La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2018 | FRANCE | N°17/07082

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 20 septembre 2018, 17/07082


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 70C





14e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 20 SEPTEMBRE 2018





N° RG 17/07082





AFFAIRE :





Aïcha X...


...





C/


SCOP LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE SAINTE GENEVIEVE DES BOIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège





r>










Décision déférée à la cour: Ordonnance rendue le 07 Septembre 2017 par le Tribunal d'Instance de SANNOIS


N° RG : 1217000590





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :


à :





Me Laura Y...





Me Paul Z...








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70C

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2018

N° RG 17/07082

AFFAIRE :

Aïcha X...

...

C/

SCOP LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE SAINTE GENEVIEVE DES BOIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour: Ordonnance rendue le 07 Septembre 2017 par le Tribunal d'Instance de SANNOIS

N° RG : 1217000590

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Laura Y...

Me Paul Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Madame Aïcha X...

de nationalité algérienne

[...]

Représentée par Me Laura Y... de la SELARL CAP TOUT DROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 15 - N° du dossier 1709007

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/016812 du 22/01/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

Monsieur A... C...

de nationalité algérienne

[...]

Représenté par Me Laura Y... de la SELARL CAP TOUT DROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 15 - N° du dossier 1709007

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/016811 du 22/01/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTS

****************

SCOP LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE SAINTE GENEVIEVE DES BOIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 438 748 089

[...]

Représentée par Me Paul Z... de l'ASSOCIATION Z... & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 6

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement d'adjudication du 28 juin 2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise a déclaré la Caisse de Crédit mutuel de Sainte Geneviève des Bois adjudicataire des biens et droits immobiliers situés [...] appartenant à la SCI JLROR.

Aux termes d'un procès-verbal de constat dressé le 18 décembre 2015, il est apparu que le bien immobilier était occupé par Mme Aicha X... et M. C... A....

Ces derniers ont déclaré qu'ils occupaient les lieux depuis le mois de juin 2015 moyennant un loyer mensuel de 650 euros versé à 'M. B... D... '.

Le 5 juillet 2016, le Crédit mutuel a fait signifier à Mme X... et à M. A... une sommation de produire sous 48 heures un copie du contrat de location.

Puis le 4 août 2016, le propriétaire leur a fait signifier une sommation de quitter les lieux.

Le 3 novembre 2016, il a été communiqué la copie d'un contrat de location consenti le 1er juin 2015 à Mme X... Aicha par M. Jean-Luc B..., qui était le gérant de la SCI JLROR, partie saisie.

C'est dans ce contexte que par acte du 7 juin 2017, le Crédit mutuel a fait assigner Mme X... et M. A... devant le président du tribunal d'instance de Sannois, statuant en référé, afin d'ordonner l'expulsion des occupants sans droit ni titre et leur condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle.

Par ordonnance réputée contradictoire du 7 septembre 2017, le juge des référés a :

- constaté que Mme X... Aicha et M. C... A... sont occupants sans droit ni titre,

- ordonné leur expulsion immédiate ainsi que de tous occupants de leur chef des lieux occupés [...] ,

- ordonné la suppression du délai de deux mois prévu par l'article L.421-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- ordonné la suppression du délai de la trêve hivernal prévu par l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit qu'à défaut de libération spontanée des lieux, il pourra être procédé à leur expulsion avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- autorisé en tant que de besoin la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois à faire transporter et séquestrer dans le garde-meubles de son choix les objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l'expulsion, aux frais, risques et périls de Mme X... Aicha et de M. C... A...,

- fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due in solidum par Mme X... Aicha et M. C... A... à la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois du 18 décembre 2015 jusqu'à la date de libération effective des lieux à la somme de 750 euros et condamné in solidum Mme X... Aicha et M. C... A... à la payer,

- condamné in solidum Mme X... Aicha et M. C... A... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- 'condamné in solidum aux entiers dépens' comprenant le coût du procès-verbal de constat du 18 décembre 2015 et des sommations des 5 juillet et 4 août 2016.

Le 3 octobre 2017, Mme Aicha X... et M. C... A... ont relevé appel de cette décision par un acte visant l'ensemble des chefs de décision à l'exception du rejet du surplus des demandes et de la condamnation aux dépens.

Dans leurs conclusions reçues au greffe le 3 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme Aicha X... et M. C... A..., appelants, demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance déférée,

- dire que la demande se heurte à une contestation sérieuse, n'est pas justifiée par l'urgence ni par un trouble manifestement illicite,

- en conséquence, renvoyer la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois à mieux se pourvoir,

Subsidiairement,

- 'dire et juger' que le contrat de bail est maintenu en raison de l'apparence de la qualité de bailleur et de la croyance légitime des preneurs,

Subsidiairement,

- 'dire et juger' que l'indemnité d'occupation ne courra qu'à compter de l'assignation du 8 juin 2017 et en réduire le montant à de plus raisonnables proportions,

- leur accorder les plus longs délais de paiement pour quitter les lieux et s'acquitter de l'arriéré éventuel de l'indemnité d'occupation fixée,

En tout état de cause,

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois à verser à leur avocat la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, dans les conditions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Au soutien de leurs prétentions, Mme Aicha X... et M. C... A... font valoir :

- que les conditions des articles 848 et 849 du code de procédure civile ne sont pas réunies ; que la banque n'a pas pris possession du bien dont elle se dit propriétaire pendant plusieurs années, ne leur a pas notifié son titre, ni n'a justifié de la régularité de son titre ; que seule son incurie a permis la mise en location du bien par une personne pouvant apparaître comme le légitime propriétaire, en sa qualité de gérant de la SCI ; qu'ils ont signé ce bail de bonne foi,

- qu'en vertu de la théorie de l'apparence, et de la croyance légitime qu'ils pouvaient avoir de la qualité de bailleur de leur cocontractant, ils sont recevables à solliciter le maintien du bail malgré l'absence de qualité de propriétaire du bailleur, conformément à la jurisprudence ; qu'en l'espèce, étant dans l'ignorance du jugement d'adjudication translatif de propriété, ils ont conclu le contrat de location de bonne foi, sans remettre en cause la qualité apparente de bailleur, le loyer étant réglé sans incident avec l'aide des APL entre les mains de M. Jean-Luc B...,

- qu'en tout état de cause, le premier juge ne pouvait fixer une indemnité d'occupation à compter du 18 décembre 2015 et ordonner la suppression des délais de deux mois et de la trêve hivernale, compte tenu de leur bonne foi et de l'incurie de la Caisse de Crédit Mutuel ; que cette indemnité d'occupation ne pourrait courir qu'à compter de l'assignation en justice,

- qu'il convient de leur accorder les plus larges délais pour quitter les lieux et leur permettre de se reloger dignement, compte tenu de la faiblesse de leurs ressources.

Par conclusions reçues le 23 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois, intimée, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- débouter Mme Aicha X... et M. C... A... de leurs demandes,

- condamner solidairement Mme Aicha X... et M. C... A... à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la Caisse de Crédit Mutuel de Sainte Geneviève des Bois fait valoir:

- qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur l'occupation sans droit ni titre des appelants, lesquels se sont introduits dans ce logement sans l'accord du propriétaire, qui ne leur a consenti aucun contrat de location ; que cette occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue en elle-même un trouble manifestement illicite, selon une jurisprudence constante, qui détermine la compétence du juge des référés,

- qu'ont été versés aux débats le jugement d'adjudication et les justificatifs de sa publication en date du 29 janvier 2013 ; que la banque n'avait pas à notifier aux appelants son titre ; qu'elle n'a pas à consigner le prix opérant par voie de compensation entre sa créance et le prix d'adjudication,

- que seules les manoeuvres frauduleuses de M. B..., à l'encontre duquel la banque a déposé plainte, ont permis cette occupation des lieux,

- que le bail conclu entre M. B... et Mme X... ne lui est pas opposable ; que la théorie de l'apparence invoquée par les appelants s'applique de manière très restrictive et les arrêts cités sont inapplicables au litige,

- que la demande d'indemnité d'occupation à compter du 18 décembre 2015 est justifiée, les occupants n'ayant pas satisfait par ailleurs à la sommation de quitter les lieux qui leur a été délivrée le 4 août 2016,

- que c'est à bon droit que le premier juge a ordonné la suppression des délais compte tenu des circonstances de l'espèce et de l'entrée dans les lieux des intéressés par voie de fait.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mai 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'dire' et 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Selon l'article 849, alinéa 1, du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La condition de l'urgence n'est pas requise pour l'application de ces dispositions.

Il est constant que l'occupation sans droit ni titre de la propriété d'autrui constitue en soi un trouble manifestement illicite au sens des dispositions précitées que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser en ordonnant l'expulsion immédiate des occupants, quels que soient les raisons et les circonstances de cette occupation, l'état du bien concerné ou la personne du propriétaire (3ème Civ. 21 décembre 2017, n°16-25-469).

Au cas d'espèce, la qualité de propriétaire de la Caisse de Crédit mutuel du bien immobilier occupé par Mme Aicha X... et M. C... A... n'est pas contestable, au regard du jugement d'adjudication rendu le 28 juin 2012 et des formalités de publication accomplies le 29 janvier 2013.

Par ailleurs, il est acquis aux débats que Mme Aicha X... et M. C... A... ne peuvent se prévaloir d'un bail d'habitation consenti par le véritable propriétaire du bien.

Néanmoins, Mme Aicha X... justifie d'un contrat de location signé le 1er juin 2015 avec M. Jean-Luc B..., pour une durée de trois ans, renouvelable 'sans limite', stipulant le versement d'un loyer mensuel de 650 euros.

Si le bail consenti par le non-propriétaire est valable, mais par principe non opposable au véritable propriétaire, par exception, l'application de la théorie de l'apparence permet de rendre le bail opposable au véritable propriétaire, lorsque le locataire a traité de bonne foi et sous l'empire de l'erreur commune.

Seule importe la bonne foi du preneur et l'erreur commune, c'est à dire une erreur ayant revêtu un caractère tel que le comportement de toute personne normalement prudente et diligente aurait été prise en défaut.

La cour relève que le contrat de location du studio comporte neuf pages et reprend les stipulations habituelles d'un bail d'habitation ; qu'il est mentionné notamment qu'ont été remis aux locataires un badge d'accès au logement, deux clés de boîte aux lettres et les clés donnant accès à l'entrée et qu'un dépôt de garantie équivalent à un mois de loyer a été versé à la date de signature du bail ; que des quittances de loyer ont été délivrées à Mme Aicha X... au nom de M. Jean-Luc B... depuis le mois de juin 2015 ; que figurent sur les quelques relevés de compte produits aux débats des virements à destination de 'edmond roiroi', d'un montant inférieur au montant du loyer mensuel, de l'ordre de 250/300 euros, l'appelante indiquant qu'elle bénéficie des APL.

Ces éléments de fait sont de nature à induire la croyance légitime du locataire en la qualité de propriétaire apparent du bailleur, étant relevé que le bail litigieux a été consenti par l'ancien propriétaire du bien, M. Jean-Luc B..., et que le Crédit mutuel, adjudicataire du bien depuis 2012, ne s'est manifesté auprès des occupants que postérieurement à la signature du bail.

Il résulte de ces éléments et énonciations que la contestation des appelants, tirée de l'opposabilité au véritable propriétaire du bien du contrat de location signé en 2015, revêt un caractère sérieux qui fait obstacle, à hauteur de référé, aux demandes d'expulsion et de paiement d'indemnités provisionnelles formées par le Crédit mutuel, Mme X... et M. A... ne pouvant être considérés comme des occupants sans droit ni titre avec l'évidence requise en référé.

En conséquence, l'ordonnance déférée doit être infirmée en toutes ses dispositions et la cour, statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la Caisse du Crédit mutuel.

Il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

La demande de l'intimée fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est également rejetée.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME l'ordonnance rendue le 7 septembre 2017 en toutes ses dispositions,

STATUANT À NOUVEAU,

DIT n'y avoir lieu à référé,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chacune des parties conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel par elle exposés, conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle s'agissant des dépens d'appel exposés par Mme Aicha X... et M. C... A....

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 17/07082
Date de la décision : 20/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°17/07082 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-20;17.07082 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award