COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IA
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2018
N° RG 18/02012 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SIP7
AFFAIRE :
Pierre X...
C/
Patrick M... pris en sa qualité de liquidateur
à la liquidation judiciaire de la Sté RISC GROUP IT SOLUTIONS
Bernard Y...
Enrique N...
Pierre Z...
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 07 Mars 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2016L02303
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 13/11/2018
à :
Me Oriane A...,
Me L... B...,
Me Mélina C...,
TC NANTERRE,
MP
POLE-ECOFI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Monsieur Pierre X...
né le [...] à SAINT GIRONS (09200)
de nationalité Française
[...]
Représenté par Maître Oriane A..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633, et par Maître Mathieu D..., avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Maître Patrick M... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sté RISC GROUP IT SOLUTIONS
[...]
Représenté par Maître L... B... de la E... L..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20180112 et par Maître F... G..., avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMES
****************
- Monsieur Bernard Y...
né le [...] à FIGEAC (46100)
de nationalité Française
[...]
- Monsieur Enrique N...
né le [...] à PINOSO (ESPAGNE)
de nationalité Espagnole
[...] (ESPAGNE)
Représentés par Maître Oriane A..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633, et par Maître Mathieu D..., avocat plaidant au barreau de PARIS
Monsieur Pierre Z...
né le [...] à SAINT JEAN DE LUZ
de nationalité Française
[...]
Représenté par Maître Mélina C..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626, et par Maître Patrick H..., avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMES SUR APPEL PROVOQUE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2018, Madame Sophie O..., présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie O..., Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 28 mai 2018 a été transmis le 31 mai 2018 au greffe par la voie électronique.
La société anonyme STS Group (SA STS), créée en 2000, a développé une activité d'éditeur et de fournisseur de logiciels de confiance numérique.
En suite de son développement et de sa prise de participation dans le groupe Risc, elle est devenue une société holding détenant sept filiales dont deux françaises, les sociétés Deal It (100%), et Risc group (29%).
La société Risc group, cotée au marché Euronext Paris, exploitait une activité d'installation de logiciels et de matériels ainsi que la réalisation de prestations informatiques et disposait de plusieurs établissements secondaires.
Elle avait elle-même cinq filiales, parmi lesquelles la société Risc Group it solutions (ITS), détenue à 99%, cotée au marché libre, qui exploitait une activité de gestion de réseaux informatiques et d'hébergement sécurisé de données informatiques.
Les sociétés Deal It, qui commercialisait la solution informatique acquise auprès de la société Risc group, et Risc Group it solutions intervenaient de manière complémentaire et avaient recours à la société Locam pour le financement des contrats.
A compter du mois de juillet 2012, la société ITS s'est trouvée en difficulté pour verser à la société Locam les sommes encaissées pour son compte.
En suite de l'ouverture d'une procédure de conciliation le 18 juillet 2012, le président du tribunal de commerce de Nanterre a constaté le 20 décembre 2012 l'accord intervenu entre les sociétés STS Group, Risc group, Risc group it solutions et Deal it avec Eurofactor et Locam.
Cet accord n'ayant pas été respecté, la société ITS a déposé une déclaration de cessation des paiements le 16 octobre 2013.
Par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ITS, fixé la date de cessation des paiements au 1er octobre 2013, désigné Me I... en qualité d'administrateur judiciaire et Me M... en qualité de mandataire judiciaire. Le 18 décembre 2013, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société et autorisé une poursuite d'activité jusqu'au 10 janvier 2014 afin de permettre une cession, laquelle a eu lieu le 20 décembre 2013.
Considérant que des fautes de gestion avaient été commises, Me M..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ITS, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui par jugement contradictoire en date du 7 mars 2018 assorti de l'exécution provisoire a notamment :
- condamné M. Pierre X... à contribuer partiellement à l'insuffisance d'actif à hauteur de 1 000 000 € ,
- débouté Me M... de ses demandes à l'encontre de MM. Pierre Z..., Enrique N... et Bernard Y...,
- condamné M. Pierre X... à payer à Me M... ès qualités la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal a retenu les fautes tirées du non respect des obligations sociales et fiscales, de la poursuite d'une activité déficitaire et de l'importance des comptes courants d'associés et des financement accordés aux autres sociétés du groupe à l'encontre uniquement de M. Pierre X....
M. X... a interjeté appel le 22 mars 2018.
Selon exploits d'huissier en date des 24 et 25 mai 2018 Me M... a formé un appel provoqué à l'encontre de MM. Bernard Y..., Pierre Z... et Enrique N....
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 31août 2018, MM. Pierre X..., Bernard Y... et Enrique N... demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute responsabilité et toute condamnation à l'égard de MM. Bernard Y... et Enrique N...,
- à défaut et à titre subsidiaire, juger qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à leur encontre au titre des griefs de non paiement des cotisations sociales et fiscales et de gestion contraire à l'intérêt social,
- dire que la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas en soi constitutive d'une faute de gestion dès lors que les perspectives de redressement existent,
- dire que MM. Bernard Y... et Enrique N... n'ont commis aucune faute de gestion consistant en la poursuite d'une activité déficitaire,
- dire qu'en tout état de cause le lien de causalité entre cette prétendue faute et l'insuffisance d'actif n'est pas rapporté,
- infirmer le jugement dans ses dispositions à l'égard de M. X...,
- dire qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'avoir contribué à l'insuffisance d'actif,
- dire qu'en tout état de cause, la preuve du lien de causalité entre les prétendues fautes et l'insuffisance d'actif n'est pas rapportée,
- débouter Me M... de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Me M... à payer à chacun des appelants la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de Me A..., avocat, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 juin 2018, M. Pierre Z... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Me M... de ses demandes à son encontre,
à titre subsidiaire,
- constater qu'il doit être fait application de l'article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016,
- constater que la faute commise ne peut s'assimiler qu'à une faute de négligence,
- débouter en conséquence Me M... de l'ensemble de ses demandes à son encontre,
à titre infiniment subsidiaire,
- dire qu'il ne peut être condamné à supporter le passif constitué postérieurement à son départ du 28 février 2013,
- débouter Me M... de sa demande de condamnation solidaire,
en tout état de cause,
- débouter Maître M... de toutes ses demandes formées à son encontre,
- condamner Maître M... à lui payer une somme de 21 500 € € au titre de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 août 2018, comportant appels incident et provoqué, Me M..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ITS, demande à la cour de :
- le recevoir en ses appels incident et provoqué,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande liée à la poursuite abusive d'une activité déficitaire à l'encontre des administrateurs et sur le quantum de la condamnation ;
- confirmer le jugement pour le surplus,
En conséquence,
- condamner MM. Pierre X..., Pierre Z..., Enrique N... et Bernard Y... à lui payer la somme de 14 427 922,17 € au titre de l'insuffisance d'actif ,
- dire que les intérêts se capitaliseront en application de l'article 1154 du code civil, étant précisé que la capitalisation était sollicitée dès l'assignation ;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner MM. Pierre X..., Pierre Z..., Enrique N... et Bernard Y... à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement au profit de Me B..., avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Selon avis du 28 mai 2018, communiqué aux parties le 31 mai suivant, le ministère public sollicite la confirmation en tous points du jugement considérant que les fautes de non respect des obligations fiscales et sociales, de poursuite d'une activité déficitaire et d'importance des comptes courants et les financements accordés aux sociétés du groupe sont constituées et la condamnation justifiée, étant rappelé que l'insuffisance d'actif s'élève à 14 427 922,17 €.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n'étant soulevé susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer les appels incident et provoqué formés par Me M... recevables.
1- Sur la direction de la société ITS
Aux termes de l'article L651-1 du code de commerce, les dispositions relatives à la responsabilité pour insuffisance d'actif s'appliquent aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective.
La société ITS est une société anonyme avec conseil d'administration dont le président et directeur général est depuis février 2010 M. Pierre X....
MM. Bernard Y... et Enrique N... ont été nommés administrateurs à compter du mois de mars 2010.
M. Pierre Z..., qui était administrateur depuis 2007, a été maintenu dans ses fonctions puis a été désigné en qualité de représentant permanent de la société Risc group au conseil d'administration de la société ITS jusqu'en février 2013.
Il est constant que dans une société anonyme le directeur général et le président du conseil d'administration sont des dirigeants de droit au sens de l'article L651-1 du code de commerce.
La responsabilité de M. Pierre X... est donc susceptible d'être engagée.
Qu'ils assument ou non la direction générale de la société, les administrateurs ont également la qualité de dirigeants de droit. Leur responsabilité est donc également susceptible d'être engagée.
En l'espèce, les appelants ne contestent pas leur qualité de dirigeant de droit de la société ITS.
2- Sur l'insuffisance d'actif
Me M..., ès qualités, indique d'une part que l'actif réalisé s'élève à la somme de 2903647,98 € correspondant pour l'essentiel au solde des comptes bancaires, au recouvrements-clients et au prix de cession des entreprises, d'autre part que le passif définitif est de 17331 570,15 €, soit une insuffisance d'actif de 14427 922,17 €.
Dans leurs écritures (p 44) les appelants indiquent que l'existence de l'insuffisance d'actif n'est pas contestée, 'même si son quantum peut l'être à la marge' sans toutefois justifier d'explications supplémentaires. A titre d'exemple, ils prétendent que l'ensemble des actifs n'aurait pas été cédé ou recouvré mais n'en justifient pas.
M. Z... émet pour sa part des réserves sur les chiffres produits pour l'année 2013 au motif qu'il n'a pas pu y avoir accès et invoque l'imprécision de décompte établi par le liquidateur et entend se réserver le droit de solliciter une expertise contradictoire afin d'avoir accès à ces chiffres et estimations. Il ajoute que s'il devait être condamné il ne pourrait l'être qu'à hauteur du passif constitué à la date effective de son départ du groupe Risc.
M. Z... n'a pas formé de demande d'expertise aux termes de son dispositif qui seul saisit la cour.
L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l'actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s'apprécie à la date à laquelle le juge statue.
Il convient de déduire du passif retenu par le liquidateur judiciaire la somme de 580783,57 € due au titre du super privilège des salaires, née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, en sorte que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 13847138,60 €.
3- Sur les fautes
Les appelants soutiennent à titre préalable, d'une part que la faute de gestion ne peut pas consister en une simple négligence en application de l'article L.651-2 du code de commerce, dans sa version atténuée par la loi du 9 décembre 2016, d'autre part, qu'il doit être tenu compte des mesures de restructuration mises en oeuvre ainsi que des mesures de prévention sollicitées et obtenues alors que la société n'était pas en état de cessation des paiements, enfin que le liquidateur n'a pas entendu engager une action en report de la date de cessation des paiements ce qui caractérise son acquiescement sur celle-ci.
M. Z... soutient que si par extraordinaire une éventuelle faute devait être retenue à son encontre, il ne pourrait s'agir que d'une négligence, de telle sorte qu'il conviendrait de faire application de l'article L.651-2 du code de commerce dans sa nouvelle rédaction issue de la loi Sapin II.
Me M... réplique que l'absence d'engagement d'une action en report de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture n'est due qu'à un concours de circonstances lié à un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation et non à un acquiescement de sa part, qu'à supposer que la nouvelle rédaction de l'article L.651-2 du code de commerce soit applicable aux procédures en cours, ce qui n'est pas à ce jour le sens de la jurisprudence, le fait de ne pas respecter la loi ne peut correspondre à une simple négligence comme le fait d'avoir multiplié les mesures de prévention n'est pas exonératoire de responsabilité.
L'article L.651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2016, est applicable immédiatement aux procédures collectives et aux instances en responsabilité en cours. Il dispose notamment que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Il est constant que M. X... a engagé des démarches afin de rechercher des accords avec les principaux créanciers de la société. Parmi les mesures prises, il a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Nanterre le 18 juillet 2012 le bénéfice d'un conciliation puis le 20 décembre 2012 d'un mandat ad hoc pour la société ITS.
Outre que les ordonnances sont démunies de toute motivation de sorte qu'il est impossible de déterminer si la société ITS était ou non en cessation des paiements depuis plus de 45 jours à la date d'ouverture de la conciliation, voire de sa prorogation, la désignation d'un conciliateur puis d'un mandataire comme en l'espèce n'exonère pas les dirigeants de leurs fautes dès lors que ces mesures ne les privent pas de l'exercice de leurs pouvoirs ni ne les dispensent de leurs obligations.
Enfin la cour constate que Me M..., ès qualités, n'a pas engagé d'action en report de la date de cessation des paiements dans le délai d'un an prévu par l'article L.631-8 du code de commerce, lequel expirait le 24 octobre 2014, soit avant le revirement de jurisprudence invoqué, sans que cette inaction emporte de conséquence au regard des seules fautes reprochées.
Il convient par suite d'examiner chacun des griefs formulés par le liquidateur judiciaire à l'encontre de chacun des dirigeants.
* Le non paiement des cotisations sociales
Me M... soutient que le privilège du Trésor public s'élève à la somme de 1683353,52 € correspondant à la TVA des mois de juin 2012, septembre et octobre 2013, que les déclarations de créances des Urssaf et d'Humanis montrent que la société ITS n'a pas respecté ses obligations sociales, que régler un moratoire sans s'acquitter des cotisations courantes est constitutif d'un système de cavalerie, que le non paiement des cotisations sociales est une faute de gestion, que cette faute a eu une influence sur l'insuffisance d'actif et qu'elle est imputable à M. X..., président du conseil d'administration et directeur général.
MM. X..., Y... et N... relèvent que cette faute n'est reprochée qu'au premier d'entre eux, expliquent que la Commission des chefs des services financiers (CCSF) des Hauts de Seine a accepté un échéancier pour les cotisations et impôts dus sur la période de mars à décembre 2012, que l'ensemble du passif public antérieur au mois de février 2013 a fait l'objet de délais de paiement acceptés par les pouvoirs publics, que le moratoire a été exécuté jusqu'en septembre 2013, que la création d'un nouveau passif est due à l'absence de règlement par l'Etat de ses créances et au retard de signature de certains marchés, que le 9 juillet 2013 ils ont, sous l'égide du conciliateur, saisi une nouvelle fois la CCSF qui a refusé la mise en oeuvre d'un nouveau moratoire sans pour autant remettre en cause le premier moratoire en cours, qu'ils ont entamé le remboursement du passif non moratorié dès les premières rentrées d'argent et ont tout mis en oeuvre de manière transparente et loyale pour tenter de résorber le passif résiduel dans les meilleurs délais, que l'information reçue par les Urssaf, le Trésor public et les caisses de retraite les a conduits soit à ne pas prendre d'inscription de privilèges soit à ne pas engager de voies d'exécution et à accepter tacitement de suspendre l'exigibilité de leur créance, que la direction des finances publiques des Hauts de Seine a délivré à la société une attestation de conformité aux obligations sociales et fiscales pour l'année 2012 afin de lui permettre de candidater aux marchés publics, qu'ils n'ont donc commis aucune faute à ce titre.
M. Z... relève que les cotisations impayées sont postérieures à son départ.
Il est établi que le 12 février 2013 la CCSF a écrit à M. Y... pour lui faire part de sa décision d'accorder à son 'groupe' un plan de règlement de son passif fiscal et social d'une durée de 24 mois, sous condition d'un accord avec les créanciers d'obligations à bons de souscription d'actions remboursables, soit pour la société ITS la somme de 1856876,30 € arrêtée au 31 janvier 2013, la première échéance de 142 285 €, due pour l'ensemble des sociétés, étant exigée dès le mois de février 2013. Si l'attestation établie le 19 juin 2018 par le cabinet BM&A, expert-comptable, à la demande des anciens dirigeants de la société ITS, indique que le moratoire CCSF a été respecté en 2013, il précise également que dans l'intervalle un passif courant a été constitué à hauteur de 1 914407 euros.
De fait, le message adressé le 9 juillet 2013 par Me J..., conciliateur puis mandataire ad hoc, à l'Urssaf témoigne de ce que la société avait cessé de payer ses cotisations sociales courantes (parts patronales et salariales) et qu'un nouveau passif de l'ordre de 1 500 000 € avait été créé par les entités du groupe sur le premier semestre 2013.
Par la suite, le SIE d'Aubervilliers a déclaré une créance de 67659 € correspondant à un redressement pour la période 2007-2011 et à une cotisation minimale TP pour 2009, le SIE de Boulogne Billancourt a déclaré une créance de 807168,52 € correspondant notamment aux cotisations foncières des entreprises 2013 et à la TVA du mois de juin 2012, l'Urssaf d'Ile de France a déclaré deux créances de 493993,55 € et de 3019494,85 € pour des cotisations dues de septembre 2012 à octobre 2013, Humanis a déclaré une créance de 374618,23 € pour des cotisations dues de 2012 au 24 octobre 2013. En l'absence de réponse à la lettre de Me J... en date du 11 octobre 2012 sollicitant un gel du paiement des cotisations pour les quatre trimestres 2012 assorti d'un plan de remboursement en 24 mois à compter du 30 janvier 2013, il n'est justifié d'aucun échéancier écrit avec les caisses de retraite. L'accord tacite allégué, dont la preuve n'est au demeurant pas rapportée, est insuffisant à justifier du caractère non exigible du passif litigieux.
L'existence d'une créance de 2 200 000 € sur l'Etat alléguée par les appelants pour tenter de s'exonérer n'est pas démontrée alors que la déclaration de cessation des paiements établie par M. X... ne mentionne qu'un crédit d'impôts de 260 009 € et une TVA déductible de 847 2912 € et que le liquidateur judiciaire a indiqué dans ses rapports des 7 avril 2014 et 29 juillet 2016 n'avoir reçu que des documents relatifs à la première de ces sommes.
Le non paiement des cotisations sociales est une faute de gestion qui a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif alors au demeurant que l'actif n'a pas été renforcé dans le même temps.
Il ne peut pas s'agir d'une simple négligence, le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration du 9 avril 2013 de la société ITS démontrant que les dirigeants étaient, au regard des sommes en jeu, parfaitement informés des risques encourus par la société.
Le grief est donc caractérisé.
Cette faute est imputable à M. X..., dirigeant de droit, comme retenu par le tribunal.
Elle ne l'est pas aux administrateurs, faute de reproche en ce sens de la part du liquidateur judiciaire.
* Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire
Me M... prétend que la société ITS a poursuivi à compter de l'année 2012 et en toute connaissance de ses dirigeants une activité déficitaire ayant abouti à l'état de cessation des paiements constaté par le tribunal et ce au détriment des créanciers. Il rappelle que l'intérêt personnel n'est pas exigé pour que la poursuite d'une activité déficitaire constitue une faute de gestion, laquelle est imputable au président directeur général et aux administrateurs. Il ajoute que ces derniers ne peuvent pas se dédouaner en alléguant de leurs propres erreurs liées à l'acquisition de la société Risc group, à l'ouverture d'une procédure de conciliation, d'apports insuffisants ou de l'absence de report de la date de cessation des paiements, que l'absence de certification des comptes par les commissaires aux comptes constitue plutôt une circonstance aggravante. S'agissant de M. Z..., il précise que l'existence d'une activité déficitaire était antérieure à son départ ce que celui-ci ne pouvait pas ignorer en sa double qualité de directeur financier et d'administrateur.
MM. X..., Y... et N... répliquent que la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas en soi une faute dès lors qu'existe une prévisibilité de retour à l'équilibre, que la faute de gestion ne peut être constatée que si les dirigeants ont volontairement poursuivi une activité sans espoir de redressement, outre le fait d'en retirer un intérêt personnel direct ou indirect, qu'ils ont cessé de percevoir toute rémunération dès 2012 et l'apparition des difficultés, que les comptes retraités montrent que l'activité n'a pas été déficitaire entre juillet 2011 et septembre 2013, qu'il ne peut pas leur être reproché la poursuite d'une exploitation déficitaire alors que la société n'était pas en état de cessation des paiements, enfin qu'ils ont apporté une somme de 1700000 € dans le cadre des procédures de prévention.
M. Z... fait valoir que l'existence de déficits n'est pas suffisante à caractériser à elle seule une faute de gestion dans la poursuite d'une activité déficitaire, qu'il a oeuvré au redressement de la société de telle sorte qu'au moment de son départ il avait tout lieu de croire au rétablissement de la société puisqu'un accord avait été obtenu avec les principaux créanciers dans le cadre d'une conciliation et que l'augmentation de capital de la société mère STS était imminente, que Me M... avait accepté une transaction le concernant à hauteur de 10 000 €, enfin qu'une condamnation solidaire à son encontre n'apparaît pas justifiée puisqu'en tant que salarié il était dans un lien de subordination vis à vis des autres administrateurs et qu'il avait démissionné.
Il sera rappelé à titre liminaire que la faute de gestion consistant pour un dirigeant social à poursuivre une exploitation déficitaire, susceptible d'engager sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif , n'est subordonnée ni à la constatation d'un état de cessation des paiements ni à l'existence d'un intérêt personnel.
Il résulte des documents comptables communiqués, sans qu'il puisse être tenu compte du retraitement opéré en 2018 par le cabinet BM&A lequel aboutit en tout état de cause à un résultat négatif au 30 juin 2013, que la société ITS a connu un exercice déficitaire de 1181 738 € en 2010, un exercice bénéficiaire en 2011 à hauteur de 648 850 €, qu'au 30 juin 2012 le résultat était à nouveau déficitaire de 1 537632 € et qu'au 30 juin 2013 la perte était de 2532690 € et les capitaux propres négatifs de 1607708 €. Il n'est pas contesté que cette activité déficitaire s'est poursuivie, comme le démontre le compte de résultat provisoire au 30 septembre 2013 (23321000 €) repris par l'administrateur judiciaire dans son rapport du 9 décembre 2013.
En outre, les requêtes aux fins de désignation d'un mandataire ad'hoc sollicitée dès la fin de la conciliation, le 18 décembre 2012, pour permettre la levée des conditions résolutoires convenues puis aux fins de prorogation et la durée de celui-ci (neuf mois) démontrent que dès le mois d'avril 2013 la perspective d'un redressement n'était plus sérieusement envisageable.
La production des deux procès-verbaux du 20 février 2013 et du 9 avril 2013 démontre suffisamment que le conseil d'administration était informé des demandes de report de l'assemblée générale ordinaire devant approuver les comptes, des mesures de prévention, de l'état de la trésorerie, de l'existence d'un passif et des prévisions.
La faute est donc caractérisée sans qu'il puisse s'agir d'une simple négligence. Elle a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif et diminué le gage des créanciers.
Elle est imputable tant au président directeur général qu'aux administrateurs qui ne se sont pas opposés à la poursuite de l'activité dans de telles conditions en ceux compris M. Z... dès lors qu'elle est antérieure à son départ fin février 2013 et qu'il ne démontre pas que le poste de directeur financier qu'il occupait le mettait en lien de subordination avec les autres administrateurs.
* Sur la gestion contraire à l'intérêt de la société
Après avoir constaté d'une part l'importance des comptes courants d'associés et d'autre part l'existence d'un crédit vendeur non réglé, Me M... soutient que la société ITS a financé les sociétés Risc group, STS et IPS Nevada de manière massive au détriment de ses propres créanciers, le montant de l'ensemble des comptes courants étant de l'ordre du montant de l'insuffisance d'actif. Il considère que cette faute est imputable au président du conseil d'administration-directeur général sans que l'existence d'une convention de trésorerie, qui au demeurant concerne d'autres sociétés, ne puisse l'exonérer de sa responsabilité.
MM. X..., Y... et N... relèvent que cette faute n'est reprochée qu'au premier d'entre eux. Ils invoquent une convention de trésorerie destinée à optimiser la trésorerie du groupe en fonction des besoins de chaque entité et expliquent que le compte courant débiteur de STS résulte non de flux de trésorerie mais de la cession à STS de la participation de la société ITS dans IPS Nevada, que la société ITS avait une créance de crédit-vendeur à l'égard de la société IPS Nevada ce qui est neutre en terme de trésorerie et ne peut pas contribuer à un appauvrissement, que le fait que cette société n'ait pas pu le rembourser ne peut leur être imputé, enfin que la preuve d'un lien de causalité avec l'insuffisance d'actif n'est pas rapportée.
M. Z... ne répond pas sur ce grief qui ne lui est pas reproché par le liquidateur judiciaire.
La lecture du grand livre des comptes de la société ITS montre que le compte courant d'associé de la société STS était débiteur depuis 2012 pour atteindre 606 039,25 € au 30 juin 2014, que celui de la société Risc group, débiteur depuis 2011, avait atteint la somme de 3763847,15 € au 30 juin 2013 et que celui de la société IPS Nevada, à qui un crédit-vendeur de 6420000 € avait été accordé le 1er juillet 2010, était débiteur de 8098562,17 € au 30 novembre 2013 faute de remboursement.
En dépit des explications apportées par les appelants, ces chiffres ne sont pas contestés.
L'existence d'une convention de trésorerie signée le 2 juillet 2010 entre les sociétés STS, Risc group, ITS et Backup avenue visant à mettre en place un service de trésorerie commun au groupe ne légitime ni l'existence de comptes courants débiteurs aussi importants ni l'absence de recouvrement des créances intra-groupe.
Quelles que soient les causes de ces créances, le fait de faire des avances conduisant à la ruine de la société puis de ne pas les recouvrer alors que la situation financière de la société ITS, privée de trésorerie au point qu'elle ne réglait pas ses cotisations sociales courantes, était obérée et que son dirigeant, après avoir sollicité des mesures de prévention, s'apprêtait à procéder à une déclaration de cessation des paiements constitue non une simple négligence mais une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif de la société ITS.
Le grief résultant d'une gestion contraire à l'intérêt de la société ITS sera donc retenu.
Cette faute est imputable à M. X..., dirigeant de droit, mais non aux administrateurs, faute de reproche en ce sens de la part du liquidateur judiciaire.
4- Sur les sanctions financières
Le nombre de fautes retenues à l'encontre de M. X..., comme celle reprochée aux administrateurs, et dans une moindre mesure à M. Z... du fait de sa démission, ainsi que leur contribution à l'insuffisance d'actif justifient leur condamnation à supporter une partie de l'insuffisance d'actif.
M. X... est âgé de 66 ans. Son avis d'imposition 2017, sur les revenus 2016, fait état de revenus salariaux à hauteur de 33 859 € outre des revenus fonciers nets de 19 659 €.
M. Y... est âgé de 64 ans. Son avis d'imposition 2017, sur les revenus 2016, dont seule la première page est versée aux débats, mentionne un revenu fiscal de référence de 24 561 €.
M. N... est âgé de 63 ans. Son avis d'imposition 2017, sur les revenus 2016, fait état de revenus à hauteur de 14 226 €. De nationalité espagnole, ses conclusions indiquent qu'il est domicilié [...] mais ne précisent pas s'il y perçoit des revenus.
M. Z... se contente d'indiquer qu'il ne paie pas l'impôt sur la fortune sans fournir la moindre pièce. Il ne saurait être tenu compte pour déterminer le montant de la contribution mise à sa charge du projet de transaction refusé par le juge-commissaire.
Outre que ceux-ci n'ont pas actualisé leur situation, aucun élément sur la consistance de leur patrimoine n'est produit.
S'agissant de M. Y..., il résulte néanmoins du courrier de M. K..., daté du 12 décembre 2012, que pour tenter d'obtenir un financement bancaire celui-ci s'est appuyé sur son patrimoine personnel en donnant un mandat de vente sur un immeuble exploité en activité d'hôtellerie pour un prix de présentation de 12250000 €.
Il y a lieu par conséquent de les condamner à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 120000 € pour M. X..., de 30 000 € chacun pour MM. Y... et N... et de 15 000 € pour M. Z....
La capitalisation des intérêts demandée pour la première fois dans l'assignation est due par application de l'article 1154 devenu1343-2 du code civil.
Les fautes retenues n'étant pas les mêmes pour chacun des dirigeants de droit et leur niveau de responsabilité différent, il n'y a pas lieu de prévoir de solidarité entre eux.
Il convient dans ces conditions d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. X... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif et à payer une indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Déclare recevables les appels incident et provoqué formés par Me M..., ès qualités ;
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. X... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif ainsi que les dépens et à payer à Me M..., ès qualités, une indemnité procédurale,
Statuant des chefs infirmés,
Condamne M. Pierre X..., de nationalité française, né le [...] à Saint Girons (09 200), domicilié [...] à payer à Me M..., ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 1 200000 € ;
Condamne M. Bernard Y..., de nationalité française, né le [...] à Figeac (46 100), domicilié [...], à payer à Me M..., ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 30 000 € ;
Condamne M. Enrique N..., de nationalité espagnole, né [...] 195 à Alicante (Espagne), domicilié [...] à payer à Me M..., ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 30000 € ;
Condamne M. Pierre Z..., de nationalité française, né le [...] à Saint Jean de Luz (64 500), domicilié [...], à payer à Me M..., ès qualités, au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 15000 € ;
Condamne in solidum MM. Y..., X..., N... et Z... à payer à Me M... la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Condamne in solidum MM. Y..., X..., N... et Z... aux dépens de la procédure d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me B..., avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile;
Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie O..., Présidente et par Monsieur MONASSIER greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La Présidente,