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31/01/2019 | FRANCE | N°18/04125

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 31 janvier 2019, 18/04125


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 31 JANVIER 2019



N° RG 18/04125 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SOBX



AFFAIRE :



Société COMMERZBANK prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège







C/

[W] [P]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Mai 2018 par le juge de la mise en

état du tribunal de grande instance de NANTERRE

N° chambre : 6



N° RG : 17/07916



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU



Me Bérangère PLANCHON



Me Oriane DONTOT



R...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 31 JANVIER 2019

N° RG 18/04125 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SOBX

AFFAIRE :

Société COMMERZBANK prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

[W] [P]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Mai 2018 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 17/07916

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

Me Bérangère PLANCHON

Me Oriane DONTOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société COMMERZBANK prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003863

assistée de Me Thomas HOFFMANN de la SELARL WEILAND & PARTENAIRES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0286 -

APPELANTE

****************

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2] (78)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Bérangère PLANCHON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : L0287

assisté de Me Anne BERNARD-DUSSAULX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1901

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANTONY agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N°SIRET : 438 200 206

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20180984

assistée de Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0298 -

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 décembre 2018, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [P] expose qu'il a été démarché par la société 4XP, société de courtage étrangère non autorisée en France, lui promettant une rentabilité rapide et certaine, et qu'il a investi des fonds sur sa plate-forme de 'trading' en ligne, proposant des investissements sur le marché des changes, dit 'Forex' (Foreign exchange) et /ou du 'trading' sur les options binaires.

Cette plate-forme en ligne détenait, selon lui, des comptes bancaires dans des établissements européens et internationaux tels que la société de droit allemand Commerzbank ayant son siège en Allemagne.

M. [P] dit avoir ainsi investi la somme de 90 000 euros durant l'année 2012 en donnant des instructions de virement à son établissement bancaire, la Caisse de crédit mutuel d'Antony.

Par la suite, il s'est révélé impossible pour M. [P] de retirer les fonds investis et les gains générés et le site internet de la société de courtage a disparu.

Arguant qu'il avait perdu l'intégralité de ses investissements, M. [P] a mis en demeure la Caisse de crédit mutuel d'Antony et la société Commerzbank, dont il affirme que les fonds lui ont été virés, de procéder au remboursement des sommes perdues, ces dernières étant selon lui responsables des pertes subies du fait de manquements à leurs obligations.

Par acte du 31 juillet 2017, M. [P] a assigné les sociétés Caisse de crédit mutuel d'Antony et Commerzbank devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 90 000 euros et de la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

La société Commerzbank a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes.

Par ordonnance contradictoire du 25 mai 2018, le juge de la mise en état, au visa des articles 4 et 8 du règlement UE n°1215/2012, retenant, au visa des articles 4 et 8 du règlement (UE) n°1215/2012, notamment que les fautes alléguées consistent, pour chacune des défenderesses, en des manquements aux obligations de vigilance et de surveillance incombant aux établissements bancaires selon la réglementation européenne ; que le demandeur se prévaut de manquements similaires, bénéficiant à la même société tierce, commis à son détriment, et sollicite la réparation d'un même préjudice ; que ces éléments caractérisent une même situation de fait et

droit, présentant un risque de solutions inconciliables si la responsabilité de la Caisse de crédit mutuel d'Antony était jugée séparément de celle de la société Commerzbank, a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Commerzbank et déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre compétent,

- renvoyé l'affaire à la mise en état électronique du 10 décembre 2018 :

*pour conclusions de la société Commerzbank sur le fond impérativement avant le 15 juin 2018,

*pour conclusions en réplique de M. [P] avant le 15 septembre 2018,

*pour réplique du défendeur avant le 1er novembre 2018,

- condamné la société Commerzbank aux dépens de l'incident et au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 juin 2018, la société Commerzbank a relevé appel de la décision en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence, a déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre compétent, l'a condamnée aux dépens de l'incident et au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par requête du 12 juin 2018, la société Commerzbank a sollicité du président de la 14ème chambre de la cour d'appel de Versailles l'autorisation d'assigner à jour fixe M. [P] et la Caisse de Crédit mutuel d'Antony.

Par ordonnance rendue le 30 août 2018, le président de la 14ème chambre de la cour d'appel de Versailles a autorisé la société Commerzbank à assigner M. [P] et la Caisse de Crédit mutuel d'Antony à jour fixe afin de comparaître à l'audience du 31 octobre 2018 à 14h00.

Dans ses conclusions reçues le 5 novembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Commerzbank, appelante, demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre territorialement incompétent pour trancher les demandes de M. [P] dirigées à son encontre,

- renvoyer M. [P] à mieux se pouvoir devant le tribunal de grande instance de [Localité 5] en Allemagne,

- condamner M. [P] au paiement d'une somme de 4 500 euros par application de l'article 700 du code de procedure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Commerzbank fait valoir :

- que conformément à l'article 4 du règlement de l'Union européenne (UE) n°1215/2012, elle doit être attraite devant les juridictions de l'Etat membre dans lequel elle est domiciliée ; que le tribunal de grande instance de Nanterre est donc territorialement incompétent ;

- que les conditions de l'article 8, alinéa 1, du Règlement ne sont pas remplies ; qu'il ne suffit pas qu'il existe une divergence dans la solution du litige, mais il faut encore que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ;

- qu'aucun élément du dossier ne justifie de l'existence de relations contractuelles entre M. [P] et la société 4XP ; que l'investissement allégué sur la plate-forme de trading en ligne n'est pas établi; qu'il y a lieu de supposer qu'il existait des relations contractuelles entre M. [P] et la caisse de Crédit mutuel d'Antony concernant la tenue de compte et l'exécution ; qu'en revanche, il n'y a aucune relation contractuelle entre M. [P] et la société Commerzbank ;

- que la directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme n'évoque pas les droits des tiers en cas de violation de ses dispositions ; qu'il appartient aux droits nationaux d'édicter des sanctions en cas de violation des obligations découlant de la directive ; que contrairement à ce que soutient l'intimé, les réglementations ne sauraient être 'nécessairement en substance identiques dans tous les Etats membres' et il n'y a pas de 'proximité des règles nationales potentiellement applicables' ; qu'il revient donc nécessairement au juge national allemand de trancher la question de savoir si la société Commerzbank aurait éventuellement commis une infraction à ses obligations ;

- qu'aucune responsabilité délictuelle ne saurait découler des dispositions de la directive ; que la relation contractuelle relative à un compte ouvert en Allemagne et les obligations en résultant relèvent exclusivement du droit allemand et constituent une situation de fait indépendante, qui doit être jugée par les tribunaux de façon séparée ;

- que la mise en oeuvre des virements par la société Crédit mutuel et la société Commerzbank a été effectuée régulièrement conformément aux mandats donnés ; qu'il n'existe pas d'obligations communes ;

- qu'au regard de l'exigence de prévisibilité des règles de compétence, la règle de compétence spéciale de l'article 8 du Règlement Bruxelles I bis doit être interprétée de façon stricte ; que l'exécution des virements dans l'Union européenne correspond à un traitement de masse ; qu'aucun prestataire de paiement ne prévoit, pour un compte ouvert dans son pays pour son client, la possibilité d'un recours dans un autre Etat membre.

Dans ses conclusions reçues le 15 octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [P], intimé, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre du 25 mai 2018,

- déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre compétent,

- renvoyer l'affaire à la mise en état devant le tribunal de grande instance de Nanterre,

- condamner la société Commerzbank AG à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Commerzbank AG aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [P] fait valoir :

- que selon le règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit "Bruxelles I bis", la compétence fondée sur une pluralité de défendeurs suppose l'existence d'un lien de connexité entre les demandes si étroit qu'il y a un risque de contrariété de solutions, cette notion étant entendue largement ;

- qu'il existe en l'espèce une même situation de fait dès lors que le préjudice est unique, à savoir la perte de ses fonds à la suite de virements au profit de la société 4XP ;

- qu'il importe peu que les fondements juridiques et les lois applicables soient différents ;

- que les obligations de surveillance et de vigilance des banques émettrices et destinataires des virements litigieux, sur lesquelles sont fondées les actions contre les sociétés Commerzbank et la caisse de Crédit mutuel d'Antony, sont issues notamment de la directive européenne 2005/60/CE du 26 octobre 2005 de telle sorte que les réglementations nationales sont nécessairement en substance identiques dans tous les Etats membres ;

- que la société Commerzbank a manqué à son obligation de vigilance, non seulement lors de l'entrée de la relation d'affaires avec la société 4XP, mais également lors du fonctionnement du compte de son client ;

- que la proximité des règles nationales potentiellement applicables est suffisante et constitue un

facteur favorable à l'application de l'article 8 alinéa 1er du règlement Bruxelles I bis ; que la société Commerzbank ne pouvait ignorer que le risque de se voir attraire devant d'autres juridictions que celles de son domicile était bien réel en cas de non-respect des obligations issues de la directive 2005/60/CE ;

- que conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), il existe un risque de contrariété de solutions, même si les décisions peuvent être exécutées séparément et si leurs conséquences juridiques ne s'excluent pas mutuellement ; qu'il revient nécessairement à une seule juridiction de faire la lumière sur les parts de responsabilité respectives des deux banques dans la réalisation de son préjudice, lesquelles ont participé à une même opération de transfert de fonds d'un compte à un autre, au regard de l'intérêt d'une bonne administration de la justice et d'une nécessaire économie procédurale.

Par conclusions reçues le 24 octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Caisse de crédit mutuel d'Antony, intimée, demande à la cour :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite des demandes de la société Commerzbank,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 octobre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence

L'article 4 du règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable aux actions intentées à compter du 10 janvier 2015 et partant à la présente instance, énonce un principe général de compétence selon lequel 'Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre'.

L'article 5.1 prévoit que 'Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections II à VII du présent chapitre'.

Le règlement européen prévoit également une règle de compétence 'dérivée' à l'article 8 de la section II intitulée 'Compétences spéciales', qui dispose :

' Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut aussi être attraite :

1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps, afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (...) '.

L'exception prévue à l'article 8-1° du règlement suppose d'apprécier la connexité des demandes à la lumière du risque de conflit des décisions qui doit s'inscrire dans le cadre d'une même situation de fait et de droit.

Il incombe à la juridiction nationale saisie d'apprécier l'existence d'un tel risque en tenant compte de tous les éléments pertinents du dossier (CJUE, 12 juillet 2012, Solvay SA, aff.C-616/10).

L'objectif de cette règle de compétence spéciale est, selon l'arrêt Painer du 1er décembre 2011 (CJUE, Painer, C- 145/10) de répondre 'au souci de faciliter une bonne administration de la justice, de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d'éviter ainsi des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément' (point 83).

L'identité de fait suppose une implication de tous les codéfendeurs dans la survenance des faits litigieux, tandis que l'identité de droit peut être définie comme le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les actions.

Au cas d'espèce, M. [P] a fait assigner en responsabilité les deux sociétés défenderesses en ce qu'elles ont concouru à la réalisation d'un même dommage, soit la perte des fonds investis en 2012 au profit d'une société de courtage non régulée, figurant sur la liste noire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), ses investissements ayant été réalisés par le biais de virements depuis le compte bancaire qu'il détient dans les livres de la Caisse du Crédit mutuel d'Antony vers le compte détenu par la société de courtage à la Commerzbank en Allemagne.

M. [P] met en cause la responsabilité des établissements de crédit, invoquant des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance telle qu'issues notamment de la Directive européenne 2005/60/CE du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, en son article 8 chapitre II, 'Obligations de vigilance à l'égard de la clientèle', transposée en droit interne, dont il importe peu que les systèmes de sanctions soient édictés par les droits nationaux en cas de violation des obligations découlant de ladite directive, étant souligné que si selon la société Commerzbank, l'application de cette directive est contestable, il appartiendra en tout état de cause au juge de restituer son exacte qualification aux faits et actes litigieux et de rechercher la règle de droit applicable.

Ainsi le demandeur cherche à obtenir réparation d'un même préjudice auprès de deux défendeurs dont les responsabilités peuvent être liées.

Il importe peu que les actions en responsabilité soient de nature différente, contractuelle ou délictuelle, et qu'elles soient éventuellement fondées sur des lois différentes puisque l'identité de fondement juridique entre les demandes formées contre les défendeurs n'est pas requise pour caractériser la connexité au sens du règlement européen sus visé.

Les demandes qui se rapportent aux mêmes faits et qui tendent à des fins identiques posent en l'espèce des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la part de responsabilité de chaque coresponsable éventuel.

Il est dès lors inopérant pour l'appelante de soutenir, à ce stade de la procédure, que les faits allégués par le demandeur ne sont pas établis, qu'il n'existe aucune relation contractuelle entre M. [P] et elle-même ou que cette relation relève exclusivement du droit allemand.

Il est encore vain pour la société Commerzbank d'opposer au demandeur l'absence de preuves quant à la commission d'une infraction pénale en vertu du droit allemand ou de sa connaissance d'une suspicion de fraude à la date des paiements, ces contestations relevant d'un débat au fond.

Enfin, l'appelante ne peut valablement soutenir qu'il n'était pas prévisible qu'elle soit attraite devant une juridiction autre que sa juridiction nationale pour l'exécution d'ordres de virement dans l'Union européenne, qui constitue un traitement de masse, dès lors que de telles opérations peuvent revêtir un caractère frauduleux et qu'en l'espèce la société de courtage ayant ouvert un compte dans ses livres recevait des virements en provenance de la France d'investisseurs qui ont été abusés.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations que les actions en responsabilité intentées par M. [P] à l'encontre des sociétés Crédit mutuel et Commerzbank sont connexes en ce qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; qu'il existe dès lors un risque de solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Commerzbank.

Sur les autres demandes

L'ordonnance déférée doit être confirmée du chef des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens.

L'équité commande de faire droit en cause d'appel à la demande de M. [P] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; la société appelante est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

En revanche, la demande du Crédit mutuel est rejetée à ce titre.

Partie perdante, l'appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état rendue le 25 mai 2018 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Commerzbank, déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre compétent et prononcé des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Commerzbank à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens d'appel seront supportés par la société Commerzbank

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04125
Date de la décision : 31/01/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°18/04125 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-31;18.04125 ?
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