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11/12/2018 | FRANCE | N°18/05058

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 11 décembre 2018, 18/05058


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 4AE





13e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 11 DECEMBRE 2018





N° RG 18/05058 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SQXI





AFFAIRE :





SAS C.R.E.A.M prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège








C/





SELARL C.X... mission conduite par Maître Christophe X.

.. ,ès qualités de mandataire judiciaire de la société CREAM


...








Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 13 Juillet 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE


N° chambre : 0


N° Section : 0


N° RG : 2018J630





Expéditions exécutoires


Expéditions...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AE

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 DECEMBRE 2018

N° RG 18/05058 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SQXI

AFFAIRE :

SAS C.R.E.A.M prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

SELARL C.X... mission conduite par Maître Christophe X... ,ès qualités de mandataire judiciaire de la société CREAM

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 13 Juillet 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 0

N° Section : 0

N° RG : 2018J630

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11.12.18

à :

Me Fabrice G...

Me Martine A... VERSAILLES,

TC NANTERRE,

M.P

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SAS C.R.E.A.M prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Maître Fabrice G... de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003915 et par Maître Stéphane Y... de l'AARPI ADVOCACY4, avocat plaidante au barreau de PARIS, vestiaire : P0418

APPELANTE

****************

- SELARL C.X... mission conduite par Maître Christophe X..., ès qualités de mandataire judiciaire de la société CREAM

[...]

- SELARL FHB prise en la personne de Maître Hélène Z..., administrateur judiciaire, ès qualités d'administrateur judiciaire de

la société CREAM

[...]

Représentées par Maître Martine A... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1860231 - et par Maître François B... de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : L0099

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL

[...]

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Novembre 2018, Madame Delphine BONNET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie I..., Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 04 septembre 2018 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.

La SAS C.R.E.A.M. est une société holding, au capital social de 1 000 euros, qui détient directement ou indirectement des participations au sein de plusieurs sociétés qui exploitent des fonds de commerce de restaurant, bar ou boîte de nuit à Paris.

Elle est présidée par M. Guillaume J... ; depuis le 14 mai 2018, Mme Christine J... exerce les fonctions de directeur général.

Sur requête du ministère public, par jugement du 25 janvier 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné une enquête sur la situation financière, économique et sociale de la société et nommé pour assister le juge-commis la Selarl C. X..., prise en la personne de maître Christophe X... .

Le 2 mars 2018, à la suite du transfert de son siège social, précédemment sis à Puteaux (92), la société C.R.E.A.M. a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris puis radiée du registre du commerce et des sociétés de Nanterre.

Par jugement contradictoire du 13 juillet 2018, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Nanterre a notamment :

- débouté la société C.R.E.A.M. de sa demande de renvoi devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile,

- ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard,

- fixé au 28 mars 2018 la date de cessation des paiements compte tenu de la date de réception de l'avis de mise en recouvrement du service des impôts des entreprises de Nanterre établi le 13 mars 2018,

- désigné la Selarl FHB, prise en la personne de Maître Hélène Z..., en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'administrer seule la société,

- désigné la Selarl C. X..., prise en la personne de Maître Christophe X... , en qualité de mandataire judiciaire,

- dit que les dépens seraient employés en frais de procédure.

La société C.R.E.A.M. a interjeté appel de ce jugement le 16 juillet 2018. Elle a sollicité la suspension de l'exécution provisoire, demande dont elle a été déboutée par ordonnance de référé du 20 septembre 2018.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 novembre 2018, elle demande à la cour de :

à titre principal :

- dire et juger que l'article 47 du code de procédure civile est applicable au cas d'espèce,

en conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de renvoi devant une autre juridiction d'un ressort limitrophe,

et statuant de nouveau,

- renvoyer l'affaire devant toute juridiction d'un ressort limitrophe qui lui plaira,

- rejeter l'ensemble des demandes des intimées,

à titre subsidiaire, si la cour jugeait l'article 47 du code de procédure civile inapplicable:

- dire et juger qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements,

en conséquence,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard,

et statuant de nouveau,

- débouter le ministère public de sa requête aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et subsidiairement d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre,

- dire n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à son encontre,

- rejeter l'ensemble des demandes des intimées.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 novembre 2018, la Selarl FHB, prise en la personne de maître Z..., ès qualités, et la Selarl C. X..., prise en la personne de maître X..., ès qualités, demandent à la cour de:

- juger que la société C.R.E.A.M. n'est pas en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible,

- juger qu'elle se trouve en état de cessation des paiements,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- réserver les dépens en frais de la procédure collective.

Dans son avis communiqué par RPVA le 4 septembre 2018, le ministère public recommande la confirmation du jugement entrepris, sauf à ce que l'appelante rapporte la preuve de l'absence d'un état de cessation des paiements.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2018.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1 ) sur la demande de renvoi devant une juridiction limitrophe

La société C.R.E.A.M. expose que Mme J... qui a exercé des fonctions de mandataire judiciaire dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre de 1991 à 2014 a été désignée directeur général de la société le 14 mai 2018, de sorte qu'en application de l'article 47 du code de procédure civile l'affaire doit être renvoyée à une juridiction située dans un ressort limitrophe. L'appelante ajoute que le fait que maître J... n'exerce plus ses fonctions de mandataire judiciaire auprès du tribunal de commerce de Nanterre ne saurait justifier un refus de renvoi devant une autre juridiction faisant valoir qu'être entendue par ses anciens confrères dans le cadre d'une procédure collective visant une société dont elle est dirigeante place maître J... dans une position extrêmement inconfortable, situation parfaitement incompatible avec les objectifs de l'article 47, ce qu'a d'ailleurs considéré ce même tribunal dans son jugement du 13 juin 2018.

En réponse, les intimées relèvent qu'à la date de la requête introduisant l'instance déposée par le ministère public, le 15 décembre 2017, Mme J... qui n'avait pas encore été désignée en qualité de représentante légale de la société C.R.E.A.M., n'exerçait plus ses fonctions de mandataire judiciaire devant le tribunal de commerce de Nanterre depuis plusieurs années, de sorte que l'article 47 du code de procédure civile ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.

Selon l'article 47 du code de procédure civile lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions.

Le demandeur au bénéfice de l'article 47 doit établir que son activité professionnelle est effective à la date de présentation de la demande de renvoi.

Mme J... qui a été désignée directrice générale de la société C.R.E.A.M. le 14 mai 2018, soit après la requête du ministère public, demande vainement le renvoi de l'affaire devant une juridiction limitrophe puisque les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ne trouvent pas à s'appliquer dès lors qu'elle a cessé les fonctions de mandataire judiciaire précédemment exercées de 1991 à 2014 dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la société Beach House de sa demande de renvoi devant le tribunal de commerce de Paris, peu important le fait que le même jour, mais dans une composition différente, le tribunal de commerce de Nanterre a pris une décision inverse concernant une société également gérée par Mme J... et a fait droit à sa demande de renvoi.

2 ) sur l'état de cessation des paiements

La société C.R.E.A.M. rappelle que l'état de cessation des paiements qui doit être caractérisé pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire s'apprécie au jour où la juridiction statue ; elle prétend qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements dès lors que son actif disponible est supérieur à son passif exigible.

Elle affirme en effet que son passif exigible au jour où la cour statue, soit au 12 novembre 2018, s'élève à la somme totale de 59 363,74 euros compte tenu des moratoires obtenus ou des créances qui font l'objet de contestations sérieuses, ou tout au plus s'élèverait à la somme de 77 547,46 euros alors que son actif disponible s'élève à 136 000 euros, montant versé au compte Carpa de son conseil. En réponse aux moyens développés par les intimées, elle rappelle que constitue une réserve de crédit de nature à entrer dans l'actif disponible du débiteur un apport en compte courant réalisé par un associé sous la condition suspensive de l'infirmation du jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Elle ajoute qu'elle est une société holding, qu'elle n'a donc aucune activité propre et aucune charge fixe, ou salarié qui nécessitent un besoin en fond de roulement, et que les sommes apportées par M. J... en sa qualité d'associé vont lui permettre de retrouver un équilibre financier à court terme et ne peuvent être qualifiées de réserves de crédit anormales.

Les organes de la procédure, après avoir détaillé les différentes créances déclarées au passif, prétendent que la société C.R.E.A.M. n'est pas en mesure de faire face à son passif exigible qui s'élève à la somme de 263 121,02 euros (ou subsidiairement de 228 537,14 euros) au jour où la cour statue. Ils soutiennent en effet que la société appelante ne justifie d'aucun actif disponible estimant que la somme de 136 000 euros portée au crédit du compte Carpa ouvert au nom du cabinet d'avocat Advocacy4 ne peut constituer une réserve de crédit disponible au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce faute de démonstration de la disponibilité des fonds et de son caractère irrévocable. Ils prétendent qu'en toute hypothèse,

cet apport du dirigeant constitue un mode de financement anormal de l'entreprise en difficulté visant à supporter son activité déficitaire, dont il ne saurait être tenu compte. Ils affirment qu'en effet la société C.R.E.A.M. a tenté de masquer cet état de cessation des paiements manifeste par des modes de financements anormaux puisque les apports successifs et paiements par subrogation n'ont eu d'autre objet que de masquer une situation définitivement obérée.

L'article L.631-1 du code de commerce dispose que le redressement judiciaire est ouvert à tout débiteur mentionné aux articles L. 621-2 ou L.631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements.

La cour doit rechercher si le débiteur se trouve en état de cessation des paiements au jour où elle statue.

Il convient d'examiner successivement les différentes créances composant le passif exigible au 12 novembre 2018 selon le récapitulatif figurant pages 19 et 20 des conclusions du mandataire judiciaire.

- sur la créance déclarée par Olivier C...

La société Olivier C... Distribution a déclaré au passif une créance d'un montant de 17.066,56 euros au titre de factures impayées exigibles depuis le mois de juin 2018.

La société C.R.E.A.M. soutient qu'il s'agit d'une erreur d'affectation de factures par le fournisseur qui concernaient une autre société du groupe, la société B2C group.

L'appelante produit des factures rectifiées établies par la société Olilvier C... Distribution qui correspondent bien à celles jointes à la déclaration de créance adressée au mandataire judiciaire et qui étaient émises au nom de Club Vendôme et portant sur des boissons. Cette créance ne sera donc pas prise en compte.

- sur la créance déclarée par Ricard

La société Ricard a déclaré au passif de la société une créance d'un montant de 1 760,16 euros (703.30 euros + 1.056,86 euros).

La société C.R.E.A.M. soutient que cette créance a également été déclarée à tort par la société Ricard puisqu'il ressort des pièces fournies que les factures litigieuses concernent la société Chez moune.

Les factures jointes à la déclaration de créance émises en septembre, octobre et novembre 2017 sont libellées au nom de la société C.R.E.A.M.. L'appelante ne justifie pas les avoir contestées lors de leur réception pas plus qu'elle ne démontre que le créancier en ait rectifié le libellé. Il s'agit d'une créance certaine et exigible.

- sur la créance déclarée par France Boisson à hauteur de 10 132,58 euros : la société ne conteste pas son exigibilité.

- Urssaf - moratoire : 40 160,60 euros

La société C.R.E.A.M. a obtenu un moratoire le 21 février 2018 concernant la période du 1er trimestre 2014 à décembre 2017. Il est spécifié que cet accord sera maintenu à condition de respecter les échéances et de payer à bonne date les cotisations à venir.

Il n'est pas contesté par la société C.R.E.A.M. qu'elle ne s'est pas acquittée des cotisations courantes dues aux mois d'avril, mai et juin 2018 pour un total de 8 919 euros, exigibles avant le jugement d'ouverture, en sorte que les dettes comprises dans le moratoire sont devenues exigibles avant le jugement d'ouverture.

- Urssaf - dettes courantes 8 919,00 euros : la société ne conteste pas l'exigibilité de cette créance.

- Humanis Agirc : 6 057,64 euros

La société C.R.E.A.M. prétend que cette créance a fait l'objet d'un moratoire ce qui est contesté par le mandataire judiciaire.

L'appelante verse aux débats un échéancier de paiement établi par Humanis le 15 mars 2018 tant pour les cotisations Argirc que les cotisations Arrco (pièce n°5) et justifie avoir réglé deux échéances. En l'état, le caractère exigible de cette créance n'est pas avéré. Il convient donc de retenir le montant subsidiaire retenu par le mandataire liquidateur soit 2 702,36 euros, dont le caractère exigible n'est pas contesté par la société C.R.E.A.M..

- Humanis Arcco : 10 517,48 euros : la société ne conteste pas l'exigibilité de cette créance.

- Valois Group : 80 000,00 euros (non déclarée)

Le mandataire judiciaire prétend que la société C.R.E.A.M. est débitrice d'un compte-courant d'associé de 80.000 euros envers sa société mère, Valois Group, qui a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 17 mai 2018 du tribunal de commerce de Paris. Il soutient que l'ouverture de cette procédure collective a rendue exigible la créance de la société mère sur sa filiale.

La société C.R.E.A.M. soutient que la société Valois Group ne détient pas de créance à son encontre, ce qui résulte de l'absence de déclaration par le liquidateur judiciaire de la société Valois Group mais qu'au contraire c'est elle qui est créancière de la société Valois Group.

Aucune déclaration de créance n'a été faite par le liquidateur judiciaire de la société Valois Group au passif de la société C.R.E.A.M.. Dès lors que l'associé n'a pas demandé le remboursement du compte courant d'associé, celui-ci ne peut être considéré comme exigible.

- Trésor Public - IS 2015/2016 : 28 507,00 euros

L'administration fiscale a déclaré au passif la somme de 28 507 euros au titre l'impôt sur les sociétés 2015 et 2016 à titre définitif échu.

La société C.R.E.A.M. prétend que cette créance a fait l'objet d'une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement de sorte qu'elle n'est pas exigible en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Les organes de la procédure répondent que cette dette ne fait pas l'objet de recours contrairement aux dettes de TVA déclarées par le trésor public.

Selon l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes.

L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent.

Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret (4 500 euros), le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés.

Dans sa déclaration de créance régularisée du 6 août 2018, l'administration fiscale, contrairement aux autres créances déclarées au titre de la TVA et de l'IS 2013-2014, indique que cette somme de 28 507 euros au titre l'impôt sur les sociétés 2015 et 2016 ne fait pas l'objet de recours contrairement aux autres dettes.

Or, dans son courrier de réclamation adressé le 20 juin 2018 au directeur des finances publiques de Nanterre, la société C.R.E.A.M. a contesté un avis de mise en recouvrement d'un montant de 248905 euros, faisant suite à une proposition de rectification, portant tant sur la TVA et que sur l'IS au titre de la période 2015-2016 et a sollicité le bénéfice du sursis à paiement.

Tant que cette demande de sursis, qui constitue bien le sursis à paiement visé au premier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, n'a pas été rejetée par le comptable dans les formes prévues par l'article R.277-1 du même livre, l'impôt dont la société C.R.E.A.M. réclame le dégrèvement ou la réduction n'est plus exigible.

Cette somme de 28 507 euros ne peut donc être retenue dans le calcul du passif exigible

- divers 60 000,00 euros

Le mandataire judiciaire a reçu trois déclarations de créances par la société Nay Investments, M. E... et M. F... qui les ont déclarées échues. La société C.R.E.A.M. soutient qu'il s'agit de créances litigieuses et prétend à l'inverse être créancière à hauteur de 345 497,22 euros.

Ces créances ont fait l'objet d'une instance en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris, laquelle a fait l'objet d'un renvoi au fond selon ordonnance du 17 septembre 2018. En l'état ces créances litigieuses ne sont ni certaines ni exigibles.

Le passif exigible à la date du jugement d'ouverture est en conséquence évalué au minimum à la somme totale de 74 192,18 euros ; à cette date, la société C.R.E.A.M. ne justifiait d'aucun actif disponible. Ainsi, l'appelante était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et se trouvait donc bien en état de cessation des paiements.

Une somme de 136 000 euros a été versée le 12 octobre 2018, soit trois mois après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, sur le compte Carpa du conseil de l'appelante par M. J... , lequel a donné ordre irrévocable de procéder à son versement au profit de la société C.R.E.A.M. sous réserve que la cour d'appel réforme le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en date du 13 juillet 2018 de telle sorte que celle-ci redeviendrait in bonis.

Un apport en compte courant réalisé par un associé sous la condition suspensive de l'infirmation du jugement d'ouverture du redressement judiciaire peut être considéré comme une réserve de crédit.

Mais, il y a lieu de relever au cas d'espèce que maître X..., dans son premier rapport du 2 mars 2018, avait indiqué que la société ne disposait d'aucun compte bancaire et que le règlement des charges était effectué soit directement par les soins de M. J... soit par une filiale de la société C.R.E.A.M., la société Sensi, et que lors de l'audience devant le tribunal, le dirigeant s'est présenté avec un chèque de banque d'un montant de 2 805,10 euros émis par un tiers 'Frangui' destiné à procéder au paiement de l'échéance du moratoire de l'Urssaf. Ainsi, l'activité de la société C.R.E.A.M. au cours du premier semestre 2018 a été poursuivie grâce aux paiements opérés directement pour son compte soit par la société Sensi, soit par M. J... ou encore par la SCI Frangui.

L'appelante ne démontre pas que cette nouvelle avance en compte courant consentie par M. J... va lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme au seul motif qu'elle est une holding et n'a pas besoin de fond de roulement alors qu'il résulte du rapport d'enquête de maître X... que la société C.R.E.A.M. au jour du jugement d'ouverture employait deux salariés, en plus de M. J... , et que son chiffre d'affaires était constitué de la vente d'alcool à ses filiales (centrale d'achat) et d'organisation de soirées événementielles privées, étant précisé qu'elle ne percevrait aucun dividende de ses filiales; le prévisionnel pour l'année 2018 remis à maître de X... faisait ressortir un chiffre d'affaires de 664 000 euros dont 518 400 euros au titre de l'activité privatisation événementiel et 145 600 euros au titre de l'activité de vente d'alcool, ce qui est en parfaite contradiction avec les énonciations de l'appelante relatives à son activité de holding.

En appel, l'appelante ne produit aucun document prévisionnel récent en lien avec son activité de holding et n'établit nullement ne plus avoir de charges courantes liées notamment à l'emploi des deux salariés et par suite ne pas avoir besoin de fond de roulement. Il ne peut dans ces conditions être tenu compte du versement de la somme 136 000 euros par son dirigeant, trois mois après l'ouverture du redressement judiciaire et un mois avant l'audience devant la cour, lequel constitue en réalité un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la société C.R.E.A.M. ayant pour unique objet de masquer son état de cessation de paiements et échapper ainsi à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, en sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

La décision doit encore être confirmée en ce qui concerne la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 29 mai 2018 qui n'est pas discutée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement,

Condamne la société C.R.E.A.M. aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie I..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 18/05058
Date de la décision : 11/12/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°18/05058 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-11;18.05058 ?
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