COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 91Z
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 JUILLET 2018
N° RG 16/08897
AFFAIRE :
Jacky X...
Françoise Y... épouse X...
C/
Le Directeur Général des Finances Publiques
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 08 Décembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
POLE CIVIL
N° Chambre : 1
N° RG : 15/09982
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
AARPI GFP Avocats
SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Monsieur Jacky, Félix, Adonis, Michel X...
né le [...] à PARIS (75014)
[...]
Représentant : Me Dominique A... substitué par Me Magali B... C... Z... Avocats, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0436
Madame Françoise, Karine Y... épouse X...
née le [...] à SAINTE-FOY-LA-GRANDE (33220)
[...]
Représentant : Me Dominique A... substitué par Me Magali B... C... Z... Avocats, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0436
APPELANTS
****************
Monsieur Le Directeur Général des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile-de-France et du Département de Paris seul compétent pour représenter l'Etat dans la présente instance
Pôle Juridictionnel Judiciaire - Pôle Fiscal Parisien 1
[...]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant/Déposant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757118
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 mai 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 8 décembre 2016 qui a statué ainsi':
- déboute M. et Mme X... de l'ensemble de leurs demandes,
- condamne M. et Mme X... aux dépens de l'instance.
Vu la déclaration d'appel en date du 15 décembre 2016 de M. et Mme X....
Vu les dernières conclusions en date du 10 janvier 2018 de M. et Mme X... qui demandent à la cour de':
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,
Y faisant droit,
- annuler la décision déférée,
En conséquence,
- prononcer le dégrèvement de la somme de 2 437 804 euros indûment mise à leur charge au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune de 2012,
- condamner la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine prise en la personne de monsieur le directeur départemental des finances publiques, à leur verser, au titre des frais irrépétibles, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10000 euros,
- condamner la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine prise en la personne de monsieur le directeur départemental aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions en date du 9 janvier 2018 du directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, qui demande à la cour de':
- débouter M. et Mme X... de toutes leurs demandes, fin et conclusions,
- confirmer le jugement,
Et y faisant droit,
- condamner M. et Mme X... en tous les dépens de première instance et d'appel,
- condamner M. et Mme X... à verser à l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er février 2018.
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FAITS ET MOYENS
M. et Mme Jacky X... ont été soumis, pour un montant de 2437804 euros qu'ils ont acquitté, à la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.
Par lettre recommandée en date du 22 décembre 2014, ils ont contesté auprès de l'administration fiscale la CEF qu'ils avaient acquittée.
Par décision en date du 23 mars 2015, l'administration fiscale a rejeté leur réclamation contentieuse.
Par acte en date du 29 mai 2015, M. et Mme X... ont fait assigner la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine (DDFiP) devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement déféré.
Aux termes de leurs dernières écritures, M. et Mme X... soutiennent à titre principal que la CEF revêt un caractère confiscatoire.
Ils relèvent que cette contribution est calculée selon un barème progressif à partir de la valeur nette imposable du patrimoine retenue pour le calcul de l'ISF au titre de 2012 mais qu'aucun mécanisme de plafonnement n'est prévu.
Ils en concluent que ce dispositif aboutit à une imposition contraire au principe de non confiscation des biens, protégé par l'article 1er du premier protocole de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'ils citent.
Ils exposent, citant des arrêts, que, pour la Cour européenne des droits de l'homme, si les Etats disposent du pouvoir de mettre en 'uvre des lois pour assurer le paiement des impôts, ces mesures d'ingérence doivent ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.
Ils font valoir que, pour la Cour européenne des droits de l'homme, la perception d'un impôt est contraire au respect des biens si elle impose à celui qui doit le payer une charge spéciale et exorbitante.
Ils déclarent que la Cour de cassation estime, ainsi, qu'une imposition ne doit conduire ni à l'absorption intégrale des revenus disponibles des contribuables, ni à l'aliénation forcée d'une partie de leur patrimoine ni même à une diminution de celui-ci.
Ils soutiennent que la Cour de cassation a appliqué son analyse du caractère confiscatoire de l'ISF fondée sur l'absorption intégrale des revenus disponibles du contribuable en retenant les circonstances de l'espèce.
Ils concluent que le caractère confiscatoire d'un impôt est établi par l'absorption intégrale des revenus disponibles.
Ils indiquent que leur revenu fiscal de référence s'élève à 1 946 944 euros en 2012 au titre des revenus 2011 et à 1 373 416 euros en novembre 2012 au titre des revenus 2012.
Ils indiquent également que les impositions payées par eux en 2012 ont absorbé à eux seuls la totalité des revenus disponibles de leur foyer fiscal puisqu'ils représentent 306 % de ces revenus.
Ils font donc grief au tribunal d'avoir comparé le montant de la CEF payé avec leur patrimoine net qui s'élevait au 1er janvier 2012 à 193 503 020 euros - comprenant des valeurs mobilières pour 110 513 610 euros et des liquidités pour 75 577 559 euros - alors que son montant devait être confronté aux revenus effectivement disponibles pour analyser son caractère confiscatoire.
Ils ajoutent qu'il a apprécié leur choix patrimonial alors que, quels que soient les choix d'investissement d'un contribuable, ceux-ci ne peuvent le priver de son droit à être protégé d'une imposition dont le caractère confiscatoire est avéré.
Ils transmettent leur déclaration d'ISF 2013, de laquelle il ressort que la valeur de leur patrimoine net au 1er janvier 2013 est inférieure à celle déclarée au 1er janvier 2012 et estiment qu'en tout état de cause, une éventuelle augmentation du patrimoine net au 1er janvier 2013 n'eût pas eu pour conséquence de permettre d'analyser l'absence de réalité de l'appauvrissement du contribuable lié à l'acquittement de la CEF.
Ils rappellent que l'absorption intégrale du revenu et l'aliénation d'une partie du patrimoine doivent s'apprécier au jour du fait générateur de l'ISF.
Ils se prévalent de jugements d'où il résulte que les tribunaux se fondent sur le montant des impositions acquittées en 2012 par rapport aux revenus disponibles du contribuable.
Ils rappellent que la CEF acquittée par eux a effectivement absorbé l'intégralité de leurs revenus disponibles.
Ils concluent qu'ils ont dû aliéner une partie de leur patrimoine pour s'acquitter de l'impôt critiqué étant précisé que la souscription d'un emprunt aurait emporté les mêmes effets.
Ils invoquent l'absence de plafonnement qui, seul, peut préserver un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'homme.
Ils soutiennent que cette absence entraîne une privation de propriété dans la mesure où elle peut conduire à une imposition qui dépasse les revenus disponibles, à l'aliénation forcée d'une partie du patrimoine ou à la diminution de celui-ci.
Ils estiment que ni le caractère exceptionnel de la CEF ni l'imputation de l'ISF 2012 ne peuvent justifier cette absence.
Ils affirment que cette imputation voire l'imputation d'une éventuelle créance de bouclier fiscal sont sans incidence, l'imputation n'étant qu'une modalité de paiement à effet de trésorerie différé qui n'enlève pas à la CEF son caractère confiscatoire et qui est un minimum pour éviter l'écueil d'une double imposition.
Ils considèrent que la déduction de l'ISF payé en 2012 pour le calcul de la cotisation définitive de la CEF due ne fait que démontrer que les deux impositions n'en forment en réalité qu'une.
Ils font valoir, citant une décision du Conseil constitutionnel que l'impôt ne peut être confiscatoire sans violer l'exigence d'égale répartition de la contribution commune entre les citoyens en raison de leurs facultés formulée par l'article XIII de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
Ils font également valoir qu'aux termes du Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la CEF est confiscatoire et ne répond pas à l'exigence de proportionnalité de la Convention en faisant peser une charge excessive sur les contribuables.
Ils réitèrent que l'imposition globale supportée, au titre de l'année 2012, excédant leurs revenus disponibles, a eu pour conséquence la diminution de leur patrimoine afin d'acquitter les impositions mises à leur charge et principalement la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012.
Ils se prévalent donc du critère de l'aliénation forcée de leur patrimoine.
A titre subsidiaire, ils invoquent la remise en cause d'une situation juridique acquise et le caractère différentiel déguisé de la contribution exceptionnelle sur la fortune.
Ils invoquent la décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2014 relative à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui a jugé « qu'en appliquant cette nouvelle contribution aux revenus ayant fait l'objet de ces prélèvements libératoires de l'impôt sur le revenu, le législateur a remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus par les contribuables de l'application du régime des prélèvements libératoires ».
Ils se prévalent donc du principe selon lequel le législateur ne « saurait sans motif légitime d'intérêt général suffisant (...) remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus » de situations légalement acquises.
Ils affirment, contrairement au Conseil constitutionnel, que la CEF apparaît comme une pure extension de l'ISF existant, et ce, d'autant qu'elle correspond au différentiel ente l'ISF calculé avec le nouveau barème et l'ISF 2012 calculé avec l'ancien barème à six tranches en vigueur jusqu'en 2011.
Ils ajoutent que, pour cette contribution exceptionnelle, l'ensemble des règles concernant les biens imposables, les exonérations, l'évaluation de la valeur des biens et la déduction du passif étaient identiques à celles applicables à l'ISF.
Critiquant le jugement, ils affirment que le motif selon lequel la CEF et l'ISF sont deux impositions différenciées par ce que leur seul fait générateur est différent n'est pas fondé.
Ils font valoir que si le fait générateur de la CEF a été décalé dans le temps, celle-ci est calculée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes règles que l'ISF, y compris pour les personnes non-résidentes.
Ils soulignent que l'imposition globale mise à la charge des contribuables en 2012 au titre de l'ISF et de la CEF est équivalente à ce qu'ils auraient payé si l'ancien barème avait continué de s'appliquer sans rupture, à la seule « différence » près que ce dernier se trouvait alors plafonné.
Ils se prévalent d'une décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2005 aux termes de laquelle le législateur méconnaîtrait la garantie des droits « s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ».
Ils estiment insuffisante l'ambition de réduction du déficit public, ledit Conseil ayant jugé que l'objectif unique d'accroissement des recettes n'était pas au nombre des motifs d'intérêt général justifiant l'adoption d'une imposition rétroactive.
Ils font également valoir que le vote de la CEF en cours d'année 2012 a nécessairement porté atteinte à des situations légalement acquises.
Ils exposent que celle-ci n'a finalement constitué que la préfiguration du dispositif de l'ISF 2013 soit une simple anticipation de la reconstitution de l'ISF avant réforme, par modification rétroactive du barème 2012.
Ils excipent des débats parlementaires.
Ils en infèrent que l'ISF et la CEF ne peuvent être désolidarisés et forment un tout indissociable.
Ils soutiennent donc que la CEF n'est ni nouvelle, ni exceptionnelle mais une anticipation de la reconstitution de l'ISF, finalement pérennisée en 2013 dans le barème de l'ISF, ce dernier étant cette fois, sous peine d'inconstitutionnalité, assorti d'un plafonnement.
Ils font donc valoir qu'au-delà de la reconnaissance d'un caractère rétroactif et faute de motif d'intérêt général suffisant, la CEF ne pouvait venir remettre en cause une situation légitimement acquise d'un point de vue juridique, à savoir que le contribuable, le 16 août 2012, pouvait s'estimer libéré de l'impôt sur son patrimoine détenu au 1er janvier 2012.
Ils soulignent qu'à la date du 16 août 2012, rien ne laissait présager au contribuable qu'une imposition supplémentaire basée sur une assiette identique à l'ISF serait mise à sa charge.
Ils font donc état d'une remise en cause des effets qui pouvaient légitimement être attendus par les contribuables de l'application de l'ISF sur leur patrimoine net.
Ils estiment que si la CEF avait réellement revêtu un caractère différentiel et exceptionnel, son montant aurait dû être calculé sur la base du patrimoine des contribuables redevables au 1er jour du mois suivant celui de la publication de la loi l'instaurant.
En réponse à l'intimé, ils lui reprochent de prendre en compte la capacité contributive du contribuable pour l'appréciation du caractère excessif d'un impôt sur le patrimoine alors que cette capacité ne doit être prise en compte que pour l'assiette de l'ISF en intégrant les biens productifs et non productifs de revenus.
Ils estiment que son analyse amène à empêcher la reconnaissance du caractère confiscatoire d'une imposition dès lors que le contribuable dispose d'un patrimoine, producteur de revenus ou non.
Ils réitèrent qu'il n'y a pas confiscation dès lors que l'impôt de solidarité sur la fortune ne conduit ni à l'absorption intégrale des revenus disponibles du demandeur, ni à l'aliénation forcée d'une partie de son patrimoine, ni même à une diminution de celui-ci.
Ils concluent donc que ni la circonstance qu'ils possèdent un patrimoine d'une valeur brute de 199 077 804 euros ni même le caractère exceptionnel de la CEF ne peuvent faire échec à la reconnaissance du caractère confiscatoire d'une imposition sur le patrimoine telle que la CEF 2012.
Ils réitèrent que l'administration n'a pas à apprécier les choix de gestion des contribuables et encore moins en faire un élément déterminant permettant de reconnaître le caractère confiscatoire d'une imposition.
Ils estiment non transposables les arrêts des 7 octobre 2008 et 23 juin 2009 invoqués par l'intimé et soulignent qu'ils ont un patrimoine diversifié (mobilier, immobilier ...) et tirent des revenus des différentes catégories d'actifs détenus.
Ils lui font grief de ne pas exposer les éléments lui permettant de définir que les revenus imposables sont minimes par rapport à la base imposable de la CEF et qu'ils n'apparaissent pas significatifs des capacités contributives du redevable.
Ils admettent que la diminution importante de leur patrimoine n'a pas pour cause unique le paiement de la CEF mais soutiennent que la question posée est uniquement celle de savoir s'il leur a fallu réaliser une utilisation forcée de leur patrimoine.
Ils réitèrent que la simple circonstance que leurs revenus disponibles ont été intégralement absorbés prouve l'atteinte portée à leur droit de propriété, dès lors qu'ils n'avaient pas d'autre choix que d'aliéner une partie de leur patrimoine et quelles que soient les variations de celui-ci entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013.
Aux termes de ses écritures précitées, le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris rappelle l'exposé des motifs de la loi du 16 août 2012 ayant instauré la contribution exceptionnelle querellée.
Il souligne qu'elle ne s'est appliquée qu'une fois et que le Conseil constitutionnel l'a déclarée conforme à la Constitution nonobstant le grief tiré de son caractère prétendument confiscatoire.
Il conteste son caractère confiscatoire.
Il cite l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et détaille les normes qu'il contient.
Il souligne, citant des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme et de la Cour de cassation que si, par définition, toute imposition fiscale est, en principe, une ingérence dans le droit garanti par le 1 er alinéa de l'article 1er du premier protocole précité puisqu'elle prive la personne concernée d'un élément de propriété, soit les sommes qu'elle doit payer, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions.
Il souligne également que les Etats contractants disposent d'une marge d'appréciation étendue quant à la réalisation des conditions posées par l'article 1er du premier protocole, tout spécialement lorsqu'ils élaborent et mettent en oeuvre une politique fiscale et qu'ils doivent seulement veiller à maintenir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.
Il déclare, citant des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, que le contrôle de proportionnalité entre le but légitime et les moyens employés auquel se livrent les organes de la convention est restreint, se limitant à un contrôle minimum de l'arbitraire ou au mieux de la disproportion manifeste.
Il se prévaut d'arrêts de la Cour de cassation, dans la continuité de ces arrêts, aux termes desquels le caractère confiscatoire de l'ISF ne saurait être établi dès lors qu'il ne conduit « ni à l'absorption intégrale des revenus disponibles des demandeurs, ni à l'aliénation forcée d'une partie de leur patrimoine, ni même à une diminution de celui-ci dont la composition a cependant pu changer au gré de leurs choix de gestion, ni à l'expropriation quelconque des redevables ».
Il soutient que la CEF n'est pas contraire aux stipulations du protocole invoqué.
Il estime qu'il convient d'examiner l'ensemble de ses caractéristiques et notamment son assiette, son taux et de son caractère exceptionnel ou pérenne.
Il fait valoir qu'elle est exigible au titre de la seule année 2012, que son montant à acquitter est fixé en déduisant le montant brut dû au titre de l'ISF en 2012 et que ceux devant l'acquitter peuvent avoir un droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2011 (sur les impôts payés en 2011 sur les revenus de 2010) qu'ils peuvent imputer sur leur ISF 2012.
Il en conclut qu'elle ne peut être regardée comme confiscatoire ou comme faisant peser une charge excessive sur les contribuables et, donc, qu'elle n'est pas contraire au protocole précité.
Il excipe des motifs du jugement.
Concernant l'absence de plafonnement, il fait valoir, citant une décision du Conseil constitutionnel, que le plafonnement par rapport au revenu ne s'impose pas par principe à un impôt qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine, indépendamment du niveau des revenus.
Il conteste le moyen tiré de l'atteinte au patrimoine des appelants.
Il expose que le Conseil constitutionnel déconnecte l'ISF des impositions sur le revenu.
Il fait valoir qu'en matière d'imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus mais s'entend de celle que confère au redevable la détention d'un ensemble de biens et de droits, qu'ils soient ou non productifs de revenus.
Il réitère, excipant de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012, qu'en matière d'ISF, la prise en compte de la capacité contributive n'implique ni que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l'assiette de l'ISF ni que cet impôt ne doive être acquitté qu'au moyen des revenus de biens imposables.
Il souligne qu'en appréciant la capacité contributive au regard des seuls revenus fiscalisés du contribuable, le niveau de la taxation pourrait alors dépendre des choix de gestion des redevables qui pourraient privilégier la détention de biens qui ne procurent aucun revenu imposable.
Il se prévaut également d'arrêts.
Il en conclut que l'éventuel caractère excessif d'un impôt sur le patrimoine s'apprécie par rapport à la capacité contributive conférée au redevable par la détention des biens et droits composant ce patrimoine, sans se limiter à la prise en compte de ses revenus.
Il transpose ces arrêts à la contribution concernée.
Il en infère que le simple fait que le paiement de l'ISF absorbe l'intégralité des revenus déclarés par les contribuables réellement disponibles, ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'un impôt sur le patrimoine, les juges cherchent à mesurer l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine en recourant à d'autres indices, tels que la nécessité ou non d'aliéner une partie des biens, la composition du patrimoine et ses modalités de gestion, sa progression ou sa diminution infirmant ou confirmant l ' appauvrissement allégué.
Il fait valoir qu'au regard de ces critères, l'imposition litigieuse apparaît dénuée du caractère confiscatoire allégué.
Il expose qu'au 1er janvier 2012, les époux X... étaient détenteurs d'un patrimoine d'une valeur brute de 199 077 804 euros et, donc, que la contribution contestée correspond à 1,22 % de leur patrimoine imposable.
Il estime que ce pourcentage ne caractérise pas la spoliation alléguée, particulièrement si l'on considère que cette imposition, présentant un caractère exceptionnel, a été perçue au titre de la seule année 2012.
Il en infère que la CEF payée par les appelants n'est pas excessive et réfute donc le caractère confiscatoire de cette CEF.
Il considère, en outre, que la seule comparaison avec les revenus imposables ne permet pas d'établir le caractère confiscatoire d'un impôt assis sur le patrimoine, particulièrement si le patrimoine est organisé de manière à produire très peu de revenus imposables et relève la forte disproportion entre l'importance du patrimoine déclaré au 1er janvier 2012 et le peu de revenus disponibles qu'il produit sur une année.
Il estime minimes les revenus imposables des époux - 1 561 073 euros - au regard de leur patrimoine, composé de liquidités pour 38 %.
Il fait état d'un choix de constitution du patrimoine et cite des arrêts écartant le caractère confiscatoire de l'ISF dans des cas où l'insuffisance de revenus répond à des choix de constitution de patrimoine.
Il ajoute que leur patrimoine a fortement diminué de 2012 à 2013 pour d'autres motifs.
L'intimé conteste tout caractère rétroactif de la CEF portant atteinte à a sécurité juridique des patrimoines.
Il rappelle que la décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2014 est relative à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).
Il souligne que l'assiette de ceux-ci, fondée sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal concerné, diffère radicalement de celle relative à la CEF fondée sur le patrimoine dudit foyer fiscal.
Il en conclut que cette décision est inopérante pour contester un impôt différent.
Il ajoute que la CEF constitue une taxe différentielle qui ne se confond pas avec l'ISF.
Il affirme que, même si la date retenue pour déterminer la valeur de l'assiette d'imposition est le 1er janvier 2012, le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2012.
Il en conclut qu'un contribuable assujetti à l'ISF au titre de l'année 2012 et qui serait décédé avant cette date ne saurait se voir soumis à la contribution exceptionnelle, et ses héritiers n'auront à leur charge, en cette qualité, que l'acquittement de la cotisation due au titre de l'ISF 2012.
Il ajoute que le législateur a expressément prévu un régime de calcul de l'assiette de la contribution exceptionnelle différent du régime de calcul de l'assiette de l'ISF 2012 pour les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet, date de la présentation du projet de loi de finances rectificative, seuls les biens situés en France devant figurer dans l'assiette de la contribution, à l'instar de la méthode de calcul retenue pour l'ISF 2012 des personnes résidant hors de France au 1er janvier 2012.
Enfin, il se prévaut de la décision du Conseil constitutionnel en date du 9 août 2012 qui a déclaré la CEF, conforme à la Constitution.
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Sur le caractère confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune
Considérant que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes »';
Considérant qu'il en résulte que les Etats doivent veiller à maintenir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la préservation du droit de propriété'; que la charge imposée aux contribuables ne doit pas être excessive ou porter fondamentalement atteinte à leur situation financière'; que tel n'est pas le cas si l'imposition revêt un caractère confiscatoire';
Considérant que ce caractère doit être apprécié en fonction des caractéristiques de l'imposition litigieuse';
Considérant que, s'agissant d'une imposition sur le patrimoine lui-même et non ses revenus, doit être pris en compte l'ensemble des biens et droits des contribuables y compris ceux non productifs de revenus';
Considérant qu'en instituant une contribution exceptionnelle - donc non pérenne - sur la fortune, le législateur a entendu mettre en place une imposition différentielle par rapport à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012'; qu'il a établi l'assiette de cette contribution selon les règles relatives à l'assiette de cet impôt'; qu'il a retenu des tranches et des taux d'imposition qui assurent, en prenant en compte à la fois la contribution exceptionnelle et l'impôt de solidarité sur la fortune, la progressivité de ces impositions acquittées en 2012 au titre de la détention d'un ensemble de biens et de droits';
Considérant qu'il est ainsi tenu compte des facultés contributives de chacun des redevables';
Considérant qu'aucun dispositif de plafonnement - qui tend à éviter que le total des impôts payés au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et de l'impôt sur le revenu excède un certain seuil - n'est prévu';
Considérant que l'absence d'un tel mécanisme ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'une imposition qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine indépendamment des revenus du contribuable';
Considérant que cette contribution est établie après déduction de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 ; qu'est déduit le montant brut de cet impôt sans remettre en cause les réductions imputées par le contribuable sur l'impôt de solidarité sur la fortune'; qu'en outre, le droit à restitution - le «'bouclier fiscal'» - acquis au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, en s'imputant sur l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 pour les contribuables redevables de cet impôt, produit ses effets sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due en 2012 ;
Considérant que, dans ces conditions, la déduction de l'ISF acquitté en juin 2012 du montant de la CEF, exigible en novembre 2012, constitue, quels que soient ses motifs, en pratique « une limitation des effets de la CEF »';
Considérant, par conséquent, que l'application de taux proportionnels puis la déduction du montant de l'ISF confèrent à l'imposition litigieuse une proportionnalité conforme aux dispositions invoquées ; que, de ce chef, cette contribution ne peut être regardée comme faisant peser une charge excessive sur les contribuables';
Considérant que cette disposition maintient ainsi un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'homme, dont fait partie le droit de propriété'; qu'elle ne confère pas, en tant que telle, un caractère confiscatoire à l'imposition'; qu'elle ne méconnait pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales';
Considérant qu'il est constant que le revenu fiscal de référence des époux X... s'est élevé à la somme de 1 946 944 euros au titre des revenus 2011 et à celle de 1 373 416 euros au titre des revenus 2012 en étant observé que ce montant tient compte d'abattements et d'imputations des déficits antérieurs';
Considérant que la contribution exceptionnelle sur la fortune versée par eux s'est élevée à 2 437 804 euros'; que, compte tenu d'autres impositions, ils se sont acquittés d'impôts représentant 306 % de leurs revenus';
Considérant qu'il est également constant que le montant de la contribution litigieuse payée représente 1,22 % de leur patrimoine imposable';
Considérant que M. et Mme X... ont pu déduire de cette contribution, conformément aux développements ci-dessus, l'ISF payé et ont bénéficié, au titre de l'ISF, du «'bouclier fiscal'», peu important que ce mécanisme ait été instauré antérieurement à la CEF dès lors qu'ils en ont tiré profit';
Considérant que, s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus';
Considérant qu'à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables';
Considérant que doit donc être prise en compte, pour apprécier le caractère excessif ou confiscatoire d'un impôt sur le patrimoine, la capacité contributive conférée au redevable par la détention des biens et droits composant ce patrimoine'sans que soient retenus ses seuls revenus';
Considérant que la seule circonstance que le paiement de la contribution absorbe les revenus imposables du contribuable ne suffit donc pas à établir le caractère confiscatoire de l'imposition'; que doit être pris en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine';
Considérant que si l'organisation du patrimoine de M. et Mme X... relève de leur liberté de choix, elle ne doit pas conduire à réduire une imposition fondée sur la détention d'un patrimoine';
Considérant que leurs revenus imposables ne sont donc pas significatifs de leurs capacités contributives';
Considérant que la contribution contestée représente 1,22 % de leur patrimoine imposable';
Considérant que M. et Mme X... ne démontrent donc pas, au vu de l'ensemble de ces éléments, que cette contribution, exceptionnelle, leur a imposé une charge excessive et, revêtant un caractère confiscatoire, a porté fondamentalement atteinte à leur situation financière';
Considérant que cette contribution n'a donc pas rompu en ce qui les concerne le juste équilibre prescrit, notamment par l'article 1er du protocole précité, entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde de leurs droits fondamentaux';
Considérant que le moyen sera écarté';
Sur la remise en cause d'une situation juridique acquise
Considérant que le législateur ne saurait, sans motif légitime d'intérêt général suffisant, remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de situations légalement acquises';
Considérant que tel pourrait être le cas de la CEF si elle avait pour effet de remettre en cause la situation du contribuable qui pouvait s'estimer, avant son entrée en vigueur, libéré de l'impôt sur son patrimoine détenu au 1er janvier 2012';
Considérant qu'une telle remise en cause suppose donc que, comme le soutiennent les appelants, la CEF soit une «'pure extension de l'ISF existant'»';
Considérant que les règles concernant les biens imposables, les exonérations, l'évaluation de la valeur des biens et la déduction du passif sont identiques'; que la date retenue pour déterminer la valeur de cette assiette est identique';
Mais considérant que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à l'entrée en vigueur de la loi'; que, dès lors, la situation des contribuables assujettis à l'ISF dont la situation personnelle aura changé avant cette date - ou celle de la présentation du texte - sera différente'; que seuls en sont redevables les contribuables en vie à la date de son effet générateur et non leurs héritiers'; que son assiette est calculée différemment en cas de départ à l'étranger du contribuable'entre le 1er janvier 2012 et la date de présentation du texte';
Considérant que cette contribution, exceptionnelle, constitue donc une taxe différentielle qui ne se confond pas avec l'ISF';
Considérant que l'évolution postérieure de l'ISF n'est pas de nature à remettre en cause le caractère spécifique de cette contribution';
Considérant que, comme l'a décidé le Conseil constitutionnel, cette imposition ne revêt donc aucun caractère rétroactif et n'affecte pas une situation légalement acquise';
Considérant que ce moyen sera rejeté';
Sur les conséquences
Considérant que la demande de M. et Mme X... sera donc rejetée et le jugement confirmé en toutes ses dispositions';
Considérant que M. et Mme X... devront payer une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l'intimé en cause d'appel'; que, compte tenu du sens du présent arrêt, leur demande aux mêmes fins sera rejetée';
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant':
Condamne M. et Mme X... à verser à l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. et Mme X... aux dépens,
Autorise la Selarl Lexavoué Paris Versailles à recouvrer directement à leur encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,