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05/07/2018 | FRANCE | N°16/02741

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 05 juillet 2018, 16/02741


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 56C





13e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 05 JUILLET 2018





N° RG 16/02741





AFFAIRE :





SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE








C/


SAS FONROCHE INVESTISSEMENTS


...











Décision déférée à la cour: Jugeme

nt rendu le 31 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE


N° chambre :


N° Section :


N° RG : 2014F01334





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :


à :





Me Bertrand X...





Me Véronique I...





Me Christophe Y...





Me Martine Z...











REPUBLIQUE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56C

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JUILLET 2018

N° RG 16/02741

AFFAIRE :

SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

C/

SAS FONROCHE INVESTISSEMENTS

...

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 31 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2014F01334

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Bertrand X...

Me Véronique I...

Me Christophe Y...

Me Martine Z...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

[...]

[...]

Représentée par Maître Bertrand X... J... H...-G... A... AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - et par Maître Pascal B... avocat au barreau de MARSEILLE

APPELANTE

****************

SAS FONROCHE INVESTISSEMENTS

[...]

[...]

Représentée par Maître Véronique I... de la C... , avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - et par Maître K... , avocat plaidant au barreau de BEZIERS

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

[...]

Représenté par Me Christophe Y..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, Me Matthias D..., avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : A0288 , Me Olivier E... et Me F... de l'AARPI VIGUIE SCHMIDT & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS, vestiaire : P0564

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE

[...]

[...]

représentée par Me Martine Z... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Alexandra L... de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2018, Madame Sophie M..., présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie M..., Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE

L'avis du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général a été transmis le 10 janvier 2018 au greffe par la voie électronique

****************

La société Fonroche Investissements (ci-après 'la société Fonroche') a pour activité la production d'électricité d'origine renouvelable.

Afin de favoriser le développement des énergies renouvelables en France, la loi du 10 février 2000 a organisé les modalités de conclusion des contrats d'achat de l'électricité ainsi produite entre la société Electricité de France (ci-après EDF) et les producteurs de celle-ci.

Cette loi a notamment donné lieu aux décrets d'application du 6 décembre 2000 et du 10 mai 2001 et aux arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 qui fixent les prix d'achat.

Il est ainsi fait obligation à la société EDF de conclure avec les producteurs intéressés un contrat pour l'achat de l'électricité produite par les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables à un prix supérieur au prix auquel la société EDF vend son énergie aux consommateurs.

Le raccordement de ces installations au réseau de distribution est réalisé par la société Électricité Réseau de France, devenue Enedis (ci-après 'la société Enedis').

Dans le cadre de cette réglementation, la société Fonroche a décidé de l'implantation de trois centrales photovoltaïques, la première relative au projet 'Fer à cheval' d'une puissance de 414kWc, sur la commune de Mèze, la deuxième relative au projet 'Idec orchestra' sur la commune de Saint-Aunès et la troisième relative au projet 'Profiltex' d'une puissance de 712kWc, sur la commune de Lodève. Ces projets étant soumis à proposition technique et financière de raccordement au réseau (ci-après 'PTF'), le délai d'instruction de la demande de raccordement était de trois mois à compter de la date de réception de la demande complète.

Elle a ainsi envoyé trois demandes de raccordement que la société Enedis a déclarées complètes au 3 juin 2010 pour le projet 'Fer à cheval' et au 31 août 2010 pour les projets 'Idec orchestra' et 'Profiltex'.

Aucune PTF n'a été reçue par la société Fonroche.

Le décret du 9 décembre 2010 entré en vigueur le 10 décembre 2010 a suspendu pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques, aucune demande de contrat d'achat ne pouvant être déposée durant la période de suspension et les demandes suspendues devant faire l'objet, à l'issue de la période de suspension, d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau. Cette suspension ne s'applique toutefois pas aux installations dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF. A l'issue de ce moratoire, un arrêté du 4 mars 2011 a fixé le prix d'achat de cette électricité à des tarifs inférieurs à ceux prévus par les arrêtés antérieurs et exclu du bénéfice de l'obligation d'achat les installations d'une puissance supérieure à 100 kWc, désormais soumises à une procédure d'appel d'offre.

A l'issue de la période de suspension, la société Fonroche n'a pas déposé de nouvelle demande de raccordement.

Soutenant que la société Enedis avait commis des fautes, la société Fonroche l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre en réparation de son préjudice.

La société Enedis a appelé en garantie les sociétés Axa corporate solutions assurances (ci-après 'la société Axa') et Allianz global corporate et speciality (ci-après 'la société Allianz').

Par jugement contradictoire du 31 mars 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- déclaré irrecevable la demande de la société Fonroche concernant la centrale de Idec orchestra;

- débouté la société Fonroche de ses demandes d'indemnité concernant la centrale Profiltex ;

- dit que la société Enedis a commis une faute qui engage sa responsabilité civile à l'égard de la société Fonroche, pour la centrale du Fer à cheval;

- dit que le lien de causalité est établi, pour ce qui concerne la centrale Fer à cheval;

- ordonné le sursis à statuer pour toutes les autres demandes dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle dont elle est saisie par l'arrêt du 8 décembre 2015 de la cour d'appel de Versailles ;

- dit que, dès que la procédure pourra être reprise, la partie la plus diligente devra en informer le greffe du tribunal et qu'à défaut l'instance sera radiée au bout de deux années ;

- réservé tous autres droits, moyens et dépens.

Par déclaration reçue le 12 avril 2016, la société Enedis a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance d'incident du 22 mai 2017, le conseiller de la mise en état a débouté la société Enedis de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Versailles dans le cadre de la procédure venant devant cette juridiction portant le RG 16/05166.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2018, la société Enedis demande à la cour de :

Sur la confirmation du jugement,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 31 mars 2016 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Fonroche concernant la centrale de Idec orchestra;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 31 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Fonroche de ses demandes d'indemnité concernant la centrale Profiltex ;

Sur la réformation du jugement,

1) Sur l'absence de discrimination dans le traitement du dossier,

- dire et juger que les accusations de discrimination formulées par la société Fonroche ne sont ni démontrées ni fondées ;

2) Sur le défaut de lien de causalité,

- dire et juger que la société la société Fonroche ne démontre pas que, en l'absence de retard de la société Enedis dans la transmission de la PTF, elle aurait nécessairement matérialisé son accord sur ce document avant le 2 décembre 2010;

- dire et juger, en conséquence, qu' il n' existe pas de lien de causalité entre le dépassement du délai de trois mois dans la transmission de la PTF et le préjudice allégué, qui résulte exclusivement de l'application du décret du 9 décembre 2010 au projet ;

3) Subsidiairement, sur le caractère non réparable du préjudice allégué,

- dire et juger que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d'une aide d'Etat;

- constater que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

- dire et juger que cet arrêté est illégal et que son application doit, en tout état de cause, être écartée ;

- au besoin, écarter l'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

- rejeter, en conséquence, les demandes de la société Fonroche fondées sur une cause illicite ;

4) Plus subsidiairement, sur la perte de chance inexistante,

- dire et juger que le seul préjudice dont pourrait se prévaloir la société Fonroche est la perte d'une chance (i) d'avoir pu matérialiser son accord sur une PTF avant le 1er décembre 2010 minuit (ii) puis d'avoir obtenu un contrat d'achat après avoir réalisé et mis en service sa centrale dans un délai de 18 mois et (iii) enfin d'avoir pu exploiter sur 20 ans sa centrale virtuelle ; que cette perte de chance est inexistante et, dès lors, non indemnisable ;

5) Encore plus subsidiairement, sur l'assiette de la perte de chance,

- dire et juger que les hypothèses de calcul de l'assiette de préjudice sont totalement injustifiées en leur principe et leur quantum ;

6) En conséquence,

- reformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 31 mars 2016 concernant la centrale Fer à cheval;

- statuant à nouveau, débouter la société Fonroche de l'ensemble de ses demandes et de sa requête d'appel ;

7) A titre très infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation devrait intervenir à l'encontre de la société Enedis,

- condamner la compagnie Axa et la compagnie Allianz à la garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge en principal, frais, intérêts ou accessoires ;

- débouter la compagnie Axa de sa demande visant à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve le droit de refuser sa garantie, malgré les termes de la décision à intervenir ;

8) Reconventionnellement,

- condamner la société Fonroche à lui payer une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile,

- condamner in solidum la compagnie Axa et la compagnie Allianz à lui payer à une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 janvier 2018, la société Fonroche demande à la cour de :

- jugeant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et, par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause ;

- jugeant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a plus le caractère réglementaire ;

- jugeant l'impossibilité pour le tribunal de commerce puis la cour de remettre en cause une disposition législative ;

- jugeant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la CJUE au visa de l'article 9 du code de procédure civile ;

- constatant que la société Enedis comme ses assureurs n'invoquent pas que les contrats en cours soient annulables ;

- jugeant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif ;

- jugeant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la CJUE et du nombre de contrats impactés;

- en tout état de cause, jugeant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé, même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la contribution au service public de l'électricité ;

- constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;

- constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,176 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués ;

- jugeant la faute de la société Enedis consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non-discriminatoire ;

- jugeant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions ;

- constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule société Enedis des demandes de raccordements durant la dernière semaine d'août 2010 ;

- rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à la société Enedis de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement ;

- jugeant que la société Enedis est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation ;

- constatant que la société Enedis n'a pas même respecté une obligation de moyens en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique ;

- constatant la parfaite connaissance par la société Enedis du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant toute imprévisibilité et toute extériorité, et par voie de conséquence toute force majeure ;

- constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en injection, excluant toute irrésistibilité, et par voie de conséquence toute force majeure ;

- constatant l'aveu de la société Enedis devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination ;

- rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;

- rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la faute commise par la société Enedis et la responsabilité de celle-ci pour le dossier Fer à cheval ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la faute commise par la société Enedis pour le dossier Profiltex ;

- constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque ;

- constatant la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement ;

- jugeant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu ;

- constatant que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100% de la perte de marge ;

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a rejeté le lien de causalité pour le dossier Profiltex ;

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur le quantum de l'indemnisation ;

- par voie de conséquence, condamner la société Enedis à lui payer une indemnité sur la base de la somme de 2 377 572 euros (Fer à cheval) et 4 375 273 euros (Profiltex) soit 6 752 845 euros au total outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- à titre subsidiaire, si la méthode de la VAN devait être retenue, condamner la société Enedis à lui payer une indemnité sur la base de la somme de 2 448 661 euros (Fer à Cheval) et 4 242 834 euros (Profiltex) soit 6 691 495 euros au total ;

- jugeant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 2 377 572 euros (Fer à cheval) et 4 375 273 euros (Profiltex) soit 6 752 845 euros au total et condamner la société Enedis sur la base de ce montant ;

- condamner en outre la société Enedis au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la C... .

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2018, la société Axa demande à la cour de :

S'agissant du projet Fer à cheval,

A titre principal,

- dire et juger que la société Fonroche ne justifie pas du lien de causalité entre le retard imputé à la société Enedis et le préjudice allégué, ni de l'existence de ce préjudice;

- en conséquence, infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 31 mars 2016 et débouter la société Fonroche de ses demandes au titre de ce projet ;

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande d'évocation et renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre afin qu'il soit statué sur les demandes relatives au préjudice de la société Fonroche ;

S'agissant du projet Profiltex,

A titre principal,

- dire et juger que la société Fonroche ne justifie pas du lien de causalité entre la prétendue faute imputée à la société Enedis et le préjudice allégué, ni de l'existence de ce préjudice ;

- dire et juger que le préjudice allégué par la société Fonroche n'est pas réparable dès lors que l'arrêté du 12 janvier 2010 fondant le calcul de ce préjudice est illégal pour défaut de notification préalable à la Commission européenne ;

- en conséquence, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 31 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Fonroche de ses demandes au titre du projet Profiltex ;

A titre subsidiaire, et si, par extraordinaire, la cour reconnaissait l'existence d'un préjudice réparable,

- ordonner une expertise, et désigner un expert afin que ce dernier donne à la cour les éléments nécessaires pour apprécier la réalité et le quantum de l'éventuel préjudice subi par la société Fonroche ;

En tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Fonroche ;

- débouter la société Enedis de ses demandes de garantie à son égard et, à défaut, faire application du seuil d'intervention de 1 500 000 euros ;

- subsidiairement, lui donner acte qu'elle se réserve le droit de refuser sa garantie dans l'hypothèse où des pratiques anti-concurrentielles étaient retenues ;

- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Christophe Y..., Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 janvier 2018, la société Allianz demande à la cour de :

I. Pour le projet Idec orchestra,

- constater que la société Fonroche ne formule aucune demande au titre du projet Idec orchestra;

- en conséquence, dire et juger que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 31 mars 2016 est devenu définitif en ce qu'il a débouté la société Fonroche de ses demandes ;

II. Pour les projets Profiltex,

A titre principal,

- confirmer la décision du tribunal de commerce de Nanterre du 31 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Fonroche de ses demandes pour ce projet ;

En conséquence :

- dire et juger que la responsabilité délictuelle de la société Enedis ne peut pas être engagée ;

- débouter Fonroche de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger sans objet la demande de garantie de la société Enedis contre Allianz ;

A titre subsidiaire,

A titre principal,

- constater l'absence de conformité au droit de l'Union européenne des divers arrêtés - dont l'arrêté ministériel du 12 janvier 2010 - fixant les tarifs d'achat d'énergie radiative ;

- constater en conséquence que l'arrêté ministériel du 12 janvier 2010 - et le cas échéant tous autres arrêtés antérieurs - fixant les tarifs d'achat d'énergie radiative est illégal par voie d'exception, pour défaut de notification préalable à la Commission européenne ;

- dire et juger que la société Fonroche ne peut justifier d'un dommage réparable dès lors que le texte sur lequel elle fonde l'existence de ce dommage est entaché d'illégalité ;

- dire et juger qu'en tout état de cause, le préjudice n'est ni certain, ni direct ;

- en conséquence, déclarer la société Fonroche mal fondée en ses demandes et l'en débouter ; déclarer en conséquence sans objet l'appel en garantie de la société Enedis contre elle ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Fonroche ne justifie ni d'une faute ni d'un lien de causalité entre la faute imputée à la société Enedis et le préjudice allégué ;

- en conséquence, déclarer la société Fonroche mal fondée en ses demandes et l'en débouter ; déclarer en conséquence sans objet l'appel en garantie de la société Enedis contre elle ;

A titre plus subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance infime ;

- ordonner une expertise et désigner un expert afin que ce dernier donne à la cour les éléments nécessaires pour apprécier la réalité et le quantum de l'éventuel préjudice subi par la société Fonroche ;

En tout état de cause sur la garantie,

- constater que la société Enedis ne rapporte pas la preuve de l'existence, de la nature et des conditions de la garantie qu'elle revendique auprès d'elle, ni du fait que sa responsabilité au cas d'espèce relèverait d'une telle garantie ;

- constater que la société Enedis ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un accord de solidarité entre Axa et elle ;

- constater plus généralement que la société Enedis ne fonde ni ne précise aucunement sa demande contre elle;

- en conséquence, débouter la société Enedis de ses demandes dirigées contre elle ;

A titre subsidiaire sur la garantie,

- dire qu'elle ne saurait être tenue que dans les termes, limites et conditions des garanties d'assurance dont la société Enedis sollicite le bénéfice ;

- et constater qu'elle est susceptible, en fonction d'évolutions d'autres procédures en cours, d'opposer à la société Enedis le fait qu'elle aurait commis, dans sa relation avec les assureurs de sa responsabilité civile, une faute dolosive exclusive de garantie ;

- constater en conséquence que la société Allianz se réserve le droit d'opposer une exclusion de garantie ;

III. Pour le projet Fer à cheval,

A titre principal,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 31 mars 2016 en ce qu'il a jugé que la société Enedis a commis une faute et qu'il existe un lien de causalité avec l'abandon du projet Fer à cheval;

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Fonroche ne justifie ni d'une faute ni d'un lien de causalité entre la faute imputée à la société Enedis et le préjudice allégué ;

- débouter la société Fonroche de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger sans objet la demande de garantie de la société Enedis contreelle.

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande d'évocation et renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre afin qu'il soit statué sur les demandes relatives au préjudice de Fonroche ;

IV. En tout état de cause,

- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit du cabinet Lexavoue, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public, dans son avis notifié aux parties le 10 janvier 2018, sollicite de la cour qu'elle tire les conséquences de l'ordonnance rendue par la Cour de justice de l'Union européenne le 15 mars 2017 dans l'affaire C-515/16 et adopte les points de droit suivants ' le mécanisme de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité, en application des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, doit être considéré comme une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat. En effet, dès lors qu'il accorde un avantage aux producteurs de cette électricité, cet avantage est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres et d'avoir une incidence sur la concurrence ; sont ainsi réunis les critères de l'aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les arrêtés susvisés, pris en méconnaissance de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne résultant de l'article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont entachés d'illégalité, et, dès lors, ne peuvent être appliqués à la présente affaire'. Il s'en rapporte enfin à la sagesse de la cour sur le caractère juridiquement réparable d'un ou de plusieurs préjudices invoqués par l'intimée, qui pourrait reposer sur un fondement autre que les arrêtés ministériels susmentionnés.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2018.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1- Sur la centrale Idec orchestra :

Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de la société Fonroche concernant cette centrale.

La société Enedis demande la confirmation du jugement sur ce point. La société Fonroche ne sollicite ni la confirmation ni l'infirmation du jugement et ne forme en appel aucune demande en paiement relativement à ce projet de centrale. La société Axa ne forme aucune demande au titre de cette disposition du jugement. La société Allianz demande à la cour de dire et juger que le jugement est devenu définitif 'en ce qu'il a débouté' (sic) la société Fonroche de ses demandes.

Aucune des parties ne demandant l'infirmation du jugement sur ce point, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Fonroche.

2- Sur les centrales Profiltex et Fer à cheval:

Sur les fautes :

Sur le défaut de transmission d'une PTF dans le délai de trois mois :

Concernant la centrale Profiltex, la cour relève au préalable, d'une part, que le tribunal a débouté la société Fonroche de ses demandes d'indemnité après avoir considéré que la société Enedis avait commis une faute en ne transmettant pas de PTF à la société Fonroche dans le délai de trois mois ayant commencé à courir le 31août 2010 mais que le lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute de la société Enedis n'était pas démontré et, d'autre part, que les sociétés Enedis, Allianz et Axa sollicitent la confirmation du jugement sans discuter de l'existence d'une faute résultant du défaut de transmission d'une PTF dans le délai de trois mois tandis que la société Fonroche demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la faute commise par la société Enedis et son infirmation en ce qu'il a rejeté le lien de causalité.

Le retard fautif de la société Enedis dans la transmission d'une PTF portant sur la cenrtale Profiltex n'étant pas discuté en appel il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Enedis avait commis une faute en ne transmettant pas de PTF à la société Fonroche dans le délai de trois mois.

S'agissant de la centrale Fer à cheval, le tribunal a retenu la faute de la société Enedis et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué par la société Fonroche et sursis à statuer.

La société Allianz sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu une faute sans toutefois développer de moyens à l'appui de sa demande.

La société Enedis ne conteste pas le caractère fautif du dépassement du délai d'envoi d'une PTF au producteur et la société Axa ne discute pas ce point.

La société Fonroche soutient que la société Enedis avait l'obligation de mettre à disposition la PTF au plus tard le 3septembre2010, sa demande complète de raccordement ayant été reçue par la société Enedis le 3juin2010, et qu'en ne lui adressant aucune PTF la société Enedis a commis une faute qui lui ouvre droit à réparation.

Il résulte de la délibération de la commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre et de son annexe 1 que la société ERDF, devenue Enedis, avait l'obligation de transmettre aux demandeurs une PTF dans un délai n'excédant pas trois mois à compter de la réception de sa demande de raccordement complète.

L'article 7.2.3 de la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel d'Enedis applicable à compter du 3 juillet 2010 (ERDF-PRO-RAC 14E version v.1) pour les installations d'une puissance supérieure à 36 kVA, prévoit que ' A l'issue de cet examen et lorsque le dossier est complet, la demande de raccordement est qualifiée. La date de qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossier lorsque celui-ci est complet ou à la date de réception de la dernière pièce manquante. ERDF confirme par courrier postal ou électronique au demandeur que son dossier est complet. A cette occasion, ERDF communique également la date de qualification de sa demande de raccordement... ainsi que le délai d'envoi de l'offre de raccordement'.

L'article 8.2.1 de ce document précise qu' 'à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement (...) n'excédera pas trois mois quelque soit le domaine de tension de raccordement'.

Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la société Enedis commet une faute délictuelle lorsque le délai de trois mois dont elle dispose pour adresser une PTF à un candidat au raccordement au réseau électrique n'est pas respecté.

Ce délai maximum de trois mois se calcule à partir de la date de la réception par la société Enedis du dossier complet de demande de raccordement et s'apprécie à la date de réception de la PTF par le demandeur.

En l'espèce, la société Enedis n'a pas envoyé de PTF à la société Fonroche dans le délai de trois mois ayant commencé à courir selon les parties le 3 juin2010, date de réception de la demande de raccordement indiquée par la lettre datée du 8juin2010 que la société Enedis a adressée à la société Fonroche sans que la complétude du dossier ait été alors constatée, cette complétude n'ayant toutefois pas été remise en cause ultérieurement.

En manquant à son obligation d'adresser une PTF portant sur la centrale Fer à cheval à la société Fonroche dans le délai de trois mois prévu par les textes, soit le mardi 3 septembre2010 minuit au plus tard, la société Enedis a commis une faute.

Sur le traitement discriminatoire :

La société Fonroche prétend que la société Enedis a violé son obligation légale d'instruire les dossiers sans discrimination, que dans une décision du 14 février 2013 l'Autorité de la concurrence a ainsi indiqué poursuivre une enquête sur ce point car les éléments recueillis étaient de nature à mettre en évidence des pratiques discriminatoires, que dans un audit réalisé par elle-même la société Enedis reconnaît que le traitement des demandes a répondu à d'autres règles que leur date d'enregistrement, qu'alors que sa propre demande n'a pas été instruite dans les trois mois une autre société a obtenu une PTF en moins de cinq semaines et un GAEC a obtenu une PTF le 23novembre2010 pour une demande du 31août 2010 alors qu'il était situé près de 150 places plus loin dans la file d'attente et qu'ainsi le principe de sa demande est justifié sur ce seul fondement.

La société Enedis réfute tout traitement discriminatoire des demandes de raccordement répliquant que la décision du 14 février 2013 de l'Autorité de la concurrence ne permet pas d'en tirer des conclusions, que celle du 17décembre 2013 concerne les sociétés EDF et EDF EN et un autre sujet, que le Conseil d'Etat ne l'a pas sanctionnée dans un arrêt du 28novembre2012 qui a annulé un arrêté le tarif d'utilisation du réseau de distribution d'électricité dont la détermination relève du Gouvernement et non de la société Enedis.

La décision du 17 décembre 2013 de l'Autorité de la concurrence dont se prévaut la société Fonroche pour caractériser le traitement discriminatoire qu'elle reproche à la société Enedis, sanctionne la société EDF et non la société Enedis pour avoir favorisé de manière abusive sa filiale EDF ENR en mettant à sa disposition divers moyens non reproductibles par la concurrence et ce pour des faits qui, tout en étant relatifs au marché photovoltaïque, ne concernent pas le traitement par la société Enedis des demandes de raccordement.

La décision du 14 février 2013 concerne des pratiques reprochées à la société ERDF dans le traitement des demandes de raccordement des installations photovoltaïques et des pratiques de favoritisme de la société ERDF vis à vis de la société EDF EN, et, au vu des éléments recueillis, n'exclut pas que 'lors de la période ayant précédé le moratoire, les filiales ERDF et RTE qui reçoivent les demandes de raccordement aient pu favoriser le traitement des projets portés par les filiales photovoltaïques du groupe de manière à ce que ces dernières puissent bénéficier des tarifs d'achat pré-moratoire beaucoup plus avantageux au plan économique'. Elle en conclut que l'instruction au fond doit être poursuivie. Aucune preuve de ce que cette instruction ait finalement abouti à mettre en évidence de telles pratiques n'est cependant rapportée et cette décision est en outre insusceptible de caractériser une discrimination dont la société Fonroche aurait été elle-même victime.

Les deux dossiers cités par cette dernière pour étayer ses allégations de traitement discriminatoire ne sont pas plus probants. L'un concerne la société Hélios production dont la demande a été déclarée complète le 28 octobre 2010 mais qui n'a pas échappé au moratoire. L'autre concerne la proposition de raccordement adressée le 23 novembre 2010 au GAEC de Coatyliven, dépendant de l'agence de l'Ouest de la société Enedis à Laval, différente de celle ayant traité la demande de la société Fonroche et qui mentionne que la demande a été déclarée recevable le 30 août 2010.

La seule remise à un producteur d'une PTF dans les délais requis ne caractérise pas davantage la discrimination alléguée, mais seulement la capacité de la société Enedis à traiter certaines des demandes dans le délai maximum qui lui était imparti.

Aucun traitement discriminatoire n'est donc caractérisé.

Sur le lien de causalité:

La société Enedis conteste tout lien de causalité entre le dépassement du délai de trois mois et le préjudice allégué. Soulignant que le projet n'a pas été réalisé, elle soutient que la suspension du projet et la perte de marge ont pour cause exclusive le décret du 9 décembre 2010, sans lequel le dépassement du délai pour transmettre les PTF n'aurait eu aucune des conséquences invoquées par la société Fonroche, que l'envoi de les PTF dans le délai, soit avant le 30novembre 2010, ne lui aurait pas assuré d'échapper au moratoire dès lors qu'elle disposait d'un nouveau délai de trois mois pour accepter les PTF et qu'elle ne démontre pas avec certitude qu'elle aurait analysé et renvoyé les PTF au plus tard le 1er décembre2010 alors que le moratoire n'a été annoncé que le 2 décembre 2010.

La société Fonroche réplique que le lien de causalité entre la faute de la société Enedis et son préjudice, constitué d'une perte de chance assise sur la perte de marge sur l'exploitation de la centrale pendant vingt ans, est établi dès lors que la seule violation du délai de trois mois ouvre droit à réparation, que l'obligation de la société Enedis était une obligation de résultat, que ni l'abandon du projet, dû au fait qu'en application de l'arrêté du 4mars2011 les centrales, d'une puissance supérieure à 100 kWc, ne bénéficiaient pas de l'obligation d'achat, ni le moratoire décidé par le Gouvernement, intervenu après l'écoulement du délai d'instruction, ne sont la cause de son préjudice et que le caractère sériel du contentieux, retenu par la société Enedis elle-même, permet de considérer comme acquis automatiquement le lien de causalité. Elle ajoute qu'aucun aléa n'affectait la réalisation des centrales et qu'un retard de construction avait pour seul effet la réduction de la durée du contrat d'achat d'électricité conformément à l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2010.

La société Axa considère que c'est la date de dépôt de la demande de raccordement du projet Profiltex qui est la cause du préjudice allégué par la société Fonroche dès lors que si elle avait reçu une PTF le 30novembre 2010, son acceptation n'aurait pas pu parvenir à la société Enedis avant le 1er décembre 2010, que le prétendu dommage résulte pour les deux projets de l'instauration du moratoire puis d'un nouveau tarif par arrêté du 4 mars2011 et que la société Fonroche a elle-même pris la décision d'abandonner ces projets et de se priver ainsi de toute possibilité de gain.

La société Allianz fait valoir que même en l'absence de retard dans la transmission par la société Enedis des PTF le dommage allégué serait intervenu et que ce dommage a pour origine d'une part l'impossibilité matérielle de renvoyer la PTF signée et le chèque d'acompte avant le 1erdécembre2010 et de mettre en service la centrale dans les 18 mois de manière à échapper au moratoire et à bénéficier du tarif fixé par l'arrêté du 12janvier2010 - la société Fonroche ne démontrant pas qu'elle était en mesure de respecter un délai de 18 mois de mise en service de la centrale puisqu'elle n'avait conduit aucune diligence dans le sens de sa réalisation effective et qu'elle devait assurer la mise en service de 55 centrales simultanément sous le même délai pour un coût de financement de 57 millions d'euros - de deuxième part sa décision propre de ne pas poursuivre ce projet ensuite, et de troisième part le fait de l'Etat qui a adopté le décret du 9décembre2010.

L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 a suspendu l'obligation de conclure un contrat d'achat à compter de l'entrée en vigueur de ce décret, soit le 10 décembre 2010. L'article 3 écarte l'application de cette suspension pour les producteurs ayant notifié leur acceptation de la PTF avant le 2 décembre 2010.

S'agissant de la centrale Profiltex, la faute de la société Enedis n'est constituée qu'à l'expiration du délai de trois mois dont elle disposait pour envoyer une PTF, soit le mardi 30novembre2010 minuit. En l'absence de retard de la société Enedis dans l'envoi de la PTF, la société Fonroche aurait dû renvoyer la PTF complétée de l'acompte avant le mercredi 1er décembre 2010 minuit pour échapper au moratoire et ne pas subir le préjudice allégué. Elle aurait donc disposé de 24 heures pour procéder à cette formalité.

L'adoption d'un moratoire n'a été annoncée par le Gouvernement que par communiqué du 2décembre 2010 sans que ni la date du décret ni celle de prise d'effet du moratoire n'aient été précisées, seules des informations officieuses sur une nouvelle baisse des tarifs ayant été diffusées par la presse spécialisée à compter du 30novembre2010 et le principe d'un moratoire n'ayant été évoqué sur un blog que le 1er décembre 2010 à 23 heures 33, sans que la date de la demande complète de raccordement ne soit remise en cause pour la détermination du tarif d'achat applicable au projet. En sorte qu'avant le 2 décembre 2010 les demandeurs d'un raccordement n'étaient pas incités à renvoyer la PTF avant le mercredi 1er décembre 2010 minuit.

Alors que, selon la société Allianz non contredite sur ce point, la société Fonroche avait 55 demandes de raccordement en cours et que, comme il vient d'être dit, aucune information diffusée avant 1er décembre 2010 n'incitait alors les demandeurs à retourner le plus vite possible la PTF pour échapper au futur moratoire, il n'est pas établi que la société Fonroche aurait pu accepter et renvoyer une PTF avant le 1er décembre 2010 minuit si la sociétéEnedis avait respecté le délai qui lui était imparti.

Le préjudice allégué constitué d'une perte de marge soit à tout le moins d'un pourcentage de la perte de marge, à supposer qu'il soit licite, n'a donc pas pour cause déterminante le retard de la société Enedis dans l'envoi d'une PTF mais la date de la demande de raccordement, la suspension de l'obligation d'achat prévue par le décret du 9décembre2010, son application rétroactive aux producteurs n'ayant pas notifié leur acceptation de la PTF avant le 2décembre2010 ainsi que la baisse des tarifs résultant de l'arrêté du 4mars2011 et la mise en place d'une procédure d'appel d'offres pour les centrales d'une puissance supérieure à 100 kW.

Le lien de causalité entre la faute de la société Enedis et le préjudice invoqué par la société Fonroche n'est donc pas établi.

Au surplus le préjudice ne peut constituer en la perte de marge dont se prévaut la sociétéFonroche dès lors que le projet n'a pas été poursuivi par la sociétéFonroche qui n'a ni déposé de nouvelle demande de raccordement ou répondu à un appel d'offres ni conclu de contrat d'achat d'électricité avec la société EDF, et ce peu important que l'abandon du projet ait été motivé par une moindre rentabilité ou non étant toutefois observé que la Cour des comptes a constaté que les tarifs fixés à l'issue du moratoire étaient demeurés attractifs puisque seuls des projets d'une puissance cumulée de 0,4GW ont été abandonnés sur la totalité des projets ayant perdu le bénéfice de l'obligation d'achat aux conditions antérieures qui représentaient une puissance cumulée de 3,3GW.

Il convient dès lors de confirmer le jugement s'agissant de la centrale Profiltex sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens et demandes.

S'agissant de la centrale Fer à cheval, la faute de la société Enedis est constituée à l'expiration du délai de trois mois dont elle disposait pour envoyer une PTF, soit le 3 septembre2010 minuit. En l'absence de retard de la société Enedis dans l'envoi de la PTF, la société Fonroche aurait dû renvoyer la PTF complétée de l'acompte avant le mercredi 1er décembre 2010 minuit pour échapper au moratoire et ne pas subir le préjudice allégué. Elle aurait donc disposé de près de trois mois pour procéder à cette formalité, soit le délai qui s'impose au demandeur pour retourner la PTF. Aucun élément ne permet de considérer que la société Fonroche n'aurait pas respecté ce délai si la société Enedis lui avait adressé une PTF avant le 3septembre 2010.

Il résulte par ailleurs de l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 que le bénéfice de l'obligation d'achat aux conditions tarifaires antérieures au moratoire est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau.

Si la société Fonroche avait notifié son acceptation d'une PTF avant le 1er décembre 2010 minuit, date-butoir de la notification de l'acceptation d'une PTF si la société Enedis lui avait adressé une PTF dans le délai qui lui était imparti, elle aurait eu jusqu'au 2 juin 2012 pour mettre en service la centrale envisagée.

Aucun élément ne permet de considérer que la société Fonroche n'aurait pas été en mesure de mettre en service la centrale 'Fer à cheval' avant le 2juin2012 si la société Enedis avait respecté son propre délai de transmission d'une PTF.

Le lien de causalité entre la faute de la société Enedis et le préjudice invoqué est dès lors établi.

En ne lui adressant pas la PTF dans le délai qui lui était imparti, la société Enedis a donc privé la société Fonroche d'une chance de pouvoir lui notifier son acceptation de celle-ci avant le 1er décembre 2010 minuit et d'échapper ainsi au moratoire.

Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

Sur le préjudice et le sursis à statuer prononcé par le tribunal :

La société Enedis fait valoir qu'un sursis à statuer partiel ne permet pas l'évocation par le juge d'appel.

La société Fonroche demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur le quantum de la demande indemnitaire et d'user de son pouvoir d'évocation pour statuer sur celle-ci.

La société Axa rappelle que le tribunal ne s'étant pas prononcé sur les questions du préjudice la cour d'appel ne peut pas statuer sur ces questions.

La société Allianz demande à la cour de rejeter la demande d'évocation.

Après avoir retenu l'existence d'une faute et d'un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice invoqué, le tribunal a sursis à statuer pour toutes les autres demandes dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle dont elle est saisie dans une procédure similaire.

Cette juridiction a répondu à la question par ordonnance du 15 mars 2017.

Il est constant d'une part que l'appel du jugement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer n'a pas été autorisé conformément à l'article 380 du code de procédure civile et d'autre part que cette décision n'a ni ordonné une mesure d'instruction ni mis fin à l'instance après avoir statué sur une exception de procédure en sorte que la cour d'appel ne peut pas évoquer les points non jugés par application de l'article 568 du code de procédure civile.

Il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute et d'un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice allégué s'agissant de la centrale Fer à cheval et de renvoyer l'examen des points non jugés au tribunal de commerce de Nanterre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant contradictoirement,

Dit irrecevable la demande formée par la société Fonroche investissementsau titre du projet de centrale 'Idec orchestra';

Dit que la société Enedis a commis une faute à l'égard de la société Fonroche investissementss'agissant des projets de centrale 'Profiltex'et 'Fer à cheval';

Dit que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice alléguépar la société Fonroche investissementsn'est pas établi s'agissant du projet de centrale 'Profiltex';

Dit que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice alléguépar la société Fonroche investissementsest établi s'agissant du projet de centrale 'Fer à cheval';

Confirme en conséquence le jugement en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à évocation ;

Renvoie l'examen des points non jugés devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

Dit n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Enedis aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie M..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02741
Date de la décision : 05/07/2018

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 13


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-05;16.02741 ?
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