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14/03/2019 | FRANCE | N°18/08113

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 14 mars 2019, 18/08113


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2019



N° RG 18/08113 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SZYZ



AFFAIRE :



[X] [F]





C/

Commune MARINES représentée par son Maire, Madame [S] [I], dûment habilitée pour ce faire par délibération du Conseil Municipal en date du 22 octobre 2002 confirmée par décision du 2 juin 2005.









Décision déférée Ã

  la cour : Ordonnance rendue le 04 Octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 17/04753



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Julien AUCHET


...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2019

N° RG 18/08113 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SZYZ

AFFAIRE :

[X] [F]

C/

Commune MARINES représentée par son Maire, Madame [S] [I], dûment habilitée pour ce faire par délibération du Conseil Municipal en date du 22 octobre 2002 confirmée par décision du 2 juin 2005.

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 04 Octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 17/04753

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Julien AUCHET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [F]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 24171

assisté de Me Michel GENTILHOMME, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

Commune MARINES représentée par son Maire, Madame [S] [I], dûment habilitée pour ce faire par délibération du Conseil Municipal en date du 22 octobre 2002 confirmée par décision du 2 juin 2005.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 janvier 2019, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Sophie THOMAS, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [F] est propriétaire d'un terrain situé entre le numéro 21 et [Adresse 3] dépendant de la commune de [Localité 1] dans le département du Val d'Oise.

Les plans annexés au permis de construire relatif à la construction d'une maison d'habitation obtenu le 19 août 1998 prévoyaient une " servitude de passage due au bouclage du réseau d'eau pluviale à la charge de la commune de [Localité 1]" et la réalisation de travaux de mise en place d'une canalisation enterrée nécessaire à l'évacuation des eaux pluviales provenant de la [Adresse 3] située en point haut de la propriété de M. [F] vers la [Adresse 4] située en point bas de cette même propriété.

En 2002, les travaux de construction de la maison d'habitation étaient terminés mais les réseaux d'écoulement des eaux pluviales n'étaient pas encore réalisés.

Sur demande de la commune de Marines, un expert judiciaire a été désigné afin notamment de vérifier la conformité de la construction et de son assainissement au permis de construire et de donner son avis sur l'éventuelle emprise des travaux de géothermie de M. [F] sur l'assiette de la servitude de passage d'écoulement des eaux pluviales prévue sur son fonds.

Aux termes de son rapport du 22 octobre 2004, l'expert a conclu que toutes les parties avaient pleine connaissance de l'écoulement naturel des eaux pluviales de la rue du Maréchal Foch qui 'circulaient sauvagement dans la propriété de M. [F] pour s'écouler librement sur la rue des Vignes' et du projet communal pour y remédier par la mise en place d'une canalisation enterrée mais que le contentieux dure depuis 2000 d'après les documents en sa possession. L'expert a indiqué qu'il ne comprenait pas les souhaits et motivations de M. [F] qui le poussent à refuser les conventions qui lui sont proposées par la commune qui est prête à prendre en charge le coût de mise en place de la canalisation enterrée nécessaire au rétablissement de l'écoulement des eaux pluviales afin d'arrêter la détérioration des trottoirs de la rue des Vignes et du chantier de M. [F].

En 2005, la commune de Marines a, par exploit du 21 juin 2017, fait assigner au fond M. [F] devant président du tribunal de grande instance de Pontoise afin d'obtenir la condamnation de ce dernier à rétablir le passage des eaux de ruissellement de la rue Foch en particulier en laissant l'accès à la commune de Marines afin de procéder à la pose d'une canalisation reliant le regard de la [Adresse 4].

En 2007, M. [F] a fait assigner au fond la commune de Marines devant président du tribunal de grande instance de Pontoise afin d'obtenir la condamnation de l'Etat à enlever l'ouvrage en béton construit sur son terrain.

Par ordonnance du 12 novembre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise a déclaré le juge judiciaire incompétent pour statuer sur la demande d'enlèvement de l'ouvrage public, ordonné un complément d'expertise afin que l'expert donne son avis sur l'éventuelle emprise des travaux de géothermie réalisés par M. [F] sur l'assiette de la servitude de passage d'écoulement des eaux pluviales revendiquée par la commune sur le fonds appartenant à M. [F].

Sur appel de la commune de Marines et l'agent judiciaire du trésor, la cour d'appel de Versailles, par un arrêt du 4 février 2010, a infirmé l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a déclaré le juge judiciaire incompétent, dit qu'il appartient au juge judiciaire de statuer sur l'existence d'une voie de fait et que le juge du fond était seul compétent pour trancher cette question.

Aux termes de son rapport du 9 décembre 2011, l'expert concluait, d'une part, que la suppression de l'avaloir en béton que la commune s'engageait à réaliser puisqu'il n'avait plus d'utilité n'engendrerait ni perte ni trouble de jouissance et, d'autre part, qu'il fallait rétablir l'écoulement des eaux pluviales conformément à l'arrêté du permis de construire, la commune acceptant la prise en charge intégrale des travaux de canalisation.

Considérant que M. [F] avait comblé le caniveau mis en place par son grand-père permettant la canalisation des eaux de ruissellement de la voie publique et provoqué de ce fait une accumulation des eaux en amont de sa propriété, la commune de Marines l' a, par exploit du 21 juin 2017, assigné au fond devant le président du tribunal de grande instance de Pontoise afin d'obtenir sa condamnation d'une part, à laisser l'accès à sa propriété pour la mise 'uvre de 'la servitude d'écoulement des eaux pluviales prévue au permis de construire', en autorisant la commune de Marines à réaliser les travaux de pose d'une canalisation et de raccordement au réseau communal d'assainissement situé [Adresse 4], sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement et, d'autre part, à lui verser la somme de 5 000 euros pour résistance abusive.

Par ordonnance contradictoire rendue le 4 octobre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise retenant notamment que la commune de Marines qui se prévaut d'une servitude d'écoulement des eaux de pluie acquise par plus de trente ans d'usage, fonde ses demandes exclusivement sur des règles de droit privé, à savoir les dispositions des articles 640 et 690 du code civil ; qu'elle n'invoque aucune disposition du droit administratif ou prérogative de puissance publique ; que les motifs invoqués par M. [F] qui conteste l'existence de la servitude et le fait que son grand-père ait mis en place un caniveau pour recueillir les eaux pluviales et qui soutient que les dites eaux, en provenance du domaine public, n'ont pas à être supportées par sa propriété en raison de la prétendue servitude d'écoulement de droit privé, relèvent du fond du droit et seront examinés par le tribunal, dans le cadre de l'examen du bien fondé des prétentions de la commune de Marines ; que le présent litige relatif à une demande de la commune de Marines visant à voir reconnaître qu'une servitude d'écoulement des eaux pluviales grève le fonds de M. [F] à son profit, en application des dispositions des articles 640 et suivants du code civil, relève de la compétence du juge judiciaire, a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [F],

- renvoyé à l'audience du juge de la mise en état du 29 novembre 2018 pour conclusions au fond du défendeur,

- réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le 30 novembre 2018, M. [F] a formé appel par acte visant expressément tous les chefs de la décision.

Par requête du 30 novembre 2018, M. [F] a sollicité du président de la 14ème chambre de la cour d'appel de Versailles l'autorisation d'assigner à jour fixe la commune de Marines.

Par ordonnance du 5 décembre 2018, le président de la 14ème chambre de la cour d'appel de Versailles a autorisé, conformément aux dispositions des articles 83 et suivants du code de procédure civile, M. [F] à assigner la commune de Marines à jour fixe afin de comparaître à l'audience du 16 janvier 2019 à 14h00.

Aux termes de son assignation à jour fixe délivrée le 20 décembre 2018 et transmise au greffe le 26 décembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [F], appelant, demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise,

- de "dire et juger" que le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur les demandes formulées par la commune de Marines,

En conséquence,

- de se déclarer incompétent et renvoyer à mieux se pourvoir devant la juridiction administrative, en l'espèce le tribunal administratif de Cergy-Pontoise,

- de condamner la commune de Marines à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la commune de Marines aux dépens y compris le coût des opérations d'expertise.

Au soutien de sa demande, M. [F] fait valoir en substance :

- que le litige ne porte pas sur l'établissement d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales fondée sur l'article 640 du code civil mais sur un contentieux de dommages de travaux publics ;

- que les eaux en cause proviennent de la voirie qui est un ouvrage public ;

- qu'il n'a pas à supporter les eaux provenant de l'autre coté de la chaussée au motif qu'il existerait une prétendue servitude d'écoulement de droit privé ;

- qu'il n'appartient pas au tribunal de grande instance de se prononcer sur l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales fondée sur l'article 640 du code civil puisque cette compétence relève du tribunal d'instance en vertu de l'article 641 du même code ;

- que son terrain n'est grevé d'aucune servitude administrative au sens de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors notamment qu'aucune enquête publique n'a été diligentée ;

- que le ruissellement des eaux pluviales n'est pas lié à son refus d'accorder une servitude d'écoulement mais à une 'défectuosité de l'ouvrage public que constitue la chaussée' ;

- que l'avaloir construit au ras de sa propriété ne peut recueillir toutes les eaux se déversant sur la rive de la [Adresse 3] ; que le dispositif de captage est insuffisant ; que le ruissellement des eaux pluviales n'est pas lié à l'écoulement naturel des eaux de pluie mais à la défectuosité d'un ouvrage public ;

- qu'enfin, seules les juridictions administratives sont compétentes pour connaître de tout litige relatif aux dommages de travaux publics.

Dans ses conclusions transmises le 17 janvier 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la commune de Marines, intimée, demande à la cour de :

- la déclarer recevable en ses fins, demandes et prétentions,

- 'constater' que l'appel de M. [F] est hors délais par application des dispositions des articles 776 et suivants du code de procédure civile,

En conséquence,

- de "dire et juger" irrecevable l'appel interjeté par M. [F],

En tout état de cause,

- de "dire et juger" que le litige porte sur la reconnaissance d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales de droit privé,

- de "dire et juger" que le tribunal de grande instance de Pontoise est compétent pour connaître de sa demande en reconnaissance et rétablissement de la servitude de passage de droit privé,

- de condamner M. [F] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [F] en tous les dépens.

Au soutien de sa demande, la commune de Marines fait valoir en substance :

- sur la tardiveté de l'appel, que l'ordonnance déférée ayant été signifiée à avocat le 18 octobre 2018 et à partie le 23 octobre 2018, la déclaration d'appel faite au greffe le 30 novembre est tardive puisqu'elle a été faite au delà du délai de quinze jours prévu par l'article 776 du code de procédure civile, qui expirait le 7 novembre 2018 ;

- que l'article 84 du code de procédure civile invoqué par M. [F] est inapplicable s'agissant d'un recours formé à l'encontre une ordonnance du juge de la mise en état et non à l'encontre d'un 'jugement' ;

- sur la compétence du juge administratif, M. [F] cherche à multiplier les manoeuvres dilatoires puisqu'il avait déjà prétendu que l'affaire avait trait à un contentieux relevant de la compétence du juge administratif puis s'était désisté de son appel ;

- que, concernant le litige au fond, que M. [F] avait demandé l'enlèvement d'un regard en béton qui était un ouvrage public et, dans une ordonnance du 12 novembre 2018, le juge de la mise en état a dit que le juge judiciaire était incompétent pour connaître de la demande d'enlèvement de ce regard qui constituait un ouvrage public ;

- que la demande de la commune visant le rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales est une action réelle immobilière qui relève de la compétence du tribunal de grande instance ;

- que le juge judiciaire est compétent que les eaux proviennent d'un domaine privé ou du domaine public pour connaître de l'établissement d'une servitude en résultant ;

- que la propriété de M. [F] étant située au point bas de la [Adresse 3] recevant les eaux de l'ensemble de la voirie, la configuration des lieux relève du cas prévu par la servitude d'écoulement visée à l'article 640 du code civil ;

- que l'action de la commune vise à rétablir la servitude d'écoulement de droit privé qui figure sur le permis de construire qui a été délivré à M. [F].

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater' et de "juger" qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions mais constituent de simples moyens insusceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Sur la recevabilité de l'appel :

En ce qui concerne l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, le contredit de compétence, voie de recours prévue en application de l'article 80 du code de procédure civile à l'encontre de la décision par laquelle le juge se prononçait sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, est supprimé par les dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicables aux appels formés à compter du 1er septembre 2017.

L'article 83, modifié par le décret du 6 mai 2017, prévoit désormais, dans la section I du chapitre II, relative aux exceptions de procédure que sont les exceptions de compétence, que :

"Lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.

La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire.".

L'article 84 du même code précise que :

"Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.".

Selon l'article 85 du code de procédure civile, modifié :

"Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.".

La cour rappelle que le terme "jugement", utilisé dans les articles 84 et 85 sus visés, est générique et s'applique dès lors à l'ensemble des décisions, y compris les ordonnances du juge des référés ou du juge de la mise en état, par lesquelles le juge se prononce sur la compétence.

S'il est constant qu'avant la réforme introduite par le décret du 6 mai 2017 sus visé, l'article 905 du code de procédure civile prévoyait expressément une procédure d'appel à bref délai pour les ordonnances du juge des référés et celles du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de compétence visées à l'article 2° de l'article 776 du même code et que le délai d'appel était alors, en application de ce texte de ' quinze jours à compter de leur signification ', la réforme instituée par le décret du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile tend à l'unification, par les dispositions spéciales des articles 83 et suivants du code de procédure civile, de l'appel-compétence.

Il résulte dès lors de l'esprit et de la lettre des dispositions spéciales issues de la réforme qu'est applicable au délai d'appel/compétence des ordonnances du juge de la mise en état l'article 84 du code de procédure civile, relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions et aux exceptions d'incompétence, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 : 'Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.[...]'.

En effet, les dispositions spéciales des articles 83 et suivants du code de procédure civile, qui dérogent au droit commun, doivent prévaloir sur les dispositions générales de l'article 776 sus visé relatives aux modalités de recours des décisions du juge de la mise en état.

En l'espèce, le délai d'appel de quinze jours, pour former appel-compétence, courant à compter de la notification faite par le greffe expirait pour M. [F] le 4 janvier 2019. Or la déclaration d'appel ayant été faite au greffe de la cour le 30 novembre 2018, soit dans le délai d'appel de quinze jours, l'appel n'est pas tardif.

Dans ces conditions, il n' y a pas lieu de dire irrecevable comme tardif l'appel formé par M. [F].

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Aux termes de l'article 640 du code civil, «'Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. / Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. /'Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur ».

Cette servitude d'écoulement naturel des eaux est une servitude imposée par la nature des lieux et sans intervention de l'homme. Si elle est établie par la loi et existe, avec ou sans accord entre les propriétaires des terrains supérieurs et inférieurs, rien n'empêche les propriétaires de fonds concernés d'établir conventionnellement une servitude d'écoulement des eaux naturelles pluviales ou de l'acquérir par prescription acquisitive, par exemple du fait de la présence continue et ininterrompue d'ouvrages visibles, tels des tuyaux, des ouvertures ou une canalisation d'évacuation d'eaux pluviales et d'eaux usées, édifiés par un propriétaire.

La charge de la preuve de l'existence d'une telle servitude n'incombe pas forcément à l'une ou l'autre partie au litige. Chacune des parties doit contribuer à son établissement en produisant tous les éléments probants, tels des procès-verbaux de constat dressés par un huissier de justice, des attestations ou autres « titres », le tout naturellement dans le respect du principe de la contradiction. Lorsqu'elle est établie, cette servitude légale oblige le propriétaire du terrain inférieur à ne rien faire pour empêcher l'écoulement de l'eau.

Par ailleurs, selon l'article L.'2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques': 'Des servitudes établies par conventions passées entre les propriétaires, conformément à l'article'639 du code civil, peuvent grever des biens des personnes publiques mentionnées à l'article L.'1[notamment les collectivités territoriales], qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible avec l'affectation de ceux de ces biens sur lesquels ces servitudes s'exercent'.

Le litige qui porte sur l'existence d'une servitude de droit civil relève de la seule compétence judiciaire.

Ainsi, le recours intenté par un particulier concernant l'exercice d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales au bénéfice du fonds dont il est propriétaire, grevant une propriété rurale appartenant au domaine privé d'une personne publique relève de la compétence du juge judiciaire.

Aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, invoqué par M. [F], tel que modifié par l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, « Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations ». L'alinéa 2 de cet article précise que l'établissement de cette servitude « ouvre droit à indemnité » et « fait l'objet d'une enquête publique réalisée selon les modalités prévues au livre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ».

L'article L152-2 du même code ajoute que : 'Les contestations relatives à l'indemnité prévue au deuxième alinéa de l'article L. 152-1 sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.'.

De plus, l'indemnisation d'une implantation irrégulière relève désormais de la compétence du juge administratif sauf dans le cas où la décision administrative aurait pour effet l'extinction du droit de propriété, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

De même, si le litige porte sur une demande d'homologation d'une transaction mettant fin à un différend né de l'installation par une commune d'un ouvrage public sur la propriété privée d'un particulier et de l'emprise ainsi réalisée sur cette propriété, ce différend compris dans la transaction ressortissant à la compétence de la juridiction administrative, cette juridiction est compétente pour connaître du litige.

En l'espèce, le tribunal de grande instance de Pontoise a été initialement saisi par la commune de Marines d'une demande visant seulement à faire reconnaître l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales au sens de l'article 640 du code civil en vue de pouvoir accéder à la propriété de M. [F] et réaliser les travaux de pose d'une canalisation enterrée et de raccordement au réseau communal d'assainissement situé [Adresse 4], tels que prévus au permis de construire du 13 août 1998 puisque les plans annexés au permis prévoyaient une 'servitude de passage due au bouclage du réseau d'eau pluviale à la charge de la commune de Marines' et la réalisation de travaux de mise en place d'une canalisation enterrée nécessaire à l'évacuation des eaux pluviales.

Il résulte également de la décision déférée que la commune de Marines se prévaut également d'une servitude d'écoulement des eaux de pluie acquise par plus de trente ans d'usage.

Il est donc établi que l'action initiale diligentée par la commune de Marines porte sur la reconnaissance d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales au sens de l'article 640 du code civil sur le fonds appartenant à M. [F] et ne concerne ni le contentieux de l'indemnité, ni celui de l'installation par une commune d'un ouvrage public.

M. [F] conteste d'ailleurs, dans ses écritures, l'existence d'une telle servitude de droit civil sur son terrain, en soutenant notamment que la commune ne démontre pas la matérialité de la servitude d'écoulement des eaux pluviales qu'elle invoque alors que la charge de la preuve de l'existence d'une telle servitude n'incombe pas forcément à l'une ou l'autre partie au litige, ainsi qu'il a été dit précédemment.

Par ailleurs, M. [F] ne saurait faire valoir, pour s'opposer à la compétence du juge judiciaire sur les seules demandes de la commune de Marines, qu'il considère qu'en fait le litige ne porterait pas sur son refus d'accorder une servitude d'écoulement sur sa propriété mais sur une défectuosité de l'ouvrage qu'il qualifie de 'public' que constitue l'avaloir construit au ras de sa propriété en amont (de la [Adresse 3]) puisque la commune de Marines entend précisément, par son action, obtenir l'autorisation de remplacer cet ouvrage et trouver une solution permettant l'écoulement dans de bonnes conditions des eaux pluviales traversant la propriété de M. [F] compte tenu de l'état des lieux.

Dans ces conditions, le juge judiciaire est compétent pour connaître du seul litige relatif à la reconnaissance de l'existence et de la consistance d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales sur le fonds servant appartenant à M. [F] imposée par la nature des lieux.

Sur la compétence matérielle au sein de l'ordre judiciaire :

L'article 640 du code civil met à la charge des «'fonds inférieurs'» une servitude d'écoulement des eaux naturelles venant, de par les effets du relief, des «'fonds supérieurs'», tandis que l'article 641 institue des servitudes spécifiques qui concernent les cas où l'usage des eaux pluviales ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement.

Aux termes de l'article 641 du code civil : ' Tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. / Si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur. / La même disposition est applicable aux eaux de sources nées sur un fonds. / Lorsque, par des sondages ou des travaux souterrains, un propriétaire fait surgir des eaux dans son fonds, les propriétaires des fonds inférieurs doivent les recevoir ; mais ils ont droit à une indemnité en cas de dommages résultant de leur écoulement. (...) / Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement et l'exercice des servitudes prévues par ces paragraphes et le règlement, s'il y a lieu, des indemnités dues aux propriétaires des fonds inférieurs sont portées, en premier ressort, devant le juge du tribunal d'instance du canton qui, en prononçant, doit concilier les intérêts de l'agriculture et de l'industrie avec le respect dû à la propriété.'.

Il est constant que cette compétence spéciale du tribunal d'instance prévue par l'article 641 du code civil ne s'applique qu'aux contestations limitativement prévues par ce texte.

En l'espèce, l'action de la commune de Marines tend à faire reconnaître l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales au sens de l'article 640 du code civil nécessaire pour l'évacuation des eaux pluviales de part et d'autre de la seule propriété de M. [F].

Il ne s'agit donc pas pour le juge du fond de se prononcer sur une demande d'indemnités qui pourraient être dues au propriétaire du fonds inférieur en raison d'une éventuelle aggravation d'une servitude naturelle d'écoulement existante du fait de l'usage des eaux pluviales ou de la direction qui leur est données par le propriétaire du fonds supérieur.

Dans ces conditions, le tribunal de grande instance est matériellement compétent pour connaître du litige relatif à la reconnaissance de l'existence et de la consistance d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales sur le fonds appartenant à M. [F], étant relevé qu'il n'est pas contesté qu'est territorialement compétente la juridiction de Pontoise.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations qu'il convient de confirmer la décision du juge de la mise en état en ce qu'elle a écarté la compétence du juge administratif.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de faire droit à la demande de la commune de Marines présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure. L'appelant est condamné à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante, l'appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

DIT recevable l'appel formé par M. [F],

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise le 4 octobre 2018,

RENVOIE la présente affaire et les parties devant le tribunal de grande instance de Pontoise, déjà saisi,

CONDAMNE M. [F] à payer à la commune de Marines la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [F] aux entiers dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 18/08113
Date de la décision : 14/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°18/08113 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-14;18.08113 ?
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