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15/05/2018 | FRANCE | N°17/06877

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 15 mai 2018, 17/06877


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4IC



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MAI 2018



N° RG 17/06877



AFFAIRE :



[F] [I]



C/



LE PROCUREUR GENERAL

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Septembre 2017 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2017L00750



Expéditions exécutoires

Expéd

itions

Copies

délivrées le : 15.05.18



à :



Me Laurent PIERRE ,



Me Fabienne FOURNIER

-LATOURAILLE,



TC VERSAILLES,



MP,



Pôle Ecofi.

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IC

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2018

N° RG 17/06877

AFFAIRE :

[F] [I]

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Septembre 2017 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2017L00750

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 15.05.18

à :

Me Laurent PIERRE ,

Me Fabienne FOURNIER

-LATOURAILLE,

TC VERSAILLES,

MP,

Pôle Ecofi.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [I]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] - de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté(e) par Maître Laurent PIERRE de l'ASSOCIATION ASSOCIATION JARNOUX-DAVALON & PIERRE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 491

APPELANT

****************

LE PROCUREUR GENERAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

SELARL MARS ès qualités, représentée par Maître [F] [A]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté(e) par Maître Fabienne FOURNIER-LATOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 506

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mars 2018, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 28 septembre 2017 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique

Le 21 juillet 2016 le tribunal de commerce de Versailles, saisi sur assignation d'un créancier impayé, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société [I] associés dont M. [F] [I] était le gérant, désigné maître [F] [A] en qualité de mandataire judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 21 janvier 2015.

Sur requête du ministère public, le tribunal de commerce de Versailles a, par jugement réputé contradictoire du 12 septembre 2017, prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans, ordonné l'inscription de cette sanction au fichier national des interdits de gérer et l'a condamné aux dépens de l'instance.

M. [F] [I] a interjeté appel de cette décision le 22 septembre 2017.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 1er mars 2018, il demande à la cour, au visa des articles L653-1 et suivants du code de commerce, de:

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel et ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- débouter le ministère public de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le ministère public à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la SELARL Mars ès qualités, de toutes ses demandes formulées à son égard,

- condamner le ministère public aux entiers dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 février 2018, la SELARL Mars représentée par maître [F] [A] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner M. [F] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner également aux entiers dépens.

Le ministère public par avis communiqué aux parties par RPVA le 28 septembre 2017 demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en rappelant que l'insuffisance d'actif s'élève à environ 230 000 euros et que quatre griefs sont reprochés à M. [I] dont l'usage des biens de la société contraire à son intérêt et dans l'intérêt d'une autre société dont il était le gérant.

La clôture a été prononcée le 5 mars 2018.

SUR CE :

M. [I] précise au préalable que son absence le jour de l'audience est due au seul fait de l'envoi de la citation à une adresse erronée, adresse pourtant connue du tribunal depuis le 4 janvier 2017.

M. [I] établit en effet avoir informé le tribunal de commerce de Versailles de son changement d'adresse le 4 janvier 2017. Il n'en tire cependant aucune conséquence sur le plan juridique.

La décision rendue par le tribunal de commerce ne concerne qu'une sanction personnelle et non une responsabilité pour insuffisance d'actif.

Le montant de celle-ci n'est donc pas nécessaire à l'appréciation des griefs qui sont faits au gérant, lesquels seront successivement envisagés.

L'absence de coopération avec les organes de la procédure :

Aux termes de l'article L 653-5 du code de commerce, en son 5°, une mesure de faillite personnelle peut être prononcée notamment contre des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales qui, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, ont fait obstacle à son bon déroulement.

M. [I] soutient n'avoir pas commis cette faute, avoir répondu à toutes les convocations, avoir fourni tous les documents comptables demandés, 'même s'ils n'étaient pas complets' et avoir remis au liquidateur judiciaire la liste des contestations du passif déclaré.

Maître [A] réplique que dès le prononcé de la liquidation judiciaire M. [I] a disparu, que ce n'est que dans le cadre de l'action en sanction qu'il a fourni sa nouvelle adresse qu'il n'avait pas remise au liquidateur judiciaire, mais seulement au tribunal de commerce.

Le rapport établi le 23 août 2016 par le liquidateur judiciaire ne fait état d'aucun rendez-vous auquel M. [I] ne se serait pas présenté, expose les réponses qui lui ont été données quant à la comptabilité, ce qui démontre que M. [I] lui a répondu ou a au moins tenté de le faire. Le 2 octobre 2017 la SELARL Mars a attesté de la remise par M. [I] de l'ensemble des pièces justificatives relatives à ses contestations ainsi que la liste des créanciers complétée et signée.

M. [I] justifie enfin avoir écrit au tribunal de commerce pour donner sa nouvelle adresse dès le 4 janvier 2017 en recevant la convocation de M. [J], désigné par le juge commissaire pour établir un rapport.

Aucun élément ne permet donc de caractériser une absence de coopération avec les organes de la procédure collective. Ce grief ne sera pas retenu.

Sur le retard d'une déclaration de cessation des paiements :

Ce grief, qui ne peut fonder une sanction de faillite personnelle mais seulement d'interdiction de gérer, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report. En l'espèce, cette date a été fixée au 21 janvier 2015. M. [I] n'a jamais déclaré la cessation des paiements, la liquidation judiciaire ayant été prononcée sur assignation du chef de service comptable du pôle de recouvrement pour une dette de TVA et d'impôt sur les sociétés pour un montant de 222 744,80 euros dont M. [I] ne pouvait ignorer l'existence, l'importance et l'incapacité de la société [I] associés à y faire face.

M. [I] ayant sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements de cette société, ce grief est donc constitué.

Sur le grief de disparition des documents comptables et d'absence de tenue d'une comptabilité conforme aux dispositions légales :

M. [I] expose que ce grief repose exclusivement sur le rapport de M. [J], expert comptable, chargé de rechercher des fautes de gestion et d'éventuels agissements à caractère pénal comme le prouve sa mission, que son rapport est donc dépourvu de toute objectivité, qu'il a fourni des pièces et comptes tant au technicien qu'au mandataire judiciaire, qu'il appartient au ministère public d'établir la réalité de ce grief ce qu'il ne fait pas.

Le mandataire judiciaire réplique que les rares éléments de comptabilité produits n'ont aucun caractère probant.

Aux termes de l'article L 653-5 du code de commerce, en son alinéa 6, une mesure de faillite personnelle peut être prononcée notamment contre des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales pour avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Parmi les dispositions applicables, les articles L. 123-12 à L. 123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal, d'un grand livre et d'un livre d'inventaire, les mouvements devant être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d'exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l'exercice.

Le liquidateur judiciaire a indiqué dans son rapport remis au tribunal le 23 août 2016 que M. [I] lui a indiqué tenir lui-même la comptabilité de la société, sans recours à un expert comptable.

Le rapport du technicien désigné par ordonnance du juge-commissaire a permis d'établir qu'aucune comptabilité n'avait été établie pour les exercices 2014 et 2015, que le bilan 2015 n'a pas été dressé, que d'autres états financiers ont été réalisés sans aucune base comptable, avec des chiffres non justifiés, notamment des bilans non équilibrés, qui ont obligé cet expert à solliciter à nouveau M. [I] qui lui indiqué n'avoir pas eu le temps d'établir les bilans 2014 et 2015 en 15 jours. Ce rapport fait état des réponses de M. [I] aux questions de l'expert qui démontrent sa totale incompréhension des règles comptables et son absence de tenue des documents comptable de base et notamment le grand livre.

Dans un courriel adressé le 18 novembre 2016 à M. [J], M. [I] écrit:

'L'étude de maître [A] m'a demandé les bilans sur les deux dernières années en deux semaines. Je fais comment pour faire trois bilans en deux semaines ''

M. [J] lui a répondu que le grand livre produit était en réalité un journal, mal tenu, et que les liasses fiscales produites n'étaient pas les mêmes que celles fournies au liquidateur judiciaire.

Les documents reçus par le liquidateur judiciaire et dont il fait état dans le rapport qu'il a remis au tribunal de commerce le 23 août 2016 démontrent que la comptabilité de la société a fait l'objet de 'rectifications' sans justificatifs, que des dépenses n'entrant pas dans l'objet social y apparaissent, tel que ses prélèvements mensuels 'Canal +' et de nombreux retraits au distributeur de billets sans justificatifs.

Ces seuls éléments suffisent à établir que M. [I] n'a tenu aucune comptabilité fiable et n'a remis aucun document comptable probant. Ce grief est donc établi.

Sur l'usage des biens de la société contraire à l'intérêt de celle-ci :

L'article L 653-4 du code de commerce permet au tribunal de prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après : (...)

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ; (...)

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

M. [I] soutient que le grief n'est constitué que s'il est démontré à la fois l'usage contraire à l'intérêt de la société mais également le bénéfice personnel du dirigeant, ce qui n'est pas établi en l'espèce. Il précise que les échanges financiers qui ont pu exister avec d'autres entités juridiques auquel il pouvait être associé, correspondent à l'activité de la société liquidée qui fournissait une assistance à la maîtrise d'oeuvre et était une interface financière pour ces entités et que les prélèvements considérés comme ayant été faits indûment à son profit constituent en réalité des éléments de sa rémunération.

Le liquidateur judiciaire réplique que M. [I] lui a expliqué que la trésorerie était virée de société en société en fonction des besoins de chacune d'elle.

Dans la comptabilité de la société [I] associés ont été trouvés des comptes ouverts aux noms des sociétés Felix Faure, Cambridge et Grégoire, pour des montants respectifs débiteurs de 17 600 euros, 47 800 euros et 268 563,82 euros. Pourtant ces sociétés n'ont aucun lien capitalistique démontré avec la société [I] associés et leur seul point commun est d'avoir pour associé M. [I]. Ces prêts d'argent, qui se sont faits au détriment des créanciers de la société [I] associés, ont été réalisés dans des conditions non conformes aux dispositions légales et notamment de l'article L 511-6, 3 bis et ont bénéficié aux autres sociétés dont M. [I] était ou est encore associé. De même, M. [I] ne peut-il utiliser les fonds de la société pour payer des dépenses personnelles, sa rémunération devant être fixée et prélevée selon les règles applicables.

Le bénéfice tiré par M. [I] de ces prélèvements qu'il reconnaît et de prêts consentis de façon illégale à d'autres sociétés dans lesquelles il était également actionnaire est donc suffisamment établi et le grief est donc constitué.

Au vu des griefs d'absence de tenue d'une comptabilité conforme aux dispositions légales, et d'usage des biens de la société contraire à l'intérêt de celle-ci, qui démontrent l'absence totale de capacité de M. [I] à gérer une société dans les règles légales, la mesure de faillite personnelle prononcée à son encontre sera confirmée, mais limitée à une durée de 7 années.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [F] [I], de nationalité française né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1], ordonné la transcription de cette décision au casier judiciaire national et condamné M. [F] [I] aux dépens,

L'infirme quant à la durée de cette mesure, et, statuant à nouveau,

Fixe à 7 ans la durée de cette sanction personnelle.

Condamne M. [F] [I] à payer à la SELARL Mars en qualité de liquidateur judiciaire de la société [I] et associés la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [I] aux dépens d'appel,

Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 17/06877
Date de la décision : 15/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°17/06877 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-15;17.06877 ?
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