La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2018 | FRANCE | N°17/08963

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 18 septembre 2018, 17/08963


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4FA



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 SEPTEMBRE 2018



N° RG 17/08963 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SBHI



AFFAIRE :



Société B.A.T. INDUSTRIES P.L.C

...



C/



SELARL F.H.B.

...



Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Décembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 9

N° Section :

N° RG : 2017L016

82



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18/09/2018



à :



Me Christophe X...



Me Julie F...



Me E... Y...



TC NANTERRE



M-P





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT SEPTEMBR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4FA

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 SEPTEMBRE 2018

N° RG 17/08963 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SBHI

AFFAIRE :

Société B.A.T. INDUSTRIES P.L.C

...

C/

SELARL F.H.B.

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Décembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 9

N° Section :

N° RG : 2017L01682

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18/09/2018

à :

Me Christophe X...

Me Julie F...

Me E... Y...

TC NANTERRE

M-P

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

-La Société B.A.T. INDUSTRIES P.L.C, société de droit anglais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

WC2R LONDON ROYAUME-UNI

-La Société BTI 2014 LLC, société de droit de l'Etat de DELAWARE détenue à 100 % PAR BAT INDUSTRIES PLC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...] - Wilmington DE

19803 WILMINGTON DE ETATS-UNIS

Représentées par Maître Christophe X... avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17869 et par Maître Antoine Z... avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

-La SELARL F.H.B. mission conduite par Maître Hélène A..., agissant ès qualités d'Administrateur judiciaire de la S.A. SEQUANA

[...]

-La SELARL C. BASSE mission conduite par Maître Christophe BASSE, agissant ès qualités de Mandataire judiciaire de la S.A. SEQUANA

[...]

Représentées par Maître Julie F... avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 218535 et par Maître Jean-Pierre B... avocat plaidant au barreau de PARIS

La SA SEQUANA S.A au capital de 65 183 351,00 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 383 491 446, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 383 49 1 4 46

[...]

Représentée par Maître E... Y... de la C... E..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20180012 et par Maître Didier G... Gotshal & Manges avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : L132

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Juin 2018, Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie H..., Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 30/01/2018 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.

Le groupe Sequana est composé de la société holding Sequana et de ses filiales Antalis international et Arjowiggins et a pour activités principales la distribution de papiers, de solution d'emballage et de supports de communication visuelle et la production de papiers.

Le groupe a engagé une restructuration financière en 2014 et les sociétés Antalis international, Arjowiggins et Sequana ont fait l'objet d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce de Nanterre qui a homologué les protocoles de conciliation par jugement en date du 27 juin 2014.

La société Sequana a été attraite devant la High court of justice de Londres la licéité des distributions de dividendes dont elle avait bénéficié en 2008 et 2009 de la part de son ancienne filiale, la société Windward prospects, étant remise en cause et les sociétés BAT industries et BTI 2014 demandant sa condamnation au paiement de la somme totale de 578M€.

Par ordonnance du 1er juin 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de mandat ad hoc, la SELARL FHB prise en la personne de MeA... et de MeD... étant désignée en qualité de mandataire ad hoc avec notamment mission d'assister la société Sequana en vue de trouver une solution amiable au litige.

Par décision du 11 juillet 2016, la High court of justice de Londres a notamment estimé que la distribution de dividendes réalisée en mai 2009 pour 135M€ contrevenait aux dispositions de la loi britannique sur l'insolvabilité.

Par ordonnance du 28 octobre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a mis fin à la procédure de mandat ad hoc et, le même jour, a ouvert une procédure de conciliation au profit de la société Sequana, la SELARL FHB prise en la personne de MeA... et de MeD... étant désignée en qualité de conciliateur, à laquelle il a été mis fin par ordonnance du 8 novembre 2016.

Par ordonnance du 23 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une nouvelle procédure de mandat ad hoc, la SELARL FHB prise en la personne de MeA... et de MeD... étant désignée en qualité de mandataire ad hoc.

Par décision du 10 février 2017, la High court of justice de Londres a condamné la sociétéSequana à payer aux sociétés BAT industries et BTI 2014 les sommes de 138,4M$ en réparation du préjudice actuel, de 43,008M€ en réparation du préjudice futur et de 9,6M£ à titre de provision pour frais de justice.

La High court of justice de Londres a autorisé la société Sequana à interjeter appel des deux décisions des 11 juillet 2016 et 10 février 2017 en précisant que la somme de 5,778M£, représentant une quote-part de la provision pour frais de justice, était exigible au 5 mai 2017.

Sur demande de la société Sequana et par jugement du 15février2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde pour une durée de six mois et désigné la SELARL FHB prise en la personne de MeA... en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL C. Basse prise en la personne de MeBasse en qualité de mandataire judiciaire.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont formé tierce opposition à cette décision. Par jugement du 6avril2017, le tribunal a dit la tierce opposition irrecevable, débouté les sociétés BAT industries et BTI 2014 de toutes leurs autres demandes et débouté la société Sequana de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Sur appel des sociétés BAT industries et BTI 2014 et par arrêt du 12juin2018, la cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

Entre temps, sur requête de la société Sequana et par ordonnance du 31mars2017, le juge-commissaire a, sur le fondement de l'article L. 622-7 du code de commerce, autorisé la société Sequana à :

- établir et soumettre au visa de l'Autorité des marchés ('AMF') un prospectus en vue de la cotation des titres de la société Antalis international;

- présenter à la prochaine assemblée générale des actionnaires de la société Sequana une résolution visant à distribuer un dividende en nature à ses actionnaires constitué de 10 à 30% des actions de la société Antalis international;

- de procéder, sous condition d'une vote favorable de l'assemblée générale des actionnaires de la société Sequana, à la distribution à ses actionnaires d'un dividende en nature constitué globalement de 10 à 30% des actions de la société Antalis international.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont formé un recours à l'encontre de cette ordonnance devant le tribunal qui, par jugement du 18mai2017, a pour l'essentiel dit irrecevable 'l'opposition' formée par les sociétés BAT industries et BTI 2014 sur le fondement des articles 583 du code de procédure civile, R.621-21 et L.622-7 du code de commerce. Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont interjeté appel de ce jugement.

L'assemblée générale des actionnaires de la société Sequana du 6 juin2017 a approuvé la distribution de dividendes à laquelle il a été procédé le 12juin suivant.

Les créanciers ont été consultés par MeBasse ès qualités sur le projet de plan de sauvegarde. Par courrier du 26mai2017, les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont refusé les propositions du plan.

Par jugement du 12juin 2017, le tribunal a arrêté le plan de sauvegarde.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014, qui avaient déclaré une créance chirographaire d'un montant total de 781.984.968,43€, ont formé une tierce opposition contre ce jugement.

Par jugement du 8décembre2017, le tribunal a dit les sociétés BAT industries et BTI 2014 irrecevables en leur tierce opposition et les a condamnées solidairement à payer à la société Sequana la somme de 20.000€ et à MeA... ès qualités et MeBasse ès qualités chacun la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés BAT industries et BTI 2014 ont fait appel du jugement du 8décembre2017 et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5février2018, elles demandent à la cour :

- de les dire et juger recevables en leur tierce opposition;

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

- statuant à nouveau, de rétracter le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, de rejeter le plan de sauvegarde dans toutes ses dispositions et de débouter la société Sequana et les SELARL FHB èsqualités et C.Basse ès qualités de leurs demandes;

- de condamner la société Sequana à payer à chacune d'elles la somme de 30.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- de condamner la société Sequana aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.

Elles soutiennent pour l'essentiel :

- que leur tierce opposition est recevable dès lors qu'elles fondent leur action d'une part sur une fraude globale avérée dans laquelle s'inscrit le plan arrêté par le tribunal et d'autre part sur une atteinte à leurs droits propres résultant de la violation du principe d'égalité des créanciers chirographaires et du préjudice propre qu'elles subissent du fait du sort particulier donné à leurs créances dans le plan;

- que la fraude à la loi à l'ouverture de la procédure de sauvegarde consistait en un détournement de procédure permettant une distribution de dividendes aux actionnaires de la société Sequana et une sortie organisée de sa filiale Antalis international de son patrimoine et en une intention d'échapper par la procédure de sauvegarde au règlement de la condamnation prononcée en leur faveur; que le plan de sauvegarde constitue en lui-même une fraude à leurs droits et un détournement des objectifs de la procédure de sauvegarde à leur préjudice dès lors que ce plan premièrement ne permet pas le règlement de leur créance, pourtant considéré comme cause des difficultés de la société Sequana, dont le traitement est renvoyé à une modification ultérieure du plan et dont il est manifeste qu'un paiement sur dix ans est illusoire, que deuxièmement il organise des cessions d'actifs rendant inéluctable à terme une liquidation de la société Sequana faute de pouvoir payer leur créance avec ses actifs résiduels, la distribution de dividendes en actions de la filiale Antalis international ayant eu pour effet une réduction du gage et une diminution des capitaux propres de la société Sequana et la société Sequana ayant distribué 11,52 millions d'actions de sa filiale décotées à ses actionnaires BPI et Impala et annoncé sa volonté de nantir entre 30 et 50 millions de ces titres ainsi que son intention de céder sa filiale, et que troisièmement il prévoit le paiement de la quasi-totalité des créanciers en dehors d'elles le passif retenu étant de 65M€, les créanciers étant tous payés en numéraire, par remise d'actions Antalis international ou compensation à court et moyen termes et les autres créances, dont la leur, étant non retenues dans le plan et payables facialement sur dix ans;

- qu'en tout état de cause, le plan est en lui-même illicite et abusif au premier motif qu'il ne prend pas en compte leur créance alors qu'un plan doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées même si elles sont contestées, qu'en l'espèce seul un passif de 65M€ a été retenu et qu'il est manifeste, selon les organes de la procédure, que la trésorerie de la société Sequana résultant du prévisionnel d'exploitation serait insuffisante pour payer les deux premières échéances du plan si la condamnation était confirmée de sorte que le plan arrêté par le tribunal ne prévoit pas le règlement de toutes les créances; que le plan est en lui-même illicite et abusif au second motif qu'il n'applique pas le principe d'égalité de traitement entre les créanciers de même rang et qu'il est manifestement abusif de prévoir une telle disparité de traitement des créances chirographaires, la leur demeurant impayée pendant dix ans quand le passif actuel de la société Sequana est réglé dans sa quasi-totalité à plus ou moins court terme;

- que le plan viole les dispositions de l'article L.626-21 du code de commerce en décidant que leur créance ne serait réglée qu'à compter de son admission définitive sans tirer les conséquences du caractère exécutoire par provision de la décision de condamnation prononcée en leur faveur ou sans réserver la possibilité pour la juridiction saisie du litige de décider d'un paiement à titre provisionnel.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2mars2018, la société Sequana demande à la cour de déclarer les appelantes mal fondées en leur appel et de les en débouter, de confirmer le jugement entrepris en tous points et de condamner in solidum les appelantes à lui payer une somme de 70.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elle soutient pour l'essentiel :

- que la tierce opposition est irrecevable en l'absence de fraude, que les appelantes ne sont plus fondées à invoquer une fraude à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, que l'affirmation que le plan ne permettrait pas le règlement de leur créance ne caractérise pas une fraude, que les sociétés BAT et BTI ne démontrent pas qu'elle ne serait pas en capacité de régler leur créance en dix annuités en cas de confirmation de la condamnation, qu'elles ne peuvent se fonder sur des éléments postérieurs à l'adoption du plan, qu'il n'y a ni dissimulation ni tromperie ni manoeuvre ni artifice, que la disposition de ses actifs ne peut pas constituer une fraude, et ce alors même qu'elle est autorisée par le juge et a pour objet la pérennité de son activité, que la supposée inégalité de traitement entre les créanciers n'est pas non plus de nature à caractériser une fraude, qu'en tout cas le plan prévoit bien le règlement de la condamnation en dix ans, que d'autres créances subissent le même sort, que le paiement des créances sociales et fiscales a été ramené à cinq annuités à la demande du ministère public, que le tribunal a imposé des délais uniformes aux sociétés BAT et BTI et aux créanciers ayant refusé la proposition de plan conformément à l'article L.626-18 du code de commerce;

- que la tierce opposition est également irrecevable en ce que les sociétés BAT et BTI n'invoquent pas de moyen propre; que leur créance, qu'il s'agisse de la créance provisionnelle au titre des frais de justice ou de celle de dommages-intérêts, a été prise en compte dans le plan selon des modalités de traitement licites, que le tribunal a encadré la faculté offerte au débiteur de solliciter une modification du plan en imposant un délai de six mois à compter de la décision d'appel pour le saisir pour adapter le plan, que le tribunal a bien pris en considération la créance contestée des appelantes, aucune autre règle ne s'imposant dans l'élaboration d'un plan de sauvegarde; que le moyen tiré de son incapacité supposée d'honorer les échéances du plan est un moyen commun à tous les créanciers; qu'une différence de traitement des créanciers peut résulter du plan de sauvegarde et qu'aucune règle n'impose un traitement uniforme des créanciers chirographaires, que les différences de traitement du plan arrêté par le tribunal ne sont pas critiquables; que le traitement des créanciers dans le plan ne révèle aucun abus de droit, que le tribunal n'a pas l'obligation de citer intégralement les dispositions de l'article L.626-21 du code de commerceet est compétent pour ordonner un paiement provisionnel d'une créance litigieuse et que la juridiction anglaise n'a pas elle-même ordonné un tel paiement provisionnel;

- sur le fond, que la tierce opposition n'est pas fondée pour les mêmes motifs, la société Sequana faisant observer que les appelantes ne développent pas d'arguments distincts à l'appui du bien fondé de leur tierce opposition.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5mars2018, MeA... ès qualités et Me Basse ès qualités demandent à la cour à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, aucun moyen propre ou fraude n'étant démontré, à titre subsidiaire de rejeter la demande de rétractation des appelantes et, en tout état de cause, de condamner solidairement les appelantes à leur payer la somme de 10.000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Ils soutiennent pour l'essentiel :

- que la tierce opposition des sociétés BAT et BTI est irrecevable au premier motif que la fraude alléguée n'est pas démontrée, que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde puis l'introduction en bourse de la filiale Antalis international assortie d'une distribution de dividendes en actions de cette filiale, outre qu'il n'est pas établi qu'elles soient frauduleuses, ne concernent pas la présente procédure d'appel, que le simple non-respect des conditions légales, définies par l'article L.626-1 du code de commerce, pour arrêter un plan de sauvegarde ne peut constituer une fraude et que la violation de ces conditions n'est pas démontrée par les appelantes;

- que la tierce opposition des sociétés BAT et BTI est irrecevable au second motif que les appelantes ne démontrent aucune atteinte à leurs droits propres résultant d'une supposée violation du principe d'égalité entre les créanciers chirographaires ni l'existence d'un préjudice né du sort particulier que leurs créances subiraient, que le créancier qui soutient que le plan ne constitue pas une possibilité sérieuse de redressement de la société débitrice et méconnaît les impératifs dictés par les textes ne dispose pas d'un moyen propre;

- sur le fond, que les critères légaux d'un plan de sauvegarde ont été respectés, que ce plan présente de sérieuses chances de réussite; qu'il propose un traitement de la créance des appelantes, que si la totalité du passif, y compris contesté, doit être pris en considération, aucune obligation de prévoir le paiement de la totalité du passif déclaré ne s'impose, que le plan arrêté par le tribunal prend en considération l'intégralité des créances déclarées dont la créance des appelantes correspondant aux frais de justice et à la condamnation prononcée en première instance si elle devait être confirmée en appel, qu'il prévoit une modification du plan dans les six mois de la décision définitive des juridictions britanniques, que le retournement attendu doit engendrer une augmentation de la rentabilité et de la valeur des filiales de la société Sequana permettant de désintéresser les créanciers; que la prise en compte de la créance déclarée par les appelantes à hauteur de 782M€ est irréaliste et que seul un plan de sauvegarde permet la sauvegarde de l'entreprise et le désintéressement des créanciers; que le plan ne porte pas atteinte à l'égalité entre les créanciers, que ce principe implique de traiter de manière similaire des créanciers dans une situation similaire, que les sociétés BAT et BTI sont traitées comme les autres créanciers chirographaires dont la créance n'est pas une créance d'exploitation et qui ont refusé la proposition de plan et comme certains créanciers privilégiés pour plus de la moitié de leur créance et que le traitement réservé à la créance des appelantes est justifiée; qu'enfin le tribunal n'a pas excédé ses pouvoirs dès lors que, d'une part, le pouvoir d'accorder ou de refuser à un créancier de participer à titre provisionnel aux répartitions avant l'admission définitive peut relever du tribunal de la procédure collective, ce qu'a fait le tribunal en l'espèce, et que, d'autre part, la High court of justice de Londres, dans sa décision du 2juin2017, n'a pas ordonné de paiement à titre provisoire bien qu'ayant levé le sursis à statuer.

Le ministère public est d'avis que la cour confirme le jugement considérant que les appelantes ne peuvent de nouveau arguer d'une éventuelle fraude, ladite fraude ne pouvant être soulevée que lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, et que le principe d'égalité des créanciers ne s'impose pas en matière de plan de sauvegarde, un traitement différencié des créanciers étant admissible. Cet avis a été communiqué par RPVA le 30janvier2018.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

Il résulte des articles 583, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 661-3 du code de commerce que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur que s'il invoque un moyen qui lui est propre ou démontre que le jugement a été rendu en fraude de ses droits.

Si, en application de l'article L. 626-21 du code de commerce, l'inscription d'une créance au plan ne préjuge pas de son admission définitive au passif et si les sommes à répartir correspondant aux créances litigieuses ne sont versées qu'à compter de leur admission définitive au passif, le plan de sauvegarde doit néanmoins prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées, peu important leur caractère exigible ou non. Le créancier qui soutient que le plan de sauvegarde ne prévoit pas le règlement de la totalité de sa créance déclarée dispose d'un moyen propre rendant recevable sa tierce opposition au jugement arrêtant un tel plan.

En l'espèce, les sociétés BAT et BTI ont déclaré une créance d'un montant total de 781.984.968,43€ au titre des frais de justice accordés par la High court of justice (10,2M€), de la procédure pendante devant la cour d'appel anglaise au titre des dividendes versés par la société Sequana en mai 2009 (197,9M€) et en décembre 2008 (564,1M€), et des coûts de la procédure pendante devant la cour d'appel anglaise (9,6M€). Cette créance est traitée comme faisant l'objet d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.

Il ressort des termes du jugement que :

- la proposition de plan présentée par la société Sequana reposait sur la prise en compte d'un passif de 65M€ le reste du passif déclaré étant écarté car constitutif de créances fiscales provisionnelles 'a priori sans fondement' (33 M€), de garanties données par le débiteur au profit de ses filiales 'qui n'ont pas, sauf défaillance de ces filiales, vocation à être mises en oeuvre' (267M€) et de créances contestées ou faisant l'objet d'une instance en cours (810 M€), la créance des sociétés BAT et BTI étant classée dans cette dernière catégorie pour le montant déclaré (782 M€); toutefois la proposition de plan prévoyait le paiement en numéraire de la créance provisionnelle pour frais de justice à titre provisionnel en dix annuités sans que le montant de cette créance ne soit précisé,

- à l'audience la société Sequana a précisé que la valeur des titres Arjowiggins et des titres Antalis permettrait de 'faire face, le cas échéant, à une confirmation en appel du jugement en première instance intervenu dans le litige BAT'; la cour observe que la créance résultant de cette confirmation s'élève aux sommes de 138,4M$, de 43M€ et de 9,6M£ à titre de provision pour frais de justice,

- le juge-commissaire a proposé, en conséquence de la levée du sursis à exécution de la condamnation prononcée par la High court of justice, et du refus des sociétés BAT et BTI des propositions du plan, de 'fusionner la créance provisionnelle au titre des frais de justice et le reste de la créance déclarée en une seule créance assujettie au plan proposé pour les 'autres créances'',

- dans ses motifs, le tribunal entend fixer pour les créanciers qui ont refusé la proposition de plan un calendrier d'apurement intégral identique à celui retenu pour 'les autres créances', précise que, dans le cas des instances en cours, les règlements n'interviendront qu'à compter de l'admission définitive de la créance et que, la décision de la cour d'appel de Londres pouvant avoir une incidence déterminante sur l'issue du plan de sauvegarde et en bouleverser l'économie, 'dans les six mois du rendu d'une décision définitive dans ce litige, la société Sequana, et à défaut l'un ou l'autre des co-commissaires à l'exécution du plan, devra saisir le tribunal d'une requête en vue de solliciter la modification du plan de sauvegarde aux fins de l'adapter aux conséquences de la décision rendue'; le tribunal indique également que les états prévisionnels et les éléments fournis à l'audience montrent que la société Sequana devrait être en mesure de faire face aux échéances et à une éventuelle confirmation en appel de la condamnation intervenue en première instance dans le litige BAT/BTI (souligné par la cour),

- dans le plan arrêté, le tribunal dit que 'les autres créanciers, y compris ceux ayant refusé le plan ou ayant apporté une réponse conditionnée, seront remboursés de leur créance définitivement admise en 10 annuités selon l'échéancier suivant', que 'les créances faisant l'objet d'une instance en cours relèvent de cette catégorie', que 'dans le cas d'instance en cours les règlements n'interviendront qu'à compter de l'admission définitive de la créance'.

Il résulte de ces différentes mentions que le tribunal n'a pas défini expressément le montant du passif pris en compte dans le plan qu'il a ainsi arrêté. Il n'a pas non plus déterminé le montant de la créance des sociétés BAT et BTI dont le règlement est prévu dans ce plan. En effet, si le juge-commissaire a proposé de prendre en compte non seulement la créance dite provisionnelle de frais justice mais aussi 'le reste de la créance déclarée', le tribunal n'a pas entendu suivre cette proposition dès lors qu'aux termes du plan arrêté les créanciers ayant refusé le plan, comme l'ont fait les sociétés BAT et BTI, ne sont remboursés que de leur créance définitivement admise et non de leur créance déclarée.

Au demeurant, les organes de la procédure soutiennent que le plan arrêté par le tribunal tient compte de l'intégralité des créances déclarées en faisant valoir que 'cet échéancier permettra le remboursement de la créance des appelantes aux frais de justice et à la condamnation prononcée en première instance si celle-ci venait à être confirmée en appel'. Cette lecture du jugement confirme que le tribunal n'a pas prévu le règlement de la totalité de la créance déclarée par les sociétés appelantes.

Les sociétés BAT et BTI disposent dès lors d'un moyen propre rendant recevable leur tierce opposition au jugement arrêtant le plan. Le jugement frappé d'appel doit donc être infirmé en toutes ses dispositions sans qu'il soit nécessaire de répondre au moyen soutenu par les appelantes relativement à la fraude à leurs droits.

Sur le bien fondé de la tierce opposition :

Le plan de sauvegarde doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées, peu important leur caractère exigible ou non et les chances de succès de la contestation élevée par le débiteur.

Or, le plan arrêté par le tribunal prévoit le règlement en dix ans de la créance des sociétés BAT et BTI définitivement admise et non de leur créance déclarée. Il résulte en outre des explications des intimées et de la clause du plan prévoyant une saisine du tribunal aux fins de sa modification qu'est seule prise en considération par le plan tout au plus la créance telle que définie par la condamnation de la société Sequana en première instance et non la créance déclarée en sa totalité. En tout état de cause, la seule prise en considération de la créance des sociétés BAT et BTI par le plan sans modalité de leur règlement complet ne répond pas aux exigences légales qui imposent qu'un plan de sauvegarde prévoit le règlement de toutes les créances déclarées. Telle est également le cas du plan présenté par la société Sequana qui prévoit le règlement de seulement 65M€ du passif déclaré.

Pour ce seul motif le jugement arrêtant le plan doit être infirmé et le plan proposé par la société Sequana rejeté.

Les sociétés appelantes font également grief au plan de traiter différemment les créanciers chirographaires en ce que le plan prévoit le règlement des créances fiscales et sociales en cinq annuités et celui des créances liées aux contrats de location et de crédit-bail, à la fourniture de biens ou de services - y compris intragroupe - et aux mandats sociaux dans les trois mois de son arrêté.

Aux termes de l'article L.626-18 du code de commerce le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers mais peut réduire ces délais et remises, d'une part, et le tribunal impose des délais uniformes de paiement aux seuls créanciers qui ont refusé la proposition de plan, d'autre part. Il en résulte que l'égalité de traitement des créanciers s'impose au tribunal s'agissant des seuls créanciers ayant refusé la proposition de plan.

Or les créanciers sociaux et fiscaux ont en l'espèce accepté un paiement échelonné de leurs créances sur dix ans et le tribunal a réduit ces délais à cinq ans à la suite des réquisitions du ministère public en ce sens, et ce conformément aux dispositions de l'article L.626-18 sus rappelées.

De même, si la situation financière de la société Sequana rendait peu opportun un paiement dans les trois mois de l'arrêté du plan plutôt qu'un rééchelonnement des créances liées aux contrats de location et de crédit-bail, à la fourniture de biens ou de services et aux mandats sociaux ou aux contrats de travail, ce traitement différencié par rapport aux autres créances chirographaires est justifié par l'acceptation de la proposition du plan par ces créanciers, leur caractère non contesté et leur lien direct avec l'exploitation de la société Sequana, fût-elle une holding. Aucune violation du principe d'égalité de traitement des créanciers n'est ainsi caractérisée.

Enfin, en ne rappelant pas les dispositions de l'article L. 626-21 du code de commerce selon lesquelles la juridiction saisie du litige peut décider que le créancier participera à titre provisionnel, en tout ou en partie, aux répartitions faites avant l'admission définitive', le tribunal, qui n'a pas l'obligation de rappeler dans son jugement les dispositions légales, n'a pas violé l'article L. 626-21.

La tierce opposition étant jugée bien fondée en ce que ni le plan arrêté par le tribunal ni le plan proposé par la société Sequana ne prévoit le règlement de la totalité des créances déclarées, il n'y a pas lieu d'apprécier le second moyen tiré de la fraude soutenu par les sociétés appelantes.

L'infirmation du jugement entrepris imposant de renvoyer l'affaire devant le tribunal, une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois sera ouverte en application de l'articleL. 661-9 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 8décembre2017;

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les sociétés BAT industries et BTI 2014 en leur tierce opposition au jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 12juin2017;

Rétracte le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 12juin2017;

Rejette le plan de sauvegarde présenté par la société Sequana;

Ouvre une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois;

Condamne la société Sequana à payer à chacune des sociétés BAT industries et BTI 2014 la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Sequana aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie H..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 17/08963
Date de la décision : 18/09/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°17/08963 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-18;17.08963 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award