COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60A
3e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 29 NOVEMBRE 2018
No RG 17/03258
No Portalis DBV3-V-B7B-RP73
AFFAIRE :
MACIF
C/
EPIC SNCF MOBILITES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No Chambre : 4
No RG : 15/06051
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Guillaume Y... de la SCP PIRIOU METZ Y...
Me Corinna Z...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
MACIF
Centre de Gestion
[...]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Guillaume Y... de la SCP PIRIOU METZ Y..., Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - No du dossier 150331
APPELANTE
****************
EPIC SNCF MOBILITES
No SIRET : 552 049 447
[...]
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Corinna Z..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19 - No du dossier 20173397
Représentant : Me François Régis CALANDREAU de la SCP CALANDREAU, Plaidant, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 91
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Octobre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
FAITS ET PROCEDURE
Le [...], un train a percuté François A..., à hauteur de Saint Cyr l'Ecole. Cet accident a entraîné le décès de M. A....
L'enquête diligentée a conclu au suicide, M. A... s'étant jeté sous le train lors de l'arrivée de celui-ci en gare.
Cet accident a entraîné des dommages matériels et immatériels à la SNCF.
La SNCF a sollicité la réparation de son préjudice auprès de la Macif, assureur de la responsabilité civile de M. A.... La société Macif a refusé de prendre en charge le dommage.
Par acte du 25 juin 2015, la SNCF a assigné la Macif en réparation de ses préjudices devant le tribunal de grande instance de Versailles.
Par jugement du 23 mars 2017, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la Macif à payer à la SNCF la somme de la somme de 62 039,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre celle de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par acte du 25 avril 2017, la société Macif a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions signifiées le 20 juillet 2017, elle demande à la cour de :
- infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
- débouter la SNCF de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la SNCF à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
Par dernières écritures du 18 septembre 2018, la SNCF demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
- condamner la Macif à lui payer les sommes de 62 039,90 euros en réparation du préjudice causé par son assuré avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 septembre 2011 et celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance,
- condamner la Macif à payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2018.
SUR QUOI, LA COUR
Le tribunal a retenu que l'acte de M. A... ne constituait pas une faute intentionnelle justifiant le refus de la garantie de la Macif et que rien ne permettait de considérer que M. A... avait eu conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, de sorte que la garantie de son assureur n'avait pas perdu tout caractère aléatoire. Les premiers juges ont par ailleurs retenu que dés lors que la clause d'exclusion de garantie figurant dans la police d'assurance ne se référait pas à des circonstances définies avec précision de nature à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie, elle ne pouvait être tenue pour formelle et limitée, au sens de l'article L.113-1 du code des assurances et ne pouvait recevoir application.
La Macif fait valoir qu'en l'état des dernières décisions rendues par la Cour de cassation, il y a lieu de distinguer la faute intentionnelle de la faute dolosive, la première supposant la volonté chez l'assuré de causer le dommage tel qu'il est survenu tandis que la seconde a pour conséquence de supprimer l'élément aléatoire qui conditionne la garantie de l'assureur, distinction que l'appelante reproche au tribunal d'avoir méconnue.
L'appelante soutient que même si M. A... n'avait manifestement pas pour intention première de créer un dommage à la SNCF, il ne pouvait ignorer le caractère transgressif de son comportement - du fait de l'interdiction de circuler sur les voies - et avait la certitude du dommage causé à la SNCF. Son acte volontaire rendait l'accident et ses conséquences dommageables inéluctables, faisant disparaître tout caractère aléatoire au risque garanti.
L'appelante soutient par ailleurs que l'exclusion contractuelle de garantie pour les "dommages intentionnellement causés ou provoqués par l'assuré ou avec sa complicité" est formelle et limitée et doit recevoir application.
La SNCF réplique qu'il n'y a faute intentionnelle ou dolosive, au sens de l'article L 131-1 du code des assurances que si l'assuré a voulu non seulement l'action génératrice du dommage (action ou omission) mais encore la réalisation du dommage. Or, en mettant fin à ses jours, M. A... a manifesté la volonté de se causer un dommage irréversible mais non de causer délibérément un dommage à la SNCF.
La SNCF soutient que la jurisprudence assimile les deux notions de faute intentionnelle et dolosive et exige la réunion des deux conditions, soit la volonté de créer le risque mais aussi celle de causer le dommage tel qu'il est survenu, l'arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 2013 cité par l'appelante étant isolé, des décisions postérieures n'ayant clairement retenu l'exclusion légale de l'article L113-1 alinéa 2 que lorsque l'assuré avait recherché le dommage tel qu'il était survenu.
La SNCF fait par ailleurs valoir que l'exclusion générale de garantie invoquée par l'assureur n'est ni formelle ni limitée et ne répond pas aux exigences de l'article L113-1 du code des assurances.
* * *
- Sur la garantie de la société Macif
Aux termes de l'article L113-1 alinéa 2 du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
Il est de principe que la faute intentionnelle au sens de l'article précité implique la volonté de causer le dommage tel qu'il est survenu.
Il est constant qu'en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l'intention de M. A... était de mettre fin à ses jours et non de créer un dommage à la SNCF tel qu'il est survenu. Dés lors que M. A... n'a pas volontairement créé le dommage tel qu'il est survenu et que celui-ci n'a pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de sa part, la discussion relative au caractère alternatif ou cumulatif des fautes intentionnelle et frauduleuse est inopérante.
Par application de l'article L113-1 alinéa 1er du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
L'article 35 des conditions générales du contrat d'assurance conclu entre la Macif et M. A... exclut de la garantie les "dommages intentionnellement causés ou provoqués par l'assuré ou avec sa complicité".
Les développements que consacre la société Macif aux notions que recouvrent les verbes " causer" et "provoquer" sont sans pertinence dés lors que la clause invoquée ne se réfère pas à des circonstances définies avec précision permettant à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie. Elle ne peut dés lors être tenue pour formelle et limitée. En toute hypothèse, l'acception du terme intentionnel à ce titre ne peut être différente de celle qui doit être donnée à l'alinéa 2 de l'article L113-1 précité.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré la société Macif tenue de garantir la SNCF des préjudices subis.
- Sur les préjudices
Le tribunal a observé qu'avant que la société Macif ne refuse sa garantie, les parties avaient évalué d'un commun accord les préjudices à la somme de 62 039,90 euros, en se référant au "protocole d'évaluation des dommages consécutifs à des accidents causés par des tiers aux biens ferroviaires" conclu le 1er juillet 2005 entre la SNCF d'une part et la Fédération française des sociétés d'assurances et le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances d'autre part.
Cette évaluation n'est pas remise en cause par les parties, la société Macif n'y consacrant aucun développement et la SNCF demandant son entérinement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Macif à payer à la SNCF la somme de 62 039,90 euros et le sera également s'agissant des dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.
En remboursement de ses frais irrépétibles d'appel, la SNCF est fondée à demander l'allocation de la somme de 2500 euros.
La société Macif, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Macif à payer à l'EPIC SNCF Mobilités la somme de 2500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Macif aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,