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29/11/2018 | FRANCE | N°17/02074

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 novembre 2018, 17/02074


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 50D


3e chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 29 NOVEMBRE 2018


No RG 17/02074


No Portalis DBV3-V-B7B-RMHM


AFFAIRE :


SCI ELISABETHS


C/


SARL M...-Y... ASSURANCES
...






Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre : 2
No RG : 14/03301




Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrÃ

©es le :




à :
Me Christophe Z...
Me Martine A... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES




RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 50D

3e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 29 NOVEMBRE 2018

No RG 17/02074

No Portalis DBV3-V-B7B-RMHM

AFFAIRE :

SCI ELISABETHS

C/

SARL M...-Y... ASSURANCES
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre : 2
No RG : 14/03301

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :

à :
Me Christophe Z...
Me Martine A... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SCI ELISABETHS
No SIRET : D 418 142 915
[...]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe Z..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - No du dossier 17255
Représentant : Me Danielle POINTU de la SCP CAVALLINI POINTU ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0447

APPELANTE

****************1/ SARL M...-Y... ASSURANCES
RCS no 518 863 527
[...]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SARL ZAISAN
RCS no 483 599 684
[...]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Martine A... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1757501
Représentant : Me Manuel FURET de la SELARL CLF, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Octobre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
FAITS ET PROCÉDURE

Par acte notarié du 19 mai 2011, la société 214 Jean B... a acquis de la société Elisabeths un local commercial sis [...] , pour un prix de 420 000 euros. Il était mentionné à l'acte une superficie entrant dans le champ d'application de la loi dite Carrez, de 106,21 m² selon certificat de mesurage de la société Zaisan du 19 septembre 2007 annexé à l'acte.

Ces locaux étaient loués depuis le 27 mars 2008 à la société Conseil et Investissement Immobilier, agence immobilière sous l'enseigne ERA, dont les associés et le gérant sont les mêmes que ceux de l'acquéreur, la société 214 Jean B....

Le 6 février 2012, la société 214 Jean B... faisait réaliser un mesurage révélant une superficie de 91,23 m² soit une différence de 14,1 % par rapport à celle mentionnée dans l'acte de vente.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mars 2012, la société 214 Jean B... mettait en demeure la société Elisabeths de lui payer une somme de 59 220 euros représentant 14,1 % du prix de vente.

Le 10 mai 2012, la société 214 Jean B... a assigné la société Elisabeths devant le tribunal de grande instance de Nanterre en diminution du prix de vente.

Par ordonnance du 16 avril 2013, le juge de la mise en état a ordonné une mesure de consultation afin de procéder au métrage du bien litigieux, confiée à M. C....

Les 20 et 21 octobre 2013, la société Elisabeths a appelé en garantie la société Zaisan et M. F... , agent général de la société Axa, assureur de celle-ci.

Par jugement du 8 septembre 2016, le tribunal a :

• déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. F...,

• condamné la société Elisabeths à payer à la société 214 Jean B..., la somme de 63 705,87 euros, à titre de restitution d'une partie du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

• condamné la société Zaisan à payer à la société 214 Jean B... la somme de 4 893 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

• condamné la société Zaisan à payer à la société Elisabeths la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

• condamné la société Elisabeths et la société Zaisan à payer chacune à la société 214 Jean B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

• condamné la société Elisabeths et la société Zaisan chacune pour moitié aux dépens, en ce compris les frais de consultation judiciaire,

• ordonné l'exécution provisoire,

• rejeté les autres demandes.

Par acte du 13 mars 2017, la société Elisabeths a interjeté appel et, aux termes de conclusions du 20 septembre 2018, demande à la cour de :

• constater que la société Zaisan a contrevenu à ses obligations professionnelles de diagnostiqueur concernant l'application de la loi Carrez pour ce qui est du mesurage de la superficie des locaux et qu'elle a failli à son obligation de résultat,

• dire que sa responsabilité est engagée vis-à-vis de la société Elisabeths,

• infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle ne démontrait pas qu'elle aurait été en mesure de vendre le bien litigieux au même prix si le métrage avait été exact,

• constater que le prix de vente du local commercial ne dépendait pas d'un prix au m² mais d'une rentabilité commerciale,

• constater qu'elle avait une offre d'achat à un prix supérieur de la société E...,

• constater que le relevé des ventes des locaux commerciaux établi en 2010 et 2011 établi par la chambre interdépartementale des notaires de Paris Ile de France sur [...] montre un prix au m² supérieur à celui vendu,

• constater que par la faute de la société Zaisan elle a subi une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre,

• condamner en conséquence la société Zaisan à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 73 705,87 euros correspondant à la somme de 63 705,87 euros au titre de sa perte de chance de vendre les locaux au prix de 420 000 euros et à 10 000 euros pour son préjudice moral pour le désagrément d'avoir à restituer une partie du prix et pour les tracas dus à la procédure engagée depuis 2012,

• dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement du 8 septembre 2016,

• condamner la société Zaisan en outre à payer la somme de 1 392 euros au titre des frais de consultation judiciaire ainsi qu'aux dépens engagés par la société 214 Jean B...,

• constater que la société Zaisan est assurée auprès de la société Axa au titre de la police d'assurance responsabilité civile Diagmanter pour la certification de surface (loi Carrez),

• dire que la société Axa représentée par son agent général M. F... et aujourd'hui par la société M... Y... relèvera et garantira son assurée, la société Zaisan, de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

• condamner la société Zaisan et M. F... représentant d'Axa et aujourd'hui la société M... Y... à 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

• condamner solidairement la société Zaisan et la société Axa représentée par M. F... aujourd'hui par la société M... Y... aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 21 septembre 2018, M. F... représentant d'Axa et la société Zaisan demandent à la cour de :

• réformer la décision entreprise en ce qu'elle a accueilli l'action en responsabilité contractuelle de la société Elisabeths à l'encontre de la société Zaisan,

• juger que la société Elisabeths ne justifie d'aucun préjudice indemnisable ni d'une perte de chance établie de vendre le bien au prix de 420 000 euros en dépit de la superficie moindre,

• débouter la société Elisabeths de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,

• confirmer pour le surplus, notamment en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes à l'encontre de M. F..., agent général Axa, pour défaut de qualité à défendre,

• à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à retenir l'existence d'une perte de chance de vendre le bien au prix de 420 000 euros en dépit de la superficie moindre :

• dire que la perte de chance ne saurait être indemnisée sur la base de la part de prix de vente restituée,

• confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à la société Elisabeths la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance,

• confirmer pour le surplus, notamment en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes à l'encontre de M. F..., agent général Axa, pour défaut de qualité à défendre,

• en tout état de cause : débouter la société Elisabeths de sa demande en paiement de l'intégralité des dépens engagés par la société 214 Jean B...,

• condamner la société Elisabeths à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais d'expertise.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2018.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a retenu pour l'essentiel que :

• la société 214 Jean B... et la société Elisabeths sollicitent la garantie de la société Axa en sa qualité d'assureur de la société Zaisan alors que l'assignation en intervention forcée délivrée par la société Elisabeths n'est pas dirigée contre la société Axa mais contre "M. Marc F..., pris en sa qualité d'agent général de la société Axa ASSURANCES ", qu'aucun élément du dossier n'établit que ce dernier serait investi d'un mandat de représenter la société Axa en justice, étant relevé que l'attestation d'assurance de la société Zaisan du 19 janvier 2007 est rédigée au nom de société Axa en sorte que les demandes à l'encontre de M. Y... sont irrecevables,

• la société Elisabeths ne conteste pas la diminution de prix à hauteur de 63 705,87 euros, qu'elle sera condamnée à payer à la société 214 Jean B..., avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

• il ne résulte pas des dispositions de l'article 46 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la diminution du prix puisse être étendue à d'autres frais ; les demandes de la société 214 Jean B... au titre de frais d'acte, de publication, de taxes et de droits d'enregistrement seront donc rejetées,

• la société Elisabeths n'établit pas que la société 214 Jean B... ait commis une faute et sa demande de dommages et intérêts sera rejetée,

• il n'est pas contesté que le mesurage effectué par la société Zaisan "intégrait à tort les superficies non habitables à déduire", mais la restitution d'une partie du prix de vente n'ayant pas un caractère indemnitaire, la société Zaisan ne peut être condamnée à son paiement. Toutefois, elle sera condamnée à payer à la société 214 Jean B... le montant du supplément de frais d'acte et de droits d'enregistrement subi en raison de l'erreur de métrage, dont le montant de 4 893 euros n'est pas contesté,

• la société Elisabeths ne démontre pas qu'elle aurait été en mesure de vendre le bien litigieux au même prix si le métrage avait été exact. Cependant, compte tenu de la nature commerciale des locaux vendus, dont la rentabilité affecte le prix, et des éléments communiqués aux débats, notamment une proposition d'achat formalisée par un courrier du 22 septembre 2010, la société Elisabeths peut se prévaloir d'une perte de chance de le vendre au même prix qui doit être évaluée, eu égard à ces éléments, à la somme de 20 000 euros que la société Zaisan sera condamnée à lui payer à titre de dommages et intérêts.

La société Elisabeths fait valoir que la société Zaisan a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à son égard, que les locaux commerciaux se vendent selon la rentabilité commerciale et dépendent de l'adresse, de la localisation, de la commercialité du site, de l'activité et du contexte concurrentiel et que la perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre doit être évaluée à la somme de 63 705,87 euros car sans cette erreur de mesurage, la vente se serait faite au prix de 420 000 euros et même à 435 000 euros, compte tenu de l'offre faite en septembre 2010 par M. E... pour une surface moindre. Elle ajoute que M. F... en tant qu'agent général d'Axa n'a pas soulevé d'objection lorsqu'il a été assigné en tant que représentant d'Axa, afin de lui voir rendre communes les opérations du géomètre, que lors de la réunion d'expertise à laquelle il a été régulièrement convoqué il n'a pas écrit à l'expert pour soulever le fait qu'il ne pouvait pas participer aux opérations d'expertise et qu'en tout état de cause, à supposer comme l'a écrit le tribunal, qu'il n'est pas établi que M. F... serait investi d'un mandat de représenter la société Axa en justice, la cour fera application de la théorie du mandat apparent.

M. F..., agent général de la société Axa, et la société Zaisan font valoir qu'il n'est possible d'assigner l'agent que si celui-ci dispose d'une réelle autonomie dans les relations avec les tiers ou avec les cocontractants, et que cette autonomie s'apprécie notamment en matière de gestion des sinistres ; qu'une personne morale ne peut être assignée au lieu où elle exerce son activité par l'intermédiaire d'un mandataire, qu'en l'espèce la gestion des sinistres de ce type se fait par l'intermédiaire d'Axa France (déclaration, garantie éventuelle etc
), et nullement par M. F..., simple représentant local de la société Axa France , peu important que l'assignation ait été reçue et acceptée par lui et qu'il ait délivré une attestation d'assurance en sa qualité de mandataire, ce d'autant que celle-ci, en date du 19.01.07, est rédigée au nom de la société Axa. Ils ajoutent que s'il a reçu l'acte, c'est parce qu'il est agent général de la société Axa, ainsi habilité à recevoir l'acte, mais qu'il n'a pas qualité à défendre dans le cadre de cette procédure relative à un sinistre devant être géré par le siège d'Axa. Ils précisent qu' aucun mandat apparent ne saurait par ailleurs être retenu à l'égard de M. F... dès lors que la croyance légitime d'un mandat pour représenter Axa France en justice n'est pas établie, ce d'autant que, tel que l'indique la société Elisabeths, c'est la compagnie Axa France qui a réglé les indemnités allouées par le tribunal de grande instance de Nanterre, et non l'agent général lui-même. Ils observent que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la diminution du prix résultant de la délivrance d'une moindre mesure par rapport à la superficie convenue ne constitue pas un préjudice indemnisable, que la perte de chance de vendre le bien au même prix en dépit de la superficie moindre doit donc être certaine et que, le cas échéant, la réparation du dommage ne peut être que partielle et doit être mesurée à la chance perdue, laquelle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Ainsi ils indiquent que la société Elisabeths ne démontre pas et ne justifie pas qu'elle aurait pu vendre le bien au même prix de 420 000 euros en dépit de la moindre surface, ce qui reste très incertain.

***

Sur la recevabilité

Le mandant peut être engagé sur le fondement du mandat apparent, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Le tribunal a indiqué que l'assignation en intervention forcée délivrée par la SCI Elisabeths n'est pas dirigée contre la société Axa mais contre "Monsieur Marc F..., pris en sa qualité d'agent général de la société Axa ASSURANCES " et qu'aucun élément du dossier n'établit que ce dernier serait investi d'un mandat de représenter la société Axa en justice, observant en outre que l'attestation d'assurance de la société Zaisan du 19 janvier 2007 est rédigée au nom de société Axa.

De fait cette attestation ne prête à aucune confusion, et la société Elisabeths, dûment assistée d'un professionnel du droit, ne peut sérieusement prétendre que les circonstances l'autorisaient à penser que l'agent général d'assurance était apte à défendre en justice au nom de la société d'assurance qui l'emploie dans le cadre de la gestion d'un sinistre.

La SCI Elisabeths devait donc attraire la société Axa dans l'instance et non son agent général et ses demandes en tant que formées à l'encontre de ce dernier sont irrecevables.

Sur le fond

La décision est définitive s'agissant :

• de la condamnation de la société Elisabeths à payer à la société 214 Jean B..., la somme de 63 705,87 euros, à titre de restitution d'une partie du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
• de la condamnation de la société Zaisan à payer à la société 214 Jean B... la somme de 4 893 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
• et de la condamnation de la société Elisabeths et de la société Zaisan à payer chacune à la société 214 Jean B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La société Zaisan ne conteste pas qu'elle a commis une faute en intégrant à son mesurage des surfaces non habitables.

Il est de principe que la diminution de prix n'ouvre pas en elle-même droit à un recours en garantie du vendeur contre l'auteur du mesurage, la condamnation à restituer une partie du prix ne constituant pas un préjudice indemnisable et cette réduction n'ayant pour conséquence que de ramener le prix de vente au montant que le vendeur aurait dû normalement percevoir compte tenu de la superficie réelle du bien vendu. La société Elisabeths ne peut dès lors solliciter une indemnisation au titre de 100 % de la perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, ce qui équivaut à s'affranchir de ce principe.

Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

La différence de surface est de 14,98 m², le bien mesurant 91,23 m² et non pas 106,21 m². La société Elisabeths a restitué à l'acquéreur la somme de 63 705,87 euros.

La société Elisabeths verse aux débats un relevé des ventes immobilières de locaux d'activités de 2010 et 2011 établi par la chambre départementale des notaires révélant que sur 16 ventes sur [...], le prix moyen au m² se situe entre 4 650 et 7 400 euros.

Il en résulte que le prix demandé pour un bien ayant une superficie réelle de 91,23 m², comme celui de l'appelante, à savoir 420 000 euros, correspond à 4 603 euros le m², n'a rien d'excessif.

Si les intimées observent à raison que les prix de vente issus de ce relevé ne sont pas forcément strictement transposables au bien ici en cause, le prix de vente étant conditionné par des facteurs tels que l'emplacement géographique et certaines caractéristiques des biens, il convient d'observer qu'elles ne versent toutefois aux débats aucun élément permettant de remettre en cause l'évaluation des locaux vendus par la société Elisabeths. Par ailleurs la société 214 Jean B..., qui avait une connaissance parfaite des lieux et de leur intérêt pour son activité, puisque ses animateurs l'occupaient depuis 2008, aurait très certainement acquis ce bien au même prix si la contenance indiquée avait été exacte.

Il faut en outre rappeler qu'un tiers au litige, la société E... avait fait une offre d'achat de ce bien à 435 000 euros le 22 septembre 2010, aucun élément ne permettant de douter de l'authenticité de cette offre.

Au regard de ces éléments la somme de 20 000 euros allouée par le tribunal en réparation de la perte de chance de vendre le bien au même prix nonobstant la différence de surface est manifestement insuffisante.

La société Zaisan sera condamnée à payer à la société Elisabeths la somme de 61 000 euros.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date du jugement soit à compter du 8 septembre 2016.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Elisabeths de sa demande en réparation d'un préjudice moral. Il n'est en effet pas démontré par l'appelante qu'elle ait subi un préjudice distinct de celui réparé ci-dessus au titre de la perte de chance et de celui résultant de l'obligation d'ester en justice, qui sera indemnisé au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les frais de la consultation du 6 février 2012 qui a mis en évidence l'erreur de mesurage font partie des dépens sur lesquels il sera statué ci-après.

Le jugement sera infirmé s'agissant du sort des dépens, incluant le coût de la consultation, qui seront intégralement mis à la charge de la société Zaisan dont la faute est à l'origine de l'instance.

Cette dernière sera en outre condamnée à payer à la société Elisabeths la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 20 000 euros les dommages-intérêts dus par la société Zaisan à la société Elisabeths et partagé les dépens par moitié entre ces deux sociétés,

Le confirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Zaisan à payer à la société Elisabeths la somme de 61 000 euros à titre de dommages-intérêts qui produira intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016,

Condamne la société Zaisan aux dépens de première instance (en ce compris les frais de la consultation du 6 février 2012) et d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Zaisan à payer à la société Elisabeths la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 17/02074
Date de la décision : 29/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-29;17.02074 ?
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