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26/03/2019 | FRANCE | N°17/06607

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 26 mars 2019, 17/06607


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B



DU 26 MARS 2019





N° RG 17/06607



AFFAIRE :



[S] [C]

C/

[F] [E]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 1

N° RG : 15/01060



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées l

e :





à :



-SCP HADENGUE & ASSOCIES



-Me Mélina PEDROLETTI,















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 11 j...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 26 MARS 2019

N° RG 17/06607

AFFAIRE :

[S] [C]

C/

[F] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 1

N° RG : 15/01060

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

-SCP HADENGUE & ASSOCIES

-Me Mélina PEDROLETTI,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 11 janvier,15 février et le 19 mars 2019 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [C]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1401077

Me Virginie PASCAL de la SELARL BASSIRI-BARROIS PASCAL ASSOCIES, avocat déposant - barreau de PARIS

APPELANT

****************

Monsieur [F] [E]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Mélina PEDROLETTI, ès qualités d'administrateur provisoire du cabinet de Me Pierre GUTTIN, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

Me Laurent CAZELLES substitué par Me Delphine MABEN de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat déposant - barreau de PARIS

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 octobre 2018, Madame Nathalie LAUER, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL

Vu le jugement rendu le 8 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

-Débouté MM. [C] et Mme [W] épouse [C] de leurs demandes de dommages-intérêts à l'encontre de Maître [E] ;

-Débouté MM. [C] et Mme [W] épouse [C] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté Maître [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné MM. [C] et Mme [W] épouse [C] aux dépens ;

-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Vu l'appel relevé le 4 septembre 2017 par MM. [C] qui, dans ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2018 demande à la cour de :

Vu l'article 1149, 1134, 1147 du code civil,

Vu les articles, 695, 700 du code de procédure civile,

-Recevoir M. [C] en ses demandes, fins et conclusions, l'en déclarant bien fondé.

En conséquence :

-Infirmer la décision du tribunal de grande instance de Versailles en date du 8 juin 2017 en toutes ses dispositions,

-Débouter Maître [E], avocat, de l'ensemble de ses demandes,

-Condamner Maître [E], avocat, à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 21.342,86 euros à titre de dommages et intérêts pour perte des indemnités d'assurance avec intérêts aux taux légal à compter du 23 décembre 1998,

- 48.021,40 euros à titre de dommages et intérêts pour perte des loyers impayés du 1er juillet 1999 au 31 mai 2002, assortis des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2002,

- 47.534,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la reconnaissance de dette signée par M. [S], assortis des intérêts au taux légal à compter du jugement en date du 16 mai 2011,

- 144.826,56 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de réparation du préjudice subi par les époux [C], assortis des intérêts au taux légal à compter du jugement en date du 16 mai 2011,

-Condamner Maître [E], avocat, à payer à M. [C] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

-Condamner Maître [E], avocat, à payer à M. [C] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

-Condamner Maître [E], avocat, aux dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions notifiées le 31 mai 2018 par M. [E], par lesquelles il demande à la cour de :

Vu l'article 1147 du code civil

Vu la jurisprudence constante en matière de perte de chance

-Dire et juger que M. [C] ne démontre pas que la faute alléguée à l'encontre de Maître [E] l'a privé d'une chance raisonnable d'obtenir un jugement favorable et de pouvoir recouvrer ses prétendues créances

-Dire et juger que M. [C] n'est pas recevable à se prévaloir d'un préjudice qui lui est personnel dès lors que les créances alléguées sont relatives d'une part à un fonds de commerce appartenant pour moitié à Mme [C] et d'autre part à un fonds appartenant à la société Le Relais,

-Dire et juger que M. [C] ne justifie pas avoir subi un préjudice à hauteur de 144.826,55 euros et qu'en outre le lien de causalité entre ce préjudice et la faute de l'avocat est totalement inexistant.

En conséquence,

-Débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes,

-Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

-Condamner M. [C] à payer à Maître [E] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens de l'instance.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] et M. [S] entretiennent des relations d'affaires concernant les établissements «[Établissement 1]» et «Le relais».

M. [C] et Mme [C] ont assigné M. [S] devant le tribunal de grande instance de Paris afin qu'il soit condamné au paiement de différentes sommes en raison de loyers impayés.

Dans le cadre de cette procédure les époux [C] étaient assistés par Maître [E], avocat au barreau de Créteil.

M. [C] et Mme [C] se sont désistés de l'instance et ont engagé une nouvelle procédure devant le tribunal de commerce de Paris.

L'affaire a été plusieurs fois retirée du rôle puis radiée, avant d'être rétablie au rôle le 20 décembre 2010, à la demande de Maître [E].

Le 14 janvier 2011, le conseil de M. [S] a demandé au tribunal de commerce de Paris de déclarer acquise la péremption de l'instance en l'absence de diligences des parties.

Le 16 mai 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la péremption de l'instance.

Le 23 janvier 2015, MM. [C] et Mme [C] ont assigné Maître [E] devant le tribunal de grande instance de Versailles en réparation du préjudice qu'ils ont subi en raison des fautes qu'il a commise.

Par le jugement déféré, le tribunal a retenu que la faute de Maître [E] pour avoir laissé périmer l'instance devant le tribunal de commerce était établie. En revanche, il a débouté les demandeurs de leurs demandes indemnitaires en considérant qu'ils n'apportaient aucune pièce permettant de reconstituer fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer et donc d'apprécier la perte de chance d'obtenir gain de cause devant le tribunal de commerce de Paris.

Maître [E] n'a pas formé appel incident.

SUR CE , LA COUR

Sur la responsabilité professionnelle

Considérant qu'au soutien de son appel, M. [C] fait valoir que M. [E] a commis une faute en laissant périmer l'instance ; qu'il n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil ; que ces fautes lui ont causé un préjudice constitué de l'impossibilité de recouvrer les créances qu'il possédait à l'égard de M. [S] ; qu'il réplique que M. [E] ne produit que des courriers simples censés démontrer qu'il attendait les observations de ses clients ; que de simples courriers ne suffisent en aucun cas à prouver qu'ils ont été effectivement reçus ; qu'en tout état de cause, il est plus qu'étonnant que M. [E] ne produise aucune copie de lettre recommandée avec accusé de réception de relance et de factures adressées à ses clients ; que les pièces qu'il produit témoigne de l'absence de diligences de son avocat ; qu'il disposait d'une chance raisonnable d'obtenir gain de cause devant le tribunal de commerce ; que le présent litige concerne exclusivement les consorts [C] et M. [E] et non pas les consorts M. [C] et M. [S] ; que M. [E] soutient, pour les besoins du présent litige, expressément la cause de M. [S] ; que si M. [E] pensait réellement que la requête des consorts [C] n'avait pas de chance d'aboutir, il n'aurait pas dû accepter de représenter ces derniers de 2006 à 2013 ; que l'avis de M. [E] ne préjuge au demeurant en rien l'issue dont il a privé ses clients ; que seule l'absence de diligences et l'inertie de M. [E] sont à l'origine de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable pour les consorts [C] ; qu'il produit des pièces complémentaires ; qu'en effet, suite à ses malheureuses associations avec M. [S], M. [C] a subi un certain nombre de désagréments financiers, constitués par le non-respect de ses obligations contractuelles par M. [S] ; qu'il s'agit de véritables soustractions de fonds, lesquels devaient indiscutablement être restitués à M. [C] ; que toutefois, eu égard à des chantages incessants sur le projet de divorce avec Mme [L] [C], sa s'ur, il n'a pu que différer toute action judiciaire à l'encontre de M. [S] ;

Que, s'agissant de l'établissement «[Établissement 1]», la somme versée par les AGF devait être partagée entre les associés, propriétaires indivis du fonds de commerce ; qu'il produit un procès-verbal de transaction du 4 janvier 1999 duquel il résulte que les AGF versent à M. [S] 466 176,77 Fr. ; qu'il justifie donc de sa créance à ce titre à hauteur de 21 342,86 euros ; qu'en ce qui concerne l'établissement «[Établissement 2]», la location gérance du fonds de commerce a été confiée à M. [S] le 10 juin 1999 ; qu'il était alors convenu entre les parties d'un dépôt de garantie de 100 000 Fr. et que cette somme soit prélevée sur la part de l'indemnité d'assurance qui revenait aux époux [C] ; que ceux-ci ont pris le soin de faire annexer audit acte, la copie de deux chèques de banque d'un montant respectif de 100 000 Fr. et de 140 000 Fr., ; qu'il est justifié que le chèque de 140 000 Fr. n'a pas été encaissé, la Poste attestant que celui-ci a été retourné à l'émetteur ; que, par ailleurs M. [S] lui est redevable d'une somme de 45 534,70 euros au titre d'une reconnaissance de dette ; que, par cette reconnaissance de dette, M. [S] devait assumer les dettes du fonds de commerce constitué par des arriérés de TVA et de loyers, dont les justificatifs ont été régulièrement versés aux débats par les époux [C] ; que suite à la location gérance qui lui avait été confiée, M. [S] était redevable en particulier des loyers ; qu'il n'a pas assumé ses engagements ; qu'ainsi les époux [C] ont été assignés en paiement des loyers impayés avec acquisition de la clause résolutoire ; que par ordonnance de référé du 21 mai 2002, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné leur expulsion outre le paiement des loyers impayés pour un montant de 58 978 euros ; qu'enfin, ils ont perdu le fonds de commerce, ce qui leur cause un préjudice de 144 826,56 euros correspondant au prix du fonds ;

Considérant que M. [E] réplique que M. [C] ne démontre nullement la réalité de la perte de chance alléguée ; qu'il a été consulté par M. [C] en mai 2006 afin de diligenter une procédure à l'encontre de son beau-frère, M. [S] ; qu'après étude du dossier, dès le 5 mai 2006, il a indiqué à M. [C] que sa procédure était vouée à l'échec ; que celui-ci a néanmoins souhaité engager une procédure pour des raisons familiales ; que c'est dans ces conditions qu'une assignation a été délivrée à M. [S] devant le tribunal de grande instance de Paris puis, après désistement devant cette juridiction, devant le tribunal de commerce de Paris le 14 novembre 2006 ; qu'il a sollicité les observations de ses clients suite aux conclusions de la partie adverse ; qu'il n'a pas obtenu les informations nécessaires ; que c'est dans ces conditions que par un jugement du 17 juin 2008, le tribunal de commerce a prononcé la radiation ; que l'affaire a été rétablie le 20 décembre 2010 mais que suite à la demande de M. [S], par jugement du 16 mai 2011, le tribunal a dit l'instance périmée faute de diligences depuis les dernières conclusions du 12 décembre 2008 ;

Que le 15 juillet 2013, il a alors restitué à M. [C] l'intégralité de ses dossiers ; que ce n'est que près de deux ans après que M. [C] l'a assigné en responsabilité en ne versant que quatre pièces, manifestement insuffisantes pour conduire à une condamnation ; qu'en cause d'appel, les deux pièces supplémentaires que M. [C] communique aux débats ne sont toujours pas de nature à justifier de la réalité de la perte de chance alléguée pas plus que du lien de causalité entre les fautes reprochées et le préjudice invoqué ; que le fait pour M. [C] de soutenir que le litige ne concerne pas les relations entre les époux [C] et M. [S] mais leur relation avec leur avocat, traduit une profonde méconnaissance du droit de la responsabilité civile professionnelle ; que M. [C] n'a manifestement toujours pas compris le principe de la reconstitution fictive du débat puisqu'il ne verse devant la cour aucune pièce de nature à établir la réalité des créances revendiquées ; que d'ailleurs, il résulte des conclusions signifiées à l'époque par le conseil de M. [S] que celui-ci disposait d'arguments sérieux pour contester chaque poste de préjudice ;

Qu'en effet, pour prétendre au remboursement de la moitié de l'indemnité d'assurance, M. [S] répliquait que M. [C] ne justifiait pas être associé au moment où la compagnie d'assurances l'avait réglée ; qu'il soutenait également qu'il avait été placé en liquidation judiciaire et qu'il appartenait à M. [C] de produire sa créance au passif de la liquidation ; que devant cette cour, M. [C] ne réplique nullement sur ces points et ne justifie pas de sa déclaration de créance ; que si M. [C] fonde sa revendication de la moitié de l'indemnité d'assurance sur sa qualité de propriétaire indivis du fonds de commerce, il ne justifie pas de son inscription au registre du commerce et des sociétés, ni de sa qualité d'associé d'une société qui aurait été créée aux fins d'exploitation du fonds ; qu'en tout état de cause, il est difficile d'imaginer qu'une compagnie d'assurances ait payé la totalité d'une indemnité à un bénéficiaire, sans en avoir au préalable vérifié la qualité ; qu'au surplus, à supposer que cette créance soit ultérieurement justifiée, M. [C] ne serait recevable à en percevoir que la moitié puisque son épouse était également propriétaire du fonds ; qu'en ce qui concerne la perte des loyers impayés du 1er juillet 1999 au 31mai 2002, M. [S] répliquait que la location gérance avait pris fin le 31 mars 2001, date de la radiation du registre du commerce et des sociétés et que donc aucun loyer postérieur ne pouvait être réclamé ; que d'ailleurs, il invoquait la prescription quinquennale des loyers ; que M. [E] n'ayant été mandaté que le 5 mai 2006, il n'aurait pu agir avant l'acquisition de la prescription, soit le 31 mars 2006 ;

Que M. [C] ne répond nullement à cet argument ; qu'il se contente de verser le contrat de location-gérance de l'établissement «[Établissement 2]» conclu le 10 juin 1999 qui n'est pas de nature à démontrer que M. [S] restait débiteur de loyers impayés pour un montant total de 48 021,40 euros ; qu'en outre M. [C] prétend avoir été condamné à payer des loyers impayés mais il ne produit nullement la décision le prouvant ; qu'il ne communique pas davantage les courriers de mise en demeure envoyés à son locataire gérant alors qu'il prétend que celui-ci n'a jamais acquitté aucun loyer ni aucune redevance ; qu'il verse au demeurant une convention de répartition et un avenant du 6 avril 2001 aux termes desquelles les consorts [C] apportent leur fonds de commerce à la société en formation 'Le relais', ayant pour associé M. [S] ; qu'il est pour le moins étrange qu'un tel apport ait été consenti à un cocontractant qui n'exécutait pas ses obligations depuis deux ans ; qu'en tout état de cause, il en ressort qu'à compter du 6 avril 2001, le fonds de commerce de café restaurant exploité [Adresse 3] n'appartenait plus aux époux [C] mais à la SARL Le relais ; que M. [S] contestait encore la régularité formelle de la reconnaissance de dette et également devoir la moindre somme à M. [C] ; que l'on ne voit pas en effet à quel titre le locataire gérant aurait dû s'acquitter les dettes de TVA du propriétaire ; que la reconnaissance de dette n'était même pas produite en première instance ; que si elle l'est devant la cour, celle-ci constatera qu'effectivement la somme n'est pas mentionnée de façon manuscrite et que sa validité était donc contestable ; que par ailleurs, aux termes de cet acte, M. [S] s'engageait à payer tout ou partie des dettes de M. [C] grevant le fonds de commerce à concurrence de 300 000 Fr., ce qui ne signifie nullement qu'il devait payer la somme de 300 000 Fr. puisqu'il appartenait à M. [C] de justifier de la nature et du montant des dettes grevant le fonds de commerce ; qu'en ce qui concerne les dommages et intérêts «pour perte de réparation du préjudice», il est réclamé la somme de 140 826,56 euros sans la moindre explication ; que si M. [C] fait valoir qu'elle correspond au prix d'acquisition du fonds de commerce, M. [S] répliquait qu'il ne s'était jamais engagé irrévocablement à l'acheter ; que la simple promesse de vente qui avait été conclue ne créait aucune obligation à son encontre ; que la perte de ce fonds dont M. [C] se plaint désormais n'est pas justifiée ; que de plus il ressort des conclusions signifiées le 22 janvier 2008 par le conseil de M. [S] que celui-ci était déjà en redressement judiciaire en 1999 et qu'il a été placé en liquidation judiciaire par la suite ; qu'ainsi, dès 2008, M. et Mme [C] n'avait aucun espoir de recouvrer une quelconque somme à l'encontre de M. [S] du fait de la liquidation judiciaire ;

Considérant en préambule que le jugement déféré n'est pas critiqué par M. [E] en ce qu'il a retenu ses manquements ; que par conséquent, il n'y a pas lieu d'y revenir ;

Considérant ceci exposé que comme l'a exactement rappelé le tribunal, M. [C] reproche à M. [E] d'avoir laissé périmer l'instance qu'il avait introduite devant le tribunal de commerce à l'encontre de M. [S] de sorte que celles-ci, à l'occasion d'une nouvelle instance, ont été jugées prescrites par jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 juin 2016 ; qu'il a également exactement rappelé qu'en matière de responsabilité d'avocat du fait d'un manquement au devoir de diligence, le lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué ne pouvait être apprécié qu'en termes de perte de chance ; que celle-ci s'apprécie en étudiant si le demandeur pouvait obtenir gain de cause si l'avocat avait accompli ses diligences ; que pour obtenir gain de cause devant le tribunal de commerce de Paris, M. [C] devait justifier du bien-fondé des créances qu'il invoquait à l'égard de M. [S] ; qu'il n'est pas contesté qu'en première instance, il n'a communiqué que 4 pièces, à savoir l'assignation initiale, les conclusions de désistement, le jugement de radiation du 17 juin 2009 et le jugement constatant la péremption en date du 16 mai 2011 ; qu'en aucune manière, ces pièces ne permettaient aux premiers juges de vérifier le bien fondé des créances alléguées ;

Considérant que devant la cour, M. [C] communique en plus l'acte d'acquisition par M. [C] et M. [S] du fonds de commerce [Établissement 1] au prix de 350 000 Fr., dont 150 000 Fr. réglés au comptant et 200 000 Fr. au moyen d'un prêt contracté solidairement par M. [C] et M. [S] auprès du crédit du Nord (pièce n° 7) ; qu'il produit également le bail commercial conclu entre d'une part le couple [C] et M. [S] et d'autre part la SCI du [Adresse 4] en date du 2 août 1993 (pièce n° 9) ; qu'au titre du droit au bail, l'acte d'acquisition mentionne d'ailleurs l'existence de ce bail commercial ; qu'il produit encore le contrat de location du fonds de commerce avec promesse de vente entre d'une part le couple [C] et d'autre part M. [E] du fonds de commerce de brasserie restaurant du [Adresse 3] qui leur appartient et ce pour une durée d'une année à compter du 1er juillet 1999 moyennant une redevance mensuelle de 12 060 Fr. TTC sans préjudice du loyer du bail commercial de 9100 Fr. par mois ; qu'en effet les époux [C] disposaient d'un bail commercial conclu avec la poste le 5 et 6 juin 1996 moyennant un loyer annuel de 95 000 Fr., payable mensuellement ; que le contrat de location-gérance stipule que M. [S] verse ce jour entre les mains de M. [C] qui le reconnaît une somme de 100 000 Fr., à titre de dépôt de garantie ; qu'il dispose également que le locataire gérant réglera les loyers mensuels du bail commercial, soit 9 100 Fr. par mois, charges comprises entre les mains de M. [S] ; qu'il est encore rappelé que M. [C] exploitait le fond depuis le 3 janvier 1990 ; qu'il est prévu que tous les frais découlant de l'acte, ainsi que ceux qui en seront la suite et la conséquence seront supportés par M. [S] ; que l'acte est daté du 10 juin 1999 ; qu'il contient également une promesse de vente du fonds de commerce sous condition suspensive de l'accord du bailleur La poste et de l'obtention d'un prêt d'un montant qui correspond au prix de la vente, diminué de l'indemnité d'immobilisation, ainsi que des redevances réglées durant la période de la location-gérance ; qu'il est stipulé que l'acceptation peut intervenir à tout moment au cours de la location-gérance et en tout cas avant le 30 avril de l'an 2000 ;

Considérant que si ces trois pièces sont de nature à éclairer les relations commerciales ayant existé entre M. [C] et M. [S], elles ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une créance de M. [C] à l'égard de ce dernier ; qu'il résulte de la pièce n° 7 que le fonds de commerce du restaurant [Établissement 1] était indivis entre M. [C] et M. [S] ; que cette circonstance n'implique pas ipso facto que M. [S] était redevable de la moitié de l'indemnité d'assurance qui a été versée suite à transaction régularisée le 23 décembre 1998 entre les AGF et M. [S], suite à l'incendie du restaurant survenu le 2 décembre 1996 (pièce n° 10) ; que la police d'assurance n'étant pas produite, l'on ignore totalement la teneur des relations contractuelles ayant existé entre la compagnie d'assurances et l'assuré ; que si les AGF ont versé l'indemnité à M. [S], il est toutefois inconcevable que l'assureur se soit acquitté à l'encontre d'une autre personne que son assuré, sauf convention particulière dont il n'est nullement justifié ; que de plus, à supposer que M. [S] ait effectivement été redevable envers M. [C] de la moitié de cette indemnisation, aucun élément du dossier n'est de nature à fonder un quelconque engagement particulier de M. [S] à l'égard de M. [C] à ce titre ; que d'ailleurs, M. [C] ne justifie pas avoir jamais réclamé cette somme à M. [S] ; qu'enfin, le contrat de location-gérance du 10 juin 1999 met à la charge de M. [S] le versement d'un dépôt de garantie ; que par conséquent, il n'y a pas de sens à soutenir que le dépôt de garantie devait être prélevé sur la part de l'indemnité d'assurance supposée revenir aux époux [C];

Considérant, s'agissant des loyers que M. [S] n'aurait pas réglés en suite du contrat de location-gérance du 10 juin 1999, il n'est nullement justifié du non règlement par la moindre réclamation ; qu'il n'est pas plus justifié que le loyer se soit poursuivi au-delà du 1er juillet 2000, étant rappelé qu'il était conclu pour une durée d'une année ; que de plus, à supposer qu'il se soit poursuivi au-delà de la première année, en application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'à la date de l'assignation initiale introduite devant le tribunal de grande instance de Paris le 16 mai 2006 (pièce n° 1), les loyers supposés être dus avant le 16 mai 2001 étaient prescrits comme le fait justement valoir M. [E], étant précisé qu'il n'est nullement établi que ce dernier ait été saisi avant l'acquisition de cette prescription ; que, par conséquent, devant le tribunal de commerce de Paris utilement saisi, M. [C] ne pouvait obtenir gain de cause à l'encontre de M. [S] pour les loyers supposés être dus avant le 16 mai 2001 ; que néanmoins, s'il résulte de la convention communiquée en pièce n° 14 que par acte sous-seing-privé du 12 mars 2000, enregistré le 14 mai 2001, les époux [C], propriétaires de ce fonds de commerce en ont fait apport à la SARL en formation Le relais et que comme le fait également justement valoir M. [E], à compter du 12 mars 2000, les époux [C] n'étaient plus propriétaires de ce fonds de commerce, cette circonstance est indifférente dès lors qu'il n'étaient pas propriétaires des murs, ceux-ci étant propriété de la Poste, leur bailleur, et les loyers étant réclamés par M. [C] sur le fondement du contrat de location-gérance du 10 juin 1999 ;

Considérant en ce qui concerne le chèque de 140 000 Fr., que M. [C] justifie effectivement que celui-ci a été retourné à l'émetteur ; que néanmoins, cette circonstance n'est pas en soi de nature à fonder l'existence d'une dette de M. [S] à ce titre envers les époux [C] dès lors que le retour de ce chèque à l'émetteur peut tout aussi bien être analysé au contraire comme un abandon de créance ; qu'encore une fois, M. [C] ne justifie pas avoir jamais réclamé cette somme à M. [S] ;

Considérant, sur la reconnaissance de dette datée du 10 juin 1999 et annexée au contrat de location-gérance du même jour, qu'en vertu de l'article 1326 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ; qu'en l'espèce, si ce document comporte la signature manuscrite de M. [S], il ne comporte nulle indication manuscrite de la somme due ; qu'il est donc affecté d'une irrégularité ; que surtout il stipule que : «M. [S] s'engage par les présentes à payer tout ou partie des dettes de M. [C] grevant le fonds de commerce à concurrence de 300 000 Fr.(trois cent mille francs)» ; qu'à supposer, par conséquent, que l'engagement de rembourser soit valable, ce qui n'est pas démontré, celui-ci présuppose de justifier au préalable des dettes du fonds de commerce ; qu'or, M. [C] ne communique pas le moindre élément en ce sens ;

Considérant que M. [C] fait encore valoir que par ordonnance de référé du 21 mai 2002, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné son expulsion outre le paiement des loyers impayés pour un montant de 58 978 euros ; que néanmoins, d'une part cette décision n'étant pas produite, cette expulsion n'est pas justifiée ; que d'autre part, à supposer qu'elle ait effectivement eu lieu, le lien de causalité avec les manquements reprochés à M. [S] n'est pas justifié puisque, comme vu ci-dessus, la dette de loyers de ce dernier n'est pas établie ;

Considérant enfin, que la perte du fonds de commerce n'est justifiée par aucun commencement de preuve ; que de plus, la convention de répartition produite en pièce n° 14 enseigne que ce fonds a été apporté à la SARL en formation Le Relais par acte sous-seing-privé du 12 mars 2000 ; qu'à supposer que M. [C] ait pu justifier devant le tribunal de commerce de Paris que ce fonds avait été perdu, encore aurait-il fallu qu'il justifie qu'il en était encore propriétaire à cette date, ce que ne permettent pas de démontrer les pièces produites au présent débat ;

Considérant en conséquence que l'ensemble des pièces communiquées au présent débat, si elles avaient pu l'être devant l'instance introduite devant le tribunal de commerce de Paris atteinte par la péremption, n'auraient pas permis à M. [C] d'obtenir gain de cause contre M. [S] ; qu'il s'ensuit que M. [C] ne justifie pas d'une perte de chance de nature à fonder un lien de causalité entre la faute de son avocat et les préjudices allégués ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ses prétentions dirigées contre M. [E] ;

Sur les demandes accessoires

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, M. [C] sera condamné aux dépens d'appel et donc débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il n'y a pas davantage lieu de faire application des dites dispositions au profit de M. [E] ; que celui-ci sera donc également débouté de sa demande en ce sens ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par arrêt mis à disposition,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Versailles,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE M. [C] et M. [E] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [C] aux dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIÈVRE, conseiller, pour le président empêché et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 17/06607
Date de la décision : 26/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°17/06607 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-26;17.06607 ?
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