COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 JANVIER 2019
N° RG 18/01821 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SH7N
AFFAIRE :
Société PRICEWATERHOUSECOOPERS CORPORATE FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
C/
Monsieur [Q] [F] [Z] [X] agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs [P] et [Z] LE JOLISde VILLIERS [X]
Mademoiselle [A] [F] [Z] [X]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 Juin 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 7
N° RG : 14/13438
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Corinna KERFANT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société PRICEWATERHOUSECOOPERS CORPORATE FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 341 331 627
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18110
assistée de Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0257-
APPELANTE
****************
Monsieur [Q] [F] [Z] [X] agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs [P] et [Z] [F][Z] [X]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19
assisté de Me Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R019 -
Madame [H] [A] épouse [F] [Z] [X] agissant tant en son nom propre qu'au nom de ses enfants mineurs [A], [P], [Z] [F] [Z] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19
assistée de Me Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R019 -
INTIMES
****************
Mademoiselle [A] [F] [Z] [X]
née le [Date naissance 2] 1999 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19
assistée de Me Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R019 -
PARTIE INTERVENANTE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 novembre 2018, Madame Odette-Luce BOUVIER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Odette-Luce BOUVIER, président,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
EXPOSE DU LITIGE
La société PricewaterhouseCoopers Corporate Finance est spécialisée dans l'activité du conseil pour les affaires et conseils de gestion.
M. [Q] [Z] et son épouse, Mme [H] [A] épouse [Z] et leurs enfants mineurs, [A], [P] et [Z], alors actionnaires majoritaires du groupe Kolmi Hopen, spécialisé dans la fabrication de dispositifs médicaux à usage unique, ont été contactés à la fin de l'année 2010 par la société de droit canadien Medicom, groupe canadien leader mondial de ce marché, en vue d'une acquisition des titres du groupe.
Par lettre du 25 octobre 2010, des actionnaires majoritaires du groupe Kolmi Hopen, et notamment M. [Q] [Z], ont confié à la SAS Pricewaterhouse Coopers Corporate Finance (PWCCF) la mission de les conseiller "dans la revue des différentes options stratégiques comparatives possibles et dans la mise en 'uvre éventuelle d'une transaction, quelle qu'en soit la forme".
Le capital du groupe Kolmi Hopen a été acquis par la société Medicom à hauteur de 78 % pour le prix de 6 591 000 euros déterminé sur la base d'une valorisation de l'entreprise de 15 millions d'euros avant déduction des dettes et corrections de la trésorerie.
Affirmant avoir été trompée sur l'état réel de la société et avoir été victime d'un dol lors de cette cession, la société Medicom a engagé en mai 2014 une procédure au fond devant le tribunal de commerce d'Angers .
Par jugement rendu le 15 octobre 2014, le tribunal de commerce d'Angers a condamné solidairement M. [Q] [Z] et Mme [H] [A] épouse [Z] à payer à la société Medicom la somme de 1 660 464 euros à titre de dommages-intérêts.
Par acte d'huissier du 21 novembre 2014, reprochant à la société Price WaterhouseCoopers Finance d'avoir commis une faute professionnelle dans la mission qui lui avait été confiée, manquement à l'origine des condamnations prononcées le 15 octobre 2014, M. [Q] [Z], Mme [H] [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, [A], [P] et [Z] [Z], ont assigné la société PWCCF devant le tribunal de grande instance de Nanterre, sur le fondement des anciens articles 1134 et 1382 du code civil, en réparation des différents préjudices par eux subis.
Par ordonnance rendue le 7 juillet 2015, le juge de la mise en état du tribunal ainsi saisi a débouté la société PWCCF de toutes ses demandes, renvoyé l'instance à l'audience de mise en état du 21 septembre 2015, l'a condamnée à payer à M. [Q] [Z], à Mme [H] [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions des 15 octobre 2015 et 18 janvier 2016, la SAS PWCCF a soulevé devant le juge de la mise en état des exceptions d'incompétence d'attribution et territoriale du tribunal de grande instance de Nanterre au profit du tribunal de commerce de Paris.
Par ordonnance contradictoire rendue le 6 juin 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre, retenant notamment que le litige opposant les parties n'est pas un litige né à l'occasion d'une cession de titres d'une société commerciale mais un litige portant sur un manquement aux obligations de la société PWCCF résultant du mandat qui lui a été confié par les actionnaires le 25 octobre 2010 ; qu'il n'est pas contesté que Mme [H] [Z] et ses enfants mineurs, [A], [P] et [Z], demandeurs à l'action comme propriétaires des parts cédées, ne sont pas des commerçants, a :
- rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance (PWCCF),
- sursis à statuer sur toutes les demandes présentées par M. [Q] [Z], Mme [H] [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs [A] [Z], [P] [Z] et [Z] [Z] à l'encontre de la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance (PWCCF) dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers dans l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 15 octobre 2014 par le tribunal de commerce d'Angers,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 5 juillet 2016 pour retrait du rôle sauf observations contraires.
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance (PWCCF) aux dépens.
Par ordonnance rendue le 5 juillet 2016, le juge de la mise en état a ordonné le retrait du rôle de la présente procédure.
Par acte du 14 mars 2018 qui vise expressément l'ensemble des dispositions de la décision déférée, l'ordonnance du 6 juin 2016 a fait l'objet d'un appel interjeté par la société PWCCF et enregistré sous le présent numéro RG 18/01821, appel compétence instruit par la 14ème chambre civile de la cour d'appel de Versailles en application des articles 83 à 86 du code de procédure civile.
Par conclusions du 19 mai 2017, M. [Q] [Z] et Mme [H] [Z], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, ont sollicité la reprise de l'instance devant le tribunal de grande instance.
L'instance a été rétablie devant le juge de la mise en état.
C'est dans ces circonstances que, par ordonnance contradictoire rendue le 15 janvier 2018 (numéro 17/05305) , le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a :
- constaté que l'incident soulevé par la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance par conclusions devant le juge de la mise en état signifiées le 2 octobre 2017 est devenu sans objet,
- condamné la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance à payer à M. [Z], Mme [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs [A] [Z], [P] [Z] et [Z] [Z], la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamné la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance (PWCCF) à payer à M. [Q] [Z], Mme [H] [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs [A] [Z], [P] [Z] et [Z] [Z], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société PricewaterhouseCoopers Corporate Finance aux dépens de l'incident,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 19 février 2018 pour conclusions en défense au fond et fixation d'un calendrier de procédure.
Par acte du 14 mars 2018, la société PricewaterhouseCoopers Corporate Finance a fait appel de l'ordonnance rendue le 15 janvier 2018 en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [Z], Mme [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs [A] [Z], [P] [Z] et [Z] [Z], la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident.
Cette procédure a été enregistrée à la cour d'appel de Versailles sous le numéro RG 18/01820.
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Sur l'appel numéro RG 18/01821 :
Dans ses conclusions transmises le 7 novembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société PricewaterhouseCoopers Corporate Finance, appelante, demande à la cour de :
- 'dire que le premier juge ne pouvait retenir, au soutien de sa décision, un motif tiré d'un moyen par lui relevé d'office sans avoir invité les parties à en débattre,
- annuler en conséquence la décision du premier juge sur la compétence d'attribution et statuer à nouveau comme dit ci-après au titre de la demande de 'réformation',
Statuant à nouveau, après annulation et sur la demande, subsidiaire, de 'réformation' :
- 'réformer' ladite ordonnance et dire que la mission confiée à la société PWCCF l'a été en vue de la cession, à la société Medicom, des titres représentant le capital de la société commerciale Kolmi-Hopen par les détenteurs de ces titres, parmi lesquels les membres de la famille de Monsieur [Q] [Z], lequel les représentait, détenaient à eux tous 52 % de ce capital,
- 'dire' que, si M.[Q] [Z] a été, avec MM. [V] [K] et [X] [G], seul signataire de la lettre, du 25 octobre 2010, de la mission confiée à la société PWCCF, préparatoire à la cession litigieuse, c'est, d'évidence, tant dans son intérêt et en son nom propre que dans l'intérêt et au nom de son épouse et de ses enfants qu'il représentait et qui doivent tous être considérés comme parties 'et, au surplus, en qualité de commerçant' au contrat de ladite mission; que leur action contre la société PWCCF est donc en réalité fondée sur le droit des obligations ;
- 'dire' qu'en toute hypothèse la contestation dont, à l'encontre de la société PWCCF, M. et Mme [Z] ont saisi le tribunal de grande instance de Nanterre, et quand bien même elle serait fondée, pour ce qui concerne Madame [H] [Z] et les enfants du couple, sur le droit de la responsabilité civile, doit être considérée, étant donné qu'elle a pour cause les fautes qu'aurait commises la société PWCCF dans l'exécution de cette mission, comme de nature commerciale,
- 'dire' qu'en effet, préparatoire à l'opération de cession des titres représentant le capital de la société commerciale Kolmi-Hopen, la mission accomplie par la société PWCCF a emprunté, par accessoire, la commercialité de ladite opération,
- 'dire' qu'en conséquence toute contestation relative à cette mission, qu'elle émane d'une partie au contrat de mission ou d'un tiers, que son fondement soit contractuel ou délictuel, ressortit, en vertu des dispositions de l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce, à la compétence des tribunaux de commerce,
- 'dire' que, portant sur l'exécution de la mission de PWCCF, donc sur la qualité des diligences accomplies par celle-ci , exécution dont ils estiment que, fautive au regard des obligations souscrites, elle leur a causé préjudice, la contestation élevée par M. et Mme [Z] se rapporte donc à des actes préparatoires à l'opération de cession, dont la commercialité, quant à elle, a été reconnue par le premier juge et qu'ils ne discutent pas ;
- 'dire' que, portant donc sur la contestation de faits constitués par les actes d'exécution de la mission de la société PWCCF, la contestation dont M. et Mme [Z] ont saisi le tribunal de grande instance de Nanterre est donc de nature commerciale et ressortit à la compétence de la juridiction commerciale ;
- 'dire 'qu'en conséquence, le litige qui oppose la société PWCCF à M. et Mme [Z], parce qu'il porte sur les faits d'exécution de sa mission par la société PWCCF, ressortit à la seule compétence du juge commercial,
Sur la demande d'annulation :
- 'dire' que le premier juge, qui a fondé sa décision sur une distinction entre la qualité de Mme [Z] et des enfants mineurs du couple [Z], d'un côté, et la qualité de M. [Q] [Z], de l'autre, pour dire que les premiers ne sont pas des commerçants, a omis de répondre aux moyens que la société PWCCF tire de la circonstance selon laquelle Mme [Z] et les enfants du couple étaient représentés, vis-à-vis de la société PWCCF, par M. [Q] [Z] et de celle selon laquelle, même s'il est vrai que la question fait débat, l'ensemble des personnes titulaires d'un bloc de contrôle qui cèdent celui-ci, et dès lors que les titres cédés
représentent le capital d'une société exploitant une entreprise que l'un d'eux dirige, doivent être considérées non seulement comme effectuant un acte de commerce mais encore comme ayant, en l'occurrence, la qualité de commerçant,
En conséquence,
- annuler la décision du premier juge, et statuer à nouveau,
Subsidiairement, sur la demande de réformation,
- 'dire' valable et applicable la clause attributive de juridiction territoriale figurant à l'article VIII de la lettre de mission du 25 octobre 2010,
- 'dire' que cette clause oblige non seulement M. [Q] [Z] mais également toute personne que, tacitement mais manifestement, il représentait auprès de la société PWCCF, c'est-à-dire son épouse et ses enfants,
- 'dire' que les titres cédés représentant 52 % du capital de la société commerciale Kolmi-Hopen 'et donc représentant ce qui, par le truchement de M [Q] [Z], était leur entreprise et l'outil de travail familial', c'est en qualité de commerçant que la partie cédante de ces 52 %, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différents détenteurs de cette majorité de contrôle, a d'abord conclu l'acte de la mission, préparatoire de la cession, confiée à PWCCF, puis l'acte de cession lui-même,
En conséquence,
- dire seul compétent territorialement pour connaître de la demande de M. et Mme [Z] le tribunal de commerce de Paris,
Sur le sursis à statuer :
- 'dire' qu'ayant été saisi, en sa qualité de juge de la mise en état, d'une demande de sursis à statuer, le premier juge ne pouvait, de sa propre autorité, ordonner le sursis à statuer en l'attente seulement de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers statuant sur appel du jugement du tribunal de commerce d'Angers du 15 octobre 2014,
- annuler en conséquence la décision du premier juge pour avoir statué infra petita, et ainsi commis un excès de pouvoir,
- dire qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société PWCCF les frais, non compris dans les dépens,
En conséquence,
- condamner M. et Mme [Z], in solidum, à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner, sous la même solidarité, M. et Mme [Z], aux entiers dépens de l'incident de première instance et d'appel de l'ordonnance du 6 juin 2016.
Au soutien de ses demandes, la société PWCCF, appelante, fait valoir en substance :
- que la contestation relative à la mission qui lui a été confiée emprunte, par accessoire, à la contestation élevée au sujet de l'opération de cession, son caractère de contestation relative à une société commerciale ; que le principe est que l'accessoire suit le principal ;
- que l'ensemble forme un bloc de compétence, prévu à l'article L. 721-3 du code de commerce, et favorisant une tendance à la forte attractivité du droit commercial ;
- que la Cour de cassation tend, par sa jurisprudence, à regrouper l'ensemble des contestations se rapportant directement ou indirectement à la cession de droits sociaux dans un même "bloc de compétence", y compris concernant les tiers à l'opération commerciale en cause (Com., 15 janvier 2008, pourvoi n° 07-12.102, Bull. civ. 2004, IV) ; que l'espèce ayant donné lieu à cet important arrêt de la chambre commerciale est en tous points similaire à celle dont la cour se trouve aujourd'hui saisie ;
- qu'ainsi, le caractère commercial par accessoire de la mission de conseil s'impose à toutes les personnes qui contestent la qualité de celle-ci, qu'elles aient été parties à ce contrat ou non ;
- que M. [Z] lorsqu'il a confié la mission à la société PWCCF l'a fait tacitement en son nom et celui de tous les membres de sa famille titulaires d'actions Kolmi-Hopen, de même qu'il les a tous représentés dans l'acte de cession ; qu'en raison de l'emprunt de commercialité, Mme [Z] et ses enfants doivent être considérés comme parties au contrant ;
- que même si il s'avérait que seul M. [Z] était partie au contrat, il n'en demeure pas moins que la responsabilité de la société PWCCF, est fondée sur une prétendue mauvaise exécution du contrat de mission ; que ce contrat de mission, parce qu'il est préparatoire au contrat de cession, emprunte à ce contrat de cession son caractère commercial ; qu'ainsi, ce qui constitue la cause de la recherche de la responsabilité de la société PWCCF par M. et Mme [Z], c'est bien une
opération commerciale en son ensemble ; que la responsabilité recherchée le soit par le biais de la responsabilité délictuelle ne change rien au fait que c'est bien de l'exécution de ce contrat qu'il s'agit et qu'il faut donc se référer audit contrat ;
- que conformément à l'article L.721-3 2° du code de commerce, la juridiction commerciale est compétente pour tout litige né à l'occasion d'une cession de titres d'une société commerciale ;
-que dès lors que la contestation a trait à l'une des conventions, à l'une de ces opérations 'lesquelles sont commerciales', seule la juridiction commerciale a compétence pour en connaître;
- qu'il ne fait aucun doute que la mission confiée à la société PWCCF l'était pour les besoins des cédants des titres Kolmi-Hopen, sans exception ;
- qu'à supposer que Mme [Z] et les enfants [Z] doivent être considérés comme des tiers absolus à la mission de conseil et d'assistance confiée à la société PWCCF, cette circonstance serait rigoureusement indifférente quant à la compétence d'attribution ; que leur contestation est bien relative à la mission qui a été confiée à la société PWCCF et donc aux actes "préparatoires" à l'opération de cession des titres ; que la contestation porte toujours sur l'exécution de sa mission par la société PWCCF ;
- que la contestation portant donc bien sur des faits à caractère commercial, elle n'est pas de la compétence du tribunal de grande instance ;
- sur la clause attributive de compétence, si l'on admet que des parties à une opération contractuelle commerciale empruntent la qualité de commerçant pour les besoins de cette opération, la clause attributive de compétence contenue dans la lettre de mission est valable en l'espèce concernant tant M. et Mme [Z] que leurs enfants ;
- que concernant le sursis à statuer, dès lors que la société PWCCF et les époux [Z] ne lui demandaient pas de fixer comme terme le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, le juge de la mise en état ne pouvait, de sa propre autorité, dire que l'instance ne serait suspendue que jusqu'au prononcé de l'arrêt, au sens de l'article 771 du code de procédure civile ; qu'en le faisant il a commis un excès de pouvoir ;
- que les incidents et recours, en toute hypothèse, quand bien même ils auraient été totalement dénués de fondement et abusifs, n'ont pu en rien retarder le déroulement du procès puisque, jusqu'au 19 septembre 2018, le sursis à statuer s'imposait, faute de preuve de la fin du litige opposant M. [Z] à la société Medicom.
Dans leurs conclusions transmises le 29 mai 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [Z], agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leurs enfants mineurs, [P] et [Z] [Z], intimés et Mme [A] [Z] [X], intervenante volontaire, demandent à la cour de :
- débouter la société PWCCF de l'ensemble de ses demandes,
- 'constater' que la décision de la cour d'appel d'Angers étant irrévocable depuis le désistement des pourvois, le sursis à statuer n'a plus d'objet,
- confirmer la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre pour examiner les demandes formées par l'ensemble de la famille [Z] contre la société PWCCF,
- condamner la société PWCCF à une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en leur faveur.
Au soutien de leurs demandes, les intimés font valoir :
- que M. [Z] est seul signataire du mandat qu'il a confié à la société PWCCF ;
- qu'il est constamment jugé que lorsque la demande comprend des chefs distincts, civils pour les uns et commerciaux pour les autres mais unis par des liens de connexité si étroits qu'on risquerait en les jugeant séparément de leur donner des solutions inconciliables, la juridiction civile doit prévaloir sur la juridiction exceptionnelle -le tribunal de commerce- et être saisi de l'entier litige ;
- que M. [Z] reproche à la société PWCCF d'avoir commis une faute professionnelle dans l'exercice de son mandat, et de l'avoir ainsi exposé à une condamnation à des dommages- intérêts ; qu'il a justement dirigé son action en saisissant le tribunal de grande instance du lieu du siège social du défendeur ;
- que la demande de sursis à statuer contestée s'avère particulièrement inutile puisque la Cour de cassation n'est plus saisie, les deux parties ayant constaté que le rapport rendu par la chambre commerciale proposant un seul arrêt et constatant qu'il convenait de rendre un arrêt non spécialement motivé en l'absence de tout moyen permettant d'envisager la cassation ne justifiait pas que l'on maintienne le pourvoi ;
- que la société PWCCF n'utilise pas la procédure comme un moyen d'organisation d'un procès équitable mais comme une 'arme de combat rapproché'.
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La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 novembre 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' et 'donner acte' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques. Il en est de même, en l'espèce, des 'dire' figurant dans le dispositif des conclusions de l'appelante qui constituent en réalité des moyens.
Il convient enfin de dire recevable l'intervention volontaire par voie de conclusions, intervention non contestée au demeurant, en cause d'appel de Mme [A] [Z] [X], devenue majeure en cours d'instance.
Sur la demande de jonction des procédures numéros RG 18/01820 et RG 18/01821 :
Par conclusions dites d'incident du 16 octobre 2018 adressée à la présidente de la 14ème chambre, la société PricewaterhouseCoopers Corporate Finance a sollicité la jonction des instances d'appel numéro RG 18/01821 (portant sur l'ordonnance du 6 juin 2016) et numéro RG 18/01820 (appel de la décision du 15 janvier 2018).
La bonne administration de la justice et la connexité alléguée ne commandant pas de procéder à une telle jonction, la cour dit n'y avoir lieu d'ordonner cette mesure.
Sur la demande d'annulation de l'ordonnance du 6 juin 2016 :
L'appelante soutient que le juge de la mise en état ne pouvait, sans méconnaître le principe de la contradiction, fonder sa décision sur un motif relevé d'office et tiré, en l'occurrence, d'une distinction entre l'opération de cession des titres Kolmi -Hopen et la mission confiée à PWCCF par les actionnaires en vue d'être conseillés en vue de cette opération de cession, sans la soumettre à un débat contradictoire.
La cour relève toutefois que l'appelante fondait, dans ses conclusions déposées devant le juge de la mise en état, son exception d'incompétence matérielle du tribunal de grande instance sur les dispositions de l'article L 721-3, 2°, du code de commerce et sur leur applicabilité à la cause, au regard notamment de la nature commerciale du litige à l'occasion duquel était née l'instance engagée par les consorts [Z].
Dès lors, était soumise à un débat contradictoire, contrairement à ce que soutient l'appelante, la qualification de l'opération litigieuse, invoquée par la société PWCCF pour fonder son exception d'incompétence.
Ainsi, en retenant que le litige soumis au tribunal de grande instance n'était pas né d'une cession de titres d'une société commerciale mais d'un manquement aux obligations de la SAS PWCCF résultant du mandat qui lui avait été confié par les actionnaires le 25 octobre 2010 et qu'en conséquence n'était pas applicable à la cause l'article L 721-3, 2° du commerce, le juge de la mise en état n'a pas méconnu le principe de la contradiction, les conditions légales d'application au présent litige dudit texte, relatif à 'la compétence commune à tous les tribunaux de commerce', invoqué par la défenderesse elle-même, étant nécessairement dans les débats.
Il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation de la décision entreprise.
Sur la compétence matérielle du tribunal de grande instance :
Selon l'article L721-3 du code de commerce :
'Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées.'.
L'article L 211-3 du même code prévoit que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction.
En l'espèce, il est établi que la mission de conseil relative à la cession à la société commerciale Medicom des titres représentant le capital social de la société commerciale Kolmi-Hopen a été confiée à la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance par lettre du 25 octobre 2010 signée par M. [Q] [Z], agissant en son seul nom propre, et non par les membres de sa famille.
Il résulte également de l'assignation délivrée le 21 novembre 2014 à l'encontre de la société Price WaterhouseCoopers Finance à la demande de M. [Q] [Z], Mme [H] [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, [A] [Z], [P] [Z] et [Z] [Z], que les demandeurs à l'instance ont saisi le tribunal de grande instance d'une action fondée sur les anciens articles 1134 et 1382 du code civil, en réparation des préjudices par eux subis en raison de la faute professionnelle de la société PWCCF commise dans l'exercice de sa mission et à l'origine, selon eux, de leur condamnation à paiement par le tribunal de commerce de dommages-intérêts pour un montant de 1 660 464 euros au bénéfice de la société Medicom.
Il est en outre établi par les éléments versés aux débats que, si M [Q] [Z], en ce qu'il exerce d'une manière habituelle et répétitive des actes de commerce, a la qualité de commerçant au sens de l'article L121-1 du code de commerce, il n'en est pas de même de son épouse et de leurs enfants, également demandeurs à l'instance, qui n'ont pas la qualité de commerçant, à quelque titre que ce soit.
Il est constant, comme le relève à juste titre la société appelante, que relève de la compétence commerciale, en application de l'article L 721-3 du code de commerce, le litige relatif à une mission préparatoire à la cession du contrôle d'une société revêtant un caractère commercial, confiée à un conseil financier et qui est exclusivement affectée à la réalisation de cette convention principale qui en constitue sa cause.
En l'espèce, il est établi que la mission de conseil et d'assistance confiée à la société commerciale PWCCF, préparatoire à la cession de contrôle du groupe Kolmi Hopen, était exclusivement affectée à la réalisation de la convention principale constituant sa cause et que l'appelante justifie dès lors de la compétence de la juridiction consulaire pour connaître des litiges nés de l'exécution de ladite mission.
Il n'en demeure pas moins que les demandes indemnitaires soutenues, en l'espèce, devant le tribunal de grande instance de Nanterre par un commerçant, M. [Z], signataire de la lettre de mission, sont fondées, en ce qui le concerne, sur la responsabilité contractuelle de la société PWCCF et sur la responsabilité délictuelle pour son épouse et leurs trois enfants, non-commerçants et non signataires de cette lettre de mission, également demandeurs à l'instance.
Ces demandes sont unies par un lien de connexité si étroit qu'il y a intérêt, afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables, à les instruire et à les juger ensemble.
Il convient en conséquence, afin que la juridiction saisie puisse connaître de l'entier litige, de confirmer la compétence d'attribution du tribunal de grande instance, pour lequel a opté M. [Z], la juridiction de compétence générale prévalant au demeurant sur la juridiction exceptionnelle qu'est le tribunal de commerce et ce peu important le caractère commercial par accessoire de la mission de conseil.
Sur la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Nanterre :
Selon l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.
En l'espèce, la clause attributive de compétence territoriale insérée dans la lettre de mission du 25 octobre 2010 soumet au tribunal de commerce de Paris 'tout litige qui viendrait à naître en suite de la présente convention.'.
Cette clause ne saurait s'appliquer à l'épouse de M. [Z] et à leurs trois enfants dès lors qu'ils n'ont pas la qualité de commerçant et dont il n'est pas établi, au demeurant, qu'ils aient eu connaissance de cette clause et encore moins qu'ils aient été représentés 'tacitement mais nécessairement' dans la formation dudit contrat par M. [Z] et/ou aient été considérés, ce faisant, comme effectuant des actes de commerce réguliers et habituels.
Enfin, M. [Z] pouvait renoncer, comme il l'a fait, au bénéfice de cette clause attributive de compétence.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence territoriale, les demandeurs ayant régulièrement choisi la juridiction de Nanterre dans le ressort de laquelle se trouve le siège social de la société défenderesse, en application de l'article 42 du code de procédure civile.
Sur le sursis à statuer :
* sur la demande d'annulation de cette mesure :
Le premier juge a ordonné un sursis à statuer sur toutes les demandes présentées à l'encontre de la SAS PWCCF 'dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers dans l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 15 octobre 2014 par le tribunal de commerce d'Angers'.
S'il est exact que les parties n'avaient pas sollicité un tel terme, la SAS PWCCF ayant soutenu que le sursis à statuer devait être ordonné dans l'attente d'une décision irrévocable, la juridiction reste libre, au regard des nécessités de la cause, de déterminer l'événement qui constituera le terme adéquat du sursis à statuer et ce sans qu'il soit nécessaire de soumettre ce terme aux débats, s'il s'avère différent de celui sollicité par la ou les parties.
En vertu de son pouvoir discrétionnaire, la juridiction qui accorde un sursis à statuer, en ce compris le juge de la mise en état, détermine, sans commettre d'excès de pouvoir, le terme qu'elle estime opportun à la mesure par elle ordonnée.
* sur l'infirmation du sursis à statuer :
En tout état de cause la demande d'infirmation de cette mesure - tout comme celle tendant à son annulation - est devenue sans objet dès lors que l'arrêt de la cour d'appel d'Angers statuant sur l'appel formé à l'encontre du jugement rendu le 15 octobre 2014 est devenu irrévocable, à la suite de la non-admission du pourvoi en cassation formé à son encontre et des désistements intervenus.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance en l'ensemble de ses dispositions et, y ajoutant, de rejeter les demandes d'annulation et d'infirmation soutenues par l'appelante.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de faire droit à la demande des intimés présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à leur verser à ce titre la somme globale visée au dispositif de la présente décision.
Partie perdante, la société appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort
DIT n'y avoir lieu à ordonner la jonction des procédures numéros RG 18/01820 et RG 18/01821,
DIT recevable l'intervention volontaire en cause d'appel de Mme [A] [Z] [X],
CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
REJETTE les demandes d'annulation et d'infirmation soutenues par la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance,
CONDAMNE la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance à payer à M. [Q] [Z], Mme [H] [Z] née [A], agissant en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, [P] [Z] et [Z] [Z], et Mme [A] [Z], la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande présentée par la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS PricewaterhouseCoopers Corporate Finance aux entiers dépens d'appel.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,