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25/01/2019 | FRANCE | N°17/04751

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 25 janvier 2019, 17/04751


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 91Z



1ère chambre

1ère section





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JANVIER 2019



N° RG 17/04751



AFFAIRE :



[T] [K]

[H] [G] épouse [K]

C/

Le Directeur Général des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de Paris







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02

Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVIL

N° Chambre : 1

N° RG : 15/12561



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SELARL CABINET BORNHAUSER



SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 91Z

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JANVIER 2019

N° RG 17/04751

AFFAIRE :

[T] [K]

[H] [G] épouse [K]

C/

Le Directeur Général des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de Paris

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVIL

N° Chambre : 1

N° RG : 15/12561

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SELARL CABINET BORNHAUSER

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T], [R], [G] [K]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentant : Me Marc BORNHAUSER substitué par Me Hervé ISRAEL de la SELARL CABINET BORNHAUSER, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1522 - N° du dossier 170004

Madame [H], [N] [G] épouse [K]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentant : Me Marc BORNHAUSER substitué par Me Hervé ISRAEL de la SELARL CABINET BORNHAUSER, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1522 - N° du dossier 170004

APPELANTS

****************

Monsieur Le Directeur Général des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de Paris

[Adresse 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant/Déposant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758058

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 2 mars 2017 qui a statué ainsi':

- déboute M. et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamne M. et Mme [K] aux dépens de l'instance.

Vu la déclaration d'appel de M. et Mme [K] en date du 22 juin 2017.

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [K] en date du 13 septembre 2017 qui demandent à la cour de':

- les déclarer recevables et bien fondés dans leur appel,

Y faisant droit,

- infirmer en toutes ses dispositions la décision déférée,

Statuant à nouveau,

- prononcer la décharge des droits mis à la charge de M. et Mme [K] à hauteur de 502 163 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012,

- condamner l'Etat aux dépens et à payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en date du 10 novembre 2017 du directeur général des Finances publiques qui demande à la cour de':

- débouter M. et Mme [K] de toutes leurs demandes, fin et conclusions,

- confirmer le jugement,

Et y faisant droit,

- condamner M. et Mme [K] en tous les dépens de première instance et d'appel,

- condamner M. et Mme [K] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 juin 2018.

***************************

FAITS ET MOYENS

M. et Mme [K] ont déposé, en juin 2012, une déclaration d'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) 2012 au pied de laquelle l'impôt a été liquidé à hauteur de 223 738 euros (après réduction d'impôt) sur la base d'un patrimoine net imposable de 44 607 569 euros.

Pour paiement de la totalité de cet impôt, ils ont procédé par l'imputation d'une créance de « bouclier fiscal » qu'ils détenaient à raison d'un droit à restitution.

Au titre de cette même année 2012, ils ont réglé la Contribution Exceptionnelle sur la Fortune (CEF), instaurée par l'article 4 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, pour un montant de 502 163 euros liquidée lors du dépôt de la déclaration le 12 novembre 2012.

Par réclamation contentieuse du 29 décembre 2014, M. et Mme [K] ont contesté le principe de la CEF acquittée au titre de l'année 2012.

Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 4 mai 2015.

Par acte en date du 1er juillet 2015, M. et Mme [K] ont assigné le Directeur départemental des Finances publiques des Hauts de Seine aux fins d'annulation de cette décision devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement déféré.

Aux termes de leurs conclusions précitées, M. et Mme [K] exposent que l'imposition annuelle de leur patrimoine s'est élevée en 2012 à la somme totale de 725 201 euros alors qu'ils ont perçu en 2011 un revenu net de 63 985 euros.

Ils invoquent l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la protection des biens et font état d'une spoliation.

Ils font valoir, citant des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, CEDH, que la loi fiscale reste soumise à un contrôle de proportionnalité, une imposition devant être considérée comme une violation du premier protocole si elle conduit «'à une réelle confiscation d'une partie des biens du contribuable ».

Ils estiment que ce caractère excessif, attentatoire ou confiscatoire se mesure nécessairement à l'aune des revenus dont dispose celui qui la supporte.

Ils se prévalent d'arrêts de la CEDH qui a estimé qu'il n'y avait pas de violation de cette disposition dans la mesure où le requérant avait pu bénéficier d'une mesure de plafonnement de l'ISF en fonction de ses revenus.

Ils en infèrent qu'a contrario, en l'absence de toute mesure de limitation fondée sur des critères objectifs, la France encourt en l'espèce une condamnation par la CEDH.

Ils affirment qu'ils ont subi une spoliation effective.

Ils exposent que l'impôt mis à leur charge au titre de leur patrimoine au 1er janvier 2012 représente près de huit fois le montant des revenus nets perçus par eux au cours de l'année 2011.

En réponse à l'intimé, ils estiment que la validation du Conseil constitutionnel n'est pas de nature à écarter le grief d'inconventionnalité revendiqué.

Ils rappellent cette décision du Conseil constitutionnel n°2012-654 DC du 9 août 2012.

Ils font état d'une validation de pure opportunité qui n'a qu'une portée interne et qui ne saurait en aucun cas présumer de la validité de cette contribution au regard de l'article 1er du premier protocole précité.

Ils soutiennent que le caractère « exceptionnel » d'une spoliation n'est pas retenu par la Cour européenne des droits de l'homme comme un élément de nature à justifier une atteinte au droit de propriété.

Ils exposent que le droit à restitution constitue un élément de patrimoine qui prend la forme spécifique d'une créance détenue sur le Trésor Public à raison d'un trop versé d'impôt au cours des années passées.

Ils affirment que l'affectation de cette créance de restitution au règlement d'une imposition ultérieure ne permet pas de regarder celle-ci comme un élément de revenu qui devrait être pris en compte comme une faculté contributive pour déterminer si cette imposition constitue ou non une charge excessive de l'année considérée.

Ils réitèrent qu'ils ont subi au titre de leur patrimoine au 1er janvier 2012 une imposition totale de 725 201 euros, confiscatoire eu égard au montant des revenus nets du couple perçus au cours de l'année 2011.

Ils soutiennent que le fait qu'une fraction de l'impôt ait été réglée par voie d'imputation d'une créance spécifique ne change rien, le fait d'utiliser cette créance les ayant appauvris du montant de cette dernière. Il s'agit donc d'un argument totalement inopposable.

Ils ajoutent que la Cour de cassation leur donne raison d'autant que leur patrimoine a diminué entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013.

Ils font valoir, citant des arrêts, qu'elle a jugé que le caractère confiscatoire de l'ISF devait être apprécié en rapprochant son montant de celui des revenus nets perçus par les contribuables au titre de l'année antérieure et rappelle que l'impôt représente près de huit fois leur revenu.

Ils estiment en outre qu'à supposer qu'il soit pertinent d'examiner l'évolution ultérieure du patrimoine du redevable de l'ISF pour pouvoir considérer qu'une hausse de celui-ci serait exclusive de toute confiscation, cette méthodologie ne peut être retenue en l'espèce, puisque leur patrimoine net imposable a décru, passant de 44 607 569 euros pour l'ISF 2012 à 44 111 902 euros pour l'ISF 2013 puis à 43 910 979 euros pour l'ISF 2014.

Ils observent que leur patrimoine a diminué d'environ 500 000 euros entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013, montant qui correspond presque au montant de la CEF acquittée au mois de novembre 2012.

Ils soulignent qu'aucun mécanisme de plafonnement n'a été prévu.

Aux termes de ses écritures précitées, le Directeur général des Finances publiques rappelle les motifs de la loi instituant la CEF et ses caractéristiques ainsi que la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012.

Au regard de l'article 1er du protocole précité, il expose, citant des arrêts de la CEDH, qu'il énonce trois normes distinctes et que l'ingérence dans le droit de propriété que constitue toute imposition fiscale se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions.

Il ajoute que la Cour de cassation a affirmé la compatibilité de l'ISF avec la convention européenne.

Il affirme, citant des arrêts de la CEDH et de la Cour de cassation, que les Etats contractants disposent d'une marge d'appréciation étendue quant à la réalisation des conditions posées par l'article 1er du premier protocole, tout spécialement lorsqu'ils élaborent et mettent en 'uvre une politique fiscale et qu'ils doivent seulement veiller à maintenir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, le contrôle de proportionnalité entre le but légitime et les moyens employés auquel se livrent les organes de la convention étant des plus restreints et se limitant à un contrôle minimum de l'arbitraire ou au mieux de la disproportion manifeste.

Il estime que la situation des appelants est compatible avec l'article 1 du premier protocole puisqu'elle relève d'un domaine où les prérogatives des Etats sont reconnues.

Il se prévaut des motifs du jugement qui a constaté que la CEF était conforme aux principes conventionnels et constitutionnels.

Il soutient que l'absence d'un mécanisme de plafonnement de la contribution exceptionnelle sur la fortune n'a pas pour effet de conférer à cette imposition un caractère excessif et confiscatoire.

Il rappelle les mécanismes et principes de la CEF et du plafonnement.

Il fait valoir que la détermination du caractère confiscatoire ou excessif de la CEF est subordonnée à un examen qui tient compte de l'ensemble des caractéristiques de l'impôt et notamment de son assiette, de son taux et de son caractère exceptionnel ou pérenne.

Il estime que ces exigences ont été respectées par le législateur compte tenu du caractère non renouvelable de la mesure, de la déduction du montant brut dû au titre de l'ISF dans le calcul de son montant et du droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2011 (sur les impôts payés en 2011 sur les revenus de 2010) que les contribuables peuvent imputer sur leur ISF 2012.

Il conteste donc que la CEF revête un caractère confiscatoire ou fasse peser une charge excessive sur les contribuables.

Il expose le mécanisme du plafonnement et considère que le plafonnement par rapport au revenu ne s'impose pas par principe à un impôt qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine, indépendamment du niveau des revenus.

Il souligne que, dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré cette contribution exceptionnelle conforme à la Constitution après avoir examiné l'absence de plafonnement.

Il affirme que l'imputation de l'ISF acquitté en juin 2012 sur le montant de la CEF exigible en novembre 2012 constitue en pratique « une limitation des effets de la C.E.F. ».

Il affirme également, reprenant toujours des considérants de cette décision, que l'imputation du droit à restitution au titre du « bouclier fiscal 2011 » sur le montant de l'ISF 2012 a eu comme conséquence concrète de réduire les décaissements effectués par les redevables pour le règlement de cette contribution.

Il affirme enfin qu'étant progressive, comportant plusieurs tranches qui tiennent compte des facultés contributives de chacun des redevables à raison de l'importance et de la nature du patrimoine qui en constitue l'assiette, cette contribution ne peut être regardée comme faisant peser une charge excessive sur eux.

Il conclut que l'application de taux proportionnels puis la déduction du montant de l'ISF lui confèrent une proportionnalité conforme à la législation et à la jurisprudence.

Il excipe de jugements.

Il soutient donc que l'absence de dispositif de plafonnement ne caractérise pas en soi une atteinte au droit de propriété contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Il réfute toute spoliation des revenus des appelants.

Il fait valoir que le Conseil constitutionnel déconnecte l'ISF des impositions sur le revenu.

Il affirme qu'en matière d'imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus mais s'entend de celle que confère au redevable la détention d'un ensemble de biens et de droits, qu'ils soient ou non productifs de revenus.

Il déclare qu'en matière d'ISF, la prise en compte de la capacité contributive n'implique ni que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l'assiette de l'ISF ni que cet impôt ne doive être acquitté qu'au moyen des revenus de biens imposables.

Il se prévaut de la décision n°2012-662 du 29 décembre 2012 du Conseil constitutionnel qui s'inspire de ses précédentes décisions.

Il estime, citant des arrêts de la Cour de cassation, que si la capacité contributive était appréciée au regard des seuls revenus fiscalisés du contribuable, le niveau de la taxation pourrait alors dépendre des choix de gestion des redevables.

Il en conclut que l'éventuel caractère excessif d'un impôt sur le patrimoine s'apprécie par rapport à la capacité contributive conférée au redevable par la détention des biens et droits composant ce patrimoine, sans se limiter à la prise en compte de ses revenus.

Il soutient qu'il ressort de ces arrêts, transposables à la CEF, que le simple fait que le paiement de l'ISF absorbe l'intégralité des revenus déclarés par les contribuables réellement disponibles, ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'un impôt sur le patrimoine.

Il affirme qu'un juste équilibre a été respecté.

Il indique que la contribution contestée ne représente qu'1,12 % de leur patrimoine imposable au 1er janvier 2012

Il indique qu'elle présente un caractère exceptionnel, ayant été perçue au titre de la seule année 2012.

Il en infère à son absence de caractère confiscatoire.

Il soutient, en tout état de cause, qu'il n'y a pas de rupture du juste équilibre qui a été préservé par divers intérêts.

Il relève que les appelants ont bénéficié de l'imputation du droit à restitution.

Il soutient également que la seule comparaison avec le revenu fiscal de référence ne permet pas d'établir le caractère confiscatoire d'un impôt assis sur le patrimoine, particulièrement si le patrimoine est organisé de manière à produire très peu de revenus imposables et si la charge de cet impôt n'a pas empêché l'accroissement ultérieur dudit patrimoine, ce qui est le cas en l'espèce.

Il observe qu'en l'espèce, le montant du revenu fiscal de référence de l'année précédente représente 0,17 % de la base imposable du patrimoine et en conclut à une forte disproportion entre l'importance du patrimoine déclaré au 1er janvier 2012 et le peu de revenus imposables qu'il produit sur une année.

Il estime que ces revenus n'apparaissent pas significatifs de leurs capacités contributives.

Il considère que le choix de l'investissement massif dans des valeurs mobilières et autres meubles qui ne sont pas ou peu productifs de revenus disponibles immédiatement résulte d'un choix délibéré de gestion et de stratégie patrimoniale qui appartient au redevable.

Il se prévaut d'arrêts de la Cour de cassation jugeant que lorsque l'insuffisance de revenus répond à des choix de constitution de patrimoine, le caractère confiscatoire de l'ISF n'était pas établi.

Il souligne enfin que l'imputation du droit à restitution au titre du « bouclier fiscal 2011 » a eu comme conséquence concrète de réduire les décaissements effectués par eux pour le règlement de cette contribution.

Il constate à cet égard qu'en termes de trésorerie ils n'ont pas eu à décaisser cet ISF 2012 au cours de l'année 2012 puisqu'ils ont procédé par imputation d'une créance de bouclier fiscal qu'il détenait.

Il affirme que ces mécanismes ont eu pour effet de limiter l'importance de la charge financière de la CEF et la pression fiscale sur l'année 2012 pour le foyer fiscal.

Il estime qu'ainsi, la contribution litigieuse est la seule et unique taxation sur le patrimoine dont ils ont fait l'objet en 2012.

Il ajoute que leur actif brut a augmenté, seule la déductibilité du passif, en augmentation entre les trois années 2012 à 2014, expliquant que l'actif net imposable diminue pendant la période considérée.

Il réfute donc tout caractère disproportionné de l'imposition.

***************************

Considérant que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes »';

Considérant qu'il en résulte que les Etats doivent veiller à maintenir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la préservation du droit de propriété'; que la charge imposée aux contribuables ne doit pas être excessive ou porter fondamentalement atteinte à leur situation financière'; que tel n'est pas le cas si l'imposition revêt un caractère confiscatoire';

Considérant que ce caractère doit être apprécié en fonction des caractéristiques de l'imposition litigieuse';

Considérant que, s'agissant d'une imposition sur le patrimoine lui-même et non ses revenus, doit être pris en compte l'ensemble des biens et droits des contribuables';

Considérant qu'en instituant une contribution exceptionnelle - donc non pérenne - sur la fortune, le législateur a entendu mettre en place une imposition différentielle par rapport à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2012'; qu'il a établi l'assiette de cette contribution selon les règles relatives à l'assiette de cet impôt'; qu'il a retenu des tranches et des taux d'imposition qui assurent, en prenant en compte à la fois la contribution exceptionnelle et l'impôt de solidarité sur la fortune, la progressivité de ces impositions acquittées en 2012 au titre de la détention d'un ensemble de biens et de droits';

Considérant qu'il est ainsi tenu compte des facultés contributives de chacun des redevables';

Considérant qu'aucun dispositif de plafonnement - qui tend à éviter que le total des impôts payés au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et de l'impôt sur le revenu excède un certain seuil - n'est prévu';

Considérant que l'absence d'un tel mécanisme ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'une imposition qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine indépendamment des revenus du contribuable';

Considérant que cette contribution est établie après déduction de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 ; qu'est déduit le montant brut de cet impôt sans remettre en cause les réductions imputées par le contribuable sur l'impôt de solidarité sur la fortune'; qu'en outre, le droit à restitution - le «'bouclier fiscal'» - acquis au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, en s'imputant sur l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 pour les contribuables redevables de cet impôt, produit ses effets sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due en 2012 ;

Considérant que, dans ces conditions, la déduction de l'ISF acquitté en juin 2012 du montant de la CEF, exigible en novembre 2012, constitue, quels que soient ses motifs, en pratique « une limitation des effets de la CEF »';

Considérant, par conséquent que l'application de taux proportionnels puis la déduction du montant de l'ISF confèrent à l'imposition litigieuse une proportionnalité conforme aux dispositions invoquées ; que, de ce chef, cette contribution ne peut être regardée comme faisant peser une charge excessive sur les contribuables';

Considérant que cette disposition maintient ainsi un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'Homme, dont fait partie le droit de propriété'; qu'elle ne confère pas, en tant que telle, un caractère confiscatoire à l'imposition'; qu'elle ne méconnait pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales';

Considérant qu'il est constant que le revenu net des époux [K] s'est élevé à la somme de 63 985 euros au titre des revenus 2011';

Considérant que la contribution exceptionnelle sur la fortune versée par eux s'est élevée à 502 163 euros';

Considérant que M. et Mme [K] ont pu déduire de cette contribution, conformément aux développements ci-dessus, l'ISF payé et ont bénéficié, au titre de l'ISF, du «'bouclier fiscal'», peu important que ce mécanisme ait été instauré antérieurement à la CEF dès lors qu'ils en ont tiré profit';

Considérant que, s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus';

Considérant qu'à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables';

Considérant que doit donc être prise en compte, pour apprécier le caractère excessif ou confiscatoire d'un impôt sur le patrimoine, la capacité contributive conférée au redevable par la détention des biens et droits composant ce patrimoine'sans que soient retenus ses seuls revenus';

Considérant que la seule circonstance que le paiement de la contribution absorbe les revenus imposables du contribuable ne suffit donc pas à établir le caractère confiscatoire de l'imposition'; que doit être pris en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine';

Considérant que si l'organisation du patrimoine de M. et Mme [K] relève de leur liberté de choix, elle ne doit pas conduire à réduire une imposition fondée sur la détention d'un patrimoine';

Considérant que l'actif brut imposable des époux était alors constitué, au vu de leur déclaration au titre de l'ISF, de leur résidence principale et d'autres immeubles pour une valeur de 5 833 340 euros, de droits sociaux et de biens meubles évalués à 69 735 157 euros et de liquidités pour 1 840 459 euros'; que l'actif net s'élevait à 44 607 569 euros';

Considérant qu'ils ont ainsi investi près de 86 % de leur fortune en biens meubles, peu ou pas productifs de revenus';

Considérant que si la somme des impôts acquittés par eux excède l'intégralité de leur revenu imposable, cette situation résulte donc d'un choix patrimonial de leur part';

Considérant que leurs revenus imposables ne sont, dès lors, pas significatifs de leurs capacités contributives';

Considérant que la contribution contestée représente 1,12 % de leur patrimoine imposable';

Considérant que M. et Mme [K] ne démontrent donc pas, au vu de l'ensemble de ces éléments, que cette contribution, exceptionnelle, leur a imposé une charge excessive et, revêtant un caractère confiscatoire, a porté fondamentalement atteinte à leur situation financière';

Considérant que cette contribution n'a, en conséquence, pas rompu en ce qui les concerne le juste équilibre prescrit, notamment par l'article 1er du protocole précité, entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde de leurs droits fondamentaux';

Considérant que la demande de M. et Mme [K] sera donc rejetée et le jugement confirmé en toutes ses dispositions';

Considérant que M. et Mme [K] devront payer une somme de 2  500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l'intimé en cause d'appel'; que, compte tenu du sens du présent arrêt, leur demande aux mêmes fins sera rejetée';

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant':

Condamne M. et Mme [K] à verser à l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus ample sou contraires,

Condamne M. et Mme [K] aux dépens,

Autorise la Selarl Lexavoué Paris Versailles à recouvrer directement à leur encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 17/04751
Date de la décision : 25/01/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°17/04751 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-25;17.04751 ?
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