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17/04/2019 | FRANCE | N°15/01720

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 17 avril 2019, 15/01720


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 17 AVRIL 2019





N° RG 15/01720





AFFAIRE :





[O] [F]





C/





Association APAJH 95









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ARGENTEUIL

Section : ActivitÃ

©s diverses

N° RG : 14/54







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Aurélien WULVERYCK



SCP PERSIDAT - VERDET



Pôle Emploi



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 AVRIL 2019

N° RG 15/01720

AFFAIRE :

[O] [F]

C/

Association APAJH 95

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ARGENTEUIL

Section : Activités diverses

N° RG : 14/54

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Aurélien WULVERYCK

SCP PERSIDAT - VERDET

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1], de nationalité française

comparant en personne, assisté de Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0830

APPELANT

****************

Association APAJH 95

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Thomas VERDET de la SCP PERSIDAT - VERDET, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 111

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 12 février 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL

FAITS ET PROCÉDURE,

L'APAJH 95 est une Association privée, qui assure la prise en charge de jeunes et adultes en situation de handicap, reconnue d'utilité publique. La convention collective applicable est celle des établissements et services pour personnes inadaptées ou handicapées.

M. [O] [F] (ci après M. [F]) a été engagé, le 1er octobre 1995, par contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de veilleur de nuit, coefficient 414 par l'APAJH 95 à l'institut médico-éducatif (ci dessous IME) «[Établissement 1]» situé à [Localité 2] (95).

M. [O] [F] a été élu au C.H.S.C.T. de 2002 à 2006 et délégué du personnel de 2004 à 2006 à l'IME "[Établissement 1]". Il a été désigné par M. le Préfet du Val-d'Oise conseiller du salarié de 2005 à 2010 et a été élu membre du comité d'entreprise de l'APAJH 95 en 2006.

Au mois de juin 2007, M. [F] a été désigné délégué syndical de l'Etablissement '[Établissement 2]'.

Par jugement du 10 août 2007, le Tribunal d'instance de Montmorency a rejeté la requête de l'Association APAJH 95 en annulation de la désignation par la CGT APAJH 95 de M. [F] en qualité de délégué syndical au sein de l'IME [Établissement 2]. Le pourvoi formé à l'encontre de cette décision a été rejeté par arrêt du 9 juillet 2008 de la Cour de cassation (chambre sociale).

Par décision du 7 août 2007, l'inspection du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement de M. [F]. Le 14 novembre 2007, la direction départementale du travail, sur recours hiérarchique, a confirmé la décision de refus du 7 août 2007. Le 4 février 2008, le Ministre du travail et des affaires sociales a annulé la décision de l'inspection du travail et a accordé l'autorisation de procéder au licenciement de M. [F].

Le 15 février 2008, l'APAJH 95 a notifié à M. [F] son licenciement pour faute grave sans préavis.

Par jugement du 27 juin 2011, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du Ministre du travail et des affaires sociales. Ce jugement a été confirmé par la Cour administrative d'appel de [Localité 3] par arrêt du 28 décembre 2012.

Statuant sur appel de l'ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2012 par le Conseil de prud'hommes d'Argenteuil, la Cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 9 avril 2013, ordonné la réintégration de M. [F] au sein de l'internat d'[Localité 2], sur un poste d'éducateur spécialisé, et à défaut de disponibilité, sur un poste de moniteur éducateur. La Cour a dit qu'à défaut de disponibilité sur cet établissement, l'affectation sur un autre établissement ou service de l'Association APAJH 95, ne pouvait se faire que sur un poste d'éducateur spécialisé disponible, avec l'accord du salarié.

Statuant sur appel d'une ordonnance rendue par le Conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 1er août 2013, la Cour d'appel de Versailles a , par arrêt du 14 janvier 2014 , constaté que l'Association APAJH 95 n'avait pas procédé à la réintégration ordonnée par l'arrêt du 9 avril 2013 et condamné l'Association APAJH 95 à payer à M. [F] la somme provisionnelle de 20.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi sur la période de mars 2013 à novembre 2013 du fait du refus de réintégration.

Par requête du 13 février 2009, M. [F] a saisi le Conseil des prud'hommes d'Argenteuil de demandes portant sur la rupture alors intervenue de son contrat de travail. Cette affaire a fait l'objet d'une ordonnance de radiation le 8 octobre 2013. A la suite de son rétablissement elle a été appelée en dernier lieu en départage à l'audience du 30 janvier 2015 au cours de laquelle le salarié a demandé :

- la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour refus de réintégration et non paiement des salaires depuis son licenciement,

- la condamnation de l'Association APAJH 95 à lui régler les sommes suivantes :

- 15.902,99 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 5.022 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 502,20 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 120.528 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave et discrimination syndicale,

- 5.022 euros à titre de congés payés correspondant aux deux années où l'employeur a refusé de lui payer des salaires et de le réintégrer sur son poste,

- 13.383 euros à titre de rappel de salaire indemnité réparatrice prévue par l'article L 2422'1 du code du travail et 1.338,30 euros au titre des congés payés afférents,

- 131.190 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la violation du statut protecteur et 13.119 euros en incidence de congés payés, subsidiairement 82.816 euros et 8.281,60 euros en incidence de congés payés,

- 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

et voir ordonner à l'employeur de lui remettre des bulletins de salaire conformes avec la mention 'éducateur spécialisé', une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, ainsi que le règlement des salaires en deniers ou quittance jusqu'au jour du prononcé de la résiliation judiciaire, le tout avec capitalisation des intérêts et intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de l'instance.

Par jugement rendu le 20 mars 2015, le Conseil de prud'hommes d'Argenteuil a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [F] et l'Association APAJH 95 aux torts de cette dernière.

Il a condamné l'Association APAJH 95 à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 5.685,96 euros au titre de l'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 4.073,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 407,35 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article L 2422- 4 du code du travail,

Il a également condamné l'Association APAJH 95 à rembourser les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de 6mois d'indemnités de chômage, ordonné la capitalisation des intérêts, ordonné à l'Association APAJH 95 la remise d'une attestation Pôle emploi et d'une fiche de paie récapitulative des sommes prononcées par le jugement et d'un certificat de travail.

Le Conseil de prud'hommes a dit n'y avoir lieu à astreinte, rejeté le surplus des demandes et condamné l'Association APAJH 95 au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. [F] a interjeté appel de ce jugement le 21 avril 2015.

Les parties ont été appelées en dernier lieu à l'audience du 12 février 2019.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [F], appelant, demande à la cour de :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner l'association APAJH 95 à lui régler les sommes suivantes :

- 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 129.255,17 euros bruts de rappel de salaire de mars 2015 à décembre 2018 et 12.925,51 euros au titre des congés payés afférents,

- 5.500,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 550,02 euros à titre de congés payés y afférents,

- 23.375,93 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 13.383 euros bruts à titre d'indemnité réparatrice prévue par l'article L. 2422-4 du Code du travail,

- 1.338,30 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 84.250,66 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la violation du statut protecteur et 8.425,06 euros en incidence de congés payés,

- 99.003 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'APAJH 95 à lui payer son salaire de février 2019 à la date de résiliation judiciaire de son contrat de travail sur la base d'un salaire mensuel de 2.750,11 euros bruts,

- ordonner à l'APAJH 95 de lui remettre des bulletins de paie conformes, l'attestation Pôle emploi et un certificat de travail conforme à la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

- condamner l'APAJH 95 au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil,

- dire et juger qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, l'Association APAJH 95, intimée, demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant fixé le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 5.685,96 euros et celui de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4.073,52 euros et de celles ayant rejeté le surplus des demandes de M. [F],

- constater que M. [F] a renoncé à sa demande de réintégration et qu'il est hors délai pour revenir sur cette renonciation,

- dire et juger qu'aucune réintégration ne peut être ordonnée,

- dire et juger, par application de l'article L.2422-4 du code du travail, que M. [F] ne peut plus solliciter qu'une indemnisation entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois faisant suite à la notification du jugement annulant l'autorisation du ministre de le licencier, soit le 15 septembre 2011, sous déduction des sommes par lui perçues pendant ladite période et le débouter en conséquence de ses demandes de ce chef,

- à titre subsidiaire, dire et juger que M. [F] ne peut prétendre au titre de l'article L2422-4 du code du travail qu'à une indemnité limitée à une période allant du 28 février 2008 au 14 décembre 2011, ou à titre infiniment subsidiaire, qu'à une indemnité limitée à une période allant du 28 février 2008 au 22 août 2012, sous déduction des sommes par lui perçues pendant ladite période et le débouter en conséquence de ses demandes de ce chef,

- en tout état de cause, constater que M. [F] ne justifie pas des sommes effectivement perçues ni des modalités de calcul des salaires qu'il réclame sur les périodes en litige et le débouter de plus fort de ses demandes,

- dire et juger que les salaires et indemnités qu'elle a versées à M. [F] depuis le 1er août 2012 y compris en exécution des arrêts de la Cour d'appel de Versailles des 9 avril 2013 et 14 janvier 2014, des ordonnances de référé du Conseil de prud'hommes des 15 avril 2014, 26 juin 2014 et 4 décembre 2014 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 12 janvier 2016 n'étaient pas dus au salarié,

- annuler lesdites décisions et condamner en conséquence M. [F] à lui restituer lesdits salaires et indemnités soit la somme de 79.450,10 euros au titre des salaires bruts et la somme de 21.302,77 euros au titre des indemnités et dépens versés à celui-ci,

- à titre subsidiaire, annuler lesdites décisions en ce qu'elles ont alloué à M. [F] des salaires et indemnités en doublon, car pour des périodes pendant lesquelles il percevait des indemnités journalières de la sécurité sociale, des salaires de la ville de Paris, et des indemnités de Pôle emploi, et condamner en conséquence M. [F] à lui restituer les sommes suivantes :

- 4.444,44 euros au titre des salaires bruts versés par elle en exécution de l'arrêt du 14 janvier 2014 pour les mois de mars et avril 2013 alors que M. [F] percevait des indemnités journalières dont il ne justifie pas le montant,

- 11.488,40 euros au titre des salaires bruts versés par elle en exécution de l'ordonnance du 15 avril 2014 pour les mois de décembre 2013 à mars 2014, alors que M. [F] percevait un salaire de la ville de [Localité 4] dont il ne justifie pas du montant,

- 5.500,22 euros au titre des salaires bruts versés par elle en exécution de l'ordonnance du 4 décembre 2014 pour les mois de novembre et décembre 2014, alors que M. [F] percevait des indemnités Pôle emploi dont il ne justifie pas le montant,

- dire et juger M. [F] irrecevable en sa demande de résiliation judiciaire faute d'intérêt à agir en infirmation du jugement dont appel,

- en tout état de cause, dire et juger M. [F] irrecevable ou à tout le moins mal fondé en sa demande de résiliation judiciaire et en ses demandes subséquentes,

- dire et juger que M. [F] ne peut prétendre à une indemnité légale de licenciement supérieure à 5.685,93 euros et à une indemnité compensatrice de préavis supérieure à 4.073,52 euros.

- à titre subsidiaire, voir dire que M. [F] ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse supérieure à une somme représentant six mois de salaire soit 12.220,56 euros,

- le débouter du surplus de ses demandes et le voir condamner à lui régler la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS,

1- Sur la discrimination syndicale et le harcèlement moral

Définie à l'article L.2141-5 du code du travail, la discrimination syndicale est le fait pour l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesure de discipline et de rupture du contrat de travail.

Conformément à l'article L.1134-1 de ce code, il appartient dans un premier temps au salarié qui se prétend victime d'une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement puis, dans un second temps, à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat.

Par ailleurs, en application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154 du même code, dans sa version ici applicable, prévoit qu'en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [F] fait ici valoir que sa désignation en qualité de représentant du personnel au C.H.S.C.T. pour les années 2002 à 2006 l'a amené à être un fer de lance dans les revendications auprès de la direction de l'établissement, que formé, qualifié et diplômé en tant qu' éducateur spécialisé et de surcroît nommé délégué syndical de l'établissement d'[Localité 2], il a rencontré des difficultés à ce titre en étant convoqué à plusieurs entretiens préalables à licenciement le 22 octobre 2003, le 22 octobre 2004 et le 10 mars 2004, sa dernière convocation du 27 juin 2007 comprenant des motifs jugés irrecevables par l'inspection du travail.

Il fait état de ce que la direction de l'établissement d'[Localité 2] a refusé de signer le document d'évaluation nécessaire à son entrée en formation.

Il fait valoir que le traitement différencié dont il faisait l'objet par rapport à ses autres collègues l'on conduit à saisir les services de l'Inspection du travail du Val-d'Oise pour discrimination syndicale en 2005, que dans ce contexte et après entretien de la direction générale de l'Association APAJH 95 avec l'inspection du travail le 14 février 2005, il a été décidé que conformément à la convention collective du 15 mars 1966, il suivrait la formation d'éducateur spécialisé.

Il fait état de ce que l'Association APAJH 95 a alors eu l'idée de le muter pour lui nuire et d'entraver l'exercice de ses différents mandats alors que d'autres salariés n'ont pas eu à aller dans un autre établissement pour suivre une formation d'éducateur spécialisé, qu'étant représentant du personnel à l'Institut médico éducatif '[Établissement 1]' situé à [Adresse 3], il n'a ainsi pas accepté les propositions de mutation lui étant faites par l'Association APAJH 95 par lettre recommandée du 7 juillet 2005.

Il énonce que c'est finalement par avenant du 9 septembre 2005 que les parties se sont accordées sur sa mise à disposition à mi-temps à l'Institut '[Établissement 3] pendant la durée de sa formation, étant relevé qu'une telle mise à disposition ne constituait pas une mutation.

Il fait par ailleurs valoir qu'au mois de juillet 2007, il a été désigné délégué syndical par son organisation syndicale, que cette désignation a fait l'objet d'une contestation par l'Association APAJH 95 devant le Tribunal d'instance de Montmorency dont celle-ci a été déboutée, qu'en empêchant sa désignation en tant que délégué syndical, l'employeur a confirmé sa volonté d'entraver l'exercice de ses mandats.

Il fait observer que salarié en internat, il s'est vu imposer de travailler en externat sans avenant à son contrat de travail, qu'il s'est vu imposer une clause d'exclusivité dans différents avenants à la différence des autres salariés, qu'il s'est vu infliger une sanction en raison d'une présence dans un local syndical, que sa présence n'a pas été autorisée à une réunion institutionnelle, qu'il a été rétrogradé dans sa fonction sans évolution de carrière et de salaires en septembre 2007, qu'il s'est vu refuser le poste d'éducateur spécialisé à l'Institut d' [Localité 2] alors que s'y trouvait un poste et demi vacant au 1er septembre 2007.

Il dénonce des entraves flagrantes étant observé que dans son rapport de 2007, l'inspecteur du travail avait noté qu'un poste d'éducateur était disponible sans qu'il lui ait été proposé, que d'autre part, l'Association APAJH 95 a attendu plus d'un an avant de répondre à la demande de réintégration alors qu'elle disposait d'un poste disponible à [Localité 2].

Il fait référence aux nombreuses procédures qui l'ont opposé à son employeur, au refus catégorique et persistant de ce dernier de le réintégrer sans motif objectif et sollicite en conséquence sa condamnation à lui régler 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave et discrimination syndicale et 50.000 euros au titre du harcèlement moral.

L'Association APAJH 95 s'oppose à de telles demandes étant observé qu'aucune plainte n'a jamais été déposée par M. [F], qu'aucune constatation n'a été faite d'une discrimination syndicale ou d'un harcèlement moral ou d'une entrave par l'inspection du travail, que l'intéressé n'a jamais été empêché d'exercer ses différents mandats, qu'elle a pour sa part fait de nombreuses propositions de postes à M. [F] en rapport avec sa qualification.

Elle fait valoir que M. [F] n'exerçait plus de fonctions représentatives lors de ses demandes de réintégration, que les affirmations du salarié constituent un travestissement de la réalité.

Sur ce,

La Cour observe qu'afin d'étayer ses demandes, M. [F] ne produit pas les convocations à entretien préalable dont il fait état les 22 octobre 2003, 22 octobre 2004 et 10 mars 2004.

L'employeur communique pour sa part aux débats des lettres écrites par la directrice de l'établissement d'[Localité 2] le 5 avril 2002, 23 mai 2003, le 9 octobre 2003, le 16 mars 2004 le rappelant à l'ordre sur certaines questions professionnelles, notamment la nécessité de respecter son devoir de discrétion dans l'exercice de ses fonctions sans qu'il ne puisse en être déduit un lien avec ses mandats.

Les pièces communiquées ne justifient pas par ailleurs de ce que le directeur général de l'Association APAJH 95 aurait fait l'objet d'une 'convocation' par l'inspection du travail le 14 février 2005, la lettre de l'employeur du 7 juillet 2005 faisant, à cet égard, uniquement état des 'accords' pris avec le salarié 'en présence' de l'inspection du travail afin de le voir suivre une formation d'éducateur spécialisé.

Le refus d'accorder à M. [F], antérieurement à 2005, une telle formation n'est pas non plus justifié par les pièces produites non plus que celui de refuser de signer le formulaire d'évaluation nécessaire.

Le fait pour l'appelant d'avoir suivi cette formation d'éducateur spécialisé dans un autre établissement que celui de [Localité 2] n'apparaît pas non plus déroger aux règles internes relatives aux formations des salariés de l'Association APAJH 95 étant par ailleurs observé que la décision y afférente a dépendu de l'IRTS [Localité 4], organisme tiers, saisi d'une demande de l'employeur par lettre du 7 juillet 2005.

M. [F] ne cite d'ailleurs qu'un seul cas d'un salarié ayant suivi en 2006 une formation d'éducateur spécialisé sans avoir à changer d'établissement sans donner d'autres éléments sur le parcours professionnel de ce dernier.

La lettre du 7 juillet 2005 de l'Association APAJH 95 précise par ailleurs que les temps de délégation de M. [F] lui restent acquis à l'IME d' [Localité 2] et que le reste de son temps de travail et de formation est dédié à sa formation à l'établissement des [Établissement 3] d'[Localité 5], ce dont il doit être déduit le respect de ses fonctions représentatives au sein de l'Institut d' [Localité 2] pendant sa formation dans celui d'[Localité 5].

La Cour observe ainsi que, dans les termes de la proposition de l'employeur et d'un entretien entre les parties le 26 juillet 2005 dont le courrier de M. [F] du 23 août 2005 se fait uniquement l'écho, les parties ont signé le 9 septembre 2005 une lettre visant explicitement que le salarié était mis à la disposition à mi-temps avec son accord par l'Institut d' [Localité 2] à l'institut d'[Localité 5] les mercredis de 8h30 à 17 heures et jeudi de 10 heures à 19 heures afin d'effectuer sa formation, le reste de son temps de travail étant consacré à l'exercice de ses différents mandats au sein de l'établissement d' [Adresse 3].

Il est par ailleurs convenu que la rémunération de M. [F] reste inchangée, ses indemnités de dimanche maintenues, ses bulletins de salaire restant établis par cet institut.

Ces éléments ne viennent pas corroborer l'intention de nuire de l'employeur telle qu'affirmée par M. [F] ni ne justifient d'éléments faisant présumer une discrimination, une entrave syndicale ou un harcèlement moral.

M. [F] ayant obtenu en juin 2007 son diplôme d'éducateur spécialisé, il ressort des pièces produites qu'après un entretien du 11 juin 2007 dont fait état Monsieur [W], directeur de l'établissement d'[Localité 5] dans son attestation, l'Association APAJH 95 a informé M. [F], par lettre du 20 juin 2007, de son affectation à temps plein à l'IME d'[Localité 5].

Il convient d'observer qu'à la date de l'entretien susvisé du 11 juin 2007, il n'est pas justifié de mandats exercés par l'intéressé à [Localité 2] puisque l'employeur justifie de ce que la désignation de M. [F] en qualité de délégué syndical dans cet établissement n'a été portée à sa connaissance que par lettre du 18 juin 2007 du syndicat CGT APAJH 95 tandis qu'une lettre de Monsieur [A], alors directeur général de l'Association APAJH 95, pièce 27 de l'Association APAJH 95) mentionne sans être démentie que depuis les dernières élections professionnelles des délégués du personnel en date du 11 novembre 2006, M. [F] n'était pas réélu en qualité de délégué du personnel de cet institut.

Le fait pour l'Association APAJH 95 d'avoir saisi le Tribunal d'instance de Montmorency en contestation de cette désignation connue d'elle le 18 juin 2007 ne peut venir non plus étayer des faits de discrimination ou de harcèlement alors qu'il n'est pas justifié, dans ce cadre, d'un abus d'ester en justice et qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir utilisé une voie de droit afin de faire valoir ses prétentions.

Les termes du litige portant sur la procédure de licenciement initiée par l'Association APAJH 95 le 27 juin 2007 sont circonscrits, pour leur part, à la question de la légitimité du refus par le salarié d'intégrer le poste d'éducateur spécialisé indice 570 ( 581 au 15 juin ) à l'IME d'[Localité 5] tel que proposé par avenant du 21 juin 2007 et refusé par M. [F].

M. [F] est ici mal fondé à soutenir qu'il se serait vu imposer ce poste en externat alors que celui-ci lui a été uniquement proposé dans les termes de cet avenant.

La Cour observe que le comité d'entreprise dans sa réunion extraordinaire 19 juillet 2007 avait donné un avis favorable à la mutation puis à la procédure de licenciement en faisant notamment référence à des difficultés relationnelles de l'intéressé avec l'ensemble de l'équipe de l'institut d'[Localité 2], aux possibilités d'évolution du salarié au sein de celui d'[Localité 5] compte tenu notamment de ses compétences en musique et d'un poste disponible au 1er juillet 2007.

La proposition faite ensuite le 5 septembre 2007 d'affecter M. [F] à l'Institut d'[Localité 2] en tant que moniteur éducateur en semi internat au coefficient 501 a été suivie le 15 octobre 2007 de la proposition de faire passer le salarié au coefficient 513 puis au coefficient 580 tel que rapporté dans une lettre du salarié du 18 octobre 2007, le débat restant alors circonscrit au montant du salaire de l'appelant.

Les deux propositions effectuées par l'employeur en 2007 portant soit sur un poste d'éducateur spécialisé en externat à [Localité 5] soit sur un poste de moniteur éducateur en semi internat à [Localité 2] ne peuvent, pour leur part, traduire une volonté d'exclusion ou de discrimination.

Si la décision prise par le Ministère du travail des relations sociales et de la solidarité le 4 février 2008, annulant la décision de l'Inspection du travail du 7 août 2007 ayant refusé l'autorisation de procéder au licenciement, a fait l'objet d'une annulation par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 27 juin 2011, il doit être observé que le jugement ainsi rendu ne revient pas sur la constatation faite le Ministre de l'absence de lien entre les mandats détenus par M. [F] et la mesure de licenciement.

En effet, il se déduit de ce jugement que M. [F] est bien fondé en sa demande d'annulation en ce que l'avenant qui lui a été proposé, visant un travail désormais effectué en externat avec de nouveaux horaires de travail, implique une modification de son contrat de travail dont le refus opposé par le salarié n'est pas fautif.

La Cour administrative d'appel de [Localité 3], dans son arrêt du 28 décembre 2012, retient que la modification proposée à M. [F] ne se bornait pas un simple changement d'horaire, qu'il passait d'un horaire avec alternance diurne et nocturne à un horaire fixe exclusivement diurne avec une incidence sur sa rémunération.

De même, la Cour observe que dans son jugement du 24 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Pontoise ne retient pas la discrimination syndicale dont M. [F] fait part dans le cadre d'un contentieux l'opposant à Monsieur [A], directeur de l'APAH.

Les termes du litige opposant ensuite, à compter de juillet 2011, M. [F] et l'Association APAJH 95 quant aux modalités de sa réintégration portent, quant à eux, sur l'existence ou non de postes disponibles pour ce faire sur le site de l'IME d'[Localité 2].

Il convient d'observer ainsi qu'aux termes de ses arrêts du 9 avril 2013 et du 14 janvier 2014, la Cour d'appel de Versailles tire exclusivement les conséquences du jugement rendu par le Tribunal administratif le 27 juin 2011 confirmé depuis lors par la Cour administrative d'appel de Versailles.

Dans son arrêt du 14 janvier 2014, la Cour écarte comme insuffisants les éléments produits pour caractériser une entrave, une discrimination ou un harcèlement moral et note que les difficultés d'exécution de la réintégration sont susceptibles de s'expliquer par la particularité du contexte lié au changement de qualification de M. [F], son affectation initiale sur un poste de nuit et aux aléas de la procédure administrative qui a abouti à l'annulation d'une autorisation précédemment accordée.

Dès lors, étant par ailleurs observé que les moyens énoncés par M. [F] relatifs à une sanction qui lui aurait été infligée du fait de sa présence dans un établissement où se trouvait un local syndical, au refus de le voir participer à une réunion institutionnelle, au différentiel de traitement avec Madame [S] ne sont étayés par aucune pièce, la Cour confirmera le jugement de première instance en ce que par des motifs pertinents par ailleurs adoptés, il a rejeté les demandes au titre de l'entrave, de la discrimination syndicale et du harcèlement moral.

En effet, il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer, dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination syndicale n'est pas démontrée.

2- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

L'Association APAJH 95 fait valoir ici que M. [F] ne peut plus formuler une demande de résiliation judiciaire de la relation de travail étant observé qu'il ne demande plus sa réintégration et qu'il est définitivement sorti des effectifs au jour de son licenciement.

Il doit cependant être observé que l'autorisation de licenciement a fait l'objet d'une annulation par jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 juin 2011 confirmé par arrêt du 28 décembre 2012 de la Cour administrative d'appel de Versailles, que M. [F] a sollicité sa réintégration dès le 28 juillet 2011, qu'en conséquence, la relation de travail n'était pas rompue à la date à laquelle les premiers juges ont statué.

Il est rappelé que les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur est alors susceptible de produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [F] fait valoir ici que l'Association APAJH 95 a fait obstruction à ses demandes de réintégration tant en 2007, en 2011 et 2012 alors que des postes étaient disponibles à l'Institut d'[Localité 2], que malgré les deux arrêts rendus par la Cour d'appel de Versailles les 19 avril 2013 et 14 janvier 2014, il n'a pas été procédé à sa réintégration, que l'employeur a manqué à ses obligations en matière de paiement des salaires.

En vertu de l'article L 2422-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

M. [F] ne peut donc faire état du défaut de respect par l'Association APAJH 95 de ses obligations en matière de réintégration sur la base de ces dispositions qu'à compter de la notification à l'employeur le 19 juillet 2011 du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 27 juin 2011.

Antérieurement à cette date, la question qui était posée était celle du poste susceptible d'être proposé à M. [F] à la suite de l'obtention de son diplôme d'éducateur spécialisé en juin 2007.

À cet égard, il est justifié que par lettre du 20 juin 2007, l'Association APAJH 95 a proposé M. [F] une affectation à temps plein à l'Institut des '[Établissement 3] en qualité d'éducateur spécialisé, que compte tenu du refus du salarié, elle lui a proposé par lettres des 5, 27 septembre et 15 octobre 2007, un poste de moniteur éducateur à l'Institut d'[Localité 2] que M. [F] a refusé par lettre du 18 octobre 2007 au regard notamment de la baisse de salaire induite.

Si le bien-fondé du refus du salarié concernant la première proposition a notamment été retenu par les juges administratifs et si le salaire proposé concernant la seconde prêtait en effet à discussion, aucun élément n'est cependant produit aux débats pour justifier de l'existence de postes d'éducateur spécialisé à temps plein à l'Institut d'[Localité 2] entre juin 2007 et février 2008.

Il convient par ailleurs d'observer que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, restait maître de proposer à M. [F] d'autres affectations que dans l'Institut d'[Localité 2], qu'en outre, il est fait référence devant le comité d'entreprise du 9 juillet 2007, à l'accord verbalement formalisé et non démenti, devant l'inspection du travail le 26 juillet 2005, aux termes duquel M. [F] serait affecté à temps plein en tant qu'éducateur spécialisé à l'Institut d'[Localité 5] à l'issue de sa formation.

S'agissant de la réintégration dont M. [F] devait faire l'objet postérieurement aux décisions de justice rendues soit en premier lieu, le jugement du Tribunal administratif du 27 juin 2011 confirmé le 28 décembre 2012, le salarié fait état ici du défaut du respect par l'employeur de ses obligations malgré sa demande formulée dès le 28 juillet 2011.

Il convient d'observer qu'il ne peut être reproché ici à l'employeur d'avoir, jusqu'au prononcé de l'ordonnance du 6 juillet 2012, limité sa proposition au poste de moniteur éducateur, étant observé que l'article L 2422-1 du code du travail vise la réintégration du salarié dans son emploi ou dans un emploi équivalent et que la question se posait légitimement dans ce cadre de savoir si M. [F] devait être réintégré dans son poste antérieur de moniteur éducateur ou dans un poste d'éducateur spécialisé compte tenu du diplôme par lui acquis.

L'Association APAJH 95 justifie qu'elle a ainsi proposé dans un premier temps au salarié des postes de moniteur éducateur à [Localité 5] et [Localité 6], le 5 décembre 2011 aux mêmes conditions salariales que celles antérieures à son licenciement, que ces propositions ont été refusées par M. [F] par lettres des 14 et 16 décembre 2011 à défaut de se voir proposer un poste d'éducateur spécialisé.

Il ressort ensuite des pièces produites que suite à la décision de référé du Conseil des prud'hommes d'[Localité 5] du 6 juillet 2012 ordonnant la réintégration du salarié en tant qu'éducateur spécialisé au sein de l'Association, M. [F] a été convié un entretien le 24 juillet 2012 et qu'il lui a été proposé par lettre du 26 juillet 2012, précisée le 29 août 2012, un poste d'éducateur spécialisé visant la prise en charge d'adultes psychotiques au sein du [Établissement 4] au coefficient 537 de 9h à 17h, l'Association APAJH 95 ayant explicité au salarié qu'il n'existait aucun poste d'éducateur spécialisé disponible dans un autre établissement de l'association accueillant des enfants.

Par lettre du 31 août 2012, M. [F] a refusé ce poste après avoir fait valoir qu'il s'occupait jusqu'alors d'enfants déficients mentaux polyhandicapés, qu'il était antérieurement salarié en internat avec une plage horaire de nuit et que le niveau de salaire proposé était insuffisant, le salarié énonçant une nouvelle fois dans un courrier reçu le 25 octobre 2012 et les 26 novembre 2012 refuser la proposition et rester dans l'attente d'une nouvelle proposition de la part de l'Association APAJH 95.

Or, il doit être ici observé, ainsi que l'a relevé le Conseil de prud'hommes d'Argenteuil dans une ordonnance du 26 juin 2014 , que l'employeur était à même alors de faire d'autres propositions de réintégration à M. [F].

Le salarié fait état à cet égard de l'embauche de Monsieur [Z] et de Monsieur [K] dans l'établissement d'[Localité 2].

L'extrait du registre du personnel justifie que Monsieur [K] été employé à l'Institut d'[Localité 2] du 1er septembre 1976 au 30 septembre 2012 en tant qu'éducateur spécialisé tandis que Monsieur [Z] a intégré cet internat en tant que moniteur éducateur le 14 novembre 2011.

Si le poste de Monsieur.[Z] n'était pas un poste d'éducateur spécialisé et ne pouvait donc satisfaire les critères posés par M. [F] lui-même pour sa réintégration, il doit être observé que l'Association APAJH 95 n'établit pas que le poste de Monsieur [K] aurait été supprimé à la suite de son départ en retraite.

Or, aucune pièce ne vient justifier d'une proposition faite à M. [F] en septembre 2012 du poste d'éducateur spécialisé jusque là occupé par Monsieur [K], alors qu'à cette date, l'ordonnance de référé du 6 juillet 2012 avait, sans ambiguïté, ordonné sa réintégration en tant qu'éducateur spécialisé au sein de l'Association ce y compris à l'Institut d'[Localité 2].

La Cour observe que suite à l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 9 avril 2013 ordonnant la réintégration de M. [F] au sein de l'internat d'[Localité 2] sur un poste disponible d'éducateur spécialisé et à défaut de disponibilité sur un poste de moniteur éducateur ou subsidiairement dans un autre établissement au service de l'Association APAJH 95 en qualité d'éducateur spécialisé et avec l'accord du salarié, l'intimée s'est limitée, par lettre du 25 avril 2013, à maintenir sa proposition concernant le poste situé à Gonesse.

Or, ce poste axé sur la prise en charge d'adultes psychotiques ne correspondait pas à l'expérience professionnelle du salarié axée sur celle d'enfants déficients mentaux polyhandicapés.

Ce n'est que par lettres du 25, 28 février et du 31 mars 2014 que l'Association APAJH 95 a proposé de réintégrer M. [F] dans d'autres postes soit un poste d'éducateur spécialisé au service d'accompagnement à la vie sociale de [Localité 6], un poste de délégué mandataire judiciaire à la protection des jeunes majeurs à [Localité 7], une poste de moniteur au SAVS d'[Localité 5], un poste d'éducateur spécialisé à domicile visant le suivi d'adolescents et d'enfants de 3 à 20 ans.

Il se déduit des éléments que l'employeur a manqué de diligences pour mener à bien la réintégration de M. [F], des propositions élargies n'ayant été faites que tardivement ce tandis que le poste d'éducateur spécialisé au CITL de [Localité 8] manquait de cohérence, par le public visé, avec les compétences professionnelles du salarié.

Sur la base des éléments dont elle était saisie, la Cour d'appel de Versailles a d'ailleurs, dans son arrêt du 14 janvier 2014, condamné l'employeur à régler à M. [F] la somme provisionnelle de 20.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi sur la période de mars 2013 à novembre 2013 du fait du refus de réintégration.

Par ailleurs, dans les termes ici aussi retenus, l'Association APAJH 95 a manqué à son obligation de réintégration sur un poste d'éducateur spécialisé en septembre 2012.

S'agissant de la rémunération, les pièces produites justifient également que l'Association APAJH 95 ne s'est acquitté de son obligation de paiement qu'après des injonctions ou des condamnations judiciaires.

C'est ainsi que le salaire du mois de juillet 2012 a notamment fait l'objet d'une condamnation en paiement par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 9 avril 2013 tandis que les salaires de décembre 2013 à mars 2014 et d'octobre et novembre 2014 ont fait l'objet de condamnations en paiement par ordonnances de référé du conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 15 avril 2014 et du 4 décembre 2014.

Ces éléments en ce qu'il justifie de manquements suffisamment graves de l'employeur conduiront à confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'association.

3- Sur les demandes en paiement

- Sur les sommes demandées sur le fondement de l'article L 2422'4 du code du travail

En vertu de l'article L 2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

Le préjudice subi s'apprécie compte tenu des sommes que l'intéressé a pu percevoir pendant la période litigieuse.

Le salarié est fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice sur la base d'une période courant du licenciement jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois après la notification de l'arrêt de la Cour administrative d'appel.

Or, il sollicite ici le paiement de sommes pour la période s'étendant de la date de son licenciement (15 février 2008) à juillet 2011 ce qui couvre pour le moins la période susvisée.

Sur la base des justificatifs versés par M. [F] relativement aux revenus perçus durant cette période (salaires en tant qu'intérimaire au mois de juin 2008, revenus perçus des ADSEA 77et 93 entre décembre 2008 et décembre 2011, indemnités journalières de sécurité sociale et indemnités Assedic, déclarations de revenus), son préjudice donnera lieu à l'allocation d'une somme de 6.965 euros outre 696 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur les salaires demandés pour la période s'étendant de mars 2015 à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que février 2019

Le présent arrêt confirme la décision du Conseil de Prud'hommes ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le contrat étant dans ces conditions résilié à la date du 20 mars 2015, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

- Sur l'indemnité sollicitée au titre de la violation du statut protecteur

M. [F] fait ici valoir que lorsque la résiliation judiciaire est retenue au profit d'un salarié protégé, cette rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et ouvre droit au profit du salarié protégé au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire.

Il sollicite, sur cette base, le paiement d'une somme de 67.750 euros pour la période s'étendant du 28 juillet 2011 au 31 janvier 2015 outre 16.500,66 euros au titre de la période de protection supplémentaire de six mois, soit un total de 84.250,66 euros.

Cependant, aucun élément ne vient justifier de ce que l'intéressé bénéficiait d'une protection en cours au jour de sa demande de résiliation laquelle a été énoncée au plus tôt par conclusions du 19 juin 2014 devant le Conseil de prud'hommes.

Cette demande fera donc l'objet d'un rejet par confirmation du jugement entrepris.

- Sur l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis

M. [F] a été embauché à effet au 1er octobre 1995 et la résiliation judiciaire de son contrat de travail est intervenue au 20 mars 2015.

Il comptait donc une ancienneté de 19 ans, 5 mois et 20 jours à la date de la rupture du contrat de travail.

Sur la base d'un salaire de référence d'un montant retenu à la somme de 2.570,11 euros au vu des bulletins de paie communiqués, l'indemnité de licenciement est retenue au montant de 14.533,05 euros

L'indemnité compensatrice de préavis s'établit pour sa part au montant de 5.140,22 euros outre congés payés afférents.

- Sur l'indemnité au titre de la rupture ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [F], de son âge, de son ancienneté, des emplois par lui exercés à compter de juin 2008, des indemnités chômage par ailleurs perçues, l'Association APAJH 95 sera condamnée à lui régler la somme de 33.411,43 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Il convient en outre, par confirmation du jugement entrepris d'ordonner le remboursement par l'Association APAJH 95 aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à M. [F] dans la limite de six mois conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

4- Sur les demandes reconventionnelles

L'Association APAJH 95 sollicite ici de voir dire que les salaires versés à M. [F] depuis le 1er août 2012 n'étaient pas dus au salarié.

Elle sollicite la restitution des sommes versées soit la somme de 79.450,10 euros au titre des salaires bruts et la somme de 21.302,77 euros au titre des indemnités et dépens versés ce y compris en exécution des arrêts de la Cour d'appel de Versailles et des ordonnances de référé du Conseil de prud'hommes d'Argenteuil dont elle sollicite l'annulation.

Subsidiairement, elle sollicite la restitution par M. [F] des sommes de 4.444,44 euros au titre des salaires bruts versés pour les mois de mars et avril 2013, 11.488,40 euros au titre des salaires bruts des mois de décembre 2013 à mars 2014 et celle de 5.500,22 euros au titre des salaires bruts versés pour les mois de novembre et décembre 2014, en faisant valoir que ces sommes au paiement desquelles elle a été condamnée par les décisions susvisées ont été versées en doublon pour des périodes pendant lesquelles Monsieur.[F] percevait des indemnités journalières de la sécurité sociale, des salaires de la ville de [Localité 4] et des indemnités de Pôle emploi.

Étant cependant observé que la résiliation judiciaire du contrat de travail a été confirmée à la date du 20 mars 2015, la demande de restitution ne saurait aboutir au regard du contrat de travail liant l'Association APAJH 95 jusqu'à cette date.

Les revenus perçus par ailleurs par M. [F] ont été pris en compte lors de l'évaluation des préjudices du salarié et la fixation du montant des condamnations en paiement de l'employeur à ce titre.

Ces éléments conduiront à rejeter ces demandes.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'Association APAJH 95 de la demande en résiliation judiciaire du contrat devant le Conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sollicitée sera ordonnée dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du code civil.

L'Association APAJH 95 devra remettre à M. [F] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à la présente décision, les circonstances de l'espèce ne nécessitant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris excepté s'agissant du montant des condamnations en paiement prononcées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE l'Association APAJH 95 à payer à M. [F] les sommes suivantes:

- 33.411,43 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 14.533,05 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 5.140,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 514,02 euros au titre des congés payés afférents,

- 6.965 euros sur le fondement de l'article L 2422' 4 du code du travail et 696,50 euros au titre des congés payés y afférents

DIT que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'Association APAJH 95 de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail devant le Conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du code civil ;

DIT que l'Association APAJH 95 devra remettre à M. [F] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à la présente décision ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte ;

REJETTE les autres demandes ;

VU l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Association APAJH 95 à payer à M. [F] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de l'Association APAJH 95 sur ce fondement ;

CONDAMNE l'association APAJH 95 aux dépens.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01720
Date de la décision : 17/04/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°15/01720 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-17;15.01720 ?
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