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03/07/2018 | FRANCE | N°16/06854

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 03 juillet 2018, 16/06854


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 JUILLET 2018



N° RG 16/06854



AFFAIRE :



SARL L'ENERGIE DES PLACES



C/



Société ENEDIS Anciennement dénommée 'ERDF'







Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 16 Octobre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2013F00045


>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.07.18



à :



Me Véronique D...,



Me Bertrand X...,



TC NANTERRE,



M.P



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TROIS JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 JUILLET 2018

N° RG 16/06854

AFFAIRE :

SARL L'ENERGIE DES PLACES

C/

Société ENEDIS Anciennement dénommée 'ERDF'

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 16 Octobre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2013F00045

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.07.18

à :

Me Véronique D...,

Me Bertrand X...,

TC NANTERRE,

M.P

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TROIS JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SARL L'ENERGIE DES PLACES

Les Places

[...]

Représenté(e) par Maître Véronique D... de la Y..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 39316 et par Maître

F. Z..., avocat plaidant au barreau de BEZIER

APPELANTE

****************

Société ENEDIS Anciennement dénommée 'ERDF'

N° SIRET : 444 608 442

[...]

[...]

Représenté(e) par Maître Bertrand X... E... C...-B... A... AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

et par Maître R.GRANJON, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2018, Madame Sophie F..., présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie F..., Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

L'avis du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général a été transmis le 10 janvier 2018 au greffe par la voie électronique

La société L'Energie des places (ci-après 'la société EDP') a pour activité la production d'électricité d'origine renouvelable.

Afin de favoriser le développement des énergies renouvelables en France, la loi du 10 février 2000 a organisé les modalités de conclusion des contrats d'achat de l'électricité ainsi produite entre la société Electricité de France (ci-après EDF) et les producteurs de celle-ci.

Cette loi a notamment donné lieu aux décrets d'application du 6 décembre 2000 et du 10 mai 2001 et aux arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 qui fixent les prix d'achat.

Il est ainsi fait obligation à la société EDF de conclure avec les producteurs intéressés un contrat pour l'achat de l'électricité produite par les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables à un prix supérieur au prix auquel la société EDF vend son énergie aux consommateurs.

Le raccordement de ces installations au réseau de distribution est réalisé par la société Électricité Réseau de France, devenue Enedis (ci-après 'la société Enedis').

Dans le cadre de cette réglementation, la société EDP a décidé de l'implantation de deux centrales photovoltaïques d'une puissance installée respective de 205,2 kW et de 33,3 kW, en toiture de bâtiments sur la commune de Saint-Martin-en-Haut. Le premier projet étant soumis à proposition technique et financière de raccordement au réseau (ci-après 'PTF'), le délai d'instruction des demandes de raccordement était de trois mois à compter de la date de réception de la demande complète. Le second projet étant soumis à proposition de raccordement au réseau (ci-après 'PDR'), le délai d'instruction de la demande de raccordement était de 6 semaines ou de trois mois en cas de nécessité de travaux d'extension au réseau, et ce à compter de la date de réception de la demande complète.

La société EDP a ainsi envoyé, par l'intermédiaire de son mandataire, la société Chatel Logival, deux demandes de raccordement. La société Enedis les a reçues le 31 août 2010.

En ce qui concerne le projet de 205,20 kW, soumis à PTF, la société Enedis a informé la société EDP par courriel du 14 octobre 2010 que son dossier était incomplet. Elle a réclamé d'une part le certificat de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire, délivré et tamponné par la mairie ainsi que l'envoi de la page 7/14 pour qu'y soit mentionnée la puissance crête d'un panneau voltaïque et non de l'ensemble de l'installation. Par courrier du 15 octobre 2010, réceptionné le 21 octobre 2010 suivant, la société EDP lui a envoyé le certificat de non-opposition à la déclaration préalable de travaux. Par courriel du 3 décembre 2010, la société Enedis a accusé réception d'un dossier complet et indiqué que la date T0 était fixée au 31août 2010.

En ce qui concerne le projet de 33,3 kW, soumis à PDR, par courrier du 1er septembre 2010, la société Enedis a demandé à la société EDP de lui transmettre deux documents dont une photographie de l'installation intérieure ainsi qu'un K bis de la société.

Par courrier postal du 10 septembre 2010, la société Enedis a adressé à la société Chatel Logival, mandataire, un courrier dont l'objet est 'demande qualifiée' et indiquant : 'à la date du 31 août 2010 votre dossier est complet : les éléments fournis vont nous permettre de vous adresser une proposition de raccordement ainsi qu'un contrat de raccordement, d'accès et

d'exploitation (le CRAE) dans un délai de six semaines, ou de trois mois si l'étude que nous allons mener montre que des travaux d'extension sont nécessaires.'

Le décret du 9 décembre 2010 entré en vigueur le 10 décembre 2010 a suspendu pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques, aucune demande de contrat d'achat ne pouvant être déposée durant la période de suspension et les demandes suspendues devant faire l'objet, à l'issue de la période de suspension, d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau. Cette suspension ne s'applique toutefois pas aux installations dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF. A l'issue de ce moratoire, un arrêté du 4 mars 2011 a fixé le prix d'achat de cette électricité à des tarifs inférieurs à ceux prévus par les arrêtés antérieurs et exclu du bénéfice de l'obligation d'achat les installations d'une puissance supérieure à 100 kWc, désormais soumises à une procédure d'appel d'offres.

A l'issue de la période de suspension, la société EDP a déposé deux nouvelles demandes de raccordement, l'une pour un projet de 89 kW au lieu des 205,20 kW initiaux, pour laquelle une PTF lui a été adressée le 9 août 2011, l'autre pour la même puissance de 33,3 kW pour laquelle un chiffrage des travaux de raccordement lui a été adressé le 23 novembre 2011.

La société EDP n'a donné aucune suite à ces offres.

Soutenant que la société Enedis avait commis des fautes, la société EDP l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre en réparation de son préjudice.

Par jugement contradictoire du 16 octobre 2014 le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté la société EDP de toutes ses demandes ;

- condamné la société EDP à payer à Enedis la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société EDP aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 30 octobre 2014, la société EDP a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance d'incident du 15 mars 2016, le conseiller de la mise en état a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne saisie dans l'affaire Ombrière Le Bosc.

La CJUE a répondu à la question posée dans le dossier Ombrière Le Bosc par ordonnance du 15 mars 2017 et radié la procédure préjudicielle dans le dossier Green Yellow.

A la demande des parties, l'affaire a été réinscrite au rôle.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2018, la société EDP demande à la cour :

- jugeant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et, par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause ;

- jugeant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a plus le caractère réglementaire ;

- jugeant l'impossibilité pour le tribunal de commerce puis la cour de remettre en cause une disposition législative ;

- jugeant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la CJUE au visa de l'article 9 du code de procédure civile ;

- constatant que Enedis comme ses assureurs n'invoquent pas que les contrats en cours soient annulables ;

- jugeant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif ;

- jugeant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la CJUE et du nombre de contrats impactés;

- en tout état de cause, jugeant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé, même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la CSPE ;

- constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;

- constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,176 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués;

- jugeant la faute d'Enedis consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non-discriminatoire ;

- jugeant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions ;

- constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule Enedis des demandes de raccordements durant la dernière semaine d'août 2010 ;

- rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à la société Enedis de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement ;

- jugeant qu'Enedis est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation ;

- constatant que la société Enedis n'a pas même respecté une obligation de moyens en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique ;

- constatant la parfaite connaissance par la société Enedis du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant toute imprévisibilité et toute extériorité, et par voie de conséquence toute force majeure ;

- constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en injection, excluant toute irrésistibilité, et par voie de conséquence toute force majeure ;

- constatant l'aveu d'Enedis devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination ;

- jugeant l'inapplicabilité du moratoire à la centrale de '34,20" kWc ;

- rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010 ;

- rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande ;

- constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque ;

- constatant la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement ;

- jugeant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu ;

- constatant que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100% de la perte de marge ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a exclu la responsabilité de la société Enedis et débouté la concluante de sa demande indemnitaire ;

- par voie de conséquence, condamner la société Enedis à payer à la société EDP une indemnité sur la base de la somme de 153 441 et 1 286 553 soit au total 1 439 994 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- à titre subsidiaire, si la méthode de la VAN devait être retenue, condamner la société Enedis à payer à la société EDP une indemnité sur la base de la somme de 173 217 et 1 366 548 soit au total 1 539 765 euros ;

- jugeant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 153 441 et 1 286 553 soit au total 1 439 994 euros ;

- condamner en outre la société Enedis au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la Y....

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 janvier 2018, la société Enedis demande à la cour de :

1) Sur l'absence de faute d'Enedis,

- constater que les dates de complétude effectives des demandes de raccordement de la société EDP sont aux 8 septembre et 21 octobre 2010 ;

- dire et juger que la société Enedis n'a commis aucune faute dans le traitement des demandes de raccordement en ne transmettant pas de PTF avant le 2 décembre 2010 ;

- dire et juger que les accusations de discrimination formulées par la société EDP ne sont ni démontrées ni fondées ;

2) Subsidiairement, sur le défaut de lien de causalité,

- dire et juger qu'au vu des dates effectives de complétude aux 8 septembre et 21 octobre 2010, le délai de trois mois expirait ultérieurement au 2 décembre 2010 ;

- subsidiairement, même dans l'hypothèse où des dates de complétude au 31 août 2010 étaient retenues, dire et juger que la société EDP ne démontre pas que, en l'absence de retard d'Enedis dans la transmission des PTF, elle aurait nécessairement matérialisé son accord sur ces documents avant le 2 décembre 2010 ;

- dire et juger, en conséquence, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le prétendu dépassement du délai de trois mois dans la transmission des PTF et le préjudice allégué, qui résulte exclusivement de l'application du décret du 9 décembre 2010 aux projets ;

3) Plus subsidiairement, sur le caractère non réparable du préjudice allégué,

- dire et juger que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d'une aide d'Etat ;

- constater que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

- dire et juger que cet arrêté est illégal et que son application doit, en tout état de cause, être écartée ;

- au besoin, écarter l'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

- rejeter, en conséquence, les demandes de la société EDP fondées sur une cause illicite;

4) Plus subsidiairement, sur la perte de chance inexistante,

- dire et juger que la société EDP ne peut pas se prévaloir de la perte d'une chance d'avoir pu accepter des PTF avant le 2 décembre 2010 ;

- en tout état de cause, même dans l'hypothèse de complétudes au 31 août 2010, dire et juger que le seul préjudice dont pourrait se prévaloir la société EDP est la perte d'une chance (i) d'avoir pu matérialiser son accord sur des PTF en moins de 24 heures avant le 1er décembre 2010 minuit (ii) puis d'avoir obtenu des contrats d'achat après avoir réalisé et mis en service ses centrales dans un délai de 18 mois et (iii) enfin d'avoir pu exploiter sur 20 ans ses centrales virtuelles ; que cette perte de chance est inexistante et, dès lors, non indemnisable ;

5) Encore plus subsidiairement, sur l'assiette de la perte de chance,

- dire et juger que les hypothèses de calcul de l'assiette de préjudice sont totalement injustifiées en leur principe et leur quantum;

6) En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre ;

- débouter la société EDP de l'ensemble de ses demandes et de sa requête d'appel ;

- rejeter toutes prétentions contraires ;

- condamner la société EDP au paiement :

- de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- des entiers dépens de l'instance, dont ceux d'appel distraits au profit de l'AARPI A... Avocats.

Le ministère public, dans son avis notifié aux parties le 10 janvier 2018, sollicite de la cour qu'elle tire les conséquences de l'ordonnance rendue par la Cour de justice de l'Union européenne le 15 mars 2017 dans l'affaire C-515/16 et adopte les points de droit suivants ' le mécanisme de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité, en application des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, doit être considéré comme une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat. En effet, dès lors qu'il accorde un avantage aux producteurs de cette électricité, cet avantage est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres et d'avoir une incidence sur la concurrence ; sont ainsi réunis les critères de l'aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les arrêtés susvisés, pris en méconnaissance de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne résultant de l'article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont entachés d'illégalité, et, dès lors, ne peuvent être appliqués à la présente affaire'. Il s'en rapporte enfin à la sagesse de la cour sur le caractère juridiquement réparable d'un ou de plusieurs préjudices invoqués par l'intimée, qui pourrait reposer sur un fondement autre que les arrêtés ministériels susmentionnés.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2018.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La société EDP soutient pour l'essentiel que la société Enedis avait l'obligation de mettre à disposition la PTF au plus tard le 30novembre2010, que l'argument selon lequel les dossiers n'auraient pas été complets est sans portée au regard des avis de complétude attestant de la recevabilité des dossiers au 31 août 2010, que ses demandes n'ont pas été instruites dans les délais, que sans cette faute elle aurait pu retourner son accord sur la PTF et la PDR avant l'entrée en vigueur du moratoire de sorte que la société Enedis a engagé sa responsabilité, que la violation du délai de trois mois ouvre droit à réparation y compris lorsque le producteur ne dispose que d'un jour pour retourner sa PTF acceptée, que pour échapper au moratoire il suffit d'avoir notifié, c'est-à dire d'avoir adressé son acceptation avant le 2 décembre 2010, le verbe 'notifier' n'étant pas le verbe transmettre, qui, lui, implique la réception, qu'il suffisait donc de poster le document le 1er décembre 2010.

Elle soutient également que la société Enedis a violé son obligation légale d'instruire les dossiers sans discrimination, que dans un audit réalisé par elle-même la société Enedis reconnaît que le traitement des demandes a répondu à d'autres règles que leur date d'enregistrement, que ces éléments ont conduit l'Autorité de la concurrence à poursuivre son enquête sur les pratiques de la société Enedis, qu'alors que sa propre demande n'a pas été instruite dans les trois mois une autre société a obtenu une PTF en moins de cinq semaines et qu'ainsi le principe de sa demande est justifié sur ce seul fondement.

La société EDP soutient enfin que le second projet de centrale, d'une puissance inférieure à 36 kWc n'était pas soumis au moratoire.

La société Enedis réplique qu'elle a commis une erreur matérielle en fixant la date de complétude au 31 août 2010, qu'en réalité les demandes de raccordement n'ont été complètes respectivement que les 8 septembre et 21 octobre 2010 et que le délai de trois mois expirait donc respectivement le 8 décembre 2010 et le 21 janvier 2011, que si la société EDP ne conteste pas que la demande de raccordement de la centrale de 33,3kW n'ait pas été complète au 31 août 2010, elle affirme avoir dû communiquer à nouveau l'arrêté de non-opposition au motif qu'il aurait été égaré par la société Enedis, que pourtant dans son courrier du 15 octobre 2010, la société EDP a indiqué que ce document lui avait été communiqué 'ce jour par la mairie' ce qui atteste qu'elle ne l'avait pas initialement en sa possession et n'a donc pu le transmettre. La société Enedis remarque aussi que sur le document produit par la société EDP le tampon attestant d'une réception au 31 août 2010 est en partie remplacé par une écriture manuscrite.

La société Enedis conteste tout traitement discriminatoire des demandes de raccordement répliquant que la décision du 14 février 2013 de l'Autorité de la concurrence n'établit pas un tel traitement, que celle du 17décembre 2013 concerne les sociétés EDF et EDF EN et un autre sujet, que le Conseil d'Etat ne l'a pas sanctionné dans un arrêt du 28novembre2012 qui a annulé le tarif d'utilisation du réseau de distribution d'électricité dont la détermination relève du Gouvernement et non de la société Enedis.

* Sur le non respect du délai :

Il résulte de la délibération de la commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre et de son annexe 1 que la société ERDF, devenue Enedis, avait l'obligation de transmettre aux demandeurs une PTF dans un délai n'excédant pas trois mois à compter de la réception de sa demande de raccordement complète.

L'article 7.2.3 de la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel d'Enedis applicable à compter du 3 juillet 2010 (ERDF-PRO-RAC-14E Version V.1) pour les installations d'une puissance supérieure à 36 kVA, prévoit que ' A l'issue de cet examen et lorsque le dossier est complet, la demande de raccordement est qualifiée. La date de qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossier lorsque celui-ci est complet ou à la date de réception de la dernière pièce manquante. ERDF confirme par courrier postal ou électronique au demandeur que son dossier est complet. A cette occasion, ERDF communique également la date de qualification de sa demande de raccordement...ainsi que le délai d'envoi de l'offre de raccordement'.

L'article 8.2.1 de ce document précise qu' 'à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement... n'excédera pas trois mois quelque soit le domaine de tension de raccordement'.

Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la société Enedis commet une faute délictuelle lorsque le délai de trois mois dont elle dispose pour adresser une PTF à un candidat au raccordement au réseau électrique n'est pas respecté.

Ce délai maximum de trois mois se calcule à partir de la date de la réception par la société Enedis du dossier complet de demande de raccordement.

Il sera à cet égard relevé qu'en l'espèce les parties ne font aucune distinction entre les deux centrales quant à la date à compter de laquelle ces demandes se sont trouvées soumises au moratoire. Elles seront examinées successivement.

Sur la centrale de 205,20 kW :

S'agissant de la centrale de 205,20 kw, il est justifié que la société Enedis a adressé un courriel le 14 octobre 2010 à [...], soit à l'adresse du mandataire désigné par la société EDP sur la fiche de collecte de renseignements, confirmant la réception de la demande d'étude de raccordement pour le projet de centrale située sur la commune de Saint-Martin en Haut mais que par ce même courriel elle l'informe qu'après instruction de celle-ci 'la complétude de ce dernier n'est pas exhaustive', lui demandant de transmettre le certificat de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire, délivré et tamponné par la mairie. Ce même courriel ajoute: 'nous renvoyer la page 7/14 pour nous indiquer la puissance crête d'un panneau photovoltaïque et non l'ensemble de l'installation'. Aucune date d'entrée en file d'attente n'est fixée dans ce courrier.

L'article 7.2.2 de la 'procédure de traitement' précitée énumère les documents nécessaires à la complétude du dossier parmi lesquelles figure, pour les installations soumises à déclaration de travaux, une copie du certificat de non opposition prévu à l'article R 424-13 du code de l'urbanisme.

La fiche de collecte mentionne en outre que les champs du document marqués d'une astérisque rouge sont obligatoires pour obtenir la complétude du dossier.

Parmi eux, au champ 'unité de production', la puissance crête d'un panneau photovoltaïque fait partie des renseignements obligatoires.

Ce renseignement faisait défaut sur la demande de la société EDP puisque le courrier précité lui demandait de retourner ' la page 7/14 pour (nous) indiquer la puissance crête d'un panneau photovoltaïque et non de l'ensemble de l'installation'.

La mention de la puissance crête a été rajoutée manuscritement sur la fiche de collecte, ce qui est corroboré par le courrier du 15 octobre 2010 réceptionné le 21 octobre 2011 par lequel la société EDP fait état d'un entretien téléphonique de la veille, 14 octobre 2010, courrier qui précise par ailleurs joindre l'arrêté de non-opposition qui lui a été transmis le jour même par la mairie et demande la confirmation 'de la date T0" pour ce dossier. Le dossier n'a donc été complet que le 21 octobre 2010. Il n'a donc pu entrer régulièrement en file d'attente avant cette date et ce quand bien même la société Enedis a accusé réception le 3 décembre 2010 de la demande de PTF et confirmé que le dossier était complet et que la 'date T0" était fixée au 31 août 2010. Le délai de trois mois a donc commencé à courir le 21 octobre 2010.

Dans ces conditions, le délai de trois mois d'envoi de l'offre de raccordement n'était pas expiré au jour de l'entrée en vigueur du moratoire de sorte qu'aucun manquement né du défaut de transmission d'une PTF ne peut être reproché à la société Enedis qui avait au contraire l'obligation d'interrompre le traitement d'une telle demande en application du décret du 9décembre2010.

Sur la centrale de 33,3 kW :

S'agissant de la demande de raccordement du projet de 33,3 kw la société Enedis a adressé au mandataire un courrier le 1er septembre 2010 avec mention des documents manquants qu'elle a qualifié 'd'indispensable à l'élaboration d'une proposition de raccordement', soit le Kbis de la société et une photographie de l'installation intérieure avec une prise de vue éloignée.

A cette date le dossier n'a donc pas été considéré comme complet par Enedis et ceci à raison, puisqu'il résulte des termes des fiches de collecte de renseignements composant le dossier de demande de raccordement que, pour les centrales d'une puissance inférieure ou égale à 36 kVA, parmi les documents sans lesquels le dossier n'est pas complet figure un extrait K bis de la société demanderesse. En revanche ce même document précise que les photographies sont 'non obligatoires mais vivement souhaitées'.

Le 10 septembre 2010, à réception du Kbis la demande a été déclarée complète mais la société Enedis a cependant fixé la date d'entrée en file d'attente au 31 août 2010 par Enedis, alors même qu'au 31 août 2010 elle n'avait pas reçu l'extrait K bis.

Cet échange de courrier atteste du caractère incomplet de la demande au 31 août 2010. L'entrée en file d'attente régulière date en réalité du 10 septembre 2010, date de réception de la pièce manquante.

Les parties ne produisent pas la procédure de traitement applicables aux centrales de moins de 36kW. Elles s'accordent néanmoins sur le fait que la qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossier lorsque celui-ci est complet.

Il résulte en outre de leurs écritures qu'une fois saisie d'une demande de raccordement complète la société Enedis doit adresser au producteur la PDR dans un délai maximum de six semaines si le raccordement ne nécessite pas de travaux d'extension du réseau, et de trois mois dans le cas contraire.

Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la société Enedis commet une faute délictuelle lorsque le délai dont elle dispose pour adresser une PDR à un candidat au raccordement au réseau électrique n'est pas respecté.

Ce délai, dont les parties s'accordent à dire qu'il est en l'espèce de trois mois, se calcule à partir de la date de la réception par la société Enedis du dossier complet de demande de raccordement et s'apprécie à la date de réception de la PDR par le demandeur. En l'espèce il a commencé à courir le 10 septembre 2010, la société Enedis avait donc jusqu'au 10 décembre 2010 à minuit pour transmettre une proposition de raccordement.

La société EDP soutient dans les motifs de ses conclusions que les propositions de raccordement ne sont pas concernées par le caractère rétroactif du décret du 9 décembre 2010 et dans leur dispositif que le moratoire est 'inapplicable' à la centrale de '34,20" kWc.

Par décret du 9 décembre 2010 l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque a été suspendue pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur, soit le 10 décembre 2010 à l'exception notamment des installations dont le producteur avait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau (article 3), sous certaines réserves précisées à l'article 4. Il a prévu qu'à l'issue de la période de suspension, les pétitionnaires dont la demande avait fait l'objet d'une suspension devraient présenter une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat. Les installations d'une puissance inférieures à 36kW dont le raccordement n'a pas encore fait l'objet d'une proposition sont donc également soumises au moratoire, seule pouvant être en cause la date de prise d'effet de ce moratoire.

Le délai d'instruction de trois mois imparti à la société Enedis pour l'envoi de la proposition de raccordement à la société EDP expirant le 10 décembre 2010 à minuit n'étant écoulé ni au 2 décembre 2010 ni au jour de l'entrée en vigueur du décret, aucune faute ne peut être reprochée à la société Enedis qui avait au contraire l'obligation d'interrompre le traitement d'une telle demande en application du décret du 9décembre2010.

* sur le traitement discriminatoire :

La décision du 17 décembre 2013 de l'Autorité de la concurrence sanctionne la société EDF et non la société Enedis pour avoir favorisé de manière abusive sa filiale EDF ENR en mettant à sa disposition divers moyens non reproductibles par la concurrence et ce pour des faits qui, tout en étant relatifs au marché photovoltaïque, ne concernent pas le traitement par la société Enedis des demandes de raccordement.

La décision du 14 février 2013 concerne des pratiques reprochées à ERDF dans le traitement des demandes de raccordement des installations photovoltaïques et des pratiques de favoritisme d'ERDF vis à vis de la société EDF EN, et, au vu des éléments recueillis, n'exclut pas que 'lors de la période ayant précédé le moratoire, les filiales ERDF et RTE qui reçoivent les demandes de raccordement aient pu favoriser le traitement des projets portés par les filiales photovoltaïques du groupe de manière à ce que ces dernières puissent bénéficier des tarifs d'achat pré-moratoire beaucoup plus avantageux au plan économique'. Elle en conclut que l'instruction au fond doit être poursuivie. Aucune preuve de ce que cette instruction ait finalement abouti à mettre en évidence de telles pratiques n'est cependant rapportée et cette décision est en outre insusceptible de caractériser une discrimination dont la société EDP aurait été elle-même victime.

Les deux dossiers cités par la société EDP pour étayer ses allégations de traitement discriminatoire ne sont pas plus probants. L'un concerne la société Hélios production dont la demande a été déclarée complète le 28 octobre 2010 mais qui n'a pas échappé au moratoire. L'autre concerne la proposition de raccordement adressée le 23 novembre 2010 au GAEC de Coatyliven, dépendant de l'agence de l'Ouest d'Enedis à Laval, différente de celle ayant traité la demande de la société EDP et qui mentionne que la demande a été déclarée recevable le 30 août 2010.

La seule remise à un producteur d'une PTF dans les délais requis ne caractérise pas davantage la discrimination alléguée, mais seulement la capacité d'Enedis à traiter certaines des demandes dans le délai maximum qui lui était imparti.

Aucun traitement discriminatoire n'est donc caractérisé.

Le jugement du tribunal de commerce de Nanterre sera donc confirmé en ses dispositions statuant sur les demandes relatives à la centrale de 205,20 kW et complété en ce que les demandes formées par la société EDP au titre de la centrale de 33,3kW seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Dit que la société Enedis n'a pas commis de faute concernant l'instruction du dossier de la centrale d'une puissance de 33,3 kW,

Déboute la société L'Energie des places de ses demandes concernant cette centrale,

Condamne la société L'Energie des places à payer à la SA Enedis la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société L'Energie des places aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de L'AARPI A... Avocats, représentée par Me X..., pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie F..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 16/06854
Date de la décision : 03/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-03;16.06854 ?
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