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26/02/2019 | FRANCE | N°18/01648

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 26 février 2019, 18/01648


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4IE



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 FÉVRIER 2019



N° RG 18/01648 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SHN2



AFFAIRE :



[E] [X] [N]



C/



SA ANOVO

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2011F04798





Expéditi

ons exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/02/2019



à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Christophe DEBRAY



TC NANTERRE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX FÉVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versail...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IE

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 FÉVRIER 2019

N° RG 18/01648 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SHN2

AFFAIRE :

[E] [X] [N]

C/

SA ANOVO

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2011F04798

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/02/2019

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Christophe DEBRAY

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX FÉVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [X] [N]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Mélina PEDROLETTI avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 et par Maître Jean REINHART de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : K0030.

APPELANT

****************

La SCP BTSG - [L] - [E] - [M] - [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA ANOVO.

N° SIRET : 434 12 2 5 111

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître Christophe DEBRAY avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et par Maître Angélique DELAGE avocat plaidant au barreau de PARIS.

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Janvier 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

Le 28 novembre 2008, la société anonyme Anovo a conclu avec ses partenaires financiers un protocole d'accord prévoyant notamment la cession d'une partie de ses dettes envers les banques LCL et ING Belgium à la société Genesis partners, pour un montant nominal de 14 963 438,67 euros, et la remontée de la créance Génésis partners au capital de la société Anovo par une augmentation de capital libérable par compensation de créance, soumise à l'assemblée générale.

Cette opération a été rejetée par l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2009.

Le 30 septembre 2009, la société Genesis partners a alors partiellement cédé ses créances, à hauteur d'un montant nominal de 7 000 000 euros, à deux sociétés du groupe Anovo pour un prix de 2 400 000 euros.

Le 20 octobre 2009, la Société Anovo a conclu, sous l'égide du président du tribunal de commerce de Beauvais, un protocole de conciliation avec ses créanciers, aux termes duquel notamment la société Genesis partners s'est engagée à garantir à hauteur de 75% une augmentation de capital de la société Anovo d'un montant de 10 000 000 euros et à souscrire à cette augmentation de capital en libérant sa souscription par compensation de sa créance d'un montant de 7 066 080,82 euros et par versement d'espèces pour le surplus.

Le 4 février 2010, M. [E] [X] [N], administrateur de la société Anovo, a conclu avec la société Saint Germain participation, société holding de la société Genesis partners, une promesse unilatérale de vente de la créance détenue par la société Genesis partners sur la société Anovo pour la somme de 3 500 000 euros, sous conditions suspensives, notamment celle du rejet de l'augmentation de capital de la société Anovo par l'assemblée générale du 5 février 2010.

Le 5 février 2010, l'assemblée générale extraordinaire a rejeté l'augmentation de capital prévue par le protocole de conciliation.

Le 19 février 2010, les conditions suspensives étant remplies, M. [N] a levé son option d'achat de la créance Génésis partners. Le 11 mars 2010, la société Saint Germain participations et M. [N] ont signé un protocole aux termes duquel les parties ont convenu de différer le transfert de propriété et de jouissance de la créance au parfait paiement du solde du prix de cession, lequel devait intervenir au plus tard le 10 juin 2010. Ce protocole prévoyait les modalités de paiement du prix de cession. Le 8 juin 2010, une convention de cession de créance a été signée entre la société Génésis partners, en présence de la société Saint Germain participations, aux termes de laquelle M. [N] a racheté le solde de la créance d'un montant nominal de 7 066 080,82 euros détenue par la société Genesis partners sur la société Anovo pour le prix de 3 500 000 euros, hors intérêts, soit 3 535 169,45 euros avec intérêts.

Après autorisation donnée par le conseil d'administration de la société Anovo lors de sa séance du 26 mai 2010, le 14 juin 2010, la société Anovo et M. [N] ont conclu une 'convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle' prévoyant le remboursement anticipé partiel à hauteur de 4 000 000 d'euros de la créance de 7 066 080,82 euros acquise de la société Genesis partners et l'abandon par M. [N] de l'intégralité du solde non remboursé de cette créance, tant en principal qu'au titre des accessoires.

Le 15 juin 2010, M. [N] a été nommé directeur général délégué puis le 29 juillet 2010 président du conseil d'administration et directeur général de la société Anovo.

L'assemblée générale du 11 février 2011 a approuvé la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle conclue entre la société Anovo et M. [N].

Le 28 juillet 2011, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Beauvais a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Anovo, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 décembre 2011, maître [M] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 25 novembre 2011, la société Anovo a déposé une plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Beauvais pour des faits d'abus de biens sociaux.

C'est dans ces circonstances que le 2 décembre 2011, la société Anovo a assigné M. [N] devant le tribunal de commerce de Nanterre en annulation de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010 et restitution de la somme de 4 000 000 euros et à titre subsidiaire en paiement de dommages et intérêts. Maître [M], ès qualités, est intervenu volontairement à l'instance et a repris à son compte ces demandes.

Par jugement du 10 septembre 2013, le tribunal correctionnel de Beauvais a relaxé M. [N] du chef d'abus de biens sociaux et débouté la société Anovo, partie civile, de ses demandes d'indemnisation. Le procureur de la République a interjeté appel de cette décision ainsi que maître [M], ès qualités, ce dernier s'étant ensuite désisté de son action civile devant la juridiction répressive.

Selon jugement contradictoire du 20 mai 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit maître [M] ès qualités recevable et bien fondé en son intervention volontaire, lui donnant acte de ce qu'il reprend à son compte la procédure initiée par la société Anovo à l'encontre de M. [N],

- débouté maître [M], ès qualités, de sa demande de nullité de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010,

- condamné M. [N] à verser à maître [M], ès qualités, la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts, déboutant du surplus de la demande,

- condamné M. [N] à verser à maître [M], ès qualités, la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant au surplus,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- condamné M. [N] aux entiers dépens.

M. [N] a interjeté appel de cette décision le 11 juin 2014.

Par arrêt du 10 décembre 2014, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens a condamné M. [N] à une amende de 100 000 euros pour abus de biens sociaux. Un pourvoi a été formé contre cette décision.

Le 2 mars 2016, une ordonnance d'incident a été rendue par le conseiller de la mise en état qui a :

- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par M. [N],

d'office,

vu l'article 4 du code de procédure pénale,

- ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation devant intervenir dans le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens,

- dit que l'affaire sera retirée du rôle de la cour et qu'elle pourra être ré-enrôlée à la demande de l'une ou l'autre des parties dès que la cause de sursis aura disparu,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

Le 9 mars 2016, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Reims.

Par arrêt du 16 janvier 2018, la cour d'appel de Reims a confirmé le jugement de relaxe rendu par le tribunal correctionnel de Beauvais le 10 septembre 2013.

L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour de céans le 7 mars 2018.

Dans ses conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 mars 2018, M. [N] demande à la cour, au visa des anciens articles 1116 et suivants et 1382 du code civil, L. 225-38 et suivants et L. 225-251 du code de commerce, de :

à titre principal :

- dire et juger que les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause,

- dire et juger que le tribunal de grande instance de Beauvais a statué au fond sur la demande d'indemnisation du liquidateur de la société Anovo par son jugement du 10 Septembre 2013,

- dire et juger qu'il n'a pas acquiescé au désistement d'appel et à la renonciation à la constitution de partie civile de la société Anovo et de son liquidateur dans le cadre de la procédure pénale,

en conséquence,

- déclarer sa fin de non-recevoir recevable,

- déclarer irrecevable la demande d'indemnisation formulée par le liquidateur de la société Anovo en raison de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Beauvais du 10 septembre 2013,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 mai 2014 en ce qu'il l'a condamné à indemniser le liquidateur de la société Anovo,

et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable, en application du principe una via electa, l'action du liquidateur de la société Anovo devant les juridictions civiles,

à titre subsidiaire :

sur l'appel incident formé par le liquidateur judiciaire de la société Anovo concernant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur la réticence dolosive :

- dire et juger qu'il n'a commis aucune dissimulation concernant le prix auquel il a acquis la créance auprès de la société Genesis partners,

- dire et juger que le prix auquel il a acquis la créance auprès de la société Genesis Partners ne revêtait aucun caractère déterminant pour apprécier la conformité à l'intérêt social de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle,

- dire et juger que les administrateurs ont disposé de l'ensemble des informations nécessaires pour apprécier l'intérêt de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle pour la société Anovo,

- dire et juger qu'en tout état de cause, et si le prix d'acquisition de la créance revêtait un quelconque intérêt pour les administrateurs, ces derniers se sont rendus coupables d'un manque de curiosité fautif, exclusif du dol,

en conséquence,

- débouter maître [M], ès qualités, de son appel incident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté maître [M], ès qualités, de sa demande d'annulation de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle sur le fondement du dol,

sur son appel principal tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu une faute de sa part :

- dire et juger qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

- dire et juger que la société Anovo n'apporte aucunement la preuve de ce qu'elle aurait été en mesure de signer la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduel avec la société Genesis partners au mois de février 2010, à hauteur de 3 500 000 euros,

- dire et juger que le préjudice invoqué par la société Anovo et son liquidateur judiciaire est purement hypothétique et totalement incertain,

en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à maître [M], ès qualités, la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la faute qu'il aurait commise,

statuant à nouveau,

- débouter le liquidateur de la société Anovo de sa demande subsidiaire en condamnation au titre

de la faute qu'il aurait commise,

en tout état de cause :

- condamner la société BTSG, prise en la personne de maître [M], ès qualités, à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BTSG, prise en la personne de maître [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Selon ses conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 décembre 2018, la SCP BTSG [L]-[E]-[M]-[O], mission conduite par maître [M], ès qualités, demande à la cour, au visa des anciens articles 1116, 1117 et 1382 du code civil, L. 225-38 et suivants, L. 225-251 et L. 242-6 et suivants du code de commerce, de :

- déclarer la société Anovo parfaitement recevable dans son action et l'intégralité de ses demandes,

à titre principal :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010,

- dire et juger que la société Anovo a conclu la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010 sous l'emprise d'une erreur provoquée par la réticence dolosive commise par son cocontractant, M. [N],

en conséquence,

- prononcer la nullité de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010, avec effet rétroactif,

- condamner M. [N] à verser à la société Anovo la somme de 4 000 000 euros, en restitution de la somme qui lui a été versée, en application de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010, annulée,

- condamner M. [N] à verser à la société Anovo une somme de 400 000 euros, en réparation du préjudice qu'il lui a causé, du fait de la réticence dolosive dont il s'est rendu coupable à son égard,

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute de gestion commise par M. [N] à l'encontre de la société Anovo et en ce qu'il a condamné M. [N] au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

- condamner M. [N] à verser à la société Anovo la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice qu'il lui a causé,

en tout état de cause :

- débouter l'appelant de toutes demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [N] à verser à la société Anovo la somme de 40 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Debray, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2018.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) sur la recevabilité des demandes d'indemnisation du liquidateur

M. [N], après avoir rappelé les dispositions de l'article 5 du code de procédure pénale, traduction du principe una via electa, soutient que la société Anovo et son liquidateur qui avaient choisi la voie pénale ne pouvaient valablement se désister de leur appel devant la cour d'appel d'Amiens et renoncer à leur constitution de partie civile sans son accord et exercer leur action civile devant les juridictions civiles.

Il relève que les faits dont sont saisies les juridictions pénales et civiles sont identiques puisqu'ils concernent le rachat par lui-même de la créance Anovo détenue par la société Genesis partners et la convention du 14 juin 2010 conclue entre la société Anovo et lui-même, que les parties sont identiques, que les demandes d'indemnisation sont identiques, en ce compris leur motivation, à l'exception de la demande de remboursement de 4 000 000 euros sur le fondement du dol. Il rappelle que la juridiction répressive a statué sur les intérêts civils de la société Anovo et de son liquidateur aux termes du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Beauvais le 10 septembre 2013, que la société Anovo et son liquidateur n'ont ni sollicité ni obtenu son accord sur leur désistement d'appel et leur renonciation à leur constitution de partie civile, qu'ils ne pouvaient valablement renoncer à l'exercice de leur action civile devant les juridictions répressives pour finalement l'exercer devant les juridictions civiles.

Le liquidateur répond que si la maxime una via electa interdit à la victime d'abandonner la voie civile, premièrement choisie, pour la voie pénale, sauf si la juridiction pénale a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile, elle ne fait en revanche pas obstacle au désistement inverse, c'est-à-dire au retrait de la constitution de partie civile devant le juge répressif afin de saisir le juge civil, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord des autres parties et ce conformément à l'article 426 du code de procédure pénale. Il ajoute que si, après qu'une décision pénale a été rendue au fond, la partie civile n'est plus admise à se désister unilatéralement, la juridiction, en l'absence de manifestation d'une quelconque opposition de la part des autres parties, peut encore donner acte de ce désistement, et qu'une fois qu'il en a été donné acte, il n'est plus possible de le rétracter.

Le liquidateur rappelle qu'en l'espèce la société Anovo, après avoir assigné M. [N] devant le tribunal de commerce de Nanterre le 2 décembre 2011, s'est constituée partie civile de l'action pénale engagée par le ministère public le 21 mai 2013, comme l'article 5 du code de procédure pénale l'y autorisait, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre n'étant intervenu que le 20 mai 2014. Il ajoute que conformément à l'article 426 du code de procédure pénale, et dans le souci d'éviter toute contrariété de décisions civile et pénale, la société Anovo s'est ensuite désistée en toute bonne foi de l'instance pénale, après que le tribunal correctionnel de Beauvais a rendu sa décision le 10 septembre 2013, et alors qu'elle avait déjà interjeté appel aux côtés du ministère public. Il précise que celle-ci a fait part de son désistement d'appel et de la renonciation à sa constitution de partie civile, au cours de l'audience pénale du 24 septembre 2014, que M. [N] s'est abstenu de soulever une fin de non-recevoir, que ce soit au cours de l'audience, ou par une note en délibéré ultérieure, preuve de son acquiescement au désistement.

Il estime que M. [N] ne peut remettre en cause l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens qui a donné acte du désistement de la société Anovo et ajoute que si M. [N] avait réellement eu la volonté de s'opposer à ce désistement, il aurait relevé cette fin de non-recevoir devant la juridiction pénale. Il conclut que seul le désistement pourrait être, abstraitement, déclaré irrecevable, et en aucun cas les demandes formulées devant la juridiction civile.

En premier lieu, il convient de relever que la constitution de partie civile devant le tribunal correctionnel de Beauvais devant lequel M. [N] a été poursuivi pour abus de biens sociaux, tendant à la réparation du dommage résultant des faits poursuivis relatifs à l'opération de cession de la créance détenue par M. [N], précédemment détenue par la société Genesis partners sur la société Anovo, diffère quant à son objet de l'action initiée par la société Anovo devant le tribunal de commerce de Nanterre tendant à titre principal à l'annulation pour dol de la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010 et restitution de la somme de 4 000 000 euros même si une demande subsidiaire de dommages et intérêts pour faute de gestion était également formée par la société Anovo.

Ensuite, s'il est vrai que le tribunal correctionnel, dans son jugement du 10 septembre 2013 dont la société Anovo et la société BTSG ès qualités avaient interjeté appel à la suite de l'appel du ministère public, avait déjà statué sur la demande indemnitaire formée par la partie civile, M. [N], qui a comparu devant la cour d'appel d'Amiens, ne s'est nullement opposé au désistement d'appel et de constitution de partie civile formulée par la société Anovo représentée par son liquidateur au motif que la partie civile préférait poursuivre la réparation de son préjudice devant la juridiction commerciale ; il ne peut dans ces conditions valablement soutenir devant la juridiction civile, saisie antérieurement, que le désistement d'appel et la renonciation à la constitution de partie civile de la société Anovo et de son liquidateur dans le cadre de l'instance pénale sont irrecevables.

Il a été donné acte à la société Anovo et à son liquidateur de leur désistement d'appel et de leur action civile ; cette décision est définitive.

La demande indemnitaire formulée par la SCP BTSG ès qualités, introduite avant l'instance pénale, dès lors qu'elle a renoncé à son action devant la juridiction pénale, est parfaitement recevable.

2) sur la demande d'annulation de la convention du 14 juin 2010

La SCP BTSG ès qualités fait valoir que M. [N] savait dès le 4 février 2010 que la société Genesis partners, créancière de la société Anovo pour un montant de 7 066 080,82 euros, était disposée à accepter un remboursement limité à 3 500 000 euros, qu'ayant racheté la créance détenue par la société Genesis partners pour ce montant, M. [N], après avoir tenté de la céder pour un montant de 4 600 000 euros, puis pour un montant de 4 200 000 euros, l'a revendue à la société Anovo pour un montant de 4 000 000 euros.

Le liquidateur affirme que les administrateurs de la société Anovo n'ont jamais été formellement informés du prix auquel M. [N] avait acquis cette créance puisqu'aucune communication officielle n'a été réalisée en sorte que l'obligation d'information dont M. [N] était débiteur, en vertu de l'article L. 225-40 du code de commerce, n'a pas été remplie. Il estime que le consentement de la société a été vicié du fait de la réticence dolosive de M. [N] qui avait bien l'intention de faire, au préjudice de la société Anovo, un bénéfice substantiel dans le cadre de l'opération réalisée.

Il affirme en effet que le prix d'achat de la créance à la société Génésis partners par M. [N] et son bénéfice lors de la revente à la société Anovo étaient déterminants du consentement de celle-ci puisque si les administrateurs et actionnaires avaient connu le prix de cession de la créance par la société Genesis partners à M. [N] et, qu'en outre ce dernier dégageait un bénéfice personnel de 500 000 euros, ils n'auraient pas accepté cette opération aux conditions proposées.

En conclusion, le liquidateur prétend que c'est intentionnellement, pour son bénéfice personnel contraire aux intérêts de la société Anovo, que M. [N] a dissimulé cette information, dissimulation constitutive d'une réticence dolosive, en l'absence de laquelle la société Anovo n'aurait pas accepté de conclure la convention litigieuse, à tout le moins pas aux conditions auxquelles elle a été finalement conclue, en sorte qu'il est fondé à solliciter l'annulation de la convention.

Par ailleurs, le liquidateur prétend que la conclusion de la convention litigieuse a causé à la société Anovo un grave préjudice dans la mesure où elle a dû verser le 15 juin 2010 la somme de 4 000 000 euros à M. [N] alors qu'elle aurait pu procéder au règlement de sa dette progressivement en respectant l'échéancier prévu initialement, qu'elle a dû puiser dans ses fonds propres à hauteur de 1 000 000 euros et emprunter la somme de 3 000 000 euros, ce qui a gravement obéré sa situation financière en la privant de fonds propres et aggravant son endettement. Il affirme que la réticence dolosive commise par M. [N] a ainsi grandement contribué aux difficultés financières de la société Anovo, qui l'ont conduite in fine aux procédures collectives qui s'en sont suivies. Il s'estime que ce préjudice ne saurait être évalué à une somme inférieure à 400 000 euros.

M. [N] prétend qu'aucune réticence dolosive ne peut lui être valablement reprochée dans la mesure où il n'a commis aucune dissimulation, ayant fait connaître individuellement au moins à cinq administrateurs sur dix présents ou représentés lors du conseil d'administration du 26 mai 2010 l'ayant autorisé à passer la convention litigieuse le prix auquel il avait acquis la créance auprès de la société Genesis partners, étant en outre précisé que le président du conseil d'administration était lui-même informé du prix de rachat.

Il soutient également que le prix auquel il a acquis cette créance n'était pas un élément déterminant pour la réalisation du remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle, le seul objectif poursuivi par la société Anovo étant d'obtenir un ratio intéressant entre le montant nominal de 7 066 080,82 euros, le montant du remboursement anticipé de cette créance, et l'abandon de créance résiduelle, informations dont les administrateurs ont disposé, le prix auquel il avait acquis cette créance auprès de Génésis partners étant sans la moins influence sur l'équilibre de la convention de sorte qu'il n'a pas été évoqué lors du conseil d'administration.

Il estime qu'en tout état de cause, les administrateurs se sont rendus coupables d'un manque de curiosité fautif, en ne l'interrogeant pas sur ce point.

Selon l'ancien article 1116 du code civil applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Le dol peut résulter d'une simple réticence dolosive d'une partie n'informant pas son cocontractant d'un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

En l'espèce, dès lors que la convention qu'il entendait passer avec la société Anovo était soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration dans le cadre des dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce, M. [N], administrateur de la société Anovo, était tenu à l'égard des administrateurs, à un devoir de loyauté lui imposant de communiquer toute information décisive concernant la conclusion de cette convention réglementée.

Un bref rappel chronologique des faits permet d'analyser les conditions dans lesquelles le conseil d'administration de la société Anovo a été amené à se prononcer sur la convention litigieuse.

Lors du conseil d'administration du 24 février 2010, qui a suivi l'assemblée générale du 5 février 2010 ayant rejeté l'augmentation de capital prévue au protocole de conciliation du 20 octobre 2009, le conseil d'administration a autorisé le directeur général à poursuivre dans l'intérêt de la société ses démarches tendant au rachat de la créance Génésis partners. Il résulte de la lecture du procès-verbal des délibérations de ce jour que M. [N], participant à la réunion par vidéoconférence, n'a fait part au conseil d'administration ni qu'il avait signé le 4 février précédent une promesse unilatérale de vente de la créance détenue par la société Genesis partners sur la société Anovo ni que celle-ci était disposée à céder la créance au prix de 3 500 000 euros.

Les opérations de rachat de la créance Génésis partners étaient fixées à l'ordre du jour du conseil d'administration du 26 mai 2010. Il apparaît à la lecture du procès-verbal des délibérations qu'après un point sur l'étude du financement de cette opération de rachat fait par la directrice financière du groupe, le président a rappelé que 'l'opération demeure soumise à la finalisation des négociations engagées avec M. [N], qui a informellement fait part à la société de son intention de se porter acquéreur de la créance précitée' ; puis le président a invité M. [N] à informer le conseil d'administration de l'état d'avancement de son projet d'achat de la créance de la société Génésis partners sur la société. M. [N] a alors informé le conseil d'administration de la promesse unilatérale de cession de créance Génésis partners qu'il avait signée le 4 février 2010 et qu'il était prêt à conclure avec la société Anovo un accord portant sur le remboursement anticipé d'une quote-part de la créance d'un montant maximum de 4 000 000 euros et l'abandon du solde de cette créance pour un montant minimum de 3 066 080,82 euros. Le conseil d'administration, après avoir délibéré, a alors autorisé la conclusion entre la société et la société Génésis partners ou le cas échéant, M. [N], de la convention litigieuse.

Il est constant que M. [N] n'a pas informé le conseil d'administration, en toute loyauté et de manière transparente et complète, comme il était tenu de le faire conformément aux dispositions de l'article L. 225-40 du code de commerce, des conditions de la convention à laquelle il était intéressé, notamment des conditions financières puisqu'il s'est gardé de porter intentionnellement à la connaissance du conseil d'administration le prix auquel il avait acquis la créance de la société Genesis partners.

Les attestations qu'il produit de certains administrateurs présents lors du conseil d'administration du 26 mai 2010 pour établir que les membres du conseil d'administration avaient été informés du prix avant la séance du 26 mai 2010, démontrent seulement que certains membres du conseil d'administration ont pu être informés en privé du prix d'acquisition, en dehors de toute communication institutionnelle. Les auditions d'autres administrateurs, du président et de la directrice financière dans le cadre de l'enquête de police (auditions de MM. [C], [G], [W], [P], [V], [U] et Mme [H], pièces de l'appelant n° 28, 29, 30, 32, 33, 36 et n° 16 de l'intimée) révèlent que tous les membres du conseil d'administration n'avaient pas été informés du prix et que cette information n'a pas été donnée lors de la séance du 26 mai 2010. M. [N] ne peut sérieusement se retrancher derrière l'absence de question posée par le conseil d'administration sur le prix de l'acquisition qu'il avait faite de la créance Génésis partners et imputer aux membres du conseil d'administration un manque de curiosité alors que c'était lui qui était débiteur à l'égard du conseil d'administration d'une information complète et loyale sur les termes et conditions de la convention à laquelle il était intéressé.

En l'absence d'information sur le prix d'achat de la créance à la société Génésis partners par M. [N], les administrateurs et à leur suite les actionnaires lors de l'assemblée générale du 11 février 2011, n'ont pas pu délibérer en parfaite connaissance de cause sur la convention litigieuse dès lors que ce prix d'achat était un élément déterminant du consentement de la société Anovo puisqu'informés du prix de cession et par suite du profit personnel de près de 500 000 euros que M. [N] tirait de cette opération au détriment de la société Anovo, les administrateurs et actionnaires n'auraient pas accepté cette opération aux conditions proposées. En effet, même si en soi le remboursement anticipé de la créance Génésis partners, d'un montant nominal de 7 066 080,82 euros, à hauteur de 4 000 000 d'euros avec abandon de la créance résiduelle était conforme à l'intérêt social, il est certain que l'intérêt de la société Anovo était de 'racheter' la créance au meilleur prix.

Le consentement de la société Anovo a donc été vicié par la réticence dolosive de M. [N] ; il convient en conséquence, infirmant le jugement, d'annuler la convention du 14 juin 2010 et de condamner M. [N] à restituer à la SCP BTSG ès qualités la somme de 4 000 000 euros.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts complémentaire, il n'est pas établi par le liquidateur que la conclusion de la convention litigieuse ait gravement obéré la situation financière de la société Anovo et l'ait conduite in fine au dépôt de bilan dès lors que la société Anovo qui cherchait à racheter la créance Génésis partners aurait eu en tout état de cause à régler a minima une somme de 3 500 000 euros et pour cela recourir à un emprunt. Il n'est pas démontré que le surcoût de 500 000 euros réglé à M. [N] soit à l'origine des graves difficultés financières alléguées, lesquelles préexistaient à la signature de la convention, et ait entraîné in fine la liquidation judiciaire de la société Anovo.

La demande de dommages et intérêts formée par la SCP BTSG ès qualités à hauteur de 400 000 euros sera rejetée.

Succombant en son recours, M. [N] sera condamné aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées. Il devra en outre régler à la SCP BTSG ès qualités, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel, une indemnité qui peut être équitablement fixée à 20 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'action et la demande indemnitaire de la SCP BTSG ès qualités,

Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles,

Statuant de nouveau,

Annule la convention de remboursement anticipé partiel et d'abandon de créance résiduelle du 14 juin 2010 conclue entre la société Anovo et M. [E] [X] [N],

Condamne M. [E] [X] [N] à restituer à la SCP BTSG en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anovo la somme de 4 000 000 euros,

Déboute la SCP BTSG ès qualités de sa demande de condamnation de M. [N] au paiement de la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice causé par la réticence dolosive,

Y ajoutant,

Condamne M. [E] [X] [N] aux dépens de la procédure d'appel lesquels pourront être recouvrés directement par maître Debray conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [E] [X] [N] à payer à la SCP BTSG ès qualités la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01648
Date de la décision : 26/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°18/01648 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-26;18.01648 ?
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