COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2018
N° RG 16/06859
AFFAIRE :
Martine X...
C/
Société ENEDIS anciennement dénommée ERDF
Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 16 Octobre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 03
N° Section :
N° RG : 2012F02833
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Véronique G...
Me Bertrand Y...
TC NANTERRE
MP
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Madame Martine X...
[...]
Représenté(e) par Maître Véronique G... de la Z..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et par Maître F. A..., avocat plaidant au barreau de BEZIERS
APPELANTE
****************
Société ENEDIS anciennement dénommée ERDF
N° SIRET : 444 608 442
[...]
Représentée par Me Bertrand Y... H... F...-E... B... AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - et par Me Romain C..., avocat plaidant au barreau de LYON
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2018, Madame Sophie I..., présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie I..., Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
L'avis du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général a été transmis le 09 janvier 2018 au greffe par la voie électronique
Après avoir été démarchée par la société System Voltaik, Madame Martine X..., agricultrice, a décidé de développer deux projets de construction de centrales photovoltaïques.
Afin de favoriser le développement des énergies renouvelables en France, la loi du 10 février 2000 a organisé les modalités de conclusion des contrats d'achat de l'électricité ainsi produite entre la société Electricité de France (ci-après EDF) et les producteurs de celle-ci.
Cette loi a notamment donné lieu aux décrets d'application du 6 décembre 2000 et du 10 mai 2001 et aux arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 qui fixent les prix d'achat.
Il est ainsi fait obligation à la société EDF de conclure avec les producteurs intéressés un contrat pour l'achat de l'électricité produite par les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables à un prix supérieur au prix auquel la société EDF vend son énergie aux consommateurs.
Le raccordement de ces installations au réseau de distribution est réalisé par la société Électricité Réseau de France, devenue Enedis (ci-après 'la société Enedis').
Dans le cadre de cette réglementation, Mme X... a décidé de l'implantation d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 25,5 kVA, sur la commune d'Hirtzbach. Son projet étant soumis à proposition de raccordement au réseau (ci-après 'PDR'), le délai d'instruction de la demande de raccordement était de six semaines ou de trois mois en cas de nécessité de travaux d'extension au réseau, et ce à compter de la date de réception de la demande complète.
Elle a ainsi envoyé, par l'intermédiaire de son mandataire, la société System Voltaik, une demande de raccordement. La société Enedis en a accusé réception le 15 septembre 2010 et l'a déclarée complète au 31 août 2010.
Aucune PDR n'a été reçue par Mme X....
Le décret du 9 décembre 2010 entré en vigueur le 10 décembre 2010 a suspendu pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques, aucune demande de contrat d'achat ne pouvant être déposée durant la période de suspension et les demandes suspendues devant faire l'objet, à l'issue de la période de suspension, d'une
nouvelle demande complète de raccordement au réseau. Cette suspension ne s'applique toutefois pas aux installations dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau (ci-après 'PTF'). A l'issue de ce moratoire, un arrêté du 4 mars 2011 a fixé le prix d'achat de cette électricité à des tarifs inférieurs à ceux prévus par les arrêtés antérieurs et exclu du bénéfice de l'obligation d'achat les installations d'une puissance supérieure à 100 kWc, désormais soumises à une procédure d'appel d'offres.
A la fin de la période de suspension, Mme X... n'a pas déposé de nouvelle demande de raccordement.
Soutenant que la société Enedis avait commis des fautes, Mme X... l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre en réparation de son préjudice.
Par jugement contradictoire du 16 octobre 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté Mme X... de toutes ses demandes ;
- condamné Mme X... à payer à la société Enedis la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme X... aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 31 octobre 2014, Mme X... a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance d'incident du 15 mars 2016, le conseiller de la mise en état a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne saisie dans l'affaire Ombrière Le Bosc.
La CJUE a répondu à la question posée dans le dossier Ombrière Le Bosc par ordonnance du 15 mars 2017 et radié la procédure préjudicielle dans le dossier Green Yellow.
A la demande des parties, l'affaire a été réinscrite au rôle.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 novembre 2017, Mme X... demande à la cour de :
- jugeant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et, par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause ;
- jugeant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a
plus le caractère réglementaire ;
- jugeant l'impossibilité pour le tribunal de commerce puis la cour de remettre en cause une disposition législative ;
- jugeant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la CJUE au visa de l'article 9 du code de procédure civile ;
- constatant que Enedis comme ses assureurs n'invoquent pas que les contrats en cours soient annulables ;
- jugeant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif;
- jugeant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la CJUE et du nombre de contrats impactés;
- en tout état de cause, jugeant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé, même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la CSPE ;
- constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
- constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,176 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués;
- jugeant la faute d'Enedis consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non-discriminatoire ;
- jugeant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions ;
- constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule Enedis des demandes de raccordements durant la dernière semaine d'août 2010;
- rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à Enedis de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement ;
- jugeant qu'Enedis est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation ;
- constatant qu'Enedis n'a pas même respecté une obligation de moyens en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique;
- constatant la parfaite connaissance par Enedis du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant toute imprévisibilité et toute extériorité, et par voie de conséquence toute force majeure ;
- constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en
injection, excluant toute irrésistibilité, et par voie de conséquence toute force majeure ;
- constatant l'aveu d'Enedis devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination ;
- jugeant l'inapplicabilité du moratoire du fait de la faible puissance de la centrale ;
- rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
- rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande ;
- constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque ;
- constatant la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement ;
- jugeant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu ;
- constatant que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100% de la perte de marge ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a exclu la responsabilité de la société Enedis et débouté la concluante de sa demande indemnitaire ;
- par voie de conséquence, condamner la société Enedis à payer à Mme X... une indemnité sur la base de la somme de 89 342 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- à titre subsidiaire, si la méthode de la VAN devait être retenue, condamner la société Enedis à payer à Mme X... une indemnité sur la base de la somme de 106 792 euros ;
- jugeant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 89 342 euros ;
- condamner en outre la société Enedis au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la Z..., Avocat au Barreau de Versailles.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 décembre 2017, la société Enedis demande à la cour de :
1) Sur l'absence de discrimination,
- dire et juger que les accusations de discrimination formulées à l'encontre de la société Enedis ne sont ni démontrées ni fondées ;
2) Subsidiairement, sur l'absence de lien de causalité entre les faits reprochés à la société Enedis et le préjudice allégué par Mme X...,
- dire et juger que (i) en l'absence de conclusion d'un contrat d'achat d'électricité entre Mme X... et EDF au moment de l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 et (ii) à défaut de retour de la PDR acceptée avant le 2 décembre 2010, la poursuite éventuelle du processus de raccordement par Enedis n'aurait eu aucune incidence sur la perte de l'ancien tarif d'achat conformément au principe général de suspension de l'obligation d'achat édicté par l'article 1er dudit décret ;
- dire et juger que, en l'espèce, Mme X... ne démontre pas que, en l'absence de retard d'Enedis dans la transmission de la PDR, elle aurait nécessairement matérialisé son accord sur ce document avant le 2 décembre 2010 ;
- dire et juger, en conséquence, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le dépassement du délai de trois mois dans la transmission de la PDR et le préjudice allégué, qui résulte exclusivement de l'application du décret du 9 décembre 2010 au projet ;
- subsidiairement, si la cour estime que la question de l'interprétation du décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 pour les PDR et conventions de raccordement directes acceptées avant l'entrée en vigueur dudit décret soulève une difficulté sérieuse qui met en jeu la séparation des ordres de juridiction , renvoyer au tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence en vertu de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
3) Subsidiairement, sur le caractère non réparable du préjudice allégué,
- dire et juger que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d'une aide d'Etat ;
- constater que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;
- dire et juger que cet arrêté est illégal et que son application doit, en tout état de cause, être écartée ;
- au besoin, écarter l'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;
- rejeter, en conséquence, les demandes de Mme X... fondées sur une cause illicite;
4) Plus subsidiairement, sur la perte de chance inexistante,
- dire et juger que le seul préjudice dont pourrait se prévaloir Mme X... est la perte d'une chance (i) d'avoir pu analyser et renvoyer une PDR acceptée accompagnée d'un chèque d'acompte en moins de 24 heures afin qu'Enedis réceptionne ces documents avant le 1er décembre 2010 minuit (ii) puis d'avoir obtenu un contrat d'achat après avoir réalisé et mis en service sa centrale dans un délai de 18 mois et (iii) enfin d'avoir pu exploiter sur 20 ans sa centrale virtuelle ; que cette perte de chance est inexistante et, dès lors, non indemnisable ;
5) Encore plus subsidiairement, sur l'assiette de la perte de chance,
- dire et juger que les hypothèses de calcul de l'assiette du préjudice gagner sont totalement injustifiées en leur principe et leur quantum ;
6) En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre ;
- débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes et de sa requête d'appel ;
- rejeter toutes prétentions contraires ;
- condamner Mme X... au paiement :
- de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- des entiers dépens de l'instance, dont ceux d'appel distraits au profit de l'AARPI B... Avocats.
Le ministère public, dans son avis notifié aux parties le 10 janvier 2018, sollicite de la cour qu'elle tire les conséquences de l'ordonnance rendue par la Cour de justice de l'Union européenne le 15 mars 2017 dans l'affaire C-515/16 et adopte les points de droit suivants ' le mécanisme de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité, en application des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, doit être considéré comme une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat. En effet, dès lors qu'il accorde un avantage aux producteurs de cette électricité, cet avantage est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres et d'avoir une incidence sur la concurrence ; sont ainsi réunis les critères de l'aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les arrêtés susvisés, pris en méconnaissance de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne résultant de l'article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont entachés d'illégalité, et, dès lors, ne peuvent être appliqués à la présente affaire'. Il s'en rapporte enfin à la sagesse de la cour sur le caractère juridiquement réparable d'un ou de plusieurs préjudices invoqués par l'intimée, qui pourrait reposer sur un fondement autre que les arrêtés ministériels susmentionnés.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE :
1- Sur les fautes :
Mme X..., soutient pour l'essentiel que sa demande de raccordement déclarée complète au 31 août 2010 n'a pas été instruite dans les délais ; que la centrale étant d'une puissance inférieure à 36 kWc, la société Enedis devait lui adresser une proposition de raccordement sous six semaines ou trois mois en cas de travaux d'extension de réseau, travaux dont la nécessité n'est pas démontrée en l'espèce et que la société Enedis ne lui a pas
transmis de PDR dans ce délai, soit avant le 5 octobre 2010, comme elle y était obligée ; que sans cette faute que la société Enedis ne conteste pas elle aurait pu retourner son accord sur la PDR avant l'entrée en vigueur du moratoire de sorte que la société Enedis a engagé sa responsabilité.
Elle soutient également que la société Enedis a commis une faute en lui appliquant le moratoire au 2 décembre 2010, alors que son projet, relevant d'une PDR et non d'une PTF, n'y était pas soumis.
Elle prétend enfin que la société Enedis a violé son obligation légale d'instruire les dossiers sans discrimination, que dans une décision du 14 février 2013 l'Autorité de la concurrence a ainsi indiqué poursuivre une enquête sur ce point car les éléments recueillis étaient de nature à mettre en évidence des pratiques discriminatoires, que dans un audit réalisé par elle-même la société Enedis reconnaît que le traitement des demandes a répondu à d'autres règles que leur date d'enregistrement, qu'alors que sa propre demande n'a pas été instruite dans les trois mois une autre société a obtenu une PTF en moins de cinq semaines et un GAEC a obtenu une PTF le 23novembre2010 pour une demande du 31août 2010 alors qu'il était situé près de 150 places plus loin dans la file d'attente et qu'ainsi le principe de sa demande est justifié sur ce seul fondement.
La société Enedis ne conteste pas le caractère fautif du dépassement du délai d'envoi d'une PDR au producteur.
Elle soutient que le délai de trois mois pour la transmission de la PDR doit être apprécié par rapport à la date butoir du 2 décembre 2010 et non par rapport à la date d'entrée en vigueur du décret moratoire le 10 décembre 2010 puisque le juge administratif, seul compétent en matière d'obligation d'achat d'électricité a affirmé que le processus d'obtention du contrat d'achat et donc du bénéfice des anciens tarifs d'achat était interrompu à défaut de retour d'une PDR acceptée avant le 2 décembre 2010.
Elle réfute tout traitement discriminatoire des demandes de raccordement répliquant que la décision du 4 février 2013 de l'Autorité de la concurrence ne permet pas d'en tirer des conclusions, que celle du 17décembre 2013 concerne les sociétés EDF et EDF EN et un autre sujet, que le Conseil d'Etat ne l'a pas sanctionnée dans un arrêt du 28novembre2012 qui a annulé un arrêté le tarif d'utilisation du réseau de distribution d'électricité dont la détermination relève du Gouvernement et non de la société Enedis.
* sur le non respect du délai :
Les parties ne produisent pas la procédure de traitement applicable en l'espèce. Elles s'accordent néanmoins sur le fait que la date de qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossiers lorsque celui-ci est complet.
Il résulte en outre de leurs écritures qu'une fois saisie d'une demande de raccordement complète, la société Enedis doit adresser aux producteurs la PDR dans un délai maximum de six semaines, si le raccordement ne nécessite pas de travaux d'extension de réseau, et de trois mois dans le cas contraire.
Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la société Enedis commet une faute délictuelle lorsque le délai dont elle dispose pour adresser une PDR à un candidat au raccordement au réseau électrique n'est pas respecté.
Ce délai se calcule à partir de la date de la réception par la société Enedis du dossier complet de demande de raccordement et s'apprécie à la date de réception de la PDR par le demandeur.
En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme X... a adressé à la société Enedis un 'formulaire de demande de raccordement au réseau public de distribution pour une installation de production injectant par onduleur et de puissance injectée inférieure ou égale à 36 kVA', daté du 26 août 2010, comportant habilitation de la société System Voltaik, pour assurer tout ou partie du suivi de la demande de raccordement.
Cette demande a été déclarée complète par la société Enedis au 31 août 2010 par la société Enedis qui a précisé à Mme X... par courrier du 15 septembre 2010 qu'une proposition de raccordement ainsi qu'un contrat de raccordement d'accès et d'exploitation lui seraient adressés dans un délai de six semaines ou de trois mois en fonction de la nécessité ou non de réaliser des travaux d'extension.
Aucun document n'est produit permettant de caractériser ou non la nécessité de réaliser des travaux d'extension du réseau, la société Enedis n'ayant pas envoyé de PDR à Mme X....
La société Enedis ne justifie donc pas qu'elle disposait d'un délai de trois mois et non de six semaines pour retourner la PDR.
La PDR aurait donc dû être retournée dans le délai de six semaines, expirant le mardi12 octobre 2010.
Dans ces conditions, la faute de la société Enedis, qui n'a pas émis de PDR dans le délai minimum de six semaines est caractérisée.
* sur l'application du moratoire :
Par décret du 9 décembre 2010 l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque a été suspendue pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur, soit le 10 décembre 2010 à l'exception notamment des installations dont le producteur avait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau (article 3), sous certaines réserves précisées à l'article 4. Il a prévu qu'à l'issue de la période de suspension, les pétitionnaires dont la demande avait fait l'objet d'une suspension devraient présenter une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat. Les installations d'une puissance inférieures à 36kW dont le raccordement n'a pas encore fait l'objet d'une proposition sont donc également soumises au moratoire, seule pouvant être en cause la date de prise d'effet de ce moratoire.
Aucune autre faute n'est donc caractérisée en l'espèce à l'égard de la société Enedis qui avait au contraire l'obligation d'interrompre le traitement d'une telle demande en application du décret du 9décembre2010.
* sur le traitement discriminatoire :
La décision du 17 décembre 2013 de l'Autorité de la concurrence sanctionne la société EDF et non la société Enedis pour avoir favorisé de manière abusive sa filiale EDF ENR en mettant à sa disposition divers moyens non reproductibles par la concurrence et ce pour des faits qui, tout en étant relatifs au marché photovoltaïque, ne concernent pas le traitement par la société Enedis des demandes de raccordement.
La décision du 14 février 2013 concerne des pratiques reprochées à ERDF dans le traitement des demandes de raccordement des installations photovoltaïques et des pratiques de favoritisme d'ERDF vis à vis de la société EDF EN, et, au vu des éléments recueillis, n'exclut pas que 'lors de la période ayant précédé le moratoire, les filiales ERDF et RTE qui reçoivent les demandes de raccordement aient pu favoriser le traitement des projets portés par les filiales photovoltaïques du groupe de manière à ce que ces dernières puissent bénéficier des tarifs d'achat pré-moratoire beaucoup plus avantageux au plan économique'. Elle en conclut que l'instruction au fond doit être poursuivie. Aucune preuve de ce que cette instruction ait finalement abouti à mettre en évidence de telles pratiques n'est cependant rapportée et cette décision est en outre insusceptible de caractériser une discrimination dont Mme X... aurait été elle-même victime.
Les deux dossiers cités par cette dernière pour étayer ses allégations de traitement discriminatoire ne sont pas plus probants. L'un concerne la société Hélios production dont la demande a été déclarée complète le 28 octobre 2010 mais qui n'a pas échappé au moratoire. L'autre concerne la proposition de raccordement adressée le 23 novembre 2010 au GAEC de Coatyliven, dépendant de l'agence de l'Ouest d'Enedis à Laval, différente de celle ayant traité la demande de Mme X... et qui mentionne que la demande a été déclarée recevable le 30 août 2010.
La seule remise à un producteur d'une PTF dans les délais requis ne caractérise pas davantage la discrimination alléguée, mais seulement la capacité d'Enedis à traiter certaines des demandes dans le délai maximum qui lui était imparti.
Aucun traitement discriminatoire n'est donc caractérisé.
2- Sur le lien de causalité
Mme X... prétend que le lien de causalité entre la faute de la société Enedis et son préjudice, constitué d'une perte de chance assise sur la perte de marge sur l'exploitation de la centrale pendant vingt ans, est établi dès lors que la seule violation du délai de trois mois ouvre droit à réparation, y compris lorsque le producteur ne disposait que d'un jour pour retourner sa PTF acceptée ; que l'obligation de la société Enedis était une obligation de résultat ; que les installations ayant fait l'objet de simple PDR n'étaient pas soumises au moratoire et que c'est à tort que la société Enedis le lui a appliqué ; que la proximité de l'adoption du moratoire avec la date limite d'instruction des dossiers de raccordement est un facteur d'appréciation de perte de chance ; que ni l'abandon du projet, dû au fait qu'en application de l'arrêté du 4mars2011 la centrale, d'une puissance supérieure à 100 kWc, ne bénéficiait pas de l'obligation d'achat, ni le moratoire décidé par le Gouvernement, intervenu après l'écoulement du délai d'instruction, ne sont la cause de son préjudice et que le caractère sériel du contentieux, retenu par la société Enedis elle-même, permet de considérer comme acquis automatiquement le lien de causalité.
La société Enedis conteste tout lien de causalité entre le dépassement du délai et le préjudice allégué. Soulignant que le projet n'a pas été réalisé, elle soutient que la suspension du projet et la perte de marge ont pour cause exclusive le décret du 9 décembre 2010, sans
lequel le dépassement du délai pour transmettre l'offre de raccordement n'aurait eu aucune des conséquences invoquées par Mme X.... Elle soutient que l'appréciation du lien de causalité doit être réalisée par rapport à la date butoir du 2 décembre 2010 et non par rapport à la date d'entrée en vigueur du décret moratoire du 10 décembre 2010.
Elle expose que la jurisprudence dite 'Tomca' de la Cour de cassation, statuant sur pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, juridiction d'appel des décisions du CoRDIS, ne concerne que le processus de raccordement, et non la question de l'obligation d'achat, le CoRDIS n'ayant aucune compétence sur ce dernier point, que le juge administratif a au contraire clairement affirmé que le processus d'obtention du contrat d'achat et donc du bénéfice des anciens tarifs d'achat étaient interrompu à compter du 2 décembre 2010 ; que l'envoi de la PDR dans le délai ne lui aurait pas assuré d'échapper au moratoire, qu'il était matériellement impossible pour Mme X..., si elle avait reçu la PDR le 30 novembre 2010 avant minuit, de matérialiser son accord avant l'entrée en vigueur du moratoire et ce d'autant que la PDR devait d'abord transiter par son mandataire, la société System Voltaik, que dès lors qu'elle disposait d'un nouveau délai de trois mois pour accepter la PDR, elle ne démontre pas avec certitude qu'elle aurait analysé et renvoyé la PDR accompagnée d'un chèque d'acompte au plus tard le 1er décembre2010 alors que le contenu du décret moratoire et ses effets rétroactifs n'ont été annoncés que le 10 décembre 2010 lors de sa publication.
La faute de la société Enedis n'est constituée qu'à l'expiration du délai de six semaines dont elle disposait pour envoyer une PDR soit le mardi 12 octobre 2010 à minuit.
L'article 3 du décret du 9 décembre 2010 précédemment rappelé n'est pas opposable aux producteurs ayant reçu une PDR et non une PTF.
La suspension de l'obligation d'achat n'est donc applicable à ces derniers qu'au jour de l'entrée en vigueur du décret soit le 10 décembre 2010.
Mme X... aurait donc disposé d'un mois et 28 jours, délai a priori suffisant pour procéder à cette formalité et aucun élément ne permet d'affirmer qu'elle n'aurait pas été en mesure de le faire. Elle y était d'ailleurs incitée, Mme X... produisant une lettre que lui a adressée le 25 octobre 2010 son mandataire la société System voltaik lui indiquant 'il semble acquis qu'une modification des conditions de rachat actuelles devrait intervenir courant décembre 2010. Le détail de ces modifications n'est pas connu à l'heure actuelle. Afin de ne pas hypothéquer l'avenir des demandes en cours nous vous rappelons qu'il est primordial de renvoyer à ERDF, dès réception et en LRAR la proposition de raccordement qui va vous être adressée sous peu. Cette proposition de raccordement acceptée doit être accompagnée de
l'acompte correspondant.' La société Enedis soutient, sans l'établir que cette pièce est un 'faux grossier versé aux débats plus de 6 ans après le début de ce contentieux'. Rien ne permet d'établir que cette pièce soit un faux, aucune plainte n'ayant d'ailleurs été déposée à cet égard et la société System voltaik étant mandataire spécialisée dans cette activité et donc nécessairement vigilant sur l'évolution du secteur.
Le lien de causalité entre la faute d'Enedis et son préjudice est donc suffisamment établi et le jugement sera infirmé sur ce point.
3- Sur le préjudice :
Mme X... soutient que n'ayant pas reçu de PDR dans le délai imparti son préjudice correspond à au moins 80% de la différence, sur une durée de 20 ans, de la marge entre les anciens et les nouveaux tarifs d'achat d'électricité résultant de l'arrêté du 4 mars 2011, qu'elle aurait mené à bien son projet, que son préjudice est réel, le financement de la centrale étant démontré et aucun problème de construction n'étant susceptible d'apparaître, qu'aucun aléa n'affectait la conclusion du contrat d'achat, le prix d'achat ne pouvant en particulier être revu avant la signature du contrat, et qu'un retard de construction aurait eu pour seul effet la réduction de la durée du contrat conformément à l'article 5 de l'arrêté du 12janvier2010.
Elle soutient que la prétendue illégalité au regard du droit européen de l'arrêté du 12janvier2010 est sans incidence sur le litige dès lors que l'indemnisation du préjudice, même illicite, est acquise, que l'arrêté n'a jamais été attaqué par voie d'action, que sa demande ne porte pas sur l'obtention d'un contrat en vertu de cet arrêté, que les contrats conclus par les autres producteurs ne peuvent être remis en cause, qu'elle ne s'est pas placée elle-même dans une situation illicite, qu'elle aurait pu sans la faute de la société Enedis bénéficier d'un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause puisque l'article 88 de la loi du 12 juillet2010 a validé l'arrêté du 12janvier2010, que ces dispositions légales ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil d'Etat et ne peuvent être contrôlées par le juge judiciaire et que dans le secteur de l'énergie éolienne les contrats en cours n'ont pas été remis en cause malgré une décision d'annulation d'un arrêté tarifaire.
Elle fait valoir qu'à supposer que l'arrêté tarifaire soit déclaré aide d'Etat et illégal, il est compatible avec le droit de l'Union, que la Commission européenne a déclaré tel le régime d'aide à l'énergie photovoltaïque dans une décision du 10février 2017, ne s'est pas saisie de l'arrêté du 12janvier2010 et ne l'a pas déclaré incompatible avec le marché intérieur, que la seule illégalité de l'aide ne remet pas en cause une action indemnitaire eu égard à sa compatibilité avec le droit de l'Union, qu'en cas d'illégalité pour défaut de notification seuls les intérêts sur les subventions reçues doivent être restitués par le
bénéficiaire de l'aide, qu'en l'espèce aucune subvention n'ayant été reçue faute de poursuite du projet le défaut de notification n'a donc aucune incidence. Mme X... prétend en outre que la Cour de justice de l'Union européenne a rejeté la qualification d'aide d'Etat et que les sommes en jeu sont trop faibles pour que l'aide soit qualifiée d'aide d'Etat.
Mme X... soutient également que si l'arrêté du 12janvier2010 devait être déclaré illégal, l'arrêté du 10juillet2006 serait applicable, que ce dernier arrêté, qui fixe un tarif supérieur à celui du 12janvier2010, ne peut plus être remis en cause compte tenu de la prescription décennale prévue en matière de récupération d'une aide et qu'enfin si l'arrêté tarifaire ne pouvait fonder le calcul de son préjudice, le préjudice serait déterminé forfaitairement à un montant identique.
La société Enedis soutient que le préjudice fondé sur l'application, au profit des producteurs, de l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 est fondé sur une cause illicite et ne peut donner lieu à réparation ; qu'en effet cet arrêté tarifaire qui a le caractère d'une aide d'Etat est illégal au regard du droit de l'Union européenne pour défaut de notification préalable à la Commission européenne. Elle rappelle les critères de l'aide et soutient qu'il incombe au juge national de déclarer illégal l'acte administratif ayant institué le régime d'aide d'Etat dont l'illégalité s'apprécie indépendamment de son éventuelle compatibilité avec le marché commun.
Rappelant les décisions intervenues quant au mécanisme d'obligation d'achat d'électricité d'origine éolienne financé par la contribution au service public de l'électricité ( la CSPE), elle fait valoir que, par analogie, l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010 est certaine et que le juge national doit en tirer les conséquences sur les prétentions du producteur.
Répondant aux moyens adverses, elle affirme que la référence aux contrats d'achat existants est dénuée de toute pertinence dans la mesure où l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010 est sollicitée par voie d'exception ; que même réclamé sur le fondement de l'article 1240 du code civil, le préjudice est illégitime en ce qu'il se base sur ce tarif qui n'a pas été validé par la loi ou le Conseil d'Etat, la validation législative n'ayant tendu qu'à la régularisation d'un vice de procédure, qu'en tout état de cause même cette validation ne dispense pas le juge judiciaire d'écarter l'application d'une loi par la voie de l'exception d'inconventionalité. Elle soutient enfin que le régime instauré ne peut être qualifié d'aide 'de minimis', notion qui ne peut concerner que les aides ponctuelles octroyées à une seule entreprise sur une période de trois ans.
Subsidiairement, la société Enedis fait valoir que le seul préjudice dont pourrait se prévaloir le producteur serait une perte de chance qui ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, qui est ici infime, s'agissant d'un simple projet, très incomplet et compte tenu des multiples aléas pouvant encore l'affecter tant dans sa réalisation que quant au tarif et aux nouvelles conditions exigées pour en bénéficier, rappelées dans la circulaire du 1er juillet 2010. Encore plus subsidiairement elle considère que l'assiette du préjudice allégué est injustifiée.
Le chiffre d'affaires prétendument manqué et par suite la perte de marge que Mme X... sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice est estimée par rapport à la perte du tarif d'achat de l'électricité fixé par l'arrêté tarifaire du 12janvier 2010.
Or la perte d'un avantage dont l'obtention aurait été contraire au droit ne peut être considéré comme un préjudice réparable. Rétablir, comme c'est le propre de la responsabilité civile, 'l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit' ne peut conduire à reconstituer un avantage illicite.
Tel est le cas d'un régime d'aide contraire au droit de l'Union européenne. En effet, le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire et le juge judiciaire doit appliquer le droit de l'Union dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne.
Il convient, par conséquent, de rechercher si tel est le cas des arrêtés tarifaires du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil.
L'article 107 alinéa 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
En son alinéa 2, l'article 107 précise que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (...) c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
L'article 108 du même traité fonde le pouvoir de contrôle de la Commission européenne pour procéder à l'examen permanent des régimes d'aides d'Etat, proposer des évolutions, déclarer compatibles ou non avec le marché les aides d'Etat et la nécessité de lui notifier les projets d'aides préalablement à leur mise en oeuvre.
Il se déduit de ces dispositions que toute aide d'Etat qui n'a pas été soumise à la Commission européenne préalablement à sa mise à exécution est présumée illégale jusqu'à ce qu'elle ait statué.
En suite des deux questions préjudicielles qui lui ont été posées par la présente cour dans le litige opposant les sociétés Enedis et Axa à la SAS Ombriere le Bosc, la CJUE a, par ordonnance du 15 mars 2017, dit s'agissant de la première question que :
1) L'article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme, tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État ;
et s'agissant de la seconde question, après avoir précisé qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer préalablement si la mesure nationale en cause au principal constitue une aide d'Etat en vérifiant si les trois autres conditions visées à l'article 107 sont remplies, que
2) L'article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens que, en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure.
La CJUE ayant ainsi répondu que l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité est une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources de l'Etat, il convient de rechercher si les trois autres conditions de l'aide d'Etat sont réunies, étant précisé qu'elle a également indiqué que le mécanisme relatif au tarif photovoltaïque instauré par la loi 2000-108 est identique à celui en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 19 décembre 2013 (C-262/12, EU:C/2013:851) en matière éolienne à la suite duquel le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 28mai2014 n°324852, a considéré que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisation l'énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par les arrêtés attaqués, a le caractère d'une aide d'Etat.
La Commission de régulation de l'énergie, dans son avis consultatif préalable à l'adoption de l'arrêté du 4mars2011 qui fixait les tarifs d'achat à des niveaux moindres que ceux des arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010, a considéré que 'les tarifs proposés induisaient des rentabilités comparables ou supérieures au coût moyen pondéré du capital de référence' estimé à 5,1 % sur la base du coût du capital moyen d'un échantillon d'entreprises du secteur des énergies renouvelables.
Dans son rapport de juillet 2013 portant sur la politique de développement des énergies renouvelables, la Cour des comptes a considéré que 'la situation qu'a connue la filière solaire photovoltaïque durant la période 2010 à 2011"pouvait être qualifiée de 'bulle photovoltaïque, provoquée par une déconnexion entre les tarifs d'achat et la réalité des coûts' de production
La Commission européenne a également relevé dans sa décision du 27 mars 2014 que pour 'le photovoltaïque en France, le tarif offrait des rentabilités excédant la rentabilité normale des capitaux'. Le succès du mécanisme d'achat dans le secteur photovoltaïque a été tel qu'il a de fait obligé le Gouvernement à revoir les tarifs applicables à la baisse.
Il est ainsi démontré que les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 10 juillet 2006 permettant d'acquérir l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordaient un avantage aux seuls producteurs de cette électricité.
En garantissant un prix d'achat supérieur au prix du marché, ces dispositions législatives et réglementaires étaient de nature à fausser la concurrence et donc à avoir une incidence sur celle-ci.
Enfin, cet avantage était susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres en raison de la libéralisation du secteur de l'électricité au niveau de l'Union européenne.
Il se déduit de ces éléments que le mécanisme d'obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 12 janvier 2010 et celui du 10 juillet 2006 constitue une aide d'Etat, qui ne peut pas justifier l'application de l'exception de minimis au sens du règlement n°1407/2013 du 18 décembre 2013 au regard du montant des aides très supérieures à 200 000 € par entreprise sur trois années.
Il est établi par la réponse apportée par le secrétaire d'Etat auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur
le régime d'aides accordées aux producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque, à la
question écrite de M. D... du 27 septembre 2016 que l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a pas été notifié à la Commission européenne.
Selon les écritures des parties, il en est de même de l'arrêté du 10 juillet 2006.
Ces deux arrêtés ayant été remplacés depuis aucune régularisation n'est possible. Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la société le IV de l'article 88 de la loi du 12 juillet2010 n'a validé l'arrêté du 12janvier2010 qu'en tant qu'il serait contesté par des moyens tirés d'une part, d'une irrégularité de consultation, laquelle ne peut viser que les consultations du Conseil supérieur de l'énergie et de la Commission de régulation de l'énergie et d'autre part, de l'application immédiate de nouvelles règles tarifaires aux demandes de contrat d'achat formulées sous l'empire de l'ancienne tarification de l'arrêté du 10 juillet 2006 et non au regard de l'obligation de notification préalable d'une aide d'Etat à la Commission en application de l'article 108 du TFUE, ce que la loi n'aurait au demeurant pas pu faire sauf à compromettre l'effectivité du droit de l'Union.
Si les juridictions nationales sont compétentes pour apprécier le respect par les Etats membres de la procédure de notification, seule la Commission européenne est compétente pour statuer sur la compatibilité d'une aide d'État avec le marché intérieur. Dès lors, la cour ne peut se substituer à elle dans cette appréciation, même si ultérieurement, la Commission européenne a, à plusieurs reprises, décidé que les mécanismes d'aide mis en place par la France en matière de production d'électricité photovoltaïque après le moratoire étaient compatibles avec le marché intérieur, étant en outre observé que ces décisions postérieures de la Commission européenne ont porté sur des mécanismes d'aide différents, plus contraignants, et qui instauraient des tarifs bien inférieurs à ceux promulgués par les arrêtés des 10juillet2006 et 12 janvier 2010.
Le seul défaut de notification à la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre rend les arrêtés du 10juillet 2006 et du 12janvier2010 non conformes au droit de l'Union et, par suite, illicite et non réparable le préjudice sollicité qui correspond à au moins 80% de la différence, sur une durée de 20 ans, de la marge entre les tarifs d'achat d'électricité résultant des arrêtés du 12 janvier 2010 et du 4 mars 2011, soit à la perte d'un avantage résultant d'une aide illégale.
Le sort des contrats en cours, l'absence de toute action en récupération d'une aide susceptible d'être considérée comme contraire au droit de l'Union et les modalités d'une telle action en récupération, dont les règles de prescription définies par le règlement n°659/1999
du 22 mars1999 du Conseil de l'Union européenne, sont sans incidence sur le caractère licite de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Mme X... doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la perte marge née de la perte du tarif fixé par l'arrêté du [...].
Elle doit également l'être de sa demande subsidiaire d'une indemnisation forfaitaire évaluée à un montant identique. En effet, sous couvert d'une telle demande, le producteur sollicite en réalité la réparation du même préjudice forfaitairement évalué 'à un montant identique à celui découlant de l'arrêté tarifaire inapplicable'.
Or le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime permet à celle-ci de demander la réparation de tout son préjudice mais seulement de son préjudice et s'oppose à ce qu'il puisse lui être alloué des dommages-intérêts forfaitairement évalués.
Le producteur ne précisant pas sur quelle base l'indemnisation forfaitaire sollicitée pourrait être autrement calculée, qui ne soit pas celle demandée à titre principal laquelle est illicite, l'évaluation forfaitaire demandée n'est pas plus réparable.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de toutes ses demandes, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des parties.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement,
Dit que la SA Enedis a commis une faute à l'égard de Mme X... ;
Dit que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué par Mme X... est établi ;
Dit que le préjudice n'est pas réparable,
En conséquence,
Confirme le jugement,
Condamne Mme X... à payer à la SA Enedis la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X... aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Sophie I..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,