La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2018 | FRANCE | N°16/04819

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 20 septembre 2018, 16/04819


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





21e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE



DU 20 SEPTEMBRE 2018



N° RG 16/04819



AFFAIRE :



Frédéric X...



C/



SA IBM FRANCE









Décision déférée à la cour: jugement rendu le 16 septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

Section :

RG :







Copies exécutoires et copies certifiées confo

rmes délivrées à :



Me Marc Y..., avocat au barreau de PARIS



SELARL REIBELL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS



le :



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a ren...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2018

N° RG 16/04819

AFFAIRE :

Frédéric X...

C/

SA IBM FRANCE

Décision déférée à la cour: jugement rendu le 16 septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

Section :

RG :

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

Me Marc Y..., avocat au barreau de PARIS

SELARL REIBELL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

le :

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Monsieur Frédéric X...

né le [...] à Paris

de nationalité Française

[...]

Représentant : Me Marc Y..., constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1988

APPELANT

****************

SA IBM FRANCE

N° SIRET : 552 118 465

[...]

Représentant : Me Agnès L... de la SELARL REIBELL ASSOCIES, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0290

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 juin 2018, Monsieur Philippe Z..., président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe Z..., Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

M. Frédéric X... a été engagé le 4 juin 2007 en qualité de consultant, statut cadre, position II 130, par la société IBM, selon contrat de travail à durée indéterminée.

L'entreprise, qui emploie plus de 10 salariés, est soumise à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par requête du 20 juin 2013, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il a demandé au conseil de :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- condamner la SAS IBM à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes de 11 751 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 21 151,80 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 94 008 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société IBM a demandé au conseil de débouter le salarié de l'ensemble des demandes, subsidiairement, de réduire les demandes et de condamner le salarié à lui payer la somme de 3500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 16 septembre 2016, notifié par courrier du 6 octobre 2016, le conseil (section encadrement) a :

- dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux torts de son employeur n'est pas fondée,

- débouté M. X... de toutes ses demandes, ;

- condamné M. X... aux dépens et à verser à la société compagnie IBM France la somme de 500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X... aux dépens.

Le 3 novembre 2016, M. X... a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 8 novembre 2016, l'intimée, la société IBM a constituée avocat.

Une médiation a été proposée, en vain, aux parties.

Le 2 mars 2017, la société IBM a convoqué M. X... à un entretien préalable au licenciement prévu au 14 mars 2017. M. X... indique avoir reçu la lettre le jour même, et donc sollicité un report de la tenue de l'entretien préalable.

Le 21 mars 2017, M. X... a été licencié pour faute grave.

Par ordonnance du 7 mars 2018, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et fixé les plaidoiries au 19 juin 2018 en audience collégiale.

Dans la communication electronique du 20 juin 2018, M. X... indiqué renoncer à l'incident de communication qu'il avait élevé et ne pas demander l'irrecevabilité de ses pièces.

Par dernières conclusions communiquées au greffe le 6 mars 2018, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. X... demande à la cour de :

- constater que la société IBM France a sollicité de sa part des tâches auxquelles il ne pouvait pas répondre favorablement en raison de leur caractère illicite,

- constater que le client de la société IBM France, la société Veolia Environnement, a reconnu le caractère illicite des directives qui lui ont été adressées par son propre employeur,

- constater qu'il était alors en situation de conflit d'intérêts en devant protéger ceux de la société Veolia Environnement tout en demeurant salarié de la société IBM France,

- constater que la société IBM France a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles,

- constater que M. X... n'a pas bénéficié de missions depuis son refus d'exécuter des directives illicites,

- constater que l'absence de missions confiée à M. X... est inexplicable dans la mesure où le précédent client pour lequel il a travaillé a rédigé en sa faveur deux lettres de recommandation,

- à titre principal, constater que le licenciement de M. X... pour faute grave pour absence injustifiée est nul car fondé sur sa demande de résiliation judiciaire,

- à titre subsidiaire, constater que le licenciement de M. X... pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X..., ou si elle était rejetée, juger que le licenciement pour faute grave est non fondé,

- condamner la société IBM France au paiement des sommes de 12 534,40 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 11 751 euros au titre de l'indemnité de préavis de licenciement,

- condamner à titre principal, la société IBM France au paiement de la somme de 141 012 euros au titre d'indemnité de licenciement nul, ou au minimum à la somme de 23 502 euros correspondant à six mois de salaire comme imposés par la loi en cas de licenciement nul,

- condamner, à titre subsidiaire, la société IBM France au paiement de la somme de 141 012 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société IBM France au paiement de la somme de 7 834 euros au titre de rappel des salaires des mois de février et mars 2017,

- condamner la société IBM France au paiement de la somme de 23 502 euros au titre du travail dissimulé,

- condamner la société IBM France à verser à M. X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société IBM France aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe le 16 janvier 2018, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société IBM demande à la cour de :

à titre principal :

- constater l'absence de tout manquement de sa part dans l'exécution de son contrat de travail avec M. X... ;

- constater que M. X... ne justifie d'aucun manquement grave de sa part,

en conséquence :

- dire et juger M. X... non fondé en sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

- dire et juger le licenciement pour faute grave de M. X... notifié le 21 mars 2017 justifié ;

- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes

subsidiairement, et si par impossible la cour ne retenait pas la faute grave,

- ramener le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 11946,70euros ;

- constater l'absence de préjudice de M. X... ;

- ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts telle que formulée par M. X... , ne pouvant, en tout état de cause, pas dépasser l'équivalent de 6 mois de salaire;

en tout état de cause

- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes relatives, aux rappels de salaires liés pour les mois de février et mars 2017, et aux dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- débouter M. X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X... à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. X... à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs de la décision,

Sur la demande de résiliation judiciaire :

M. X... invoque, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, plusieurs manquements de l'employeur à ses obligations. En premier lieu, en 2009, alors qu'il était en mission au sein de la société VEOLIA environnement et en charge de la gestion du logiciel SAP, IBM a tenté de subtiliser les données confidentielles de VEOLIA Environnement. M. X... indique que M.A..., intervenant de la société IBM, lui a fait une demande d'accès au logiciel SAP, mais sans suivre la procédure d'autorisation préalable par la cellule compétente. M. X... a donc opposé un refus. Or, M. B... a insisté une nouvelle fois pour obtenir cet accès et le refus a dû être notifié par le directeur 'infogérance' de la société Veolia. Ensuite, IBM lui a demandé de procéder à l'extraction des données confidentielles et notamment des données financières de ses utilisateurs, puis il lui a été demandé de façon illicite d'établir un compte-rendu d'activité CHR. M. X... précise avoir résisté à ces demandes anormales de son employeur, ce qui le plaçait dans un conflit de loyauté entre les exigences d'IBM et la préservation des intérêt du client, VEOLIA. M. X... soutient ensuite que ces refus de sa part sont à l'origine de sanctions de la part d'IBM : il a d'abord dû subir une dégradation de sa notation, des défauts non signalés en début de mission étant mentionnés à la fin de celle-ci et si la procédure de contestation a permis de relever sa note du niveau 3 au niveau 2 elle n'a pas été conforme à ses prestations. Ensuite, IBM a refusé de lui fournir du travail puisqu'aucune mission ne lui a été confiée entre juin 2010 et 2017. Le salarié considère que l'employeur voulait ainsi le contraindre à prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail. M. X... invoque enfin une violation par la société IBM France de son obligation de sécurité de résultat. Il relève à cet égard que le 20 octobre 2010, le médecin du travail a reconnu qu'il était victime d'un épuisement professionnel ce qui signifie que l'activité professionnelle était la cause exclusive de la dégradation de son état de santé. De plus, alors qu'il se trouvait en arrêt de travail, l'employeur l'a sollicité par courriel sans raison valable. Il en déduit que ce harcèlement moral a eu pour effet de prolonger considérablement la durée de son absence pour maladie puisque, du fait des relances de son employeur, il ne pouvait pas se reposer et créer une coupure psychologique avec son environnement professionnel. Enfin, il a été, contre l'avis du médecin du travail, maintenu dans son contexte professionnel.

La société conteste l'ensemble des griefs avancés par le salarié. Elle estime n'avoir commis aucun manquement à l'égard du salarié. Elle nie toute violation de la procédure d'autorisation préalable. Elle rappelle que le refus de la société Veolia que M. X... réponde à son manager sur le compte rendu du CHR ne démontre pas son caractère illicite et n'a entraîné aucune conséquence négative pour le salarié. La société IBM conclut à l'absence d'élément permettant de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée. La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si M. X... affirme avoir été l'objet de demandes illicites dans le cadre de sa mission au sein de Veolia, créatrice de situation de conflits d'intérêt, il n'apparaît pas que l'employeur a tiré une conséquence disciplinaire de ces refus. En effet, M. X... soutient que ces refus sont à l'origine de la dégradation de sa notation à l'issue de la mission. Le fait que la notation pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2009 relève des difficultés qui seraient survenues au début de la mission, qui n'avaient pas été relevées lors de l'évaluation de la période du 3 novembre 2008 au 30 juin 2009, et soit moins favorable que cette dernière, ne signifie pas que ce changement soit lié aux refus opposés aux demandes qu'il qualifie d'illicites. De surcroît, la notation a été revue à la hausse à la suite de la contestation formulée par M. X.... Le salarié ne démontre pas que cette notation repose sur des éléments erronés ou inexacts. La satisfaction manifestée par le client n'empêche pas l'employeur de prendre en compte des données liées à l'exécution du contrat de travail qui excèdent l'appréciation portée par la société Veolia. Cette révision à la hausse marque l'effectivité de la procédure de contestation de l'évaluation, même si le salarié n'a pas obtenu la notation maximale qu'il revendiquait. Ce grief sera écarté.

Le salarié reproche ensuite à son employeur de ne pas lui avoir fourni de travail pendant plus de sept ans.

En premier lieu, cette durée ne peut pas être retenue car le salarié a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail, du 26 novembre 2010 au 3 juin 2013, et du 24 mars 2014 au 29 août 2014.

En second lieu, l'employeur justifie avoir proposé plusieurs missions à M. X... avant son arrêt de travail du 26 novembre 2010 :

- le 22 juillet 2010 une mission en Angleterre, que le salarié a refusé car il souhaitait partir aux Etats-Unis (mail du 22 juillet 2010),

- le 27 juillet 2010, pour une mission auprès de Paribas ; le salarié a indiqué le 27 juillet attendre les retours d'Olivier C...,

- le 14 septembre 2010 en matière de 'GRC' (mail de Mme D...),

- le 17 septembre 2010 pour Yara (mail de Mme D...).

Dans un mail du 12 octobre 2010, Mme D... demandait à M. X... : «je n'ai pas vu passer tes candidatures sur des opens seat US, comme tu avais prévu de le faire, ni aucun autre open seat. Que se passe-t'il ''. M. X... répondait : 'mon expérience et ma trajectoire depuis 2 ans sont SAP Autorisations/GRC. C'est avec ce profil que je recherche des éventuelles opportunités IBM aux Etats-Unis. Au-delà de toutes considérations, je doute qu'une expérience PMO ou autre SAP FI, voire CRM soit en cohérence avec cet existant».

Il en résulte que pour cette période allant jusqu'au 26 novembre 2014, le salarié a bien reçu des offres de mission, mais n'y a pas donné suite en raison du projet qu'il avait conçu quant à la suite de sa carrière au sein d'IBM. Aucun manquement ne peut être imputé à l'employeur.

A son retour de congé maladie, en juin 2013, M. X... a de nouveau été sollicité par la cellule mobilité qui a proposé des rendez-vous et souligné la nécessité de mettre son curiculum vitae à jour. Mais, de nombreux rendez-vous ont été soit annulés par M. X... (mail du 29 août 2013) ; soit non honorés (24 juin 2013, 14 mars 2014, 26 février 2015, 4 février 2016).

Dans un mail du 14 février 2014, Mme E... relevait que M. X... n'était pas revenu vers elle après les offres de poste envoyées le 24 janvier 2014, et lui adressait de nouvelles propositions.

Mme E... envoyait encore des propositions de poste le 17 mars 2014, alors que M. X... ne s'était pas présenté au rendez-vous du 14 précédent. De même des offres lui étaient envoyées le 5 février 2016, après le rendez-vous manqué de la veille.

Une mission auprès de la SACEM lui a été confiée à compter du 1er février 2016. C'est à l'occasion de celle-ci que le licenciement a été prononcé.

M X... a également manqué à se présenter à un entretien professionnel le 24 février 2016.

L'ensemble de ces éléments montre que le salarié n'a pas accompli les diligences nécessaires pour que de nouvelles missions lui soient confiées. L'employeur a bien rempli son obligation de fournir du travail et ce reproche doit être écarté.

En dernier lieu, M. X... invoque un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur et un harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3

et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans un mail du 20 octobre 2010, le médecin du travail indiquait : «suite à la visite médicale de ce jour, je vous informe que Monsieur X... est médicalement inapte temporairement. Je lui conseille de voir son médecin traitant et le reverrai à son retour». Dans un courrier à son confrère, elle précise que le salarié présente un épuisement professionnel. Mais le simple fait que le médecin du travail ait constaté un épuisement professionnel, ne saurait caractériser un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, dès lors que le salarié, qui soutient n'avoir plus eu de mission depuis juin 2010, n'allègue ni ne prouve l'existence de faits précis, imputables à l'employeur, qui seraient à l'origine de cet épuisement professionnel. En effet, les seuls griefs antérieurs à juin 2010 sont les reproches liés à des demandes qualifiées d'illicites et à un défaut de fourniture de travail et dont la matérialité a été écartée ci-dessus.

M. X... soutient que l'employeur l'a sollicité sans la moindre raison valable pendant son arrêt maladie du 20 octobre 2010 au 4 juin 2013. Il produit deux mails qui lui ont été adressés pendant cette période. [...] 17 janvier 2011, lui demandant de mettre à jour l'évaluation PBC 2010. L'autre, de trois lignes utiles également, le 2 février 2011 lui demande de valider une demande de formation obligatoire.

Enfin, M. X... relève qu'il n'a pas été tenu compte de l'avis du médecin du travail, le docteur F..., qui avait, le 20 octobre 2010, constaté une situation d'épuisement professionnel et qui, le 4 juin 2013 avait retenu que le salarié était apte à la reprise, mais dans un autre contexte relationnel, recommandation qui, selon lui, n'a pas été suivie. Cette affirmation est contredite par un échange de mails entre le docteur G..., qui a pris la suite du docteur F..., et Mme I.... Le médecin prend acte des mesures prises à la suite de l'avis d'aptitude sous réserve de son prédécesseur et remercie ses interlocuteurs pour l'action entreprise. Il en découle que l'employeur a bien pris en compte les recommandations du médecin du travail et que ce grief doit être écarté.

Parmi les faits invoqués au soutien de l'allégation de harcèlement moral, seuls sont matériellement établis deux mails adressés pendant l'arrêt maladie du 20 octobre 2010 au 4 juin 2013. Toutefois, ces deux mails ont été envoyés pour des motifs de gestion du salarié, à savoir d'une part son évaluation, d'autre part une formation obligatoire, de sorte que, contrairement aux allégations du salarié, leur auteur était animé d'une raison valable. Par ailleurs, deux mails isolés dans une période aussi longue ne peuvent pas laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral quelconque. Ce grief doit donc être écarté.

Sur la nullité du licenciement :

Le salarié soutient que son licenciement a été prononcé par mesure de rétorsion à l'action en résiliation judiciaire qu'il avait introduite devant la juridiction prud'homale.

L'employeur soutient que le licenciement est parfaitement justifié et qu'il ne s'agit pas d'une mesure de rétorsion.

Le licenciement a été prononcé par l'employeur pour un motif, la faute grave, qui n'est pas illicite, même si la réalité des faits et le bien-fondé de celui-ci sont contestés par le salarié. Ce dernier ne démontre pas que ce licenciement, intervenu trois ans et neuf mois après la saisine de la juridiction prud'homale et six mois après le jugement rejetant sa demande, a été fait par mesure de rétorsion. La demande de nullité doit donc être rejetée.

Sur le licenciement pour faute grave :

Le salarié expose que :

- pour la période du 1er février au 20 février 2017 : il s'est toujours plaint de dysfonctionnements de l'ordinateur mis à sa disposition, et n'a pas reçu les courriels précédant le courrier postal du 20février 2017, de telle sorte qu'il n'a jamais été mis au courant de la mission avant le 20 février 2017 et qu'il ne peut lui être reproché une absence d'exécution,

- pour la période du 20 février 2017 au 1er mars 2017 : par courrier du 20 février 2017, il lui a été demandé d'être présent à la SACEM le 1er mars 2017, de telle sorte qu'aucune absence injustifiée ne lui est reprochable entre le 20 février et le 1er mars 2017,

- le salarié s'est rendu à la SACEM le 1er mars, et la convocation à entretien préalable est datée du lendemain,

- il n'a pas refusé d'exécuter la mission mais a indiqué qu'il ne pourrait la commencer qu'après qu'une fiche de mission lui soit adressée, or, délibérément, IBM n'est jamais revenu vers lui et c'est Mme H... qui a levé la réunion et pas lui qui l'a quittée unilatéralement.

Il conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

La société expose que :

- sur la période du 1er au 20 février 2017 : il est reproché au salarié de ne pas s'être présenté à la convocation qui lui avait été adressée le 26 janvier 2017 pour une affectation de mission à la SACEM à compter du 1er février 2017. Il lui est également reproché de ne pas y avoir répondu et de ne pas s'y être présenté. Cela résulte très clairement de l'email de Mme H... envoyé à M. X... le 26 janvier 2017 à 9h47 avec pour objet « Mission SACEM ». Or il s'est servi de sa messagerie professionnelle pour revenir sur son rendez-vous à la SACEM le 1er mars 2017.

Sur la période du 20 février au 1er mars 2017 : M. X... reconnaît que la compagnie lui a envoyé un courrier recommandé le 20 février 2017 lui fixant un rendez-vous le 1er mars 2017 dans les locaux de la SACEM. N'ayant pas déféré à la première convocation, il était toujours en absence injustifiée.

- Sur la période postérieure au 1er mars 2017 : Par courrier du 20 février 2017, la compagnie a demandé à M. X... de se présenter à nouveau dans les locaux de la SACEM à Neuilly à compter du 1er mars 2017 à 9 heures. Il résulte du compte rendu de ce rendez-vous de Mme H... à MmeI... ce même jour par email que le rendez-vous était chaotique, M. X... l'ayant quitté de façon précipitée. Il ressort de ce compte rendu que M. X... s'est clairement placé dans un état d'insubordination manifeste.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce :

« Vous exerciez les fonctions de Consultant SAP. Dans ce cadre, nous vous avions demandé par courrier électronique, le 26 janvier 2017, de vous présenter le 1er février 2017 dans les locaux de la SACEM situés [...], pour y accomplir une mission sous la responsabilité de Martine H..., votre manager référent pour cette mission.

Vous n'avez pas répondu à ce message, ne vous êtes pas présenté, n'avez pas appelé Martine H... et n'avez justifié auprès de personne votre absence ou fait part d'un quelconque empêchement.

Le 2 février 2017 nous avons été contraints de vous écrire pour vous demander à nouveau de nous contacter afin de justifier de votre absence persistante et réitérée. Or, une nouvelle fois, vous n'avez pas répondu.

Le 20 février, ne vous étant toujours pas présenté sur votre lieu de travail et sans nouvelle de votre part pour justifier vos absences, nous vous avons demandé une fois de plus de vous présenter sur le lieu de la mission à la SACEM à laquelle vous étiez affecté à compter du 1er mars 2017 à 9heures. Aussi, nous tenons à souligner que cette situation fait suite à de précédentes absences injustifiées dont vous êtes coutumier.

Le 1er mars vous vous êtes rendu à la SACEM à 9h45. Martine H... vous a reçu et vous avez adopté d'emblée un ton provocateur, négatif et critique en tenant des propos déplacés sans fournir d'explications sur vos absences injustifiées et sur le fait que vous ne répondiez pas aux messages téléphoniques électroniques et postaux.

De plus, cette réunion à la SACEM avait pour objectif de vous communiquer les instructions nécessaires à la réalisation de cette mission au sein de l'équipe projet, mission en totale adéquation avec vos compétences et expériences. Au lieu de vous mettre immédiatement au travail, vous avez exigé d'IBM que vous soit fournie la description de la mission afin de la soumettre à votre avocat et avez demandé à quitter les locaux de la SACEM en refusant l'affectation et la mission. De la même façon, vous n'êtes plus revenu les jours qui ont suivi sur le lieu de votre mission vous plaçant à nouveau en absences injustifiées.

Par ailleurs, alors que vous avez cru bon de vous rendre sur la mission sans votre ordinateur, vous avez invoqué auprès de Martine H... un prétendu dysfonctionnement de votre matériel.

Or, le 31 mai 2016, suite à l'intervention de Magali J..., la procédure à suivre vous a été communiquée par Eric K.... De plus, comme pour tout collaborateur, vous aviez accès sur le site IBM de votre rattachement de Bois Colombes à l'équipe de support micro-informatique prévue à cet effet. Pour autant, vous n'avez mis en 'uvre aucune de ces actions.

Vous êtes encore allé plus loin dans la provocation, le 3 mars suivant, alors que vous ne vous étiez toujours pas présenté sur la mission à la SACEM, en envoyant un courrier électronique de votre messagerie professionnelle à Madame H... prouvant ainsi que non seulement votre poste de travail fonctionnait et que c'est donc avec une totale mauvaise foi que vous invoquiez des dysfonctionnements.

En conséquence de ce qui précède votre licenciement prend effet immédiatement à la date de première présentation de ce courrier ».

M. X... avait été invité à se présenter le 1er février 2017 à la SACEM pour débuter une mission. Il ne démontre pas la nature de l'incident technique affectant son ordinateur qui l'aurait empêché de se rendre sur le lieu de mission. Il ne justifie pas davantage avoir adopté les mesures prévues par IBM pour pallier la défaillance de son matériel informatique et être ainsi en mesure de répondre aux sollicitations qui pouvaient lui être adressées par son employeur. Le changement de matériel informatique intervenu le 15 mars 2017, ne permet pas d'établir l'existence d'un dysfonctionnement de la messagerie en janvier et février 2017, ni dispenser le salarié, qui est un cadre autonome, de suivre la procédure prévue par l'employeur en cas de panne du matériel pour y remédier rapidement.

Si M. X... conteste la relation de la réunion du 1er mars 2017, il indique toutefois dans ses conclusions qu'il a indiqué à Mme H... qu'il ne pourrait commencer la mission qu'après qu'une fiche de mission lui soit adressée. Or, même en retenant sa version des faits, le salarié ne pouvait subordonner l'exécution de la prestation qu'il doit à son employeur à la délivrance par ce dernier d'une fiche descriptive. La position défendue par M. X... révèle, en toute hypothèse, une contestation du pouvoir de direction.

Mme H..., supérieure hiérarchique de M. X... a relaté le 1er mars 2017, dans un mail circonstancié, le contenu de l'entretien qu'elle avait eu avec ce dernier. Aucun élément ne permet de remettre en cause le contenu de ce message particulièrement circonstancié. Il apparaît ainsi que M. X... s'est présenté, avec trois-quart d'heures de retard sur le lieu de travail, qu'il a refusé d'exécuter sa mission sans avoir d'écrit descriptif de la mission, document qu'il comptait soumettre à son avocat avant de décider s'il l'acceptait, et qu'il a ensuite quitté les lieux.

Les faits d'absence injustifiée sont donc établis. Du fait de leur nature ils font obstacle, à eux seuls, au maintien du salarié dans l'entreprise et constituent une faute grave.

Le salarié doit donc être débouté de ses demandes au titre du licenciement.

Sur les demandes de rappel de salaire et de travail dissimulé :

M. X... demande le paiement des salaires du mois de février 2017, son absence résultant de la défaillance de son outil informatique et de la journée du 1er mars 2017 puisqu'il s'est bien présenté sur le lieu de travail.

L'employeur soutient qu'il n'a pas à payer les salaires du 1er février au 1er mars 2017 puisque le salarié n'était pas à disposition et a refusé de prendre la mission le 1er mars.

Il résulte du mail qui lui a été adressé le 26 janvier 2017, que M. X... devait se présenter le 1erfévrier pour commencer une mission au profit de la SACEM. Le salarié explique son absence par la défaillance de l'outil informatique. Toutefois, il ne justifie pas de la réalité ni de la nature de l'incident technique qui serait advenu, ni d'avoir mis en oeuvre la procédure préconisée dans un tel cas par l'employeur. Il en découle que le salarié n'était pas à la disposition de l'employeur et qu'il n'avait donc pas à payer le salaire du mois de février 2017.

Si M. X... s'est effectivement présenté à la SACEM le 1er mars 2017, il a été retenu ci-dessus qu'il a refusé d'exécuter la mission qui devait lui être confiée, au motif qu'il n'avait pas de fiche descriptive, et qu'il a quitté les lieux, de sorte qu'en réalité il ne se tenait pas à la disposition de l'employeur. C'est donc à juste titre que l'employeur s'est abstenu de payer le salaire correspondant.

Le salarié sera donc débouté de ces demandes.

Sur les frais irrépétibles :

Le salarié, qui succombe, doit supporter les dépens.

Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne vient justifier l'allocation d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 16 septembre 2016,

Y ajoutant,

Déboute M. X... de l'intégralité de ses demandes,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X... aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe Z..., Président et par Madame Marine GANDREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04819
Date de la décision : 20/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°16/04819 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-20;16.04819 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award