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27/09/2018 | FRANCE | N°17/01250

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 27 septembre 2018, 17/01250


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 27 SEPTEMBRE 2018



N° RG 17/01250



AFFAIRE :



Catherine X...





C/

SAS 5 A SEC FRANCE









Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 31 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG :



Expéditions

exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre Y..., avocat au barreau de VERSAILLES

Me Mehdi E..., avocat au barreau de PARIS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 SEPTEMBRE 2018

N° RG 17/01250

AFFAIRE :

Catherine X...

C/

SAS 5 A SEC FRANCE

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 31 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre Y..., avocat au barreau de VERSAILLES

Me Mehdi E..., avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Madame Catherine X...

née le [...] à PARIS (75)

[...]

Représentant : Me Pierre Y..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 17000080 -

Représentant : Me Claire Z..., avocat constitué, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 53

APPELANTE SUR LE PRINCIPALE

INTIMEE SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

****************

SAS 5 A SEC FRANCE

N° SIRET : 070 80 3 9 03

[...]

[...]

Représentant : Me Mehdi E..., avocat constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE SUR LE PRINCIPAL

APPELANTE SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe A..., Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe A..., Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

Mme Catherine X... a été engagée le 7 septembre 2009 en qualité de responsable commerciale et entreprise et collectivité par la société 5 à Sec France.

L'entreprise, qui exerce une activité de blanchisserie, teinturerie et de nettoyage à sec, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective inter-régionale de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie .

Par requête du 22 juin 2015, Mme Catherine X... a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et réclamer le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

La société 5 à Sec a demandé au conseil de débouter Mme X... de ses demandes et de la condamner à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 31 janvier 2017, notifié le 9 février 2017, le conseil (section encadrement formation départage) a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X... aux torts de la société 5 à Sec France à la date du jugement ;

- fixé le salaire mensuel moyen brut de Mme X... à la somme de 7806,62 euros,

- condamné la société 5 à Sec France à verser à Mme X... les sommes de 23 419,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 2 341,98 euros au titre des congés payés, 10 538 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 60 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonné à la société 5 à Sec France de remettre à Mme X... les documents sociaux rectifiés, notamment les bulletins de salaires, le certificat de travail et l'attestation nécessaire à Pôle emploi,

- condamné la société 5 à Sec France à verser la somme de 1000 euros à Mme X... sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société 5 à Sec France aux entiers dépens y compris les frais d'exécution ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

Le 7 mars 2017, Mme X... a relevé, par voie électronique, appel de cette décision en le limitant aux dispositions du jugement l'ayant déboutée de sa demande de voir constater la nullité et/ou l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires, de sa demande d'indemnité pour contreparties obligatoires en repos non prises et des congés payés afférents, de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de ses demandes de rappels de salaire variable au titre des années 2013, 2014, 2015, 2016 et des congés payés afférents.

Une médiation a été proposée, en vain, aux parties.

Par courrier du 11 avril 2017, l'appelante a été avisée que l'intimée la société 5 à Sec France n'avait pas constitué avocat et qu'il convenait de signifier la déclaration d'appel avant le 11 mai 2017. Le 28 avril 2017, l'appelante, Mme X..., a signifié à l'intimée la société 5 à Sec France la déclaration d'appel. Le 17 mai 2017, l'intimée la société 5 à Sec France a constitué avocat. Le 22 mai 2017, l'appelante a déposé ses conclusions au greffe. Le 19 juillet 2017, l'intimée, la société 5 à Sec France, a déposé ses conclusions au greffe.

Par ordonnance rendue le 16 mai 2018 , le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et fixé les plaidoiries au 26 juin 2018.

Par dernières conclusions communiquées au greffe le 6 avril 2018, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme X... demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable ;

- infirmer le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye du 31 janvier 2017, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à constater l'inopposabilité de la convention de forfait-jours, de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité pour contreparties obligatoires en repos non prises et des congés payés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de rappels de salaire variable au titre des années 2013, 2014, 2015, 2016, et des congés payés afférents.

- condamner, à titre principal, la société 5 à Sec France à lui verser un rappel de salaire variable, en application des stipulations du contrat de travail du 7 septembre 2009, de :

- 27 400 euros bruts et 2 740 euros bruts au titre des congés payés afférents, au titre de l'exercice 2013 ;

- 39 680 euros bruts et 3 968 euros bruts au titre des congés payés afférents, au titre de l'exercice 2014 ;

- 60 680 euros bruts et 6 068 euros bruts au titre des congés payés afférents, au titre de l'exercice 2015 ;

- 60 680 euros bruts et 6 068 euros bruts au titre des congés payés afférents, au titre de l'exercice 2016.

- condamner, à titre subsidiaire, la société 5 à Sec France à lui verser un rappel de salaire conformément à l'engagement unilatéral pris par la société 5 à Sec France à compter du 1er janvier 2013, soit :

- 9 000 euros bruts au titre du salaire variable sur objectif qualitatif sur l'exercice 2014 et 900 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 40 000 euros bruts au titre du salaire variable sur l'exercice 2015 et 4 000 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 40 000 euros bruts au titre du salaire variable sur l'exercice 2016 et 4 000 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- condamner la société 5 à Sec France au paiement de 137 265,20 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 13 726,52 euros bruts au titre des congés payés afférents outre 90 367 euros à titre d'indemnité pour contreparties obligatoires en repos non prises sur la période du 22 juin 2012 au 31 décembre 2014 et 9 037,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la société 5 à Sec France au paiement de 46 839,72 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de six mois de salaire ;

- condamner la société 5 à Sec France à lui remettre un bulletin de salaire mentionnant les sommes de nature salariale, et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

- condamner la société 5 à Sec France à lui verser la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe le 19 juillet 2017, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société 5 à Sec France demande à la cour de :

- débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mme X... aux dépens éventuels ;

- condamner Mme X... à lui verser une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs

Sur la demande de rappel de rémunération variable :

Quant aux modalités contractuelles applicables :

Mme X... se fonde sur le contrat de travail signé le 7 septembre 2009 pour solliciter un rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour les années 2013, 2014 et 2015. Elle soutient que ce contrat est opposable à la société 5 à Sec France, même s'il a été conclu sur un document à l'en-tête de 5 à Sec RIF. Elle ajoute que c'est sous la contrainte que, le 9 mars 2013, elle a été obligée de prendre acte de la baisse de rémunération imposée par l'employeur. Elle soutient que son consentement, qui a été obtenu sous la menace de se voir retirer ses moyens de travail et son équipe, est vicié et nul. L'employeur a ensuite fait une application rétroactive des nouvelles modalités de calcul de la rémunération variable, alors qu'aucun avenant ne lui a été ni soumis ni accepté.

La société 5 à Sec France, soutient que, conformément à l'article 1165 du code civil, le contrat du 7 septembre 2009 ne lui est pas opposable car il a été conclu par la société 5 à Sec RIF. Elle conclut donc au débouté de la demande de rappel de part variable de la rémunération fondée sur ce contrat. Elle ajoute que la salariée a accepté de nouvelles modalités relatives à la détermination de la part variable de sa rémunération, ainsi qu'il résulte d'un échange de mail du 8 mars 2013.

La proposition d'avenant au contrat de travail produite par la société 5 à Sec France est intitulée 'avenant n° 1 au contrat de travail à durée indéterminée signé le 9 septembre 2009". Le contrat de travail dont la modification est ainsi proposée est celui qui a été établi à l'en-tête de la société 5 à Sec RIF. Il en découle que pour la société 5 à Sec France, le contrat du 9 septembre 2009 est bien dans le champ contractuel régissant la relation de travail puisqu'elle propose de le modifier par voie d'avenant. Ce contrat du 9 septembre 2009 est donc opposable à la société 5 à Sec France.

Dans un mail du 5 mars 2013, faisant suite aux proposition de modification de la rémunération variable qui lui avaient été faites, Mme X... indique : 'Comme tu le souhaitais, je reviens vers toi pour les propositions salariales que tu m'as faites (...). J'ai bien intégré tes explications, mettant en exergue les conséquences de mon refus de cette proposition, d'une part, sur les finances de l'entreprise, d'autre part, sur la pérennité de mon équipe. Par conséquent, en vertu de ces contextes, de mon manque à gagner de ces dernières années, je n'accepterai la proposition qu'à la condition d'une compensation sous forme de prime exceptionnelle pour 2013". Mme B... répondait le 8 mars 2013 : '(...) Pour répondre à ta demande exceptionnelle, j'accepte pour cette année de te garantir un plancher variable de 10ke, soit une rémunération totale de 80 ke, qui correspond, dans le système actuel, à un chiffre d'affaires de 1,2 ME'. Le 9 mars 2013, Mme X... acceptait cette proposition dans les termes suivants : 'je pense que nous avons trouvé un point d'accord et t'en remercie. Tu peux compter sur moi et mon équipe pour continuer à mener à bien ce projet'. Il apparaît ainsi que, si l'employeur a bien indiqué que le défaut de modification des conditions de calcul de la rémunération variable de Mme X... pouvait avoir des conséquences sur l'entreprise et la pérennité de son équipe, la salariée a pris en compte ces données pour poursuivre les négociations et faire une demande de prime exceptionnelle pour l'année 2013, ce qui a conduit l'employeur à modifier son offre initiale, avant que la salariée n'accepte ces dernières propositions en estimant qu'un point d'équilibre avait été atteint. Il en découle que le consentement de la salariée n'a pas été donné sous la contrainte, de sorte que la modification de la rémunération variable a bien été acceptée expressément par la salariée, même si, par la suite, aucun avenant n'a été signé.

Les demandes de rappel de salaires sur la base du contrat du 7 septembre 2009 doivent donc être rejetées.

Quant à la nouveauté des demandes en ce qu'elle sont fondées sur les conditions proposées par la société 5ASEC :

L'employeur conclut au rejet de cette demande sur le fondement de l'article 564 du code civil au motif qu'il s'agirait d'une demande nouvelle, puisque la salariée présente pour la première fois en appel une demande fondée sur les dispositions du contrat de travail qu'elle a refusé de signer en 2015.

La salariée soutient que ces demandes sont recevables puisqu'elle avait déjà sollicité en première instance une condamnation de l'employeur au paiement de la rémunération variable pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016.

Cette demande, qui tend aux mêmes fins que celle présentée devant les premiers juges, à savoir le paiement de la rémunération variable pour les années 2013 à 2016, n'est pas nouvelle mais simplement fondée sur un moyen différent que celui précédemment développé. Elle est donc recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile.

Quant à la rémunération variable due sur le fondement des modalités acceptées en 2013 :

La salariée réclame le paiement du solde de la rémunération variable, l'employeur ne démontrant pas que les critères qualitatifs n'ont pas été atteints. Elle ajoute que pour les années 2015 et 2016, l'employeur, qui lui a retiré le secteur BtoB, a fait obstacle à la réalisation des critères contractuels. Elle réclame le paiement de l'intégralité de la rémunération variable pour ces deux années.

L'employeur soutient que les critères pour fixer les conditions de réalisation des objectifs ont bien été communiqués à la salariée et que le fait qu'elle ait contesté l'évaluation par son supérieur de ses résultats au regard des objectifs qualitatifs ne peut être assimilé au non respect de l'obligation patronale de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part variable de rémunération. Il en a déduit que, sauf à ce qu'elle démontre avoir atteint les objectifs fixés, la salariée doit être déboutée de ses demandes. L'employeur soutient qu'il ne pouvait fixer d'objectifs pour 2015 et 2016 dès lors que la salariée se trouvait en arrêt de travail et que cette rémunération était subordonnée à la présence effective de la salariée.

La clause de rémunération applicable est la suivante : 'A cette rémunération pourra venir s'ajouter, à compter du 1er janvier 2013, une prime annuelle variable sur objectifs, dite 'bonus' dont les modalités d'obtention et de calcul sont les suivantes :

- montant potentiel brut annuel de 40 KE

- répartition :

- 30 KE sur l'atteinte d'objectifs suivants :

- 70 %, soit 21 KE, sur atteinte du budget BtoB fixé pour l'année considérée

- 30 %, soit 9 KE, sur l'atteinte d'objectifs personnels, à savoir 10 % sur atteinte des budgets des commerciaux, 10 % sur qualité du support apporté aux zones de Basse-Normandie et de Rouen pour développer le BtoB, 10 % sur qualité du support apporté aux zones de Bretagne pour développer le BtoB (...).'

Pour l'année 2014, seule reste en litige la part de rémunération variable relative aux critères qualitatifs.

Pour justifier le défaut de paiement de cette part de rémunération variable, l'employeur relevait: 'les objectifs qualitatifs sont très loin d'être atteints. L'encadrement des commerciaux est inexistant, pas d'objectifs fixés, pas de reporting, aucun contrôle des agendas et des visites clients faites. Objectifs commerciaux jamais atteints malgré renforcement de l'équipe commerciale en 2013. Il n'y a pas eu de développement de réseaux d'affiliés depuis le contrat Air France (1er semestre 2013). Aucune démarche cd'accompagnement des DR pour développement du BtoB en local. Pas de délivrable donné sur le projet de conciergerie et un manque de transparence et de bonne volonté dans les échanges d'informations lors de l'acquisition de groom Box .le service administration est opaque. Aucun reporting n'est fait sur BtoB (...).' Cette évaluation a été contestée par la salariée. Mais surtout il apparaît que les objectifs dits qualitatifs prévus par la clause contractuelle ne sont ni précis ni vérifiables et que l'employeur ne justifie pas que ceux fixés par lui en début d'exercice sont ceux qui sont signalés comme défaillants dans son évaluation.

Dans ces conditions, la défaillance de la condition n'est pas démontrée et la salariée peut prétendre à l'intégralité de la part de rémunération prévue à ce titre, soit 9 000 euros bruts, outre 900 euros bruts au titre des congés payés afférents.

S'agissant des années 2015 et 2016, il apparaît que l'employeur a retiré à la salariée la responsabilité de l'activité BtoB pour la confier à un autre cadre arrivé dans l'entreprise en juin 2015. Or, les critères de la rémunération variable n'ont pas fait l'objet d'une modification contractuelle, de sorte que le défaut d'atteinte des critères, liés à cette activité, résulte de l'action de l'employeur. Mme X... n'ayant été placée en arrêt de travail qu'à compter de mai 2015, l'employeur ne peut soutenir que cet arrêt de travail fait obstacle au paiement de la rémunération variable. De plus la clause contractuelle prévoit sa proratisation dans l'hypothèse où le salarié ne serait pas présent pour une année complète et, en toute hypothèse, une telle rémunération variable s'acquiert au fur et à mesure. Dans ces conditions, la salariée, qui ne présente aucune demande au titre d'un maintien de salaire dû contractuellement ou conventionnellement pendant ses arrêts de travail, ne peut pas prétendre au paiement d'un bonus pendant ces périodes de suspension du contrat de travail. Elle a droit au paiement d'une somme de 16 666,66 euros pour la période de l'année 2015 pendant laquelle le contrat n'a pas été suspendu, outre 1 666,66 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la convention de forfait en jours :

La salariée soutient que les stipulations de l'accord collectif censées assurer la protection de la sécurité des salariés qui, comme Mme X..., étaient soumis à une convention de forfait en jours, n'ont pas été respectées. Elle ajoute qu'aucun entretien annuel portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale n'a eu lieu. Elle en déduit que la convention de forfait en jours est privée d'effet et que la durée de travail doit être calculée selon les modalités de droit commun. Estimant avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires, la salariée réclame le paiement de sommes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs.

L'employeur soutient que la rémunération forfaitaire est la contrepartie de la forfaitisation de la durée du travail, de sorte que la nullité de la clause de forfait en jours entraîne la nullité de la rémunération contractuelle. Dès lors, Mme X... ne peut prétendre qu'au salaire prévu par la convention collective et les heures supplémentaires ne peuvent être retenues qu'à la condition que la rémunération due en application de la convention collective soit supérieure aux sommes déjà perçues en guise de salaire. L'employeur affirme que la demande au titre des heures supplémentaires n'est pas étayée et que la salariée, qui ne verse aucune pièce qui puisse établir la réalité des 3 021 heures supplémentaires alléguées, se contente d'affirmations péremptoires. Il conclut au rejet de cette demande.

L'employeur ne justifiant pas avoir organisé, ainsi que l'exige l'article L. 3121-46, dans sa rédaction alors applicable, d'entretien portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et personnelle, la convention de forfait en jours est privée d'effet.

La convention de forfait en jours étant seulement privée d'effet, et non atteinte de nullité, en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations, le moyen, selon lequel la nullité de cette convention de forfait en jours entraînerait la nullité de la clause relative à la rémunération, est dénué de portée.

En outre, l'employeur, qui s'est soustrait à ses obligations en matière de santé et de sécurité et a entraîné de ce fait la privation d'effet de la convention de forfait en jours, ne peut ensuite s'appuyer sur les conséquences de ses propres défaillances pour contester la validité de la rémunération contractuelle et éluder ainsi son obligation de la payer.

Enfin, le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.

En raison de la privation d'effet de la convention de forfait en jours, la durée de travail doit être calculée selon les modalités de droit commun et la salariée est en droit de prétendre au paiement des heures supplémentaires qu'elle a accomplies.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

La salariée produit un tableau hebdomadaire des heures qu'elle prétend avoir exécutées, de 2012 à 2014, entre 7h00 et 20h00 chaque semaine ainsi que deux attestations de MM. C... et D... indiquant l'importance des amplitudes horaires auxquelles la salariée a pu être soumise. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, de sorte que la demande est étayée.

De son côté, l'employeur critique certes les productions de la salariée, mais ne fournit aucun élément relatif aux horaires de Mme X....

Dans ces conditions et au vu de l'ensemble des pièces produites, il convient de considérer que Mme X... a bien exécuté les heures supplémentaires alléguées, étant précisé que leur nombre a entraîné un dépassement du contingent annuel. En conséquence, l'employeur doit être condamné au paiement de la somme de 137 265,20 euros au titre des heures supplémentaires, outre 13 725,52 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que de 90 327 euros au titre des repos compensateurs, outre 9 037,70 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé :

La salariée soutient que l'employeur, qui n'a pas organisé les entretiens annuels obligatoires, n'a pas mentionné sur les bulletins de paie les heures supplémentaires exécutées et l'a soumise à une charge de travail excessive, a intentionnellement recouru au travail dissimulé de sorte qu'il doit être condamné au paiement d'une indemnité en application de l'article L. 8221-5 2° du code du travail.

L'employeur soutient que la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation fait défaut et conclut au débouté.

Le seul fait de soumettre un salarié à une convention de forfait privée d'effet ne suffit pas à caractériser l'intention frauduleuse de l'employeur. En l'espèce, la salariée n'apporte aucun élément susceptible d'établir le caractère intentionnel de la dissimulation, de sorte que la demande d'indemnité doit être rejetée.

Sur la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de paie :

L'employeur est tenu de remettre à la salariée une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes à la présente décision. Il n'apparaît toutefois pas nécessaire, en l'état, d'assortir cette décision d'une astreinte.

Sur les dépens et les faits irrépétibles :

L'employeur, qui succombe, doit supporter les dépens.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye du 31 janvier 2017 en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande au titre des bonus annuels, des heures supplémentaires, des repos compensateurs et des congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable la demande au titre des bonus annuels,

Condamne la société 5 à Sec France à payer à Mme X... :

- 9 000 euros bruts au titre du bonus annuel 2014, outre 900 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- 16 666,66 euros bruts, au titre du bonus 2015 outre 1 666,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 137 265,20 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre 13 725,52 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 90 327 euros bruts au titre des repos compensateurs outre 9 037,70 bruts euros au titre des congés payés afférents,

Ordonne à la société 5 à Sec France à remettre à Mme X... des documents de fin de contrat et un bulletin de paie conformes à la présente décision,

Déboute Mme X... de ses autres demandes,

Déboute la société 5 à Sec France de ses demandes,

Condamne la société 5 à Sec France à payer les dépens et à régler à Mme X... la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe A..., Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01250
Date de la décision : 27/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°17/01250 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-27;17.01250 ?
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