COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 NOVEMBRE 2018
N° RG 17/01987 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RMAS
AFFAIRE :
SA DE
CONSTRUCTION DE LA VILLE DE LYON
C/
S.A. DEXIA CREDIT LOCAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Janvier 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 2
N° Section :
N° RG : 2013F01241
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 27/11/2018
à :
Me Martine DUPUIS,
Me Mélina PEDROLETTI,
TC NANTERRE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE LYON - S.A.C.V.L. agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757396, et par Maître Marie-pascale GRUEL-DUMENIL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat plaidant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 702
APPELANTE
****************
S.A. DEXIA CREDIT LOCAL au capital de 279.213.332 euros, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 351 804 042, représentée par son Directeur général délégué, Monsieur [O] [F], domicilié audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 351 80 4 0 422
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître Me Mélina PEDROLETTI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 24123, et par Maître Dominique LEFORT de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : R045
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2018, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
La société anonyme de construction de la ville de Lyon (SACVL) est une société d'économie mixte enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Lyon depuis le 11 juin 1954, détenue à 76% par la ville [Localité 1], qui a pour activité la construction et la gestion de logements d'habitation et de bureaux.
La société anonyme Dexia Crédit local (Dexia) est un établissement de crédit spécialisé dans les prêts au secteur public.
Courant 2007, la SACVL a souscrit auprès de la banque Dexia trois emprunts structurés.
Le premier contrat Dualis (n°MPH249481EUR,référencé n°558 par la SACVL) signé les 7 et 12 septembre 2007, qui porte sur un montant de 14 570 986,86 euros, a pour objet le refinancement d'un prêt conclu entre les parties le 18 octobre 2006.
Ce prêt est amortissable sur vingt-huit ans par échéances annuelles et assorti d'intérêts dont le calcul du taux est divisé en trois phases :
- une première phase du 1er novembre 2007 au 1er novembre 2009 exclue, au taux fixe de 3,68% l'an,
- une deuxième phase du 1er novembre 2009 au 1er novembre 2032 exclue à un taux variable en fonction de l'évolution du taux de change de l'Euro en Franc suisse (EUR/CHF) par rapport à celui de l'Euro en Dollar américain (EUR/USD), selon les modalités suivantes :
- si le cours du change EUR/CHF est supérieur ou égal au cours EUR/USD, le taux d'intérêt applicable à la période écoulée est de 3,68%,
- si le cours du change EUR/CHF est inférieur au cours EUR/USD, le taux d'intérêt applicable à la période écoulée est de 3,68% plus 30% fois la différence entre le cours du change EUR/CHF et le cours du change EUR/USD ;
- une troisième phase du 1er novembre 2032 au 1er novembre 2035 exclue à un taux indexé sur l'EURIBOR 12 mois majoré de 0,05%.
Les stipulations contractuelles prévoient également un taux effectif global (TEG) indicatif de 3,75% par an ainsi qu'une clause de remboursement anticipé contre le règlement d'une indemnité.
La hausse substantielle du Franc suisse fin 2009 a entraîné l'inversion entre les cours de change Euro/CHF et EUR/USD, activant ainsi l'application du taux d'intérêt applicable à 3,68% +30% de la différence entre ces cours.
La SACVL et la société Dexia ont alors arrêté les taux applicables aux échéances des 1er novembre 2010 (5,25%) et 2011 (7,36%) puis régularisé un 'Avenant n°1 au prêt n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR'.
Les sociétés Dexia et la SACVL ont par ailleurs conclu deux autres contrats d'une durée de 30 ans :
- un prêt Corialys + Dualis n°MIN253184EUR (référencé n°563 par la SACVL) par acte sous seing privé des 7 et 19 novembre 2007 pour un montant de 10 100 000 euros,
- un prêt Corialys + Dualis n°MIN253192EUR (référencé n°564 par la SACVL) par acte sous seing privé des 7 et 13 novembre 2007 pour un montant de 11 875 000 euros.
Après une phase de mobilisation des fonds du 7 novembre 2007 au 3 novembre 2008 assortie d'un taux d'intérêt indexé sur l'EONIA majoré de 0,15%, ces deux prêts sont amortissables par échéances annuelles et assortis d'intérêts dont le calcul du taux est divisé en trois phases :
- une première phase de la date de mise en place de la tranche d'amortissement incluse jusqu'au 3 novembre 2018 exclue à un taux fixe de 3,20% par an,
- une deuxième phase du 3 novembre 2018 incluse au 3 novembre 2028 exclue à un taux variable en fonction de l'évolution du taux de change de l'Euro en Franc suisse (EUR/CHF) par rapport à celui de l'Euro en Dollar américain (EUR/USD), selon les modalités suivantes :
- si le cours du change EUR/CHF est supérieur ou égal au cours EUR/USD, le taux d'intérêt applicable est de 3,20%,
- sinon le taux d'intérêt est de 3,20% plus 26% fois la différence entre le cours du change EUR/CHF et le cours du change EUR/USD ;
- une troisième phase du 3 novembre 2028 incluse au 3 novembre 2038 exclue à un taux fixe de 3,20%,
Les stipulations contractuelles prévoient en outre un taux effectif global (TEG) indicatif de 3,32% par an ainsi qu'une clause de remboursement anticipé contre le règlement d'une indemnité.
Par deux actes notariés distincts, intitulés 'Dépôt de pièce avec reconnaissance de signature et affectation hypothécaire' en date du 29 avril 2008, la SACVL a constitué et affecté des hypothèques et droits réels immobiliers au profit de la société Dexia en garantie du remboursement de l'intégralité des prêts n°MIN253184EUR et MIN253192EUR.
Le 1er mars 2013, la SACVL a saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir à titre principal la nullité des stipulations d'intérêt des trois contrats en y substituant l'application du taux d'intérêt légal à toute la durée des contrats, à titre subsidiaire la nullité de chacun des trois contrats, à titre plus subsidiaire la résiliation des trois contrats et le paiement de dommages et intérêts.
Selon jugement contradictoire rendu le 26 janvier 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- pris acte du désistement partiel d'instance de la SACVL à l'égard de la Caisse française de financement local (CAFIL) et de la Société de financement local (SFIL) et de l'acceptation dudit désistement par ces dernières ;
- débouté la SACVL de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des taux d'intérêt stipulés aux contrats n°558, 563 et 564 ;
- l'a déboutée de sa demande tendant à voir prononcer l'annulation de l'indexation sur devises étrangères desdits contrats ;
- l'a déboutée de sa demande tendant à voir prononcer l'annulation de ces contrats ;
- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
- l'a condamnée à payer à la Caisse française de financement local et la Société de financement local chacune la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamnée à payer à la société Dexia la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamnée aux dépens.
La SACVL a interjeté appel de ce jugement le 10 mars 2017.
Par conclusions d'incident déposées au greffe et notifiées par RPVA le 11 janvier 2018, la société Dexia a formulé une demande de sursis à statuer en attendant la publication d'une ordonnance visée à l'article 32-1 du projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale le 21 novembre 2017 et portant notamment sur les règles relatives à la mention du TEG dans les contrats.
Selon ordonnance d'incident rendue contradictoirement le 10 avril 2018 le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 juin 2018, la SACVL demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée ;
En conséquence,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
Statuant à nouveau et réformant de ces chefs le jugement dont appel,
A titre principal :
- annuler les taux d'intérêt stipulés aux contrats 558 (n°MPH249481EUR), 563 (MIN253184EUR) et 564 (MIN253192EUR) ;
- en conséquence, prononcer l'application du taux d'intérêt légal à compter du 22 juin 2012 pour le contrat n°558 (MPH249481EUR), et à compter du 29 avril 2008 pour les contrats n°563 (MIN253184EUR) et 564 (MIN253192EUR) ;
- en conséquence, prononcer le remboursement par la société Dexia à la SACVL des intérêts perçus en excès du taux d'intérêt légal ;
A titre subsidiaire :
- annuler les contrats n°558 (MPH249481EUR), 563 (MIN253184EUR) et 564 (MIN253192EUR) ;
A titre encore plus subsidiaire :
- résilier lesdits contrats ;
- en conséquence, condamner la société Dexia au remboursement d'une somme, fixée à dire d'expert, au jour du jugement (sic) à intervenir, correspondant à l'indemnisation de la perte de chance de ne pas avoir supporté des perceptions d'intérêt supérieures aux taux de marché auxquels elle aurait pu prétendre en l'absence de manquements des établissements de crédit mis en cause ;
A titre infiniment subsidiaire :
- condamner la société Dexia à lui verser la somme de 32 711 077,32 euros, à parfaire, au titre des dommages et intérêts pour les préjudices subis ;
- à défaut, condamner la société Dexia à lui verser la somme de 11 545 148,26 euros, à parfaire, au titre des dommages et intérêts pour les préjudices subis ;
En tout état de cause :
- condamner la société Dexia à lui verser la somme de 140 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 août 2018, la société Dexia demande à la cour de :
- lui donner acte de la reprise d'instance ;
- confirmer le jugement attaqué ;
- débouter la SACVL de toutes ses demandes non fondées et déclarer certaines d'entre elles irrecevables ;
- condamner la SACVL à lui payer la somme de 170 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me Pedroletti.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1- Sur la demande de nullité des taux d'intérêt stipulés aux contrats n°558, 563 et 564
Après avoir expliqué que le contrat n°558 est celui sur lequel les parties se sont accordées par téléphone le 5 juillet 2007, accord confirmé par un échange de télécopies du même jour, formalisé par un document en date du 7 septembre 2007 et modifié par un avenant consenti oralement le 22 juin 2012 et repris dans un document intitulé 'Avenant n°1 au contrat de prêt n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR', et que les contrats n°563 et 564 sont ceux sur lesquels les parties se sont accordées par téléphone le 5 novembre 2007, accords confirmés par un échange de télécopies du même jour, mis en forme selon un document intitulé 'contrat de prêt' en date du 7 novembre 2007 puis conclus par actes notariés du 29 avril 2008, la SACVL opère une distinction entre d'une part l'échange des consentement (negotium), intervenu le 5 juillet 2007 puis le 22 juin 2012 pour le premier contrat et le 5 novembre 2007 pour les deux autres, et d'autre part les documents en résultant (instrumentum). Elle conclut que s'agissant du premier contrat, elle ne conteste pas le taux effectif global communiqué en 2007 mais uniquement les manquements de 2012, le taux conventionnel devant être annulé à compter de sa modification par voie d'avenant, et que pour les deux autres contrats, les mentions relatives au taux effectif global reportées dans les actes notariés étant contraires à la loi cela emporte nullité du taux conventionnel à compter de la communication de ces actes.
Elle soutient d'abord que son action en nullité des taux d'intérêts stipulés n'est pas prescrite. Elle prétend ensuite que la banque Dexia a manqué pour chacun des trois contrats aux règles applicables en matière de taux effectif global, tirées de l'article L.313-4 du code monétaire et financier (L.313-1 et L.313-4 anciens du code de la consommation), puisque pour le contrat n°558, elle n'a pas lors du ré-aménagement communiqué le nouveau taux effectif global dans l'écrit constatant la modification du taux, à savoir la télécopie, puis a, par la suite communiqué un taux effectif global erroné dans l'écrit qui a suivi la télécopie, et que pour les contrats 563 et 564 elle a communiqué des taux effectif global erronés et omis de faire figurer aux actes authentiques l'ensemble des mentions obligatoires devant accompagner ces taux, soit la durée de la période et le taux de période. Elle affirme que la sanction de la violation de ces règles est la nullité du taux conventionnel et l'application du taux légal, étant précisé que la loi du 29 juillet 2014, dite de validation, qui est limitée aux contrats conclus par des personnes morales de droit public, n'est pas applicable au litige et que l'exécution du contrat ne suffit pas à couvrir cette nullité.
La société Dexia réplique que la SACVL entretient volontairement une confusion sur les actes qu'elle attaque et qu'elle a, dans ses conclusions d'appel, entièrement modifié la définition des contrats n°558, 563 et 564 lesquels comprennent désormais l'intégralité des actes (contrats de prêt de 2007 et télécopie les précédant, l'avenant n°1 de 2012 et les actes notariés de 2008) et demande à la cour de dire que les demandes subsidiaires de la SACVL portent sur les mêmes actes juridiques que ses demandes principales à savoir : l'avenant n°1 de juillet-août 2012, à l'exclusion du contrat de prêt 2007, et les deux actes notariés du 29 avril 2008, à l'exclusion des contrats de prêt sous seing privé de novembre 2007. Elle opère par suite une distinction dans ses demandes selon que la cour retient les contrats de 2007 ou l'avenant et les actes notariés.
Elle fait valoir pour l'essentiel que l'action en nullité des taux d'intérêt contractuels doit être rejetée lorsque comme en l'espèce il y a eu confirmation, laquelle résulte ici du paiement des intérêts sans réserve, que la télécopie précédant l'avenant n°1 ne saurait être qualifiée d'écrit constatant un contrat de prêt et qu'il y a eu réfection, que les taux effectif global ne sont pas erronés, que si les demandes en nullité concernent les contrats de septembre et novembre 2007 alors elles sont prescrites, enfin que la sanction d'une absence de taux effectif global ou d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité du taux d'intérêt contractuel et la substitution du taux légal mais le rétablissement du taux contractuel et de la marge initialement convenus et qu'en tout état de cause elle est exclue quand le taux effectif global mentionné par le prêteur est plus élevé que le taux effectif global invoqué par l'emprunteur.
Le code de la consommation dispose :
- en son article L. 313-1 : «dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels » ;
- en son article L. 313-2 : « le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section ».
Selon l'ancien article 1304, devenu 1144, du code civil applicable au présent litige, l'action en nullité du taux d'intérêt contractuel fondée sur une absence de taux effectif global ou un taux effectif global erroné se prescrit par 5 ans.
Les actions en responsabilité sont prescrites à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance et la prescription ne débute qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou
aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer étant observé que la SACVL, personne morale de droit privé, a contracté les prêts litigieux pour les besoins de son activité professionnelle.
Aux termes de ses écritures, l'action de la SACVL en nullité de la stipulation des intérêts ne vise que le ré-aménagement de 2012 pour le contrat n°MPH249481EUR, re-numéroté MPH278210EUR, et les actes authentiques du 29 avril 2008 pour les contrats MIN253184EUR et MIN253192EUR.
*Le contrat n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR
Il ressort des conclusions des parties et des pièces produites, qu'au cours des négociations sur le taux applicable à l'échéance du 1er novembre 2012, la société Dexia a adressé par télécopie à la SACVL une proposition d'avenant au contrat de prêt n°MPH249481EUR contenant notamment les stipulations suivantes :
- application aux échéances des 1er novembre 2012 et 2013 d'un taux de 6,93%,
- application aux échéances du 1er novembre 2014 au 31 octobre 2032 des modalités de calcul du taux prévues par les stipulations du contrat des 7 et 12 septembre 2007 au titre de la deuxième phase de remboursement ;
- application aux échéances du 1er novembre 2032 au 31 octobre 2035 d'un taux indexé sur l'EURIBOR 12 mois non majoré.
Le 22 juin 2012 la SACVL a accepté cette proposition et signé la télécopie datée du même jour, intitulée 'Confirmation de l'opération réalisée ce jour' que lui a adressée Dexia et qui rappelle que 'cet accord constitue un engagement irrévocable de l'emprunteur'.
Par acte sous seing signé des 30 juillet et 13 août 2012, les parties ont ensuite régularisé un 'Avenant n°1 au prêt n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR'. Outre les stipulations susmentionnées ce document réactualise le taux effectif global applicable au prêt pour le porter à 5,12% et précise qu'il n'emporte pas novation du contrat n°MPH249481EUR.
Dès lors que l'objet de l'avenant portait sur une modification du taux d'intérêt, la télécopie constatant l'accord des parties sur celui-ci, qui est le negotium, aurait dû comporter le nouveau taux effectif global.
Le non respect des dispositions des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L.313-2 du code monétaire et financier est sanctionné par la nullité relative de la stipulation d'intérêts.
La confirmation d'un acte entaché d'une nullité relative peut être effectuée. En application de l'article 1338, devenu 1182, du code civil, elle suppose à la fois la connaissance du vice affectant l'acte et l'intention de le réparer.
En l'espèce, la SACVL, qui ne pouvait pas ignorer que la télécopie ne comportait pas la mention du nouveau taux effectif global, connaissait le vice l'affectant et a néanmoins par la suite régularisé un avenant mentionnant ce taux puis payé l'échéance de 2012 démontrant ainsi sa volonté de renoncer à se prévaloir de l'omission antérieure. Le moyen tiré de l'omission du taux effectif global sera donc écarté.
La SACVL prétend également que le taux effectif global de 5,12 % communiqué dans l'avenant serait erroné en ce qu'il ne pourrait pas être reconstitué et produit à cette fin une analyse de la société Riskedge selon laquelle il serait de 5,83% au 21 juin 2012, 5,48% au 22 juin 2012 ou 4,68% au 30 juillet 2012.
Contrairement à ce que soutient la banque Dexia ce document n'est pas un negotium mais un simple instrumentum en ce qu'il a seulement mis en forme l'accord auquel les parties étaient parvenues antérieurement en y ajoutant le taux effectif global omis dans la télécopie antérieure, lequel aurait donc dû être calculé à la date de la télécopie et non, comme l'a fait Dexia, à la date de l'avenant.
La SACVL est donc fondée à prétendre que le taux effectif global indiqué dans cet acte, soit 5,12%, est erroné.
Cette nullité relative, elle, n'a été ni confirmée ni couverte par le paiement ultérieur des intérêts.
En l'état des textes relatifs au taux effectif global applicables et de la jurisprudence de la Cour de cassation, la sanction de cette erreur est la substitution à compter du 22 juin 2012 du taux légal en vigueur à cette date au taux conventionnel, étant souligné que la jurisprudence évoquée par la société Dexia est inapplicable en l'espèce dès lors que le taux effectif global est supérieur à celui qui est stipulé dans l'avenant et non l'inverse.
* Les contrats MIN253184EUR et MIN253192EUR
Ces contrats ont été conclus le 5 novembre 2007 (negotium), en suite de la signature de la télécopie en reprenant les conditions, et mis en forme par acte sous seing privé en date du 7 novembre 2007 (instrumentum).
Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la SACVL, les actes notariés du 29 avril 2008 ne sont qu'une réitération des contrats antérieurs afin qu'ils acquièrent tous les effets d'un acte authentique 'comme s'il[s] avai[en]t été établi[s] originairement en la forme notariée' (p13) et afin d'y affecter des garanties hypothécaires, sans constituer en eux mêmes de nouveaux contrats de prêt.
La SACVL prétend au soutien de la recevabilité de son action et pour contester la prescription qui lui est opposée qu'elle n'a eu connaissance du taux définitivement appliqué qu'à compter de l'acte authentique du 29 avril 2008, que celui-ci était erroné et que certaines mentions étaient manquantes. Cependant, elle indique dans ses écritures (p 20) qu'en '2007 Dexia avait déjà communiqué des TEG mathématiquement faux pour chacun des contrats n°563 et 564".
Il s'en déduit qu'à supposer que le taux effectif global soit effectivement erroné, la SACVL le savait à tout le moins depuis le 7 novembre 2007, en sorte que son action en nullité de la stipulation des intérêts engagée le 1er mars 2013 est prescrite.
Sa demande de nullité de la stipulation des intérêts au titre des contrats MIN253184EUR et MIN253192EUR est donc irrecevable.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la SACVL de sa demande de nullité de la stipulation des intérêts au titre des contrats 558 (n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR), 564 (MIN253184EUR) et 565 (MIN253192EUR) et la société Dexia condamnée à rembourser à la SACVL les intérêts perçus en excès du taux d'intérêt légal.
Dès lors qu'il a été fait droit à la demande principale au titre du contrat n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes subsidiaires le concernant.
2-Sur la demande d'annulation des contrats n°564 et 565
S'agissant des deux autres prêts, la SACVL prétend en premier lieu qu'il s'agit à titre principal de contrats complexes incorporant des produits dérivés de nature optionnelle et à titre subsidiaire de contrats complexes incorporant des instruments financiers à terme, emportant une prise de risque illimitée relevant de la spéculation, similaires à ceux qui résulteraient de la souscription de contrats financiers d'option, opérations qu'il lui est interdit de conclure et qui n'entrent pas dans son objet social ; en deuxième lieu que la nullité des contrats est encourue à raison du dol et de l'erreur qui ont vicié son consentement, Dexia lui ayant notamment caché la nature juridique des contrats et les risques en résultant et présenté les taux d'intérêt comme étant fixes, ces motifs de nullité ne pouvant être couverts par une confirmation tacite ; en troisième lieu que la nullité des contrats est encourue pour fausse cause ; enfin que ces actions ne sont pas prescrites et que la nullité implique la restitution par chacune des parties des sommes qu'elles ont perçues.
La banque Dexia répond en premier lieu que les prêts litigieux ne sont ni des instruments financiers ni des contrats spéculatifs, les prêts dits 'structurés' ne faisant pas partie des produits ou contrats figurant à l'article L.321-1 du code monétaire et financier, mais des contrats de prêt ; en deuxième lieu que toute demande nouvelle en cause d'appel concernant les contrats de 2007 doit être déclarée irrecevable ; en troisième lieu que l'action en nullité pour incapacité de la SACVL, formulée pour la première fois le 11 mars 2015, est prescrite depuis le 19 juin 2008 ; en quatrième lieu que l'objet des actes attaqués exclut toute fausse cause et subsidiairement que les actions en nullité pour fausse cause et vice du consentement sont prescrites depuis les 19 et 13 novembre 2012, l'assignation postérieure n'ayant pas pu par extension interrompre la prescription de l'action en nullité pour incapacité ; en cinquième lieu que la SACVL, qui était informée de l'existence d'un aléa sur le montant des taux d'intérêt, n'a commis aucune erreur sur la nature juridique des contrats de prêt et qu'elle même n'a commis aucun fait constitutif d'une réticence ou d'une manoeuvre dolosive.
Si les contrats de prêts litigieux comportent un aléa à savoir l'application pour la deuxième phase de remboursement d'un taux variable calculé en fonction du taux de variation de change de l'Euro en Franc Suisse, ils ne constituent pas pour autant un contrat spéculatif, ni un produit d'investissement. En effet, par la souscription de ces contrats, la SACVL n'a pas cherché à s'enrichir mais seulement à financer des investissements réalisés pour partie dans l'intérêt général à des conditions de taux d'intérêt les plus avantageuses possibles. Le caractère spéculatif d'une opération ne peut résulter de la seule exposition de la SACVL à des risques illimités.
Par ailleurs, les mêmes contrats ne constituent pas davantage des contrats d'option dans la mesure où les conditions dans lesquelles sont engagées les parties sont définitivement fixées lors de la conclusion des contrats et ne requièrent aucune manifestation de volonté de la part des parties. Ainsi, si le taux d'intérêt de la deuxième phase de remboursement n'est pas fixé au moment de la signature du contrat, le mode de calcul de ce taux variable est très précisément défini et ne comporte aucune option possible.
Les contrats de prêt, qui n'incorporent pas des contrats d'option, ne sont donc pas illicites et la SACVL, dont la liberté contractuelle n'est pas limitée, avait la capacité de les conclure.
Le délai de prescription d'une action pour fausse cause qui était de dix ans, a été ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008. Le délai qui avait commencé à courir à compter des prêts des 13 et 19 novembre 2007 a donc expiré cinq ans après la date d'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2013.
Aux termes de l'assignation délivrée le 1er mars 2013, la SACVL sollicitait à titre subsidiaire l'annulation pour fausse cause des contrats n°563 et 564 en sorte que la demande formée pour la première fois le 11 mars 2015 n'était pas nouvelle. Elle était donc recevable même si les moyens juridiques qui la fondaient étaient nouveaux.
Cependant sous couvert d'une fausse cause, la SACVL reprend ses arguments sur la nature des contrats dont il a été dit qu'ils ne constituaient ni des contrats spéculatifs ni des contrats d'option.
La demande d'annulation des contrats formée sur ce moyen sera donc rejetée.
Selon l'article 1304 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 16 février 2016, la prescription d'une action en nullité pour vice du consentement court à compter du jour de la conclusion du contrat lorsque ce dernier contient des éléments suffisants pour éclairer le consentement du cocontractant.
Les contrats comportaient trois périodes de taux dont une à taux variable, la formule d'indexation étant basée sur l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse. La SACVL ne pouvait donc pas ignorer dès la signature de ces contrats que ces taux présentaient des risques.
Le point de départ de la prescription de l'action en nullité pour vice du consentement est par conséquent la date de signature de la convention, soit les 19 et 13 novembre 2007, et l'action introduite par acte du 1er mars 2013 est donc prescrite.
Il convient, par conséquent, d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SACVL de sa demande d'annulation des contrats, laquelle est en réalité irrecevable.
3- Sur les demandes de résiliation des contrats n°563 et 564 et d'indemnisation
La SACVL prétend que le jugement doit être réformé en ce qu'il a refusé de résilier les contrats litigieux considérant que compte tenu du régime juridique qui leur est applicable, la société Dexia a manqué à ses obligations précontractuelles et contractuelles.
Elle rappelle que les contrats sont soumis aux règles applicables aux prêts et aux instruments financiers à terme et que la structuration des contrats justifie l'application du régime propre aux prestataires de services d'investissement pour en déduire que le banquier qui commercialise un contrat de prêt structuré est à la fois dispensateur de crédit et prestataire de service d'investissement ce qui emporte des obligations d'information, de mise en garde et de conseil spécifiques auxquelles l'intimée a manqué eu égard à son caractère d'emprunteur non averti.
La société Dexia, qui considère au contraire que la SACVL a la qualité d'emprunteur averti, soutient que sa responsabilité précontractuelle est celle d'un banquier dispensateur de crédit et non d'un prestataire de service d'investissement, qu'elle n'a manqué à aucune des ses obligations et que la violation d'obligations précontractuelles n'est pas sanctionnée par la résiliation judiciaire des contrats mais par la réparation du seul préjudice né de la perte de chance pour l'emprunteur de ne pas conclure le contrat.
Il convient par conséquent de rechercher au préalable si au jour de la conclusion des contrats la SACVL avait la qualité d'emprunteur averti.
En 2007, la SACVL, société anonyme dirigée par un conseil d'administration, gérait un parc immobilier important, avait un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros et employait un directeur général adjoint aux finances. Elle pouvait en outre recourir aux services financiers de la ville de [Localité 1] qui détenait 77% de son capital.
Il est établi et non contesté que la SACVL, qui est cotée A par l'agence Standard & Poor's, avait depuis plusieurs années mis en oeuvre une politique de gestion active de dette et conclu des contrats d'échange de taux en couverture des risques de taux des emprunts. Elle a ainsi eu recours à des emprunts avec plusieurs banques à taux variable, fixe ou structuré. Au 30 avril 2007, sa dette s'élevait à 222 millions d'euros , l'encours avec la société Dexia représentant environ 20% du total, dont 49% à taux fixe, 33% à taux fixe structuré et 18% à taux variable.
Le caractère averti de la SACVL est ainsi démontré.
Conformément à ce qui est justement relevé par la banque Dexia, l'argumentation de la SACVL repose sur l'affirmation selon laquelle les contrats incorporent des instruments financiers et constituent des opérations spéculatives, laquelle a été écartée ci-dessus. Les dispositions des articles L.533-11 et 533-13 du code monétaire et financier ne sont donc pas applicables. De surcroît, il sera relevé que l'asymétrie d'information alléguée n'est pas démontrée à la date de signature des conventions.
La SACVL étant un emprunteur averti, la banque Dexia était dispensée d'un devoir de mise en garde à son égard, étant par ailleurs souligné que la SACVL ne prétend pas que les prêts litigieux comportaient un risque manifeste d'endettement excessif pour elle ou de difficulté à faire face à ses obligations de remboursement ni que la banque aurait eu sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations que celle-ci ignorait.
Enfin, la banque Dexia, dispensateur de crédit, n'était pas tenue à l'égard de la SACVL d'une obligation de conseil non contractuellement prévue et il ne peut être déduit de sa présence au conseil d'administration qu'elle agissait 'de facto' comme le conseil de celle-ci. Elle avait pour seule obligation d'informer complètement la SACVL sur les caractéristiques du prêt afin d'éclairer sa décision. A cet égard, il est établi que la banque Dexia a remis à la SACVL des documents précis, notamment datés du 19 juin et 25 octobre 2007, comportant les formules de calcul des intérêts, qui, pour être complexes, n'en étaient pas moins compréhensibles pour un emprunteur averti tel que la SACVL, expérimenté, capable de constater le mode de calcul des intérêts à un taux variable selon les périodes de remboursement et d'en saisir le sens et la portée à l'aide notamment des graphiques présentant l'historique des indices connus à l'époque de conclusion des contrats.
Les demandes tendant à la résiliation des contrats, à supposer qu'elle constitue la sanction d'un manquement à une obligation précontractuelle, et à l'obtention d'une indemnisation à ce titre seront donc rejetées.
Le jugement sera donc partiellement confirmé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens.
La SACVL succombant pour l'essentiel sera condamnée au paiement d'une indemnité procédurale de 20 000 € et aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SACVL de ses demandes de nullité de la stipulation des intérêts au titre des contrats 558 (n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR), 564 (MIN253184EUR) et 565 (MIN253192EUR) et d'annulation de ces deux derniers contrats ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déclare irrecevable la demande de la SACVL au titre de la nullité de la stipulation des intérêts pour les contrats n°564 (MIN253184EUR) et 565 (MIN253192EUR) ;
Prononce la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour le contrat n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR ;
Dit que le taux d'intérêt légal est applicable pour ce contrat à compter du 22 juin 2012 ;
Condamne la société Dexia à rembourser à la SACVL les intérêts perçus en excès du taux d'intérêt légal depuis cette date pour le contrat n°MPH249481EUR re-numéroté MPH278210EUR ;
Déclare irrecevable la demande d'annulation des contrats MIN253184EUR et MIN253192EUR ;
Condamne la SACVL à payer à la société Dexia la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SACVL aux dépens de la procédure d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me Pedroletti, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La Présidente,