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20/07/2018 | FRANCE | N°16/08550

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 20 juillet 2018, 16/08550


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 63B





1ère chambre


1ère section








ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 20 JUILLET 2018





N° RG 16/08550





AFFAIRE :





Me Didier X... - Mandataire liquidateur de la SARL LES OLIVIERS


C/


Philippe Y...


Z...








Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 15 Septembre

2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE


POLE CIVIL


N° Chambre : 1


N° RG : 13/14591





Expéditions exécutoires


Expéditions


délivrées le :


à :


Me A... B...





Me Barthélemy C...




















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT JUILLET...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUILLET 2018

N° RG 16/08550

AFFAIRE :

Me Didier X... - Mandataire liquidateur de la SARL LES OLIVIERS

C/

Philippe Y...

Z...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 15 Septembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVIL

N° Chambre : 1

N° RG : 13/14591

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me A... B...

Me Barthélemy C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

Me X... Didier - Mandataire liquidateur de la SARL LES OLIVIERS

[...]

Représentant : Me A... B..., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 285A - Représentant : Me Alain BERDAH, Plaidant, avocat au barreau de NICE

APPELANT

****************

Maître Philippe Y..., notaire

né le [...] à CHOLET (49300)

de nationalité Française

[...]

Représentant : Me Barthélemy LACAN, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435

Z... , titulaire d'un office notarial

N° SIRET : 318 300 605

[...]

Représentant : Me Barthélemy LACAN, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 mai 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 15 septembre 2016 qui a statué ainsi :

- déboute la société Les Oliviers de l'ensemble de ses demandes,

- condamne la société Les Oliviers à payer à la SCP D ... et à Maître Y... la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamne la société Les Oliviers aux dépens de la procédure lesquels seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel en date du 2 décembre 2016 de Maître X... ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl Les Oliviers.

Vu les dernières conclusions en date du 19 mai 2017 de la Sarl Les Oliviers agissant par Maître Didier X..., qui demande à la cour de :

- déclarer recevable l'appel interjeté par la Sarl Les Oliviers,

- au fond, le dire justifier,

- infirmer en conséquence la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau':

- dire et juger que Maître Y... a commis des fautes à son préjudice,

- dire et juger que ces fautes justifient, sur le fondement principal de l'ancien article 1382 du code civil - et aujourd'hui 1240 du code civil - et subsidiairement sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la mise en jeu de la responsabilité de Maître Y...,

- condamner en conséquence in solidum Maître Y... et la SCP Seyewetz - Y... - Martin à lui payer la somme de 890 000 euros toutes causes de préjudice confondues en réparation du dommage subi avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance,

- condamner en conséquence in solidum Maître Y... et la SCP Seyewetz - Y... - Martin à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner en conséquence in solidum Maître Y... et la SCP Seyewetz - Y... - Martin aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Vu les dernières conclusions en date du 27 mars 2017 de Maître Y... et la Z... qui demandent à la cour de :

Confirmant le jugement entrepris,

- dire qu'ils sont indemnes des fautes qui leur sont reprochés,

- débouter la Sarl Les Oliviers de toutes ses demandes,

En tous les cas,

- condamner la Sarl Les Oliviers à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Les Oliviers aux entiers, de première instance et d'appel, et dire que Maître Lacan , avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 janvier 2018.

*******************

FAITS ET MOYENS

La société Les Oliviers, dont l'unique associée et gérante était Mme Patricia E... épouse F..., était propriétaire d'un bien situé à Porto-Vecchio, en Corse.

Selon un procès-verbal d'assemblée générale en date du 18 novembre 2011, la société a adopté une résolution unique aux termes de laquelle elle décide de vendre ce bien au prix de 1 550 000 euros et «'donne tous pouvoirs à L... G... ou à Maître Y...'...'pour signer tout avant-contrat et tout acte de promesse de vente ainsi que l'acte de vente définitif dans les formes et conditions qu'ils jugeront convenables'».

Aux termes de plusieurs actes datés du 23 décembre 2011, intitulés «'pouvoir'», Mme F..., en qualité de gérante liquidatrice de la société, a donné pouvoir à Maître Y... de payer diverses factures pour un montant énoncé dans le pouvoir.

Par acte notarié en date du 30 janvier 2012 reçu par Maître H... avec la participation de Maître Y... de la SCP D.. , en tant que notaire conseil du vendeur, la société Les Oliviers, le bien susmentionné a été vendu à la SNC BGM au prix de 1 550 000 euros.

La société Les Oliviers était représentée à l'acte par M. G....

Selon décompte vendeur du 31 janvier 2012 et conformément aux instructions de Mme F..., Maître Y... et la SCP ont procédé, notamment, au versement de la somme de 800 000 euros à la société Antenor et de celle de 90 000 euros à la société MF Conseil ainsi qu'à la purge de l'hypothèque qui grevait le bien auprès du Crédit industriel de l'ouest.

La société Les Oliviers a déposé plainte contre X le 3 juillet 2012 pour escroquerie. Cette plainte a été classée sans suite par avis du 31 janvier 2013.

La société Les Oliviers a alors déposé plainte avec constitution de partie civile auprès d'un des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris et procédé à la consignation fixée.

Par actes d'huissier délivrés le 17 décembre 2013, la société Les Oliviers a fait assigner la SCP D... et Maître Y... devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement déféré.

Aux termes de ses conclusions précitées, la société Les Oliviers, agissant par Maître X..., expose qu'elle a dû vendre dans l'urgence sa propriété pour apporter des fonds en compte courant à la Sci Aigue Marine qui devait rembourser un crédit de 900 000 euros à la société Breuilhe, la recherche d'autres financements n'ayant pas abouti.

Elle précise que sa recherche de financements l'a conduite à rencontrer M. I..., président de la société Antenor qui lui a présenté M. G... qui a proposé d'acquérir le bien moyennant le prix de 900 000 euros, la propriété étant finalement acquise par la société BGM au prix de 1 550 000 euros.

Elle affirme avoir appris que MM. I... et G... avaient décidé de spolier Mme F... et les sociétés Aigue Marine et Les Oliviers ce qui a justifié leurs plaintes.

Elle relate que M. G... a fait signer à Mme F... divers documents':

- un acte intitulé « procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 18 novembre 2011 » dans lequel elle décidait en qualité d'associée unique de vendre la propriété au prix de 1 550 000 euros et donnait « tous pouvoirs à L... G... ou à Maître Y... ... pour signer tout avant contrat et tout acte de promesse de vente ainsi que l'acte de vente définitif dans les formes et conditions qu'ils jugeront convenables »,

- un document intitulé « pouvoir » en date du 23 décembre 2011 par lequel elle donnait pouvoir à Maître Y... pour payer la facture d'honoraires à la société MF Conseil pour un montant de 90 000 euros,

- un document intitulé « pouvoir » en date du 23 décembre 2011 par lequel Mme F... donnait pouvoir à Maître Y... pour payer la facture d'honoraires à la société Antenor pour 800 000 euros,

- un document intitulé «'pouvoir'» en date du 23 décembre 2011 donnant pouvoir à Maître Y... de prélever la somme de 440 000 euros sur la vente du bien à titre de règlement d'une quote part du prêt consenti par la société Breuilhe à la SCI Aigue Marine et autorisant le transfert de cette somme à Maître K... , notaire de la société Breuilhe.

Elle souligne qu'elle ignorait alors tout d'un éventuel acquéreur, aucun document ne lui ayant été présenté.

Elle déclare que M. G... lui a indiqué que le chèque destiné à la société MF Conseil correspondait à sa rémunération et que celui destiné à la société Antenor était une « garantie » du bon remboursement de la société Breuilhe et serait détruit dès le parfait remboursement de la société.

Elle indique que, les biens situés en Corse et à Grasse étant menacés de saisie, elle a signé les actes précités.

Elle ajoute que M. G... lui avait expressément interdit de participer à la vente dont elle n'a été informée que 3 jours après la signature.

Elle affirme qu'elle s'est alors rendue compte qu'elle avait été victime d'escroquerie.

Elle détaille l'acte de vente et le relevé de compte.

Elle précise que Maître Y... est présenté à l'acte comme le conseil du vendeur alors qu'elle ne le connaissait pas et déclare qu'il était apparemment le notaire habituel de M. G... et que c'est ce dernier qui l'aurait missionné pour intervenir en concours avec le rédacteur Maître H..., notaire à Paris.

Elle ajoute que Maître Y... a établi à la demande de M. G... le projet d'assemblée générale du 18 novembre 2011.

Elle en conclut qu'il se trouvait investi d'un pouvoir général de vendre un bien au prix de 1 550 000 euros « dans les formes et conditions » qu'il jugerait convenable sans qu'il n'ait rencontré sa gérante ou ait conversé avec elle pour recevoir ses instructions ni a fortiori sans avoir prodigué le moindre conseil et/ou information relatif à une vente immobilière d'un montant non négligeable.

Elle rappelle l'article 3 de la loi du 25 ventôse an XI et l'article 36-2 du règlement national du notariat.

Elle soutient que Maître Y... a sollicité un mandat auprès d'un mandant qu'il ne connaissait pas et qu'il n'a jamais rencontré, a concouru à l'acte du 30 janvier 2012 sans en être requis par le vendeur et a pris dans cet acte la qualité de « conseil du vendeur » sans en être mandaté et toujours sans avoir rencontré « son mandant ».

Elle ajoute qu'il ne s'est pas assuré que M. G... agissait lui-même au nom et pour le compte de la société Les Oliviers.

Elle souligne que l'assemblée générale du 18 novembre 2011 donnait « tous pouvoirs » à M. G... ou à Maître Y... de signer l'acte de vente définitif et que celui-ci révèle que la société était représentée par M. G... et non Maître Y....

Elle en conclut que Maître Y... ne pouvait se prévaloir du mandat résultant de l'assemblée du 18 novembre 2011 pour décider de l'affectation du prix de la vente.

Elle souligne qu'il a, le jour même de la vente, procédé aux paiements précités tout en omettant de régler la TVA due par elle.

La société expose que la principale obligation du notaire est le devoir de conseil qui consiste essentiellement à informer et éclairer les parties sur tous les droits, obligations, risques et conséquences de l'acte qu'elles s'apprêtent à signer.

Elle ajoute qu'il a également l'obligation d'assurer l'efficacité des actes qu'il reçoit ou auxquels il participe.

Elle ajoute en outre que, comme tout professionnel du droit, le notaire est tenu d'un devoir général de loyauté, prudence et diligence.

Elle fait enfin état des obligations résultant du statut du notariat, de l'application des textes généraux de droit commun relatifs à la responsabilité civile contractuelle et/ou extra contractuelle et de la déontologie notariale.

Elle souligne que le notaire a une obligation particulière de prudence et de diligence lorsqu'il remet des fonds pour le compte de son client.

Elle lui reproche d'être intervenu de plusieurs manières dans la réalisation et l'exécution de la vente immobilière en se prétendant mandataire de la société Les Oliviers alors que la gérante de celle-ci ne l'a jamais rencontré et ne l'a jamais mandaté pour agir au nom de la société.

Elle réitère qu'il était le notaire habituel de M. G... et qu'il ne s'est jamais préoccupé de prendre contact avec son supposé client et de s'assurer que M. G... agissait en qualité de mandataire de la société Les Oliviers.

Elle fait donc état d'une faute d'imprudence et de négligence de la part du notaire.

Elle lui reproche d'être intervenu à l'acte de vente en qualité de notaire « conseil du vendeur » sans en avoir été requis par la société.

Elle estime qu'il ne peut se prévaloir de l'assemblée générale du 18 novembre 2011 puisqu'in fine il n'a pas représenté la société lors de la signature de l'acte.

Elle estime que, de même, les différents pouvoirs de payer du 23 décembre 2011 ne peuvent constituer le mandat et/ou la réquisition de la société de participer à l'acte en qualité de « conseil du vendeur » mais contiennent de simples autorisations de payer.

Elle fait donc état d'une faute intentionnelle de Maître Y... qui s'est imposé à la société sans en avoir été requis.

Elle lui reproche d'avoir rédigé les projets demandés par M. G... - le projet de procès-verbal de l'assemblée du 18 novembre 2011 ainsi que diverses autorisations de paiement d'un montant important - sans apparemment se poser la moindre question et sans même interroger son « client » véritable c'est-à-dire la société, ponctionnée ainsi des fonds devant lui revenir.

Elle fait état d'un manquement à son obligation de conseil et son devoir général de prudence et diligence.

Elle lui reproche d'avoir disposé du prix de la vente sans même s'assurer que le prix était intégralement payé.

Elle relève que le prix de la vente soit 1 550 000 euros a été payé et quittancé dans l'acte le jour de la signature de l'acte et payé au moyen d'un prêt bancaire de 1 275 000 euros, le surplus ayant semble-t'il été payé par un chèque ou un virement.

Elle déclare que, sauf pour Maître Y... de justifier de l'existence d'un virement préalable ou d'un chèque de banque pour 275 000 euros, il a disposé du prix de la vente sans même s'assurer que le prix était intégralement payé.

Elle fait état d'une faute d'imprudence et de négligence.

Elle lui reproche une cinquième faute soit le paiement de la somme de 90 000 euros à la société MF Conseil.

Elle déclare qu'il ne s'est pas préoccupé de la réalité et de la nature des « honoraires » qu'il avait reçu pouvoir de payer.

Elle estime que la simple lecture de la « facture » du 23 décembre 2011 aurait dû attirer son attention car, contrairement aux prescriptions de l'article 441-3 du code de commerce, elle n'indique pas les diligences ainsi facturées.

Elle précise que la société n'est pas un agent immobilier.

Elle souligne que la facture mentionne un prix hors taxes de 90 000 euros et une TVA de 19,60 % mais que le montant à payer ttc est de 90 000 euros.

Elle en infère qu'il ne s'est pas penché sur l'illégalité radicale de cette facture qu'il a réglée avec une promptitude dolosive.

Elle lui reproche d'avoir payé la facture de la société Antenor.

Elle affirme qu'il ne s'est pas préoccupé de la réalité et de la nature des « honoraires » qu'il avait reçu pouvoir de payer.

Elle estime que la simple lecture de la facture aurait dû appeler son attention.

Elle fait état de son montant, anormal pour des honoraires au regard du prix de vente puisque représentant plus de 50 % du prix de la transaction, de la désignation de la prestation - un vendeur n'ayant pas besoin d'un montage et de la recherche de financements - et de l'absence de mention du prix hors taxe.

Elle en infère qu'il a délibérément payé une fausse facture.

Elle fait état de la violation du devoir de conseil et du devoir de prudence et de diligence.

Elle lui reproche d'avoir effectué tous les paiements avec une célérité dolosive en omettant de payer la TVA due au Trésor public que celui-ci lui a réclamée ultérieurement.

Critiquant le jugement, elle soutient que les obligations mises à la charge d'un notaire lui interdisent de se contenter « d'apparences » de régularité mais à l'inverse obligent cet officier ministériel dépositaire de la puissance publique à «'investiguer'» sur certains points de l'acte qu'il doit rédiger ou auquel il doit concourir.

Elle se prévaut d'arrêts retenant une obligation d'investigation et en corollaire une obligation de contrôle sur divers éléments factuels et/ou clauses des actes qu'ils établissent ou auxquels ils participent.

Elle fait valoir que ces fautes ont directement occasionné à la société Les Oliviers un important préjudice consistant en l'appauvrissement du patrimoine social d'une somme de 890 000 euros réglée à deux sociétés tierces qui n'étaient nullement ses créanciers.

Elle estime que le lien de causalité avec son préjudice est établi car s'il avait «'investigué'» sur la cause des deux paiements, s'il l'avait questionnée sur l'objet de ces paiements et s'il avait informé son mandant du risque de payer deux factures irrégulières et non causées, elle aurait immédiatement compris l'escroquerie dont elle était victime et aurait annulé les « pouvoirs » que Maître Y... avait préparés et avait remis à son client M. G....

Elle souligne son empressement à effectuer les paiements querellés.

En réponse aux intimés, elle affirme que ceux-ci ne répondent pas à ces griefs précis.

Elle déclare que Maître Y... ne justifie pas avoir reçu Mme F... «pour préparer la promesse de vente, réunir les pièces du dossier et préparer l'assemblée générale du 18 novembre 2011 ».

Elle affirme que son silence sur l'intervention de M. G... démontre qu'il ne s'est pas préoccupé de savoir si celui-ci agissait en mandataire habilité de la société.

Elle critique son exégèse de l'article 3 de la loi du 25 Ventôse an XI et affirme qu'elle ne répond pas à la violation de l'article 36-2 du règlement national du notariat qui lui est imputée.

Elle réitère à cet égard qu'il est intervenu à l'acte de vente du 30 janvier 2012 en qualité de « conseil du vendeur » alors que le vendeur était représenté par M. G... et qu'il ne justifie d'aucune réquisition aux fins de cette mission de conseil.

Elle souligne qu'il a rédigé un projet d'assemblée générale et diverses autorisations de paiement pour 1 330 000 euros au profit de créancier non inscrits sans s'interroger et/ou interroger le vendeur.

Elle affirme qu'il ne répond pas à son interrogation sur le mode de règlement du prix de le vente et à ses moyens sur l'illégalité des « factures » de 90 000 euros et de 800 000 euros.

Elle précise, concernant l'absence de règlement de la TVA, qu'elle savait qu'il lui appartenait de payer la TVA générée par la vente mais qu'elle lui reproche, en tant que « conseil du vendeur » - comme il le revendique - de n'avoir pas attiré son attention sur le fait qu'après l'exécution des « indications de paiement », il n'existerait plus de fonds provenant de la vente pour payer cette TVA.

Elle estime que si cette information lui avait été donnée, elle aurait pu modifier tout ou partie des « indications de paiement » pour payer le créancier privilégié qu'est le Trésor Public.

Elle réitère que ces indications de paiement sont le fruit d'une escroquerie dont Mme F... et la société ont été victimes.

Elle rappelle en outre que Maître Y... devait, en application de l'article L 561-5 du code monétaire et financier vérifier la cause de certains mouvements de fonds et, notamment, constater les anomalies dans les factures ou bons de commande lorsqu'ils sont présentés comme justification des opérations financières ce qu'il n'a pas fait.

Elle souligne que le notaire ne peut se retrancher derrière la simple mise en forme des déclarations des parties pour éluder sa responsabilité.

Aux termes de leurs écritures précitées, Maître Y... et la Scp notariale contestent les griefs formulés.

Ils réfutent que Maître Y... n'ait jamais reçu Mme F....

Ils affirment qu'il l'a reçue pour préparer la promesse de vente, réunir les pièces du dossier et préparer l'assemblée générale de la Sarl Les Oliviers réunie le 18 novembre 2011.

Ils déclarent que la société ne démontre pas la prétendue interdiction de paraître au rendez-vous de signature imposée par M. G..., celle-ci étant au surplus sans incidence sur leur prétendue responsabilité.

Ils estiment contradictoires les propos de Mme F... qui prétend que la vente s'est déroulée à son insu et soutiennent qu'elle avait la volonté de vendre l'immeuble social de la société dont elle était gérante unique et seule associée.

Ils estiment que cette volonté est caractérisée dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 novembre 2011 dont la sincérité n'est pas discutée.

Ils ajoutent que M. G... ne peut être présenté comme un usurpateur qui aurait exercé ses droits à son insu alors qu'il a été expressément habilité par la même Mme F... dans le même procès-verbal d'assemblée générale.

Ils contestent que la vente ait été opérée en un trait de temps alors qu'elle a été précédée d'une promesse unilatérale reçue par Maître J... le 8 décembre 2011.

Ils déclarent sans incidence l'article 3 de la loi de Ventôse, ce texte posant l'obligation du notaire d'instrumenter lorsqu'il en est requis et ne subordonnant nullement l'établissement d'un acte par le notaire à une réquisition préalable de celui-ci par son client.

Ils estiment également sans incidence que Maître Y... ait 'uvré à l'établissement de l'acte de vente par la Sarl Les Oliviers représentée par M. G... dans la mesure où la délibération du 18 novembre 2011 habilitait, pour signer l'acte de vente « M. G... ou Me Y... ».

Ils contestent toute précipitation dans le paiement de la somme de 800000 euros et indiquent qu'il est de règle que le prix de la vente soit débloqué le jour même de celle-ci, au vu d'un état hypothécaire en cours de validité, dont ils étaient munis.

Ils font valoir qu'ils ont perçu du notaire de l'acquéreur le prix de vente le jour de celle-ci, qu'ils étaient en possession d'instructions expresses et claires de Mme F... elle-même, gérante de la société appelante, pour employer le prix par des versements entre diverses mains, que ces instructions étaient pures et simples et n'appelaient aucun préalable ce qui justifie qu'ils les aient exécutées sur le champ.

Ils précisent les paiements effectués conformément à la demande de Mme F... et en application de l'article 1277 ancien du code civil.

Ils contestent le grief tiré de l'absence de paiement de la TVA, le notaire n'étant pas tenu d'opérer pour le compte de la société ses obligations fiscales de déclaration et de reversement de la TVA collectée sur la revente.

Ils exposent que la société Les Oliviers n'est pas un particulier qui aurait vendu son bien et qui se serait trouvé assujetti à la TVA mais une société commerciale qui a réalisé une opération professionnelle s'inscrivant dans le cadre de son activité économique.

Ils indiquent qu'assujettie à la TVA au regard de son activité habituelle, il lui revenait, à l'occasion de ses déclarations périodiques de TVA de déclarer celle qu'elle avait collectée à l'occasion de la vente du bien, et de liquider la TVA à reverser en imputant sur la TVA collectée le montant de la TVA à récupérer qu'elle était admise à déduire.

Ils soulignent qu'elle seule était en mesure d'opérer cette liquidation et qu'il ne s'agissait pas de reverser au Trésor Public le montant de la TVA inclus dans le prix de la vente.

Ils rappellent que ce processus a été mentionné dans l'acte.

Ils estiment que Mme F... a négligé de satisfaire à ses obligations fiscales.

Ils considèrent également sans incidence le grief tiré de ne pas s'être préoccupé d'une partie de l'origine des fonds et ajoutent que Maître Y... n'a pas perçu le prix des mains de l'acquéreur mais de son confrère auquel l'acquéreur a versé le montant du prix.

Ils contestent avoir eu l'obligation de vérifier la facture de la société Antenor.

Ils font valoir qu'ils n'ont pas instrumenté dans les rapports entre la Sarl Les Oliviers et la société Antenor.

Ils soulignent qu'ils ont uniquement reçu un acte de vente relativement auquel seul leur devoir de conseil s'est appliqué et qu'ils ont remis le prix sur les instructions du représentant qualifié du vendeur, sa gérante.

Ils estiment sans incidence le montant de cette facture au regard du prix de vente, celle-ci ne pouvant être une commission d'intermédiaire puisque cette commission a été versée à l'agent immobilier Conseil et Développement.

Ils affirment qu'il n'est aucune relation nécessaire ou apparente, perceptible par eux, entre la cause du paiement fait par la Sarl Les Oliviers à la société Antenor et la vente.

Ils relèvent que la société les Oliviers ne conteste pas la signature de Mme F..., sa représentante, sur le pouvoir de payer la somme de 800 000 euros et considèrent qu'ils ne pouvaient qu'y déférer.

*******************

Considérant que le notaire, tenu à un devoir de conseil, doit informer et éclairer les parties sur leurs droits et obligations et sur les risques et conséquences de l'acte qu'elles signent'; qu'il doit assurer l'efficacité de l'acte qu'il rédige'; qu'il est tenu d'un devoir général de loyauté, prudence et diligence'; qu'il a une obligation particulière de prudence et de diligence lorsqu'il remet des fonds pour le compte de son client';

Sur les fautes reprochées aux intimés dans le cadre de l'assemblée générale

Considérant que l'authenticité du procès-verbal de l'assemblée générale de la société et la régularité de celle-ci ne sont pas contestées';

Considérant qu'aucune faute ne peut donc être reprochée à Maître Y... dans l'établissement de ce procès-verbal';

Considérant que l'appelante ne peut utilement reprocher à Maître Y... de ne pas avoir pris contact avec sa gérante, celle-ci étant la seule personne présente à l'assemblée générale en tant qu'unique associée'et ayant voté la résolution précitée ;

Considérant que la résolution adoptée donne pouvoir à M. G... de signer l'acte au nom de la société';

Considérant que l'appelante ne peut, compte tenu de cette authenticité et de cette régularité, reprocher à Maître Y... de ne pas avoir vérifié que M. G... était son mandataire';

Sur les fautes reprochées aux intimés lors de la conclusion de l'acte de vente

Considérant que l'acte de vente a été reçu par Maître H... «'avec la participation de Maître Y..., conseil du vendeur'»';

Considérant qu'il mentionne que la société Les Oliviers était représentée par M. Moshe G..., «'spécialement habilité ... aux termes d'une décision de l'assemblée générale extraordinaire de la société en date du 18 novembre 2011 dont une copie certifiée conforme par le notaire participant demeure en annexe'»;

Considérant que le procès-verbal de l'assemblée générale contient mandat exprès donné à Maître Y... pour signer l'acte de vente'; qu'il mandate donc l'intimé à cet effet'; que, mandaté par la société venderesse, Maître Y... a, ainsi, la qualité de conseil du vendeur';

Considérant, également, qu'il donne pouvoir à M. G... pour signer l'acte'; qu'il donne donc mandat à celui-ci de représenter la société';

Considérant qu'il résulte ainsi des énonciations de ce procès-verbal - dont l'authenticité n'est pas contestée - que la société a décidé de céder le bien aux conditions de prix figurant dans l'acte notarié et a donné tous pouvoirs à M. G... ou à Maître Y... pour signer l'acte de vente';

Considérant que l'emploi de la conjonction «'ou'» est sans incidence sur les pouvoirs ainsi donnés, la société pouvant, aux termes de la résolution, être représentée par M. G... et Maître Y... être son conseil ;

Considérant que les stipulations de l'acte à cet égard correspondent donc à la résolution précitée'et aux pouvoirs ainsi émis ; que les griefs seront rejetés';

Sur les fautes reprochées aux intimés postérieurement à la conclusion de l'acte de vente

Considérant que l'acquéreur a versé le prix à son notaire qui l'a remis à Maître Y...'; qu'il ne peut être reproché à celui-ci de ne pas s'être interrogé sur l'origine des fonds étant souligné que l'intégralité du prix de vente a été remise à Maître Y...';

Considérant que la venderesse est une société'commerciale'; que l'acte énonce qu'elle devra s'acquitter de la TVA'sur le formulaire de la déclaration mensuelle de son chiffre d'affaires ; qu'il exclut donc expressément que le notaire verse une partie du prix de vente directement au Trésor public'; que, compte tenu de l'absence de toute ambiguïté de la clause relative au paiement de la TVA, Maître Y... n'avait pas à appeler l'attention de la venderesse sur le fait qu'après ses paiements, aucun fonds provenant de la vente ne pouvait être utilisé pour payer la TVA';

Considérant que Maître Y... a payé diverses sociétés, dont les sociétés Antenor et MF Conseil, en vertu de mandats exprès donnés par le représentant du vendeur';

Considérant que l'authenticité des pouvoirs remis - y compris de ceux tendant aux paiements litigieux - n'est pas contestée';

Considérant que Mme F... a, en sa qualité de gérante de la société, donné pouvoir à Maitre Y... de payer diverses sociétés'en prélevant sur les fonds provenant de la vente ; qu'elle avait capacité pour engager la société venderesse';

Considérant que Maître Y... n'a ainsi pas procédé aux paiements contestés au vu de la présentation de factures'mais en application de pouvoirs qui lui ont été remis par Mme F... ;

Considérant qu'il était donc le dépositaire de fonds dont le représentant du propriétaire l'a mandaté pour effectuer des paiements';

Considérant qu'il n'appartenait pas, dès lors, à Maître Y... de s'enquérir du lien entre ces sociétés et la venderesse';

Considérant qu'il n'avait pas davantage à vérifier la cause des paiements soit des factures qui ont, en outre, été expressément validées par Mme F...';

Considérant que, compte tenu de la régularité de ces pouvoirs, il n'avait pas à procéder à des recherches particulières étant observé, au surplus, que la société ne conteste pas qu'ils correspondaient à sa volonté, indiquant, dans ses écritures, que Mme F... a demandé des explications à M. G... et s'en est «'contentée'»';

Considérant, par conséquent, que Maître Y... a procédé aux paiements en exécution de mandats régulièrement donnés par la représentante de la société propriétaire des fonds';

Considérant qu'en l'absence de toute circonstance particulière et compte tenu du caractère usuel de tels paiements, il n'avait pas, dès lors, à délivrer un conseil ou une information à la société';

Considérant qu'il n'a donc commis aucun manquement à ses obligations de conseil, de prudence ou de diligence';

Considérant, enfin, qu'il ne peut être fait grief au notaire d'avoir exécuté sans délai les instructions précises de la représentante de la société';

Sur les conséquences

Considérant que la société ne rapporte donc pas la preuve de manquements du notaire à ses obligations';

Considérant que ses demandes à l'encontre des intimés seront rejetées'; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions';

Considérant qu'elle sera condamnée à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel'; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins et celle tendant à condamner les intimés sur le fondement d'une résistance abusive seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant':

Condamne la société Les Oliviers, représentée par Maître X... ès qualités, à payer à la Z... et à Maître Y... la somme unique de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles'exposés en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Les Oliviers, représentée par Maître X... ès qualités, aux dépens,

Autorise Maître C... à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'il a exposés sans avoir reçu provision.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 16/08550
Date de la décision : 20/07/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°16/08550 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-20;16.08550 ?
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