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21/02/2019 | FRANCE | N°17/01344

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 21 février 2019, 17/01344


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








21e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 21 FÉVRIER 2019





N° RG 17/01344 -





AFFAIRE :





ASSOCIATION MOSAIC (MIXITE OUVERTURE SOLIDARITE ACTION INNOVATION CULTURE)








C/








Y... N... épouse P...








Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 février 2017 par le Conseil d

e Prud'hommes


N° Section : AD


N° RG : F15/00194





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :











à :


Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE


Me Sarah ANNE,











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT ET UN FÉVRIER D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 FÉVRIER 2019

N° RG 17/01344 -

AFFAIRE :

ASSOCIATION MOSAIC (MIXITE OUVERTURE SOLIDARITE ACTION INNOVATION CULTURE)

C/

Y... N... épouse P...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 février 2017 par le Conseil de Prud'hommes

N° Section : AD

N° RG : F15/00194

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE

Me Sarah ANNE,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN FÉVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

ASSOCIATION MOSAIC (MIXITE OUVERTURE SOLIDARITE ACTION INNOVATION CULTURE) agissant en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 785 415 282

[...]

[...]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757410 -

Représentant : Me Ariane MANAHILOFF de la SELARL LUCILIUS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R042

APPELANTE

****************

Madame Y... N... épouse P...

née le [...] à BAMAKO (MALI)

de nationalité Française

[...]

[...]

Représentant : Me Sandra MARY-RAVAULT de la SELARL DUMET-BOISSIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 760 -

Représentant : Me Sarah ANNE, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 33

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 décembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

Mme Y... N... épouse P... a été engagée le 26 février 1996 en qualité d'animatrice petite enfance par le centre social des Canibouts, devenu A2CSPN (association des 2 centres sociaux du petit Nanterre) puis association Mosaïc (Mixité Ouverture Solidarité Action Innovation Culture), en contrat emploi solidarité suivi d'un contrat emploi jeune qui s'est prolongé à durée indéterminée. A compter du 21 janvier 2005, elle a exercé les fonctions d'auxiliaire petite enfance.

L'association, qui a pour objet l'émancipation culturelle et la valorisation du territoire au Petit Nanterre, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des acteurs du lien social et familial du 4 juin 1983.

Par avenant du 1er mai 2006, il a été convenu entre les parties que Mme P... était employée à temps partiel, à raison de 26h15 par semaine. Un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel a été signé le 2 janvier 2007 pour l'emploi d'auxiliaire petite enfance.

Mme P... a le statut de travailleur handicapé depuis 2003.

Elle a suivi une formation professionnelle d'agent administratif à compter du mois de septembre 2010 jusqu'à fin juin 2011.

Au terme de deux avis en date du 5 juillet 2011 et du 19 juillet 2011, le médecin du travail a prononcé l'inaptitude définitive de Mme P... au poste d'auxiliaire petite enfance.

Lors de sa reprise de travail le 1er septembre 2011, Mme P... a été affectée à un poste de chargée d'accueil selon la salariée et d'agent administratif selon l'association, sans qu'un avenant ne soit régularisé.

Le 4 octobre 2011, le médecin du travail l'a déclarée apte au poste d'agent administratif sous réserve de ne porter aucune charge et d'éviter tout déplacement au sein du poste. Le 31 janvier 2013, le médecin du travail, sur demande de la salariée, mentionnait qu'elle était apte à une activité à 3/4 de temps sans port de charge et sans déplacement, précisant qu'une activité à mi-temps serait à envisager.

En date du 11 décembre 2012, l'association Mosaïc a été placée en redressement judiciaire, un plan de redressement a été fixé pour une durée de six ans le 11 octobre 2013.

Le 18 mars 2013, Mme P... a été convoquée à un entretien préalable fixé au 27 mars 2013.

Le 9 avril 2013, Mme P... a été licenciée pour motif économique.

Elle a refusé le contrat de sécurisation professionnelle proposé. Elle a été dispensée d'effectuer le préavis, d'une durée de deux mois, qui lui a été payé. L'association lui a, à la suite de sa réclamation, versé un troisième mois de préavis.

Par requête du 26 janvier 2015, Mme P... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de solliciter la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de contester son licenciement pour motif économique.

Par jugement rendu le 10 février 2017, le conseil (section activités diverses) a :

- condamné l'association Mosaïc à verser à Mme P... les sommes suivantes :

13 965 euros à titre d'indemnité pour requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

10 801 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondé sur l'absence de proposition de reclassement écrite,950 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme P... du surplus de ses demandes,

- condamné l'association Mosaïc aux entiers dépens.

Le 14 mars 2017, l'association Mosaïc a relevé appel de cette décision par voie électronique (dossier enregistré sous le numéro RG 17/1344) et le 17 mars 2017, Mme P... a relevé appel de cette décision par voie électronique (dossier enregistré sous le numéro RG 17/1418).

La jonction entre les dossiers enregistrés sous les numéros RG 17/1418 et 17/1344 a été ordonnée le 11 mai 2017, les dossiers étant depuis lors suivis sous le numéro RG 17/1344.

Un calendrier a été fixé par application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile par ordonnance rendue le 4 mai 2017 puis par ordonnance rendue le 10 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été ordonnée et la date des plaidoiries fixée au 18 décembre 2018.

Par dernières conclusions écrites du 8 octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'association Mosaïc demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme P... les sommes de 13 965 euros à titre d'indemnité pour requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, 10 801 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondé sur l'absence de proposition de reclassement écrite, 950 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau, rejeter ses demandes,

- pour le surplus, confirmer les dispositions du jugement déféré,

Y ajoutant,

- rejeter toutes autres demandes,

- condamner Mme P... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions écrites du 20 juin 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme P... demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

Y ajoutant :

- dire que cette requalification à temps complet s'opère à compter du 1er mai 2006,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le rappel de salaire subséquent à cette requalification à temps complet à la somme de 13 965 euros et en ce qu'il l'a qualifié à tort d'indemnité,

Y ajoutant,

- dire que la demande de rappel de salaire consécutive à la requalification de l'emploi à temps complet ne se heurte à aucune prescription,

En conséquence,

- condamner l'association Mosaïc à lui verser les sommes de :

23 275,52 euros à titre de rappel de salaire,

2 327,55 euros au titre des congés payés afférents,

subsidiairement, dans l'hypothèse où la prescription était partiellement reconnue,

- fixer le rappel de salaire à la somme de 16 292,86 euros outre les congés payés afférents soit 1629,86 euros,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- le réformer en ce qu'il a fixé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 801 euros,

Y ajoutant :

- condamner l'association Mosaïc à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse, subsidiairement pour non-respect de l'ordre des licenciements,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes formulées au titre du non-respect de l'obligation de reclassement,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes formulées au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Y ajoutant :

- condamner l'association Mosaïc à lui verser les sommes de :

15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation et d'adaptation,

15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- ordonner la remise conforme des bulletins de paie, de l'attestation pôle emploi, du solde de tout compte et du certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour et par document,

- dire que les sommes allouées porteront intérêt légal à compter de la première saisine,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner l'association Mosaïc à la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 de procédure civile pour la procédure de première instance et 3 500 euros pour la procédure d'appel.

La cour a sollicité des parties une note en délibéré dans le délai de dix jours afin qu'elles présentent leurs observations sur deux points : la conséquence de l'absence de mention du reclassement dans la lettre de licenciement sur le caractère causé de la rupture et l'application éventuelle de l'article L. 1235-4 du code du travail relatif au remboursement par l'employeur fautif des indemnités à Pôle emploi.

Les deux parties ont adressé une note en délibéré.

MOTIFS

Sur la note en délibéré

En application de l'article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

Par conséquent, il ne sera tenu compte que des observations des parties portant sur les deux points évoqués par la cour et non de l'ensemble de leurs développements.

Sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein

L'association Mosaïc soutient que dès lors que le contrat de travail prévoit un volume horaire de 113h45 par mois et qu'il précise que le volume horaire hebdomadaire est de 26h15, l'exigence de la double mention de la durée mensuelle de travail et de sa répartition entre les semaines du mois est respectée s'agissant d'un volume horaire fixe se répétant d'une semaine à l'autre, qu'en outre, les pièces qu'elle produit permettent, en tout état de cause, de renverser la présomption de travail à temps plein puisqu'elles couvrent l'ensemble de la relation contractuelle et concernent des périodes et des lieux différents.

La salariée rétorque que l'avenant du 1er mai 2006, comme le contrat du 2 janvier 2007 indiquent une durée hebdomadaire de 26h15 mais ne précise pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, qu'en outre l'employeur ne démontre pas une durée hebdomadaire convenue fixe, puisque les bulletins de paie de juin 2009 à août 2010 mentionnent un horaire de 56h33 par mois, soit un volume horaire inférieur à 26h15 par semaine, que la seule mention dans le contrat que les horaires sont définis entre elle et la responsable de la halte-garderie est insuffisante, d'autant que l'employeur ne justifie d'aucun

planning, ni du respect d'un délai de prévenance suffisant comme l'exigent les dispositions légales et conventionnelles, qu'enfin, les attestations de témoins produites par l'employeur, imprécises et confuses, ne permettent pas de renverser la présomption.

Aux termes de l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Par avenant du 1er mai 2006, il a été convenu entre les parties que Mme P... était employée à temps partiel, à raison de 26h15 par semaine, correspondant à 113h45 par mois, les horaires devant être définis entre la salariée et la responsable de la halte garderie. Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel a été signé le 2 janvier 2007 reprenant ces dispositions sur le temps de travail.

Ainsi, le contrat précise la durée mensuelle et hebdomadaire du travail convenue et si les fiches de paie mentionnent entre juin 2009 et août 2010 des heures effectuées pour une durée inférieure, cela constitue non pas un défaut de respect du formalisme contractuel mais une inexécution du contrat ouvrant droit, le cas échéant, à un rappel de salaire.

En revanche, force est de constater que les pièces contractuelles ne mentionnent pas 'la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine' s'agissant d'un contrat fixant une durée de travail hebdomadaire.

En conséquence, faute de respecter les dispositions applicables au contrat de travail à temps partiel, le contrat de Mme P... est présumé à temps complet et il appartient à l'association de rapporter la preuve que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas tenue de se tenir constamment à sa disposition.

L'association Mosaïc produit des attestations de plusieurs salariés évoquant l'organisation du travail en son sein et les jours et horaires de travail de Mme P....

Ainsi, Mme M..., directrice de la halte garderie, atteste que la structure était ouverte de 9h à 17h du lundi au vendredi, que Mme P... travaillait à temps partiel 26 heures par semaine, qu'elle avait choisi de travailler les mardi, jeudi et vendredi de 8h45 à 17h30, qu'elle s'est trouvée en temps partiel thérapeutique de13 heures hebdomadaires de juin 2009 à août 2010 les lundi après midi et jeudi et que les 'emplois du temps étaient établis chaque année en concertation avec l'équipe. Chacune choisissait ses journées de travail de la semaine. Les horaires étaient réguliers. Ils ne changeaient que très rarement en cas d'absence (...) d'un membre de l'équipe. Dans ces situations nous revoyions en équipe les emplois du temps et cela en accord avec toutes. Les horaires de travail étant fixes et liés aux horaires d'ouverture de la halte garderie, Mme P... partait toujours à la même heure'. Mme Q..., éducatrice, engagée par l'association en janvier 2008 précise que 'l'équipe que j'ai rejointe et dont faisait partie Mme P... avait un mode de fonctionnement collaboratif et efficace (...) Nos emplois du temps étaient mis au point en équipe (...) Le fait que la direction ne nous impose pas d'horaire a priori mais consulte l'ensemble de l'équipe pour l'élaboration du planning était un avantage non négligeable (...) Nos horaires et jours travaillés étaient fixes et affichés dans les locaux de la halte'. Mme

Du Dresnay, directrice de l'association, à compter du 3 octobre 2011 mentionne également avoir convenu avec la salariée 'd'heures de bureau dans un premier temps les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 17 h soit 26 heures, lui faisant grâce de 15 minutes. Mme P... venant en voiture (...), elle arrivait régulièrement en retard le matin(...), nous avons convenu d'un commun accord de changer ses horaires. Elle venait les lundi de 9h15 à 12h30 et de 14h à 17h30 et les mardi, jeudi et vendredi de 9h30 à 12h30 et de 14h à 17h30 (...) Mme P... assurait des heures fixes'.

Plusieurs autres salariés confirment les jours et heures de travail de Mme P... sur l'ensemble de la période travaillée à compter du 1er mai 2006 en précisant le poste alors occupé et qu'elle ne travaillait jamais le mercredi.

Il ressort de ces témoignages que les plannings étaient établis de façon concertée en fonction des souhaits des salariés, avec des jours et horaires fixes, sauf aménagements ponctuels en raison d'une absence et que Mme P... connaissait la répartition de son temps de travail sur les jours de la semaine selon sa période d'emploi et le poste occupé et qu'elle ne travaillait jamais le mercredi. Ainsi, elle connaissait par avance son rythme de travail et n'était pas tenue de se tenir à la disposition permanente de son employeur.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et condamné l'employeur au paiement d'une indemnité.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique

L'association Mosaïc fait valoir que le poste d'agent administratif occupé par la salariée a bien été supprimé et qu'aucun poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail n'était disponible.

Mme P... estime quant à elle que son licenciement ne peut pas être fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que la cause de celui-ci (à savoir la suppression du poste d'agent administratif) ne correspond pas à la situation juridique officielle (auxiliaire petite enfance), ni même à ses fonctions réellement exercées au moment de son licenciement (chargée d'accueil). Elle considère également que l'association n'a pas respecté son obligation de reclassement à son égard, ne justifiant d'aucune offre écrite et précise de reclassement alors que le contrat à durée déterminée d'animatrice d'accueil préscolaire (garderie du matin) aurait pu lui être proposé.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, applicable à la date du licenciement de Mme P..., constitue un licenciement pour motif économique celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité.

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 applicable à l'espèce, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise.

- Quant à la suppression du poste

Il n'est pas contesté que Mme P..., lorsqu'elle est revenue au sein de l'association le 1er septembre 2011 au terme de sa formation d'agent administratif, n'a pas repris son poste d'auxiliaire petite enfance, auquel elle avait été déclarée inapte et qu'aucun avenant n'a alors été formalisé pour mentionner son nouveau poste.

Or, afin d'apprécier le bien fondé du licenciement, il ne saurait être retenu, comme elle le soutient, l'emploi d'auxiliaire petite enfance mentionné sur les documents contractuels mais le poste qu'elle occupait réellement.

Sur ce point, l'article 5 du Chapitre XII de la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial du 4 juin 1983 (SNAECSO) définit quinze emplois repères regroupant sous un seul vocable les emplois de même nature d'activité et notamment ceux de :

-'Chargé d'accueil : Emplois assimilés : hôtesse d'accueil, Mission : accueille le public sur place et au téléphone, oriente, informe, assure le relais d'information entre le public et la structure, gère l'affichage, la documentation, les salles et le matériel, réalise aussi ponctuellement des travaux administratifs, enregistre les inscriptions, éventuellement leur règlement et tient le fichier des adhérents à jour',

-'Personnel administratif : Emplois assimilés : agent administratif, aide-comptable, dactylo, employé de bureau, employé-dactylo, employé polyvalent, employé de service administratif, Mission : assure diverses tâches administratives, réalise des tâches courantes de tri, classement, codification, traitement de courrier, enregistrement et mise à jour de données, en utilisant éventuellement un ordinateur'.

Les nombreuses attestations de salariés produites aux débats et notamment des deux chargées d'accueil, mentionnent que Mme P... effectuait, à compter de septembre 2011 un travail administratif, tel que classement des dossiers, photocopie, tri du courrier, mise sous pli, qu'elle était installée dans le bureau à côté de celui de la directrice où elle disposait du matériel nécessaire et notamment un ordinateur, un téléphone et une armoire pour le classement et que ce n'était que ponctuellement qu'elle exécutait des tâches d'accueil, comme le reste du personnel, lorsqu'une des chargées d'accueil était absente mais qui se limitaient alors à l'accueil physique et téléphonique, les inscriptions et adhésions restant de la seule compétence des chargées d'accueil.

D'ailleurs, par courriers des 26 juillet 2012 et 27 septembre 2012, la salariée elle-même demandait à ce qu'un avenant soit régularisé puisque depuis son retour en septembre 2011, elle occupait, selon ses termes le poste 'd'agent administratif' et le 16 avril 2013 elle se plaignait à nouveau de ce que la fonction 'auxiliaire petite enfance' figurait encore sur ses fiches de paie alors qu'elle occupait un poste 'd'agent administratif' depuis le 1er septembre 2011. Ce poste correspondait d'ailleurs à la formation qu'elle venait d'effectuer. Enfin, par courrier du 10 juillet 2013, l'association précisait à Mme P... que son poste administratif avait été créé afin de permettre son reclassement et comportait des tâches de préparation à la comptabilité (mention des chèques sur les factures, classement des factures, préparation occasionnelle des chèques), l'ouverture et la distribution du courrier, la mise en forme des comptes rendus des réunions d'équipe, le suivi des déclarations CUI et adultes relais, le classement et l'archivage. Si l'association ajoutait qu' 'en tant que chargée d'accueil', Mme P... avait dû assurer la circulation des informations orales et écrites, elle lui rappelait que pour autant elle ne participait pas à l'animation de l'espace d'accueil.

Il ressort de ces observations que depuis le 1er septembre 2011, Mme P... occupait effectivement un poste d'agent administratif, lequel a été supprimé dans le cadre du licenciement économique. Ce premier moyen ne saurait donc prospérer.

- Quant à l'obligation de reclassement

En premier lieu, la circonstance que la lettre de licenciement ne fasse pas état des recherches de reclassement et de l'absence de poste disponible n'a pas pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, il appartient à l'association de justifier de ses démarches de reclassement.

En second lieu, l'association produit la liste de son personnel au 31 décembre 2013

mentionnant notamment les dates d'entrée et de sortie des salariés avec la précision de leur emploi. Il en ressort que sur la période du licenciement, seul un recrutement a été effectué le 21 janvier 2013 sur un poste d'auxiliaire petite enfance qui ne pouvait être proposé puisque la salariée avait précisément été déclarée inapte à ce poste par le médecin du travail. Par ailleurs, ce n'est qu'au mois de septembre 2013, soit plus de quatre mois après le licenciement de Mme P... que des postes d'animateur d'accueil préscolaire ou d'accompagnement à la scolarité ont été proposés au recrutement, postes qui n'étaient pas, au surplus, compatibles avec les restrictions du médecin du travail ayant déclaré Mme P... apte à 'un poste assis, sans déplacements imposés ou contraintes posturales, et sans aucun soulèvement de charges'.

Enfin, l'association justifie avoir étendu ses recherches, comme en atteste Mme R... déléguée de la fédération des centres sociaux du département 92, qui précise avoir été informée le 28 février 2013 par la directrice d'un projet de suppression de postes pour raison économique dont le poste d'agent administratif et avoir été sollicitée sur l'existence de postes similaires vacants au sein des structures du réseau.

Ainsi, l'employeur justifie du respect de son obligation de reclassement et le licenciement sera donc jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement infirmé en ce sens.

Sur le respect des critères d'ordre

Mme P... soutient également que l'association n'a pas respecté l'ordre des licenciements, qui devait s'appliquer au sein de la catégorie professionnelle des auxiliaires de petite enfance et que s'il était tenu compte des fonctions réellement exercées de chargée d'accueil, les critères de l'ordre des licenciements auraient dû s'appliquer à cette catégorie professionnelle puisqu'il existait deux autres postes de cette nature (soit trois au total).

Eu égard au développement qui précède sur le poste réellement occupé par Mme P..., il n'y avait pas lieu d'appliquer de critères d'ordre du licenciement puisque, comme soutenu par l'association, il ressort des pièces produites et notamment établies dans le cadre de l'information sur le projet de licenciement que Mme P... était la seule salariée de la catégorie professionnelle 'agent administratif', étant rappelé que le juge commissaire a autorisé 'le licenciement pour motif économique de 5 salariés au sein des catégories professionnelles suivantes : formateur atelier socio-linguistique, médiateur, animateur couture, animateur jeunesse, agent administratif'.

La demande de dommages et intérêts à ce titre sera donc rejetée.

Sur l'obligation de formation et d'adaptation

Mme P... fait valoir son ancienneté de dix-sept années au sein de l'A2CSPN (devenue association Mosaïc) et l'absence de formation entre 2003 et 2010, soit pendant 7 ans, ce qui ne lui a pas permis d'évoluer au sein de l'association, que sa situation de travailleur handicapé aurait dû obliger l'employeur à une obligation de formation plus accrue et plus diligente encore, qu'elle réclamait depuis 2007 une action de formation afin d'être reclassée sur un autre poste que celui d'auxiliaire petite enfance, poste sur lequel elle souffrait, qu'une formation n'a finalement été entreprise qu'en septembre 2010, ce qui ne saurait suffire à justifier que l'employeur a satisfait à ses obligations de formation et d'adaptation.

L'association rétorque que cette demande se heurte à la prescription pour la période antérieure au 26 janvier 2010 et qu'en tout état de cause elle a pris en charge le financement d'un CAP Petite enfance d'une durée de 2 ans en 2001, puis une formation complémentaire au CAP en 2003 et un bilan de compétences en juillet 2007.

Depuis la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, l'article L. 1471-1 du code du travail précise que 'toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit'. Les nouveaux délais de prescription ont commencé à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi le 17 juin 2013. Avant cette loi, l'action en dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation se prescrivait par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil. L'article 21 de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 a prévu un régime transitoire pour les prescriptions déjà en cours n'ayant pas donné lieu à une instance en précisant que : 'les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

Seule la saisine du conseil de prud'hommes de Mme P... du 26 janvier 2015 a été interruptive de la prescription, puisque la précédente saisine du 22 janvier 2014 a été déclarée caduque par décision du conseil de prud'hommes du 15 mai 2014.

Par conséquent, en application des dispositions susvisées, la demande d'indemnisation est irrecevable pour les faits antérieurs au 26 janvier 2010.

Pour ce qui concerne la période postérieure, l'association justifie avoir financé une formation d'agent administratif auprès de l'organisme Auxilia, qui a été suivie par Mme P... du 13 septembre 2010 au 24 juin 2011.

Ainsi, Mme P... n'est pas fondée à réclamer des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et de formation et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme P... fait valoir plusieurs manquements de son employeur à son égard à savoir le défaut et retard de formation ayant finalement conduit à une inaptitude au poste d'auxiliaire petite enfance, la modification des fonctions sans signature d'un nouveau contrat, l'employeur n'ayant pas régularisé sa situation après son changement de poste, le licenciement prononcé en sachant que le motif de la suppression de son poste ne correspondait ni à la réalité juridique ni à la pratique et l'absence de mise en place du mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail, notamment en 2003 et 2004.

L'association rétorque que Mme P... a été reclassée aux fonctions d'agent administratif en octobre 2011 dans un contexte difficile, alors que le précédent directeur salarié venait d'être licencié pour faute grave et que la nouvelle directrice prenait son poste après deux mois de vacance de poste et qu'outre les difficultés financières, la question s'est posée de savoir quelles responsabilités pouvaient, de manière effective, être confiées à Mme P..., puisqu'en dépit de la formation qu'elle a suivie, elle a rencontré des difficultés dans l'exécution de ses tâches administratives, qu'enfin, elle ne justifie pas que le retard apporté à établir un avenant de régularisation, avenant qu'elle a au demeurant refusé de signer une fois qu'il lui a été proposé, lui ait causé un préjudice devant être réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euros.

Comme précédemment développé, le licenciement a été jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, la salariée ne justifie pas que son inaptitude au poste d'auxiliaire petite enfance résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de formation. De même, la directrice de la halte garderie atteste que la salariée a travaillé en mi temps thérapeutique de 2005 à avril 2006 puis de juin 2009 à août 2010 et Mme P... ne justifie d'aucune demande sur ce point adressée à son employeur et qui serait restée sans suite. Enfin, sa demande adressée le 16 février 2010 d'un 'reclassement' professionnel pour devenir agent administratif, compte tenu de son état de santé a été suivie d'effet par la mise en place de la formation adéquate en septembre 2010.

En revanche, il est établi qu'aucun avenant n'a été régularisé entre les parties à la suite de son retour de formation en septembre 2011 et de son affectation à un poste d'agent administratif, alors même que la salariée a réclamé à plusieurs reprises depuis juillet 2012 à son employeur la mise en conformité de son contrat avec ses fonctions réelles. L'envoi d'un avenant à la salariée aux fins de régularisation de la situation concomitamment à la notification du licenciement est tardif. Ce manquement de l'employeur ainsi établi depuis septembre 2011 a causé un préjudice à la salariée en la laissant dans l'expectative sur la qualification de l'emploi qu'elle occupait qui sera évalué à la somme de 3 000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les demandes accessoires

Eu égard aux développements qui précèdent, il sera ordonné à l'association de transmettre à Mme P... une attestation Pôle emploi et un certificat de travail mentionnant le poste d'agent administratif à compter du 1er septembre 2011, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

L'association qui succombe partiellement supportera les dépens, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre à Mme P... la somme globale de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande

pour violation de l'obligation de formation,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

REJETTE la demande de rappel de salaire,

DIT que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

DIT qu'il n'y a pas lieu à application des critères d'ordre,

CONDAMNE l'association Mosaïc à verser à Mme P... les sommes suivantes :

3 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE l'association Mosaïc aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01344
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°17/01344 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;17.01344 ?
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