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25/01/2019 | FRANCE | N°17/04687

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 25 janvier 2019, 17/04687


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 91Z



1ère chambre

1ère section





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JANVIER 2019



N° RG 17/04687



AFFAIRE :



Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de [Localité 3]

C/

[O] [F]

[E] [T] épouse [F]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N

° Chambre : 1

N° RG : 15/07681



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Marilyne SECCI















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 91Z

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JANVIER 2019

N° RG 17/04687

AFFAIRE :

Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de [Localité 3]

C/

[O] [F]

[E] [T] épouse [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° RG : 15/07681

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Marilyne SECCI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de Paris

[Adresse 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant/Déposant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757874

APPELANT

****************

Monsieur [O], [B] [F]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentant : Me Marilyne SECCI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 558 - Représentant : Me André MADRID de la SELEURL ANDRE MADRID, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [E], [Q], [S] [T] épouse [F]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentant : Me Marilyne SECCI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 558 - Représentant : Me André MADRID de la SELEURL ANDRE MADRID, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 novembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 22 février 2017 qui a statué ainsi':

- dit que les rectifications effectuées par l'administration en matière d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2011, 2012 et 2013 sont infondées,

- en conséquence prononce le dégrèvement des sommes correspondant à ces rectifications et dit que les demandeurs devront être remboursées des sommes y afférent.

- dit que les dépens augmentés de 3 000 euros seront à la charge du Trésor public.

Vu la déclaration d'appel en date du 20 juin 2017 du Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 3].

Vu les dernières conclusions en date du 14 septembre 2017 du Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 3] qui demande à la cour de':

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- confirmer la procédure de rectification mise en 'uvre par l'administration fiscale,

- confirmer les décisions de rejet contentieux de l'administration des 15 juin et 22 juillet 2015,

- débouter Mme [E] [T] épouse [F] et M. [O] [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [E] [T] épouse [F] et M. [O] [F] aux entiers dépens de 1ère et de 2ème instance.

Vu la constitution d'avocat pour M. et Mme [F] et leur absence de conclusions.

Vu l'ordonnance de clôture du 21 juin 2018.

************************

FAITS ET MOYENS

Par proposition de rectification n°2120 en date du 1er juillet 2014, l'administration fiscale a effectué divers redressements en matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) concernant les valeurs déclarées, au titre des années 2011, 2012 et 2013, des comptes courants d'associés ouverts par les époux [F] dans les sociétés Sarl [F] Patrimoine et Sarl [F] 2 Patrimoine.

M. et Mme [F] détenaient des comptes courants d'un montant de 371 111 euros, 604 608 euros et 576 608 euros dans la société [F] Patrimoine et de 426 825 euros, 633 354 euros et 603 354 euros dans la société [F] 2 Patrimoine.

M. et Mme [F] n'avaient déclaré aucune somme au titre de ces comptes courants d'associés en 2011 et une somme de 450 000 euros, pour chacune des sociétés, pour les années 2012 et 2013.

L'administration fiscale a estimé la valeur de ces comptes aux sommes de 371 111 euros, 604 608 euros et 576 608 euros s'agissant de la société [F] Patrimoine et aux sommes de 426 825 euros, 633 354 euros et 603 354 euros s'agissant de la société [F] 2 Patrimoine.

Ces rectifications de l'assiette de l'ISF au titre des années 2011, 2012 et 2013 ont été justifiées par l'administration par la différence constatée entre la valeur nominale du compte courant d'associé dans les livres comptables de ces sociétés et les valeurs portées par M. et Mme [F] sur leurs déclarations d'ISF relatives à ces trois années.

Elles ont été contestées par lettres du 10 juillet 2014.

L'administration a confirmé lesdites rectifications par lettre du 1er septembre 2014 puis émis, le 23 avril 2015, un avis de mise en recouvrement n°00053 pour un montant de 17 437 euros.

M. et Mme [F] ont formé une réclamation en date des 31 mai et 21 juillet 2015 qui a donné lieu à des décisions de rejet les 15 juin et 22 juillet 2015.

Par acte d'huissier délivré le 11 septembre 2015, M. et Mme [F] ont fait assigner le directeur de la direction générale des finances publiques de Versailles devant le tribunal de grande instance de Versailles qui a prononcé le jugement déféré.

Le tribunal a rappelé qu'il appartenait aux époux de rapporter la preuve que la valeur de recouvrement de leurs comptes courants dans les sociétés est nulle ou à tout le moins insignifiante.

Il a considéré qu'ils justifiaient que la capacité financière de chaque société compte tenu des loyers encaissés et des charges réelles payées, abstraction faite de la dotation aux amortissements qui est un simple avantage fiscal, est sur la période de 4 ans, de 2010 à 2013, de 108 289 euros pour la société [F] Patrimoine et de 107 387 euros pour la société [F] 2 Patrimoine.

Il en a conclu que la capacité de remboursement annuel de chacune de ces deux sociétés pour les comptes courants était donc, respectivement, de 27 072 euros et de 26 847 euros.

Il a indiqué que cette capacité avait déjà été utilisée dans la société [F] Patrimoine à concurrence de 3 000 euros en 2012 et de 33 000 euros en 2013 dans chacune des deux sociétés.

Il en a conclu que les époux ont justement déduit la disponibilité des comptes au sens des articles 885 E et suivants du code général des impôts.

Il a donc considéré que, compte tenu de la différence entre la valeur du compte courant comptabilisée à la clôture de l'exercice et la capacité de remboursement de la société après déduction de la valeur des biens affectée de l'abattement de 30 %, les comptes courants seraient indisponibles.

Il a relevé que l'administration se contentait de soutenir, au vu de la valeur des actifs bruts et des loyers, que les sociétés ont un résultat bénéficiaire et que leurs difficultés ne sont pas avérées sans toutefois contester aucun des chiffres et calculs précités et sans proposer aucun calcul de nature à remettre en cause le bien fondé du raisonnement des époux.

Il a dès lors estimé que ceux-ci avaient bien rapporté la preuve que la valeur de recouvrement de leurs comptes courants était nulle.

Aux termes de ses écritures précitées, le Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 3] rappelle que l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes taxables et que cet impôt est assis et ses bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès sauf disposition contraire.

Il rappelle également que les comptes courants d'associé s'analysent en une créance des associés titulaires de ces comptes sur une société et que si, comme en l'espèce, ils ne sont pas bloqués, ils relèvent, en matière d'évaluation, des dispositions de l'article 758 du code général des impôts, leur valeur étant déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties.

Il admet qu'en présence d'entreprises en difficulté, «'c'est-à-dire d'entreprises ayant subi chroniquement des déficits traduisant une situation particulièrement obérée et dont les perspectives d'avenir sont compromises'», la doctrine administrative prévoit qu'il appartient au redevable d'évaluer le compte courant à la valeur pour laquelle il peut être recouvré compte tenu de la situation financière de la société ce que confirme la Cour de cassation.

Il soutient, toutefois, se prévalant d'arrêts, que la valeur déclarée d'un compte courant doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance au 1er janvier de chaque année, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société et non des seuls éléments comptables inscrits dans des déclarations fiscales, la situation financière de la société incluant la valeur de ses actifs immobiliers.

Il souligne que les possibilités de recouvrement par l'associé des sommes inscrites à son compte au regard des difficultés financières de la société doivent tenir compte de la valeur des actifs immobiliers, la Cour de cassation retenant ainsi une conception large conduisant à apprécier les possibilités de recouvrement en prenant en considération non seulement des liquidités disponibles mais également des actifs qui ne sont réalisables que par une cession.

Il reproche au tribunal d'avoir adopté un autre raisonnement en s'appuyant uniquement sur les loyers encaissés et les charges réelles payées pour affirmer que les comptes courants litigieux étaient indisponibles.

Il en infère que, dans la mesure où il ne prend en compte ni les actifs immobilisés de la société ni la situation économique de cette dernière sur le long terme, sa décision n'est pas justifiée au regard des développements ci-dessus, l'impossibilité de recouvrement par les époux des sommes inscrites à leurs comptes n'étant pas établie.

Il soutient que le seul fait que les comptes sociaux révèlent une situation nette comptable négative ne suffit pas à caractériser des difficultés économiques lourdes justifiant une décote de la valeur de la créance et souligne que les sociétés ne sont ni en situation « liquidative » ni même en cessation de paiement, dégageant même un bénéfice à partir des résultats clos au 31 décembre 2012.

Il soutient également que le raisonnement opéré en termes de trésorerie n'est pas recevable s'agissant d'une simple analyse bilantielle alors qu'il s'agit en l'espèce de valoriser une créance et de déterminer sa probabilité de recouvrement eu égard à la situation économique et financière.

Il fait valoir que les sociétés disposent respectivement d'un actif brut comptable de 452 550 euros et 465 500 euros représentatifs d'immeubles affectés à la location de chambres générant un chiffre d'affaires de 36 000 euros et de 38 000 euros sur la période des années 2010 à 2013.

Il en conclut que les difficultés économiques des sociétés ne sont pas avérées.

Il ajoute qu'elles n'ont plus, à compter de l'exercice clos au 31 décembre 2010, que pour seuls créanciers, deux actionnaires, soit les époux.

Il relève enfin qu'au titre de l'année 2013, la valeur nominale des créances litigieuses diminue.

Il conclut donc que les perspectives d'avenir ne sont pas compromises et que les rectifications sont justifiées.

************************

Considérant qu'aux termes de l'article 885 E du code général des impôts, CGI, applicable en l'espèce, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes taxables, cet impôt étant assis et ses bases d'imposition étant déclarées selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès sauf disposition contraire';

Considérant que les comptes courants d'associé s'analysent en une créance des associés titulaires de ces comptes sur une société'; que s'ils ne sont pas, comme en l'espèce, bloqués, ils relèvent, en matière d'évaluation, des dispositions de l'article 758 du CGI';

Considérant que cette valeur doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance au 1er janvier de chaque année, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans des déclarations fiscales'; que la situation financière de la société inclut la valeur de ses actifs immobiliers';

Considérant, ainsi, que les possibilités de recouvrement par l'associé des sommes inscrites à son compte au regard des difficultés financières de la société doivent tenir compte de la valeur des actifs immobiliers de celle-ci'; que doivent donc être prises en considération non seulement les liquidités disponibles mais également les actifs qui ne sont réalisables que par une cession';

Considérant que la société [F] Patrimoine a acquis, le 28 décembre 2001, en état futur d'achèvement, sept chambres dans un ensemble immobilier situé à [Localité 1] (19) pour un prix de 488 925 euros, hors frais d'acte et d'aménagement'; que ces chambres sont affectées à l'usage de chambres médicalisées pour recevoir des personnes âgées dépendantes selon un bail commercial';

Considérant que la société [F] 2 Patrimoine a acquis, le 30 septembre 2002, en état futur d'achèvement, sept chambres dans un ensemble immobilier situé à [Localité 2] (13) pour un prix de 358 800 euros, hors frais d'acte et d'aménagement'; que ces chambres sont affectées à l'usage de chambres médicalisées pour recevoir des personnes âgées dépendantes selon un bail commercial';

Considérant que, comme l'a relevé le tribunal, la capacité financière de chaque société compte tenu des loyers encaissés et des charges réelles payées, abstraction faite de la dotation aux amortissements, est sur la période de 4 ans, de 2010 à 2013, de 108 289 euros pour la société [F] Patrimoine et de 107 387 euros pour la société [F] 2 Patrimoine';

Mais considérant que doivent être pris en compte pour apprécier la valeur des comptes courants non seulement les loyers perçus et les charges payées mais encore la situation économique de la société et ses actifs au jour de l'exigibilité de l'impôt';

Considérant que la situation des sociétés leur a permis de dégager un bénéfice, en hausse, chaque année à partir des résultats clos le 31 décembre 2011 inclus'; qu'elles n'étaient pas en situation de dépôt de bilan'; qu'aucune difficulté économique lourde n'est avérée';

Considérant que la valeur des biens de chacune ces sociétés a été estimée, le 29 février 2012, à la somme de 450 000 euros selon la moyenne de quatre méthodes'; que, même en prenant en compte un abattement de 30 % en raison de l'existence d'un bail commercial avec droit au renouvellement, cet actif est important';

Considérant, en conséquence, que ni la situation économique des sociétés ni la valeur de leurs actifs ne justifient que le compte courant détenu par les époux soit affecté d'une décote';

Considérant que les rectifications effectuées par l'Administration sont donc fondées';

Considérant que le jugement sera, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions';

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau de ses chefs':

Rejette les demandes de M. et Mme [F],

Dit que les rectifications effectuées par l'administration en matière d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2011, 2012 et 2013 sont fondées,

Condamne M. et Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 17/04687
Date de la décision : 25/01/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°17/04687 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-25;17.04687 ?
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