeurs ) a été relevée en 2 (contribution de bon niveau), et que tous les autres 'Executive' de GBS France évalués PBC 2 ont perçu leur bonus et qu'il en a lui-même perçu en 2004 et en 2009 alors qu'il avait été évalué PBC 2. Il considère avoir droit à 100% de son bonus au titre de l'année 2012, soit 92 000 euros, et à titre subsidiaire à 96,5%, correspondant à la moyenne des bonus reçus durant ses cinq années d'exercice de la fonction de COO GBS France, ou à 89%, correspondant à la moyenne des bonus qui lui ont été attribués sur toute la période où il était 'Executive'. En tout état de cause, son pourcentage ne pourrait être inférieur à 70%, taux retenu pour deux autres 'Executive' notés 2 pour l'année 2012. Pour l'année 2013, l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'aucun bonus n'a été octroyé comme il le prétend, et il établit d'ailleurs qu'un 'Executive' GBS France noté PBC 2 l'a bien perçu pour 2013. Il conteste également que le paiement du bonus soit conditionné à la présence effective du salarié dans l'entreprise, comme le soutient l'employeur, et souligne que sa non-présence effective résulte d'une demande de la société IBM qui l'a dispensé de son préavis. Il fait en outre valoir que selon la Cour de cassation, si l'ouverture du droit à rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une conditions de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement. D'ailleurs, les 'Executive' ayant opté pour le même PSE que lui ont perçu leur bonus pendant la période de dispense de préavis, sur une base proratisée. En 2013, il a exécuté l'ensemble des missions qui lui ont été confiées, avec grand succès, ce qui justifie que lui soit attribuée la totalité de son variable, soit 97 750 euros, et à tout le moins 82,75%.

La société expose que le bonus AIP, auquel fait référence le salarié, est issu d'un engagement unilatéral de la société, qui a décidé de faire bénéficier à ses salariés cadres 'Executives', qui ne sont pas sur plan de commissionnement, d'un programme de bonus annuel discrétionnaire, sans que cela résulte d'une obligation issue du contrat de travail, de la convention collective ou d'un accord d'entreprise. Ce programme permet, sous réserve d'une part que les résultats d'IBM et de l'entité aient permis son financement, et d'autre part que le salarié réunisse les conditions fixées, de percevoir un bonus dont le montant est laissé à la libre appréciation du management. Pour les années 2012 et 2013, les critères d'éligibilité à ce bonus étaient : les bons résultats d'IBM, la contribution individuelle du salarié, la présence effective du salarié dans l'entreprise à la date du règlement, et ils étaient clairement énoncés dans les règles internes accessibles aux collaborateurs sur l'intranet d'IBM, et rappelés dans une lettre individuelle adressée au début du mois d'avril aux 'Executives' concernés. Le bonus n'est pas issu du contrat de travail, et le fait que le salarié ait pu en bénéficier pendant plusieurs années ne lui permet nullement d'en tirer la conclusion qu'il est entré dans le socle contractuel ou qu'il lui est obligatoirement dû pour les années suivantes. De même, la lettre d'IBM l'informant du montant du bonus AIP qui a été déterminé pour lui est purement informative, et sa valeur n'est nullement contractuelle, comme il l'est d'ailleurs expressément mentionné sur ledit document. Si M. [I] ne s'est pas vu attribuer de bonus AIP au titre des années 2012 et 2013, c'est parce qu'il ne réunissait pas les conditions d'éligibilité pour en bénéficier. Pour l'année 2012, le montant du bonus déterminé pour lui était de 92 000 euros, mais ses performances ont été mauvaises, de sorte que le management a considéré qu'il ne remplissait pas le critère relatif à la contribution individuelle. Le fait que sa note ait été rehaussée est inopérant, puisque la note PBC n'est pas en soi un critère d'attribution du bonus AIP, et que les règles d'appréciation de la contribution individuelle tiennent compte de plusieurs critères, qui contrairement à ce que soutient le salarié ne sont pas les mêmes que les critères d'évaluation. En outre, contrairement à ce que soutient le salarié, une note d'évaluation révisée à la hausse ne permet pas d'attribuer un AIP rétroactivement. A titre subsidiaire, la cour ne pourrait la condamner qu'au versement de 54% du bonus auquel le salarié était éligible, correspondant à la moyenne du pourcentage attribué les deux années où il a été noté 2. Pour l'année 2013, d'une part aucun bonus n'a été octroyé aux collaborateurs d'IBM, ni à ceux des autres sociétés du groupe,

compte tenu des mauvais résultats d'IBM, et d'autre part, M. [I] ne réunissait pas la condition d'éligibilité tenant à la présence effective du collaborateur au moment du règlement du bonus, soit en mars 2014, puisque la convention de rupture du contrat de travail conclue par les parties prévoyait qu'il ne soit plus présent dans l'entreprise à compter du 27 décembre 2013, et que dès le mois de janvier 2014 il était directeur général d'une autre société, d'ailleurs concurrente.

Il résulte des pièces produites par M. [I] que celui-ci a perçu de l'année 2000 à l'année 2011 (paiement en 2012) une rémunération variable, en sus de son salaire fixe, et qu'il a été informé chaque année, jusqu'en 2013, du montant de la rémunération variable perçue l'année précédente, et de celle qu'il était susceptible de percevoir. Nonobstant la mention, dans les plans de rémunération produits par le salarié, de ce que le résumé qui lui est transmis n'a aucune valeur contractuelle et n'entraîne aucun droit légal, le paiement chaque année, pendant douze ans, d'une rémunération variable, selon des critères définis par l'employeur, établit que les parties ont entendu contractualiser le versement en sus du salaire fixe, d'une rémunération variable, peu important la dénomination, bonus ou autre, qui lui est donnée. Il en découle que M. [I] a droit au versement d'une rémunération variable, et le moyen de l'employeur tenant à l'absence de caractère contractuel de la rémunération complémentaire versée au salarié doit donc être écarté.

Lorsque le salarié a droit au paiement d'une rémunération variable selon des modalités déterminées par l'employeur, celui-ci doit fonder sa décision sur des éléments objectifs et le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction de la pratique antérieure des parties et des éléments de la cause.

En l'espèce, l'employeur ne justifie ni des modalités de calcul de la rémunération variable qu'il a définies pour les années 2012 et 2013, ni que M. [I] aurait été informé de ces modalités. Il est produit un courrier électronique du 23 juin 2016, auquel est joint un document intitulé 'Determining your payout'', dépourvu de toute date, dont il est affirmé qu'il s'agit des critères relatifs à l'AIP applicables pour 2012 et 2013, mais sans que la preuve en soit rapportée. La société, qui indique qu'elle n'est pas en mesure de produire les mails adressés à M. [I] en avril 2012 et en avril 2013, lui confirmant son éligibilité au programme AIP et comprenant le lien lui permettant d'accéder directement aux règles régissant ce programme, qu'elle ne conserve que pendant deux ans, ne rapporte pas la preuve que M. [I] a été effectivement destinataire d'un courrier électronique tel que celui qu'elle verse aux débats à titre d'exemple. Il importe peu que M. [I] reconnaisse, dans ses écritures, comme le souligne l'employeur, que l'attribution du bonus litigieux est fonction de sa contribution individuelle et notamment de ses performances, dès lors qu'il n'est pas justifié, par l'employeur, de ses modalités précises d'attribution. Il appartient en conséquence à la cour de fixer le montant de la rémunération due à M. [I] pour les années 2012 et 2013. Compte tenu de la pratique antérieure des parties, et des éléments de la cause, ce montant sera fixé à 82 000 euros bruts pour l'année 2012 et à 87 000 euros bruts pour l'année 2013. Le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé en ce sens.

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de préavis

Le salarié soutient qu'il lui est dû, en application de l'article L.1234-5 du code du travail, et compte tenu de l'incidence de l'intégration du bonus dans le préavis, un rappel d'indemnité compensatrice de préavis de 46 000 euros.

La société conclut au rejet de cette demande. Elle fait valoir que le salarié retient comme assiette de calcul le salaire moyen des douze derniers mois incluant le bonus AIP qu'il aurait dû selon lui percevoir, alors qu'il est de jurisprudence constante que l'indemnité compensatrice de préavis est égale au salaire brut que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

Il résulte de l'article L.1234-5 du code du travail que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.

La rémunération variable de M. [I] entrant dans les salaires et avantages qu'il aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, il sera fait droit à sa demande de rappel d'indemnité compensatrice à hauteur de la somme de 43 500 euros bruts Le jugement est donc infirmé en ce sens.

Sur le rappel d'indemnité de licenciement :

Le salarié soutient qu'il lui est dû un rappel d'indemnité de licenciement de 138 000 euros, conformément au plan de départ volontaire et aux règles de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Il fait valoir que le bonus AIP, qui ne constitue pas une prime bénévole, a un caractère de salaire et est donc un appointement au sens de l'article 29 de la convention collective, de sorte qu'il doit entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement. Il fait valoir, par ailleurs qu'il peut être déduit de la constance et la régularité du versement d'un bonus qu'il constitue un élément de salaire devant être inclus dans le calcul de l'indemnité de licenciement. Il ajoute que l'assiette de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que le calcul de l'ancienneté, sont identiques à ceux de l'indemnité légale de licenciement.

La société conclut au rejet de cette demande, considérant qu'elle ne peut, en application des dispositions du plan d'accompagnement IBM France de 2013, être condamnée à régler un complément au titre de l'indemnité de licenciement, qui est en réalité l'indemnité spécifique de volontariat. Le montant de l'indemnité spécifique de volontariat due à M. [I] doit, selon les prévisions de ce plan, être déterminé en fonction du montant de l'indemnité de licenciement tel que prévu à la convention collective, or, celle-ci prévoit en son article 29 d'une part un plafond de dix-huit mois de traitement, et d'autre part que l'assiette de calcul de l'indemnité intègre la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels, dont ne fait pas partie le bonus AIP. Elle considère que les arguments de M. [I] sont inopérants, celui-ci se prévalant d'un document d'information d'une confédération syndicale, qui n'a pas de valeur normative, et de jurisprudences inapplicables à l'espèce.

En application du plan de sauvegarde de l'emploi établi pour IBM France, l'indemnité spécifique de volontariat due à M. [I] au titre de la rupture du contrat de travail est l'indemnité légale ou conventionnelle.

L'article 29 de la convention collective énonce :

'Il est alloué à l'ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis.

Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise :

- pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté ;

- pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d'ancienneté.

Pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté et, le cas échéant, les conditions d'âge de l'ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. Toutefois, la première année d'ancienneté, qui ouvre le droit à l'indemnité de licenciement, est appréciée à la date d'envoi de la lettre de notification du licenciement.

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 50 ans et de moins de 55 ans et ayant 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement sera majoré de 20 % sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieur à 3 mois.

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, l'indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à 2 mois. S'il a 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement résultant du barème prévu au deuxième alinéa sera majoré de 30 % sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieur à 6 mois.

L'indemnité de licenciement résultant des alinéas précédents ne peut pas dépasser la valeur de 18 mois de traitement. (...)

L'indemnité de licenciement est calculée sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels, dont l'ingénieur ou cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois précédant la notification du licenciement.'

La rémunération variable versée au salarié constituée par le bonus AIP ne constitue pas une gratification bénévole mais un élément contractuel de rémunération ainsi qu'il a été jugé ci-dessus, et entre en conséquence dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement telle qu'elle est définie par la convention collective.

En application des dispositions ci-dessus rappelées, et compte tenu du montant de la rémunération variable allouée au salarié, et de son âge au moment de la rupture du contrat de travail, il lui est dû une somme de 128 375 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de licenciement, somme qui n'excède pas la valeur de dix-huit mois de traitement. Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur les actions gratuites (RSU) au titre de l'année 2013 :

Le salarié sollicite la somme de17 827 euros au titre du paiement de la part disponible des actions gratuites qui, selon lui, auraient dû lui être attribuées au titre de l'année 2012. Il fait valoir qu'il lui a été attribué pendant dix-sept ans, sans discontinuité, des stock-options et/ou des actions gratuites, et qu'il n'a bénéficié d'aucune régularisation malgré le résultat positif de la contestation de son évaluation. Il souligne que la totalité des 'Executive' de GBS France évalués PBC 2 ont reçu des RSU au titre de l'année 2012, excepté lui, et qu'il avait reçu des RSU au titre de l'année 2009 et des stock-options au titre de l'année 2004 alors qu'il avait été évalué PBC 2 ces années-là. Il conteste l'argument de la société selon lequel il n'aurait en toute hypothèse pas pu exercer ses actions, puisque la date à retenir est celle de la fin du contrat de travail, et non celle de la signature de la convention de rupture, le salarié devant bénéficier de tous ses avantages jusqu'à l'expiration de son préavis, dont l'exercice du quart des RSU attribués en 2013.

La société fait valoir qu'outre le fait que le salarié ne démontre pas avoir perçu des RSU de manière constante, les stock-options n'étant pas des RSU, il n'avait aucun droit automatique à l'attribution annuelle de RSU. Elle souligne que les RSU ne constituent nullement une rémunération contractuelle, et que M. [I] ne verse aux débats aucune pièce attestant de la contractualisation entre les parties d'un droit annuel à bénéficier de RSU. Les règles régissant les conditions d'attribution des RSU précisent que les attributions ne sont aucunement garanties et sont accordées à la seule discrétion d'IBM, de même que les 'Equity Award Agreement' formalisant l'attribution de RSU en juin 2011 et en juin 2012 précisent que la valeur des attributions des titres en cause constituent des éléments exceptionnels de revenu n'entrant pas dans la rémunération et que l'attribution est un avantage unique qui ne crée aucun droit contractuel ou autre pour l'avenir, et que les 'Long-Term Performance [Localité 2]' qui réglementent les attributions rappellent qu'aucune attribution dans le cadre du plan ne sera réputée constituer de la rémunération. C'est donc vainement que le salarié tente de soutenir que l'attribution de RSU serait liée à la note PBC obtenue par les collaborateurs l'année précédant l'attribution. En toute hypothèse, même si le salarié s'était vu attribuer des RSU en juin 2013, il n'aurait pas pu les exercer à la date anniversaire de juin 2014, puisque son contrat de travail a été rompu avant cette date. Enfin, la moyenne annuelle sur laquelle le salarié se base pour chiffrer sa demande d'indemnisation est erronée.

Les attributions de RSU et de stock-options ne constituent pas un élément de rémunération. Il appartient au salarié qui sollicite l'attribution de RSU ou de stock-options de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions d'attribution de ces titres telles qu'elles ont été définies par l'employeur. En l'espèce, M. [I] ne démontre pas qu'il réunit les conditions d'attribution de RSU au titre de l'année 2012, ce qui ne résulte pas de la seule constatation qu'il a reçu des titres (RSU ou stock-options) de manière continue depuis plusieurs années, et que deux autres 'Executives' évalués au niveau PBC 2 pour l'année 2012 s'en sont vu attribuer au titre de cette même année.

En conséquence, sa demande n'est pas fondée, et le jugement doit être confirmé en ce qu'il en a été débouté.

Sur la clause de non-concurrence :

Le salarié sollicite le paiement de l'indemnité spécifique de non-concurrence prévue par l'avenant au contrat de travail qu'il a signé le 22 juillet 2009. Il soutient que la nouvelle clause de non-concurrence contenue dans cet avenant, qui annule et remplace celle du contrat de travail signé lors de son embauche le 22 juin 1982, prévoit une indemnisation pendant toute la période d'emploi chez IBM France, ce qui est d'ailleurs la seule raison pour laquelle il a signé cette clause, manifestement plus restrictive que la précédente. Il soutient qu'il a respecté la clause de non-concurrence jusqu'à sa levée, le 18 décembre 2013, ce qui a compliqué sa recherche d'un autre emploi, et que les obligations auxquelles il était soumis en vertu de ces dispositions contractuelles dépassent le cadre de l'obligation de loyauté. Il sollicite le paiement de l'indemnité spécifique, conformément à l'avenant susvisé, pour la période allant du 27 juillet 2009 au 17 décembre 2013, soit, selon la méthode prévue à l'avenant, la somme totale de 253 209 euros. .

La société considère qu'aucune indemnisation n'est due au titre de l'obligation de non-concurrence applicable pendant l'exécution du contrat, seul le respect par M. [I] de l'obligation de ne pas, pour une période de douze mois après la cessation de son contrat de travail, directement ou indirectement travailler pour ou s'associer à un concurrent, et solliciter, à des fins de concurrence, les clients de la compagnie qu'il a connus dans le cadre de ses responsabilités professionnelles au cour de ses douze derniers mois d'emploi chez IBM France, contraignant l'employeur à lui en régler la contrepartie financière, en cas de maintien de la clause de non concurrence. En effet, l'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié pendant l'exécution de son contrat de travail est inhérente à l'obligation de loyauté. En toute hypothèse, si la cour considère que les dispositions de l'avenant sont ambiguës, il lui appartiendra d'appliquer les règles du code civil sur l'interprétation des conventions, qui s'opposent à l'interprétation retenue par le salarié. Enfin, la société conteste que l'avenant conclu soit plus restrictif que le précédent, et relève qu'en tout état de cause, il n'a nullement empêché le salarié de retrouver un emploi, directement après son départ de l'entreprise, et au surplus chez un de ses concurrents directs. En toute hypothèse, la demande du salarié est pour partie prescrite, et l'assiette de calcul retenue est erronée.

L'avenant du 22 juillet 2009 prévoit, au titre des engagements du salarié (Paragraphe 1.c) :

' Vous vous engagez, tant pendant la durée de votre emploi chez IBM France, que pour une période de douze ( 12) mois après la cessation du Contrat de Travail (...)à ne pas , directement ou indirectement, à l'intérieur de la 'Zone de Restriction' (i) ' Travailler pour ou vous Associer à (a) une 'Entreprise Commerciale' ou (b) un concurrent de la Compagnie ; ou (ii) solliciter, à des fins de concurrence, des clients de la Compagnie que vous avez connus dans le cadre de vos responsabilités professionnelles au cours des douze (12) derniers mois de votre emploi au sein d'IBM FRANCE.'

Il prévoit au paragraphe 5 ' Indemnité spécifique relative aux clauses restrictives prévues au Paragraphe 1 (c)' :

' En contrepartie des clauses restrictives prévues au Paragraphe 1 (c) du présent Accord et pendant toute la durée d'application de ces dispositions contractuelles, vous bénéficierez d'une indemnité spécifique égale à 25% de la rémunération moyenne mensuelle versée sur les 12 mois précédant votre départ effectif, à l'exclusion des avantages et bonus discrétionnaires ou contractuels, ainsi que des paiements prévus par un système de primes de résultat.

IBM FRANCE se réserve le droit de réduire la durée des clauses contractuelles restrictives prévues au Paragraphe 1 (c) du présent Accord ou de vous libérer de ces clauses ( et dès lors, de se dégager du paiement de l'indemnité spécifique prévue au présent Paragraphe 5 en vous en informant par écrit dans les 15 jours suivant la notification de la rupture du Contrat de Travail.)'

Il résulte de ces dispositions contractuelles, dont M. [I] n'établit pas qu'il ne les aurait pas acceptées librement ainsi qu'il le prétend, que le paiement de l'indemnité spécifique n'est prévu que dans l'hypothèse de l'application de la clause de non concurrence postérieurement à la cessation du Contrat de Travail, et non pas durant l'exécution de celui-ci. En conséquence, la demande de M. [I] ne peut prospérer, et le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'en a débouté.

Sur la remise de bulletin de salaire

Il sera ordonné à l'employeur, conformément à la demande du salarié, de délivrer à celui-ci un bulletin de salaire récapitulatif portant régularisation des rappels de salaire, conformément aux termes du présent arrêt.

Sur les intérêts des sommes allouées :

En application de l'article 1231-6 du code civil, ces créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en justice, soit, selon les demandes, à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 20 novembre 2015, ou à compter du jour de l'audience devant le conseil de prud'hommes, soit le 29 septembre 2016. La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Partie perdante, la société est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 21 décembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement), sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande au titre du RSU de l'année 2013 et de sa demande au titre de l'indemnité de clause de non-concurrence, et en ce qu'il a débouté la Compagnie IBM de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Compagnie IBM France à verser à M. [I] les sommes de :

- 82 000 euros bruts à titre de rappel de bonus au titre de l'année 2012,

- 87 000 euros bruts à titre de rappel de bonus au titre de l'année 2013,

- 128 375 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

toutes sommes avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2015,

- 43 500 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016,

Ordonne à la société Compagnie IBM France de délivrer à M. [I] un bulletin de salaire récapitulatif portant régularisation des rappels de salaire, conformément aux termes du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts susvisés conformément à l'article 1343-2 du code civil,

Déboute la société Compagnie IBM France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Compagnie IBM France aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00779
Date de la décision : 18/04/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°17/00779 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-18;17.00779 ?
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