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17/04/2019 | FRANCE | N°16/00764

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 17 avril 2019, 16/00764


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 17 AVRIL 2019





N° RG 16/00764





AFFAIRE :



Association INSTITUT DE RESSOURCES EN INTERVENTION SOCIALE





C/





[U] [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTER

RE

Section : Activités diverses

N° RG : F 15/01247





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ingrid BRIOLLET



Me Jérôme HARTEMANN



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 AVRIL 2019

N° RG 16/00764

AFFAIRE :

Association INSTITUT DE RESSOURCES EN INTERVENTION SOCIALE

C/

[U] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Activités diverses

N° RG : F 15/01247

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ingrid BRIOLLET

Me Jérôme HARTEMANN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 13 février 2019 puis prorogé au 27 février 2019, au 27 mars 2019 et au 17 avril 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Association INSTITUT DE RESSOURCES EN INTERVENTION SOCIALE (IRIS)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Ingrid BRIOLLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0743

APPELANTE

****************

Monsieur [U] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3] (Sénégal)

comparant en personne, assisté de Me Jérôme HARTEMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J021

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Adlyne GARCZAREK,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [U] [P] ci après dénommé M. [P]) a été engagé selon contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (26 heures hebdomadaires) du 1er janvier 2009 jusqu'au 31 décembre 2009 en raison d'un surcroît temporaire d'activité, dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi en qualité de chargé de projet 'France Afrique'.

La convention collective applicable est celle des organismes de formation et l'Association Institut de ressources en intervention sociale (ci-après dénommé l'IRIS) compte moins de 11 salariés.

Le 19 janvier 2010, son contrat a été renouvelé pour une période d'une année du 1er janvier au 31 décembre 2010, selon contrat aidé d'accompagnement dans l'emploi.

Le 20 décembre 2010, son contrat a été renouvelé du 1er janvier au 31 décembre 2011, toujours dans le cadre d'un contrat aidé d'accompagnement dans l'emploi.

Le 1er janvier 2012, l'IRIS a engagé M. [P] selon contrat à durée indéterminée à temps plein.

Par lettre du 22 décembre 2014, l'IRIS a convoqué M. [P] à un entretien préalable au licenciement. L'entretien s'est tenu le 6 janvier 2015 et le salarié s'y est rendu accompagné.

Par lettre du 27 janvier 2015, l'IRIS a notifié à M. [P] son licenciement pour faute grave et les documents de fin de contrat lui ont été remis.

Au dernier état de son activité, M. [P] percevait une rémunération mensuelle brute de 2.253,75 euros.

Par requête du 24 avril 2015, M. [P] a saisi le Conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la requalification de ses CDD en un CDI à temps plein et la nullité de son licenciement pour faute grave.

Lors de l'audience de jugement, M. [P] a demandé au conseil de :

- prononcer la requalification de ses CDD en CDI,

- constater que les fonctions occupées par M. [P] relevaient du niveau F, coefficient 310 de la convention collective des organismes de formation,

- condamner l'IRIS à lui verser les sommes suivantes :

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des mentions obligatoires dans le contrat de travail et sur les bulletins de paie,

- 29.825,10 euros à titre de rappel de salaire au titre de la reclassification au niveau F,

- 2.982,51 euros à titre de congés payés y afférents,

- 5.327,66 euros ; à défaut, la somme de 4.522,50 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail à durée indéterminée,

- 760,95 euros subsidiairement à titre de rappel de salaire au titre de la requalification en contrat de travail à temps plein et 76,09 euros à titre de congés payés afférents,

- 1.029,20 euros et 1.562,16 euros outre 259,14 euros bruts à titre des congés payés y afférents; à défaut, 819,92 euros et 1.306,80 euros outre 212,67 euros à titre des congés payés afférents, à titre de majorations pour heures supplémentaires,

- 7.991,49 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 799,14 euros à titre de congés payés y afférents,

- 3.329,78 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 32.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- assortir ces sommes des intérêts légaux et l'anatocisme.

- remise d'une attestation pôle Emploi modifiée

- exécution provisoire

- entiers dépens

Par jugement en date du 21 janvier 2016, le Conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- prononcé la nullité du licenciement de M. [P],

- condamné l'IRIS à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 7.991,49 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 799,14 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 3.329,78 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 29.825,10 euros brut à titre de rappel de salaire,

- 2.982,51 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 16.000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.327,66 euros nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- 2.000 euros nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité pour non-respect des dispositions obligatoires sur les bulletins de paie,

- 950 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'IRIS a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 février 2016.

Par courrier officiel en date du 3 mai 2016, le conseil de M. [P] a sollicité l'exécution de cette décision, sans réaction de la part de l'IRIS.

En juillet 2016, l'IRIS a sollicité la suspension de l'exécution provisoire. Une audience s'est tenue le 20 octobre 2016, après deux renvois.

Par ordonnance du 10 novembre 2016, le délégué du Premier Président de la cour d'appel de Versailles a rejeté les demandes de suspension et d'aménagement de l'exécution provisoire.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, l'IRIS demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,

- le décharger des condamnations prononcées contr lui en principal, intérêts, frais et

accessoires,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [P] à payer à l'Association IRIS la somme de 5.000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [P] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre du 21 janvier 2016 en toutes ses dispositions sauf à condamner l'IRIS à une indemnité égale à 32.000 euros au titre de la nullité du licenciement,

- Y ajouter la condamnation de l'IRIS à lui verser les sommes suivantes :

- 1.029,20 et 1.562,16 euros bruts, outre 259,14 euros bruts au titre des congés payés y afférents, au titre des majorations pour heures complémentaires (subsidiairement les sommes de 819,92 et 1.306,80 euros bruts, outre 212,67 euros bruts au titre des congés payés y afférents)

- 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'IRIS aux entiers dépens.

A titre subsidiaire

Sur la demande de reclassification de M. [P] :

- condamner l'IRIS à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des mentions obligatoires dans ses contrats de travail et sur les bulletins de paie.

- constater que les fonctions occupées par M. [P] relevaient du niveau F, coefficient 310 de la convention collective des organismes de formation,

En conséquence,

- condamner l'IRIS à lui remettre un bulletin de salaire et un certificat de travail mentionnant le niveau F et le coefficient 310,

- condamner l'IRIS à lui verser la somme de :

- 29.825,10 euros à titre de rappel de salaire, outre 2.982,51 euros au titre des congés payés y afférents,

- condamner l'IRIS à lui remettre une attestation Pôle Emploi modifiée.

Très subsidiairement

- constater que les fonctions occupées par M. [P] relevaient du niveau E2, coefficient 270 de la convention collective des organismes de formation,

En conséquence,

- condamner l'IRIS à lui remettre un bulletin de salaire et un certificat de travail mentionnant le niveau E2 et le coefficient 270,

- condamner l'IRIS à lui verser la somme de :

- 9.783,57 euros, à titre de rappel de salaire, outre 978,35 euros au titre des congés payés y afférents,

- condamner l'IRIS à lui remettre une attestation Pôle Emploi modifiée.

Sur la demande de requalification de la succession de contrats de travail à durée

déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

- prononcer la requalification de la succession de contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

En conséquence,

- condamner l'IRIS à lui verser la somme de :

- 5.327,66 euros à titre d'indemnité de requalification (subsidiairement la somme de 4.640,22 euros et, très subsidiairement, la somme de 4.522,50 euros),

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

- prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

En conséquence,

- condamner l'IRIS à lui verser les sommes suivantes :

- '0" euros bruts à titre de rappel de salaire, outre ' 0" euros au titre des congés payés y afférents (subsidiairement la somme de 760,95 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 76,09 euros au titre des congés payés y afférents),

- 1.029,20 et 1.562,16 euros bruts, outre 259,14 euros bruts au titre des congés payés y afférents au titre des majorations pour heures complémentaires (subsidiairement les sommes de 819,92 euros et 1.306,80 euros bruts, outre 212,67 euros bruts au titre des congés payés y afférents),

Sur le licenciement

- constater que le licenciement de M. [P] est nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner l'IRIS à lui verser les sommes suivantes :

- 7.991,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 799,14 euros au titre des congés payés y afférents (très subsidiairement, la somme de 4.640,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 464,02 euros au titre des congés payés y afférents),

- 3.329,78 euros à titre d'indemnité de licenciement (très subsidiairement, la somme de 2.900,14 euros à titre d'indemnité de licenciement),

- condamner l'IRIS à lui remettre un reçu pour solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail modifiés,

- condamner l'IRIS à lui verser la somme de :

- 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour, selon le cas, nullité du licenciement ou licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et de l'anatocisme ;

- condamner l'IRIS à lui verser la somme de :

- 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'IRIS aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens et prétention des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation de la décision,

1- Sur la requalification du contrat de travail

M. [P] soutient à l'appui de sa demande de requalification qu'il n'aurait bénéficié d'aucune mesure de formation et que la durée renouvelée de ses CDD a excédé 24 mois.

En réplique, l'association IRIS indique qu'une telle affirmation est contraire aux pièces qu'elle verse aux débats et que un CDD signé sous le bénéfice d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, déroge au droit commun.

Sur ce,

En application des articles L.1242-1, L.1242-2 et L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas déterminés par la loi, et il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

La Cour relève que les CDD de M. [P] étaient toutefois des CDD établis sous le bénéfice d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi.

La cour rappelle à ce titre les dispositions de l'article L. 5134-24 du code du travail, lequel dispose : 'Le contrat de travail, associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, conclu en application de l'article L. 1242-3, soit à durée indéterminée. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits'.

Sur la durée maximale de 24 mois des contrats d'accompagnement pour l'emploi, la cour rappelle également les dispositions de l'article L.5134-23-1 du code du travail :'Il peut être dérogé, selon des modalités fixées par voie réglementaire, à la durée maximale pour laquelle est attribuée une aide à l'insertion professionnelle, soit lorsque celle-ci concerne un salarié âgé de cinquante ans et plus rencontrant des difficultés particulières qui font obstacle à son insertion durable dans l'emploi ou une personne reconnue travailleur handicapé, soit pour permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation et prévue au titre de l'aide attribuée. La durée de cette prolongation ne peut excéder le terme de l'action concernée'.

Il est ainsi établi qu'à titre dérogatoire, ce type de contrat de travail (CDD) peut être prolongé au-delà de la durée maximale prévue de 24 mois, en vue de permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l'échéance du contrat et prévue au titre de l'aide attribuée, sans que cette prolongation puisse excéder le terme de l'action concernée.

Il s'en déduit que les contrats CDD établis en 2008 sous le bénéfice d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi de M. [P], pouvaient donc à titre dérogatoire excéder la durée maximale de 24 mois en vue de lui permettre d'achever une formation professionnelle.

La Cour relève à cet égard des pièces produites que M. [P] a échoué à deux reprises à l'examen de 'DU Qualité' objet de son contrat d'accompagnement.

Elle retient qu'en accord avec l'association IRIS, une demande a été présentée à Pôle Emploi afin qu'un troisième contrat soit accordé à titre dérogatoire au visa de l'article L.5134-23-1 du code du travail, l'objectif étant ainsi de permettre à M. [P] de valider le diplôme "D.U. Qualité", auquel il avait échoué l'année 2010 et ce faisant, de lui permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation.

Force est dès lors à la cour de constater que Pôle Emploi a bien donné son accord pour un troisième contrat d'accompagnement à l'emploi de M. [P] excédant à titre dérogatoire la durée maximale normalement prévue de 24 mois dont elle relève que le renouvellement est conforme aux dispositions de l'article L.5134-23-1 du code du travail, de sorte que le moyen tiré du dépassement de la durée maximale de 24 mois n'est pas fondé.

S'agissant de l'absence de formation, la cour relève que celle-ci résulte de la nature même de ses contrats d'accompagnements dans l'emploi de 2008 et 2010 où il est spécifié qu'ils demeurent établis pour : 'l'acquisition de nouvelles compétences avec un niveau de formation visé répertorié 10, soit celle du 'D.U. QUALITE'.

Elle retient également de la lecture des CDD et de ses contrats d'accompagnement dans l'emploi que M. [P] a bénéficié notamment d'un tuteur en la personne de M. [H] [S], et d'un stage de formation du 14 juin 2011 au 30 juin 2011 au sein du cabinet "[B] [O] et associés" afin de compléter son approche théorique par une expérience pratique au contact de professionnels habilités pour l'évaluation externe afin de mieux comprendre les enjeux de l'amélioration continue de la qualité, tel que cela résulte d'une convention de stage signée par lui et versée aux débats. Il a bénéficié également d'une convention de formation avec l'organisme lillois afférente à l'année universitaire 2009/2010.

Il se déduit de ces documents que M. [P] a bien eu des formations internes et externes afin de lui permettre d'acquérir des connaissances, des compétences et de l'expérience de sorte que le moyen tiré du défaut de formation dispensée n'est pas d'avantage fondé.

Le jugement déféré mérite l'infirmation et M. [P] sera débouté de sa demande de requalification de CDD en CDI ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes.

2- Sur les demandes de requalification en temps plein et de paiement d'heures complémentaires

M. [P] sollicite un rappel de salaire consécutif à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et de rappel de salaires des heures accomplies au delà de 26 heures.

L'association IRIS s'y oppose et relève une contradiction dans la demande de requalification à temps plein et dans celle des effectuées au delà de 26 heurs jusqu'à 35 heures.

Sur ce,

La Cour constate qu'en ayant notamment effectué un stage professionnel complémentaire durant la période du 14 juin 2011 au 30 juin 2011 pour lequel il a signé une convention de stage, avec désignation d'un tuteur référent au sein du cabinet "[B] [O] et associés", M. [P] démontre ainsi qu'un cumul d'activité était possible avec ses CDD de 26 heures hebdomadaires.

La Cour déduit des pièces produites qu'une partie du temps journalier de M. [P] était ainsi employé par des formations externes afin de lui permettre d'acquérir des connaissances, des compétences et de l'expérience de sorte qu'en l'état de ces constatations, elle en déduit que l'absence de mention de la répartition de son horaire de travail dans les CDD et les contrats d'accompagnements à l'emploi de M. [P], ne peut justifier leur requalification de contrats à temps partiels en un contrat unique à temps complet.

S'agissant des heures supplémentaires, la cour constate que ces demandes se heurtent aux précédentes, dès lors que M. [P] ne peut à la fois demander la requalification de ses contrats en temps plein, ni le paiement d'heures supplémentaires au delà des 26 heures hebdomadaires prévues dans son contrat.

La cour relève au surplus que M. [P] ne produit aux débats aucun tableau récapitulatif hebdomadaire des heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies au delà des 26 heures hebdomadaires de ses CDD et dont la fiabilité et la véracité pourraient encore être confirmées par des attestations pertinentes qu'il ne produit cependant pas, de sorte qu'il n'étaye pas sa demande par des documents probants auxquels l'employeur peut répondre.

Ce moyen n'est pas fondé et le jugement déféré mérite l'infirmation. M. [P] sera en conséquence débouté de ses prétentions des chefs de requalification en temps plein et de paiement d'heures supplémentaires, et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

3- Sur la demande de reclassification

M. [P] soutient qu'il aurait du bénéficier de la classification "cadre niveau F coefficient 310" de la convention collective des organismes de formation N°3249.

Il en déduit qu'il aurait été victime d'un déclassement professionnel et formule à ce titre des demandes de rappel de salaires.

L'association IRIS réplique en substance que la classification "cadre niveau F" correspondant à celle d'un responsable de formation, mais aucunement aux fonctions et aux responsabilités du salarié "employé", ni à ses diplômes et estime avoir fait une juste application de la convention collective applicable.

Sur ce,

La cour retient qu'il ressort des termes de la convention collective nationale des organismes de formation N°3249, que :

En son article 21 il est défini le "niveau F" coefficient 310 , comme le premier des quatre niveaux de la catégorie des cadres, et comme suit : "dans les fonctions de ce niveau, les responsabilités scientifiques, techniques, administratives, financières, commerciales, pédagogiques, ou de gestion, sont exercées par le titulaire du poste dans le cadre de missions ou de directives fixées par son supérieur hiérarchique ; les connaissances générales et techniques nécessaires sont celles normalement reconnues par un diplôme d'ingénieur ou correspondant à une formation de niveau I ou II de l'éducation nationale"

"Par acte de formation, il faut entendre toute action à dominante pédagogique, nécessitant un temps de préparation et de recherche concourant à un transfert de connaissances etc..."

"L'activité des formateurs des diverses catégories faisant l'objet de la classification définie à l'article 20 de la CCNOF est extrêmement variable en fonction notamment de l'organisme, du type de stage, du niveau de la formation, de l'utilisation de méthodes normalisées, de l'objectif de la formation ou de la population concernée.

En outre, l'exercice de cette activité dans un secteur concurrentiel implique que le formateur puisse être appelé, selon la nature et les niveaux de la formation, à une certaine diversité d'intervention, notamment dans les domaines de la conception, de la recherche, de la préparation matérielle des stages. Il peut de même être appelé à se déplacer ou à effectuer une part d'activité commerciale."

La cour retient concernant M. [P], que ses contrats d'accompagnements dans l'emploi de 2008 et 2010 visaient tous à lui permettre l'acquisition de connaissances nécessaires à l'acte formatif des métiers auxquels l'IRIS forme.

Or, le métier de "chargé de projets de formation" relevant de la classification "cadre niveau F coefficient 310 " dont M. [P] se revendique, devait pouvoir lui permettre d'assurer et non pas seulement de suivre des interventions formatives dans le cadre d'un projet lui ayant été confié à la suite de missions ou de directives fixées par son supérieur hiérarchique.

Il se déduit cependant des pièces contractuelles et des contrats aidés en vue de lui permettre d'acquérir une formation, que M. [P] n'avait aucune expérience de formateur, mais souhaitait seulement le devenir et cela alors que les secteurs professionnels concernés par les formations d'IRIS lui étaient totalement inconnus, tels que cela ressort des attestations produites aux débats.

Il est également relevé que M. [P] a été embauché comme salarié non qualifié en tant "qu'employé" précisément pour accéder à un futur métier de formateur dans différents domaines envisagés, notamment celui de la qualité comme le démontre encore ses contrats d'accompagnements dans l'emploi de 2008 et 2010 pour lesquels il a bénéficié d'un tutorat.

La cour relève encore que M. [P] était bien "employé" et ne pouvait ainsi pas recevoir la qualification de "formateur spécialisé" dans un domaine quelconque et cela en dépit de la qualité de ses diplômes universitaires, puisqu'il était en formation qualifiante pour pouvoir ultérieurement devenir formateur. Il ne justifie pas par ailleurs avoir été "chef de groupe" toutes ses missions ayant toujours été aidées, assistées et conjointes dès lors qu'il était en formation et s'il demeurait bien accompagné et assisté pour élaborer des projets, il n'est aucunement démontré par les pièces produites qu'il était "chargé de projet ".

Il n'est pas établi non plus que M. [P] ait conçu, ou élaboré un "outil pédagogique" puisque son travail s'effectuait en groupe, sous tutorat et sous la responsabilité de son supérieur hiérarchique dès lors qu'il était en formation pour devenir formateur.

Ainsi, la cour constate que M. [P] ne rapporte pas la preuve d'activités ou missions lui ayant incombé lui permettant de prétendre au "niveau F coefficient 310" prévu à l'article 21 de la convention collective applicable.

En conséquence de quoi, la cour infirme le jugement déféré et déboute M. [P] de ses demandes de rappel de salaires calculées à partir du "niveau F".

4- Sur le licenciement pour faute grave

L'association IRIS demande à la cour de valider le licenciement pour faute grave de M. [P] comme reposant sur 7 griefs qu'elle (il) estime établis et s'oppose à la nullité du licenciement invoquée au motif que M. [P] n'est pas de bonne foi lorsqu'il dénonce des faits de harcèlement à son encontre.

M. [P] soutient principalement que le licenciement intervenu est nul et de nul effet au regard des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements et les avoir relatés.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'association IRIS reproche notamment au salarié "d'avoir accusé son employeur de harcèlement à son égard".

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'en vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

Il est établit par les attestations versées aux débats que M. [P] s'est employé à discréditer sa directrice Mme [Z] [V], en cherchant à la dénigrer tant auprès de stagiaires présents au sein de l'association, qu'auprès de consultants, afin de remettre en question son autorité en se comportant ainsi comme s'il était lui-même directeur.

Il ressort ensuite des témoignages produits que M. [P] a porté des accusations de harcèlement à l'encontre de cette directrice, qu'il n'a cependant pu aucunement démontrer lorsqu'une enquête interne a été mise en place à la suite de ses dénonciations et qu'il a alors été entendu, en apportant aucune explication à ses déclarations.

La Cour relève enfin que M. [P] ne formule aucune demande dans le cadre de la présente procédure pour des faits de harcèlement à l'encontre de son employeur.

Il se déduit de ces circonstances que les faits dénoncés étaient faux et que la réactivité de l'association IRIS, qui a adopté des mesures immédiates et adaptées après ses accusations, a confondu M. [P] dans ses man'uvres de dénonciation de faits inexistants de harcèlement moral, dans le but de déstabiliser l'association IRIS et de discréditer une directrice Mme [V], ce qui caractérise la mauvaise foi de M. [P] au moment de la dénonciation des faits de harcèlement.

La Cour retient que de tels agissements ont rendu impossible le maintien de M. [P] au sein de l'association IRIS et ont constitué une faute grave.

En conséquence, le licenciement pour faute grave de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse , ce dernier doit être débouté de ses demandes indemnitaires à ce titre et le jugement déféré infirmé.

5- Sur le défaut de mentions sur les bulletins de salaires

M. [P] ne fait pas la démonstration d'un préjudice consécutif à un défaut de mention sur ses bulletins de salaires, de sorte qu'il sera débouté de cette demande et le jugement déféré infirmé.

6- Sur les demandes accessoires

L'association IRIS est condamnée à remettre les documents sociaux correspondant au présent arrêt à M. [P] avec astreinte détaillée dans le dispositif du présent arrêt.

7- Sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [U] [P], est condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à l'Association IRIS la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [U] [P] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE M. [U] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE M. [U] [P] à payer à l'association Institut de Ressources en Intervention Sociale (IRIS) la somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que l'association Institut de Ressources en Intervention Sociale (IRIS) devra remettre à M. [U] [P] les documents de travail conformes au présent arrêt (bulletins de paie, attestation Pôle Emploi, certificat de travail), sous astreinte provisoire dont la cour ne se réserve pas la liquidation, de cinquante euros (50 euros) par jour à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt, et durant trois mois ;

CONDAMNE M. [U] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00764
Date de la décision : 17/04/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°16/00764 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-17;16.00764 ?
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