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21/06/2018 | FRANCE | N°17/07888

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 21 juin 2018, 17/07888


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70Z



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2018



N° RG 17/07888



AFFAIRE :



SARL LE PORT D'AGADIR agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice M. Brahim C... domicilié de droit en cette qualité au siège social



C/



COMMUNE DE CERGY prise en la personne de son maire en exercice M. Jean-Paul X... domicilié en cette qualité audit siège





cision déférée à la cour: Ordonnance rendue le 08 Septembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 17/00436



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Pierre...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70Z

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2018

N° RG 17/07888

AFFAIRE :

SARL LE PORT D'AGADIR agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice M. Brahim C... domicilié de droit en cette qualité au siège social

C/

COMMUNE DE CERGY prise en la personne de son maire en exercice M. Jean-Paul X... domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour: Ordonnance rendue le 08 Septembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 17/00436

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre Y...

Me Sophie Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:

SARL LE PORT D'AGADIR agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice M. Brahim C... domicilié de droit en cette qualité au siège social

N° SIRET : 792 850 281

[...]

Représentée par Me Pierre Y..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 17000298

assistée de Me Michel A..., avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 142

APPELANTE

****************

COMMUNE DE CERGY prise en la personne de son maire en exercice M. Jean-Paul X... domicilié [...]

[...]

Représentée par Me Sophie Z..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427

assistée de Me Karine D... avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 mai 2018, Madame Odette-Luce BOUVIER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

EXPOSE DU LITIGE

Par acte administratif du 27 mai 2013, la ville de Cergy a délivré une autorisation d'occupation du domaine public à la société du restaurant Le Port d'Agadir pour l'installation d'une terrasse de 25 mètres carrés située [...].

Par autorisation n° 705/2013 du 27 mai 2013, le restaurant Le Port d'Agadir a été autorisé par la Ville de Cergy à installer 25 m2 de terrasse ouverte.

Par autorisation n°153 /2014 du 30 janvier 2014, le restaurant Le Port d'Agadir a été autorisé à installer 25 m2 de terrasse délimitée.

Par lettre du 31 octobre 2014, la ville de Cergy a mis en demeure la SARL Le Port d'Agadir de respecter le règlement d'occupation, notamment de retirer tous dispositifs dépassant les limites de l'espace autorisé.

Par lettre du 19 février 2015, la ville de Cergy a mis en demeure la société Le Port d'Agadir de retirer la terrasse sous délai d'une semaine.

Puis les 4 juin 2015 et 14 septembre 2015, la ville de Cergy a pris deux arrêtés de taxation d'office pour utilisation sans autorisation du domaine public à l'encontre de la société Le Port d'Agadir.

Par acte du 10 mai 2017, la ville de Cergy a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise aux fins d'expulsion de la société le restaurant Le Port d'Agadir de la terrasse sur le domaine public communal située [...] et de condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 10 334,80 euros, et ce sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire rendue le 8 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, retenant notamment qu'il ressort des différentes pièces communiquées que les espaces sur lesquels divers restaurants ont installé des terrasses constituent des lieux ouverts à la circulation du public ; qu'il en résulte que le juge judiciaire est compétent pour connaître de ce litige ; qu'il ressort de l'autorisation délivrée le 16 février 2015 par arrêté que l'installation de la terrasse était valable jusqu'au 31 décembre 2015 (et non jusqu'au 31 décembre 2014 comme indiqué par la ville de Cergy) ; qu'il ressort du règlement d'occupation du domaine public, en son article 3, que : « Les autorisations d'étalages et de terrasses sont accordées à titre précaire et révocable pour une durée qui ne peut dépasser le 31 décembre de chaque année.

Faute de dénonciation par les titulaires avant cette date, elles sont reconduites tacitement chaque année. Elles peuvent toujours être supprimées sans indemnité ni délai, pour des raisons d'intérêt public ainsi qu'en cas de mauvais entretien préjudiciable au bon aspect de la voie publique et dans les cas d'infraction au présent règlement, si le contrevenant n'a pas déféré aux mises en demeure qui lui ont été notifiées selon la procédure définie à l'article 26... » ; que la ville de Cergy ne conteste pas l'absence de dénonciation de l'autorisation avant le 31 décembre 2015 ; qu'une présomption de tacite reconduction s'impose, sous réserve que la demanderesse rapporte la preuve d'une suppression de cette autorisation pour non respect des dispositions du règlement ; que les éléments communiqués sont divergents ; qu'il est reproché à la société Le restaurant Le Port d'Agadir d'avoir installé 90 m2 de terrasse, alors que celle-ci produit un constat d'huissier relevant une surface de 61,35 m2 ; que l'huissier précisant de surcroît que la terrasse « ne semble pas particulièrement étendue » et que « le passage situé sous les arcades est libre » ; que la configuration des lieux et la présence d'autres terrasses a priori plus étendues que celle de la société le restaurant Le Port d'Agadir légitiment la demande de son gérant visant à se faire communiquer les autorisations de terrasses délivrées aux autres commerçants; que la ville de Cergy n'a pas donné suite à cette demande ; que le juge des référés étant le juge de l'évidence et de l'incontestable, un moyen de défense peut être considéré comme constituant une contestation sérieuse dès lors qu'il n'apparaît pas immédiatement vain et laisse donc subsister un doute sur le sens de la décision que pourrait rendre sur ce point les juges du fond ; que l'ensemble de ces éléments constitue une contestation sérieuse ; que, la contestation sérieuse portant sur l'occupation illégale du domaine public, il n'y a pas lieu de faire droit à une mesure conservatoire ; que s'agissant de l'existence d'un dommage imminent la ville de Cergy n'en rapporte pas la preuve ; que les deux seuls rapports d'information établis par la police municipale de Cergy, les 12 avril 2014 et 24 juillet 2015 selon lesquels le gérant de la société se serait montré agressif, violent et insultant, étant insuffisants pour en justifier; que, s'agissant du rapport de 2014, celui-ci relate de simples allégations du voisinage sans que la ville de Cergy ne verse aux débats de dépôts de plaintes pouvant corroborer ce rapport de police qui contient aussi d'autres témoignages qui ne relèvent pas de désordres causés par la présence du restaurant litigieux ou la personnalité de son gérant ; que s'agissant du rapport de 2015, celui-ci relate un épisode de violence de la part du gérant de la société Le restaurant Le Port d'Agadir mais ce fait isolé ne saurait également suffire à justifier d'un péril imminent, les faits de violences constatés ne portant que sur le matériel du restaurant ; qu'il sera relevé que l'urgence n'est pas démontrée dans la mesure où le juge des référés a été saisi par assignation du 10 mai 2017 alors que le restaurant est en activité depuis mai 2013, soit depuis quatre ans ; qu'il ne relève pas des pouvoirs du juge des référés de statuer sur les demandes, y compris sur le paiement de la somme de 10 334,80 euros, a :

- rejeté l'exception d'incompétence du juge judiciaire,

- constaté que les demandes de la ville de Cergy font l'objet d'une contestation sérieuse,

- déclaré qu'il ne relève pas des pouvoirs du juge des référés de statuer sur les demandes,

- condamné la ville de Cergy à payer à la société Le restaurant Le Port d'Agadir la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la ville de Cergy aux dépens.

Le 8 novembre 2017, la société Le Port d'Agadir a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence du juge judiciaire.

Dans ses conclusions transmises le 28 mars 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Le Port d'Agadir, appelante, demande à la cour de :

A titre principal,

- la recevoir en son appel,

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise du 8 septembre 2017 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif,

- dire et juger que le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur les demandes présentées par la ville de Cergy,

- en conséquence, se déclarer incompétent au profit de la juridiction administrative et renvoyer la ville de Cergy à mieux se pourvoir devant la juridiction administrative, en l'espèce, le tribunal administratif de Cergy Pontoise ;

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables les conclusions et l'appel incident formé par la ville de Cergy ;

A titre infiniment subsidiaire,

- rejeter les conclusions et l'appel incident formé par la ville de Cergy ;

En tout état de cause,

- condamner la ville de Cergy à lui verser à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la ville de Cergy aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Le Port d'Agadir fait valoir :

- que la parcelle litigieuse sur laquelle est implanté le restaurant ne fait pas partie du domaine public routier car elle se situe dans le périmètre du port de plaisance de Cergy ; que la capitainerie se trouve d'ailleurs dans le même bâtiment que le restaurant ; que cette parcelle doit être regardée comme appartenant au domaine public fluvial et ce nonobstant son ouverture à la circulation piétonne ;

- qu'à supposer que la parcelle ne soit pas considérée comme appartenant au domaine public fluvial, elle appartient au domaine public non routier, la parcelle sur laquelle se trouve la terrasse du restaurant est affectée à l'usage direct du public ;

- sur l'appel incident, que le statut d'occupant sans titre n'est pas démontré ; que le titre de 2015 n'a pas été retiré ( ni celui de 2014) et l'autorisation a été reconduite en l'absence de dénonciation ;

- que les conditions d'application de l'article 809 du code de procédure civile ne sont pas réunies et rien ne justifie, sur ce fondement, l'expulsion de la terrasse du restaurant Le Port d'Agadir.

Dans ses conclusions transmises le 26 mars 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la ville de Cergy, intimée, demande à la cour de:

A titre liminaire,

- rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Le Port d'Agadir tendant à considérer les conclusions et l'appel de la ville de Cergy irrecevables,

- dire et juger que les conclusions d'intimé et d'appel incident signifiées par la ville de Cergy le 5 mars 2018 sont recevables,

- prononcer la caducité de la déclaration d'appel interjetée par la société Le Port d'Agadir pour défaut de dépôt des conclusions dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai ;

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance du 8 septembre 2017 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence du juge judicaire soulevée par la société Le Port d'Agadir,

- se déclarer compétente pour connaître de la demande d'expulsion du domaine public routier communal formulée par la ville de Cergy,

'Réformant' partiellement l'ordonnance,

- infirmer l'ordonnance du 8 septembre 2017 précitée en ce que le juge a rejeté la demande d'expulsion formulée par la ville de Cergy en raison de l'existence d'une contestation sérieuse,

- dire et juger que la demande d'expulsion ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse,

- infirmer l'ordonnance du 8 septembre 2017 précitée ayant rejeté la demande d'expulsion formulée par la ville de Cergy en raison de l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent,

- dire et juger que l'occupation illégale du domaine public routier communal crée un dommage imminent qu'il convient de faire cesser,

- infirmer la décision du juge des référés en ce qu'il a condamné la ville de Cergy à payer 800 euros à la société Le Port d'Agadir au titre de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- débouter la société Le Port d'Agadir de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- ordonner l'expulsion de la société le Port d'Agadir, ainsi que de tous occupants de son chef, de la terrasse sur le domaine public communal située [...], qu'elle occupe sans

droit ni titre,

- enjoindre à la société Le Port d'Agadir de libérer les lieux de toute occupation, dans un délai de soixante-douze heures à compter de l'intervention de l'ordonnance d'expulsion,

-dire que dans tous les cas, où les requis expulsés une première fois se réinstalleraient dans les mêmes lieux ou sur toutes dépendances voisines, la décision d'expulsion restera exécutoire pendant le délai de six mois à leur encontre et à l'encontre de toutes personnes de leur chef,

- condamner la société Le Port d'Agadir à payer à la ville de Cergy la somme provisionnelle de 10 334,80 euros au titre des redevances non réglées,

- assortir la décision à intervenir d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à s'exécuter au-delà d'un délai de soixante-douze heures,

- 'dire et juger' que le juge se réserve la liquidation de l'astreinte,

- 'dire et juger' que la ville de Cergy pourra requérir le concours de la force publique pour assurer l'exécution de l'arrêt à intervenir,

- décider que la décision à intervenir sera rendue exécutoire dès son prononcé et que son dispositif sera communiqué sur place aux parties,

- condamner la société Le Port d'Agadir à lui verser la somme de 3.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la ville de Cergy fait valoir :

- sur la compétence du juge administratif, que le Tribunal des conflits a jugé '[qu]il résulte des dispositions de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière que l'expulsion des occupants sans titre de dépendances du domaine public routier ressortit à la compétence des juridictions judiciaires ' (TC, 8 décembre 2014, Commune de Falicon, req. n° C 3971) ;

- que les voies sur lesquelles la société Le Port d'Agadir empiète et dont la ville de Cergy demande l'expulsion relèvent du domaine public routier de la commune ; que le quai de la Tourelle, qui jouxte immédiatement le port de la ville, est la propriété de la ville de Cergy et est affecté à la circulation terrestre notamment en ce qu'il permet au public de circuler et d'accéder aux immeubles et commerces situés sur le port ;

- au principal, et au soutien de son appel incident, que l'occupation illégale du domaine public routier par la société Le Port d'Agadir présente le caractère d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile ;

- qu'eu égard au comportement de la société Le Port d'Agadir, qui occupe illégalement le domaine public routier de la ville de Cergy depuis plus d'un an en dépit des multiples démarches amiables entreprises par la ville, ainsi que des risques pour la sécurité des lieux et des habitants, il est nécessaire que l'arrêt à intervenir soit assorti d'une astreinte suffisamment dissuasive.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 mars 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les exceptions de procédure relatives à la caducité de la déclaration d'appel et à l'irrecevabilité des conclusions des parties

En application des articles 905-1 , 905-2 , 910 et 910-1 du code de procédure civile tels qu'issus du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile dans les procédures d'appel fixées à bref délai en application de l'article 905 du même code, le magistrat compétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, de la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des textes sus mentionnés est le président de la chambre saisie de l'appel ou le magistrat désigné par le premier président et non la chambre.

En l'espèce, il est constant que la présente procédure d'appel RG numéro 17/07888 d'une ordonnance de référé est instruite et jugée de droit à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.

En outre, il ressort de l'examen des pièces du dossier d'appel et des conclusions du 28 mars 2018 de l'appelante, la société Le Port d'Agadir, et de celles du 26 mars 2018 de la ville de Cergy, intimée, que les demandes relatives à la caducité de l'appel et à l'irrecevabilité des conclusions des parties ont exclusivement été adressées à la cour .

En effet, le président de la 14ème chambre civile, saisie de l'appel, ou le magistrat de la chambre désigné par le premier président, n'a pas été saisi des demandes des parties tendant à ce que soient déclarées caduque la déclaration d'appel de la société Le Port d'Agadir - pour défaut de dépôt des conclusions dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai - et irrecevables les conclusions et l'appel incident de la ville de Cergy.

Il convient en conséquence de dire irrecevables lesdites demandes.

Sur la compétence de la juridiction judiciaire ;

Les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des litiges nés de l'occupation sans titre du domaine public 'sous réserve de dispositions législatives spéciales' (TC 24 sept.2001, Soc. B.E. B..., n°3221, Rec.) .

Ainsi, le juge judiciaire est compétent pour connaître de l'expulsion des occupants sans titre du domaine routier aux termes de l'article L.116-1 du code de la voirie routière qui prévoit que ' La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative' et de l'article R.116-2 dudit code qui précise que seront punies d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ceux qui, sans autorisation, auront empiété sur le domaine public routier ou accompli un acte portant ou de nature à porter atteinte à l'intégrité de ce domaine ou de ses dépendances, ainsi qu'à celle des ouvrages, installations, plantations établis sur ledit domaine.

En revanche, les atteintes portées au domaine public non routier relèvent de la seule compétence du juge administratif.

Le domaine public routier est défini par l'article L 111-1 du code de la voirie routière comme comprenant l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées.

Ainsi, ne sont pas ouvertes à la circulation générale les dépendances dont l'affectation est plus limitée ou spécialisée telles que les voies créées lors de la réalisation d'un port et aménagées, à titre principal, pour la desserte des installations portuaires et plus généralement pour l'exploitation du port.

Il est constant que lesdites voies, alors même qu'elles sont ouvertes à la circulation et à l'usage du public, doivent être regardées comme appartenant au domaine public maritime (CAA Marseille, 16 déc. 2003, n° 02MA00795, Agopian et a.).

En l'espèce, s'il est soutenu par la ville de Cergy que le restaurant Le port d'Agadir en cause est implanté sur une voie ouverte à la circulation et pourvue de trottoirs et donc relèvent du domaine public routier dont les litiges sont de la compétence du juge judiciaire conformément aux dispositions précitées du code de la voirie routière, il ressort des pièces du dossier que ce restaurant se situe dans une enceinte portuaire fluviale, sur les terres-pleins du port de plaisance de Cergy et que les voies sur lesquelles est installé le commerce ont été aménagées, à titre principal, pour la desserte des installations portuaires et plus généralement pour l'exploitation du port, dans laquelle figure l'activité commerciale.

Il s'en déduit qu'alors même que lesdites voies sont piétonnes et ouvertes à la circulation et à l'usage du public, elles doivent être regardées comme appartenant au domaine public fluvial et non au domaine public routier et, en tout état de cause, au domaine public non routier dès lors qu'il n'est pas utilement contesté que la parcelle sur laquelle se trouve la terrasse du restaurant est affectée à l'usage direct du public mais non à la circulation terrestre au sens de l'article L 111-1 du .du code de la voirie routière .

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce que le juge judiciaire a retenu à tort sa compétence et partant en toutes ses dispositions, la juridiction administrative étant la seule compétente pour connaître de l'action engagée par la Ville de Cergy aux fins d'expulsion de la société Le Port d'Agadir et des demandes subséquentes et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de ne pas faire droit à la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de l'affaire, chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort

DIT irecevables devant la cour les demandes tendant à ce que soient déclarées caduque la déclaration d'appel de la société Le Port d'Agadir et irrecevables les conclusions et l'appel incident de la ville de Cergy,

INFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions,

STATUANT À NOUVEAU ;

DÉCLARE incompétente la juridiction judiciaire pour connaître de l'action engagée par la Ville de Cergy aux fins d'expulsion de la société Le Port d'Agadir et des demandes subséquentes,

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir,

REJETTE la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 17/07888
Date de la décision : 21/06/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°17/07888 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-21;17.07888 ?
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