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03/05/2018 | FRANCE | N°17/02576

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 03 mai 2018, 17/02576


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 56E



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 3 MAI 2018



N° RG 17/02576



AFFAIRE :



SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR





C/

S.A.R.L. C.G.B.









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 06 Octobre 2015 par le Cour d'Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 12

N° Section :

N° RG : 13/08637



Expé

ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS



Me Mélina PEDROLETTI

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TROIS MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 56E

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 3 MAI 2018

N° RG 17/02576

AFFAIRE :

SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR

C/

S.A.R.L. C.G.B.

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 06 Octobre 2015 par le Cour d'Appel de VERSAILLES

N° Chambre : 12

N° Section :

N° RG : 13/08637

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Mélina PEDROLETTI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TROIS MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES le 6 octobre 2015 (12è chambre)

SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

assistée de Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757499; Me Eric SEMMEL de l'AARPI COLOMBANI SEMMEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0885,

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.R.L. C.G.B.

N° SIRET : 417 54 4 2 02

[Adresse 4]

[Adresse 5]

assistée de Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 23678; Me Grégory DELHOMME, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en chambre du conseil le 20 Février 2018,, Madame Sylvie MESLIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY;

Vu la saisine déclarée le 29 mars 2017 par la société anonyme Société Française du Radiotéléphone (société SFR) sur arrêt de renvoi de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (pourvoi n°15-28.416), ayant cassé et annulé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 6 octobre 2015 ayant statué sur appel du jugement du tribunal de commerce de Nanterre prononcé le 15 octobre 2013 dans l'affaire qui l'oppose à la société à responsabilité limitée CGB (société CGB) ;

Vu le jugement entrepris ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 30 octobre 2017 par la société CGB, intimée à titre principal, appelante à titre incident et défenderesse à la déclaration de saisine,

- 6 décembre 2017 par la société SFR, appelante à titre principal, intimée à titre incident et demanderesse à la déclaration de saisine ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces présentées par les parties.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants, tirés des écritures de renvoi sur cassation partielle.

1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

La société CGB qui a pour activité, la mise en oeuvre de chapes liquides et emploie une douzaine de salariés à [Localité 1] - 69 440 s'est courant octobre 2007, abonnée à une offre de téléphonie après présélection '9Businesss' et d'accès à Internet en dégroupage partiel auprès d'un opérateur de communications électroniques, la société Neuf Cegetel. Celle-ci utilisant la ligne téléphonique 04 78 86 96 06 appartenant à l'opérateur historique France Télécom, a attribué à la société CGB le numéro fonctionnel 04 81 18 03 76 pour le service ADSL fonctionnant sur cette ligne.

Le 12 janvier 2009, la société CGB est passée en dégroupage total sur la base d'une revente de l'abonnement téléphonique France Telecom par Neuf Cegetel, impliquant au préalable que France Télécom continue de se fournir directement sur la ligne. Ce contrat d'abonnement de téléphonie et Internet professionnel dénommé SFR Fixe intégral Pro concernait plusieurs lignes : - téléphone : 04 78 86 96 06 ; - télécopieur : 04 78 86 94 87 et Internet : 04 81 18 03 76. La société SFR qui par fusion-absorption est le 31 mars 2009 venue aux droits de la société Neuf Cegetel, a fin janvier 2010, été contactée par la société CGB au sujet d'une 'demande de changement de ligne téléphonique'.

Comprenant cette demande comme une commande de déménagement impliquant la résiliation des services fournis sur les deux lignes, la société SFR a résilié ses services le 18 février 2010 et le même jour, en a informé France Télécom. Celle-ci a alors, immédiatement fait savoir à la société SFR, qu'elle perdait l'accès à la ligne téléphonique 04 78 86 96 06.

Constatant que les deux lignes téléphoniques ne fonctionnaient plus, la soicété CGB a informé la société SFR de cet incident et en l'absence de rétablissement du service a le 9 mars 2010, assigné la société SFR en référé d'heure à heure.

Par ordonnance du 12 mars 2010, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a condamné la société SFR à rétablir ces lignes téléphoniques dans un délai de vingt-quatre heures sous astreinte de 5 000€ par jour de retard. Le fonctionnement de deux lignes téléphoniques a finalement été rétabli les 12 et 18 mars 2010.

Le 8 décembre 2011, la société CGB a assigné la société SFR devant le tribunal de commerce de Nanterre en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la faute contractuelle de la défenderesse.

Dans le dernier état de ses demandes, la société CGB a prié le tribunal de :

- vu l'article 1147 du code civil

- vu le contrat conclu le 12 janvier 2009,

- vu l'article 11 du code de procédure civile,

- vu les articles 145 et suivants du code de procédure civile,

- avant-dire-droit, enjoindre SFR sous astreinte de 150€ par jour de retard de verser aux débats les enregistrements audio des conversations téléphoniques avec la soicété CGB au cours du mois de janvier 2010,

- à titre principal,

- juger que SFR a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité en résiliant les lignes téléphoniques, fax et internet de la société CGB à compter du 18 février 2010,

- juger que cette faute est une faute lourde dès lors qu'elle constitue un manquement de SFR à une obligation essentielle du contrat,

- rejeter par conséquent les clauses limitatives de responsabilité et de réparation opposées par SFR,

- condamner ainsi la société SFR à verser à la société CGB la somme de 88 856€ en réparation de son préjudice économique au titre de la perte de chance d'avoir pu contracter des marchés avec de nouveaux clients sur la période d'interruption et de 5 000€ au titre de son préjudice de jouissance, outre intérêt au taux légal sur ces sommes à compter de la délivrance de l'assignation avec capitalisation de ces intérêts à la première date anniversaire,

- à titre subsidiaire,

- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira, ayant la qualité d'expert-comptable avec la mission suivante :

- entendre les parties et se faire remettre l'ensemble des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- déterminer le préjudice économique subi par la société CGB du fait de la coupure de ses lignes de téléphonie fixe et fax et de son accès internet, sur la période du 18 février 2010 au 18 mars 2010,

- déterminer le préjudice de jouissance de la société CGB du fait de la gêne occasionnée en raison de cette interruption,

- donner tous autres éléments utiles à l'évaluation du préjudice,

- condamner la société SFR à payer à la société CGB la somme de 6 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SFR aux entiers dépens

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement contradictoire du 15 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nanterre a tranché le litige en ces termes :

- avant dire droit, déboute la société CGB de sa demande de production forcée par la société Société Française du Radiotéléphone - SFR des enregistrements audio des conversations téléphoniques entre elles au cours du mois de janvier 2010 ;

- dit que la Société Française du Radiotéléphone - SFR a commis une faute contractuelle lourde dans l'exécution du contrat la liant à la société CGB et que sa responsabilité contractuelle est ainsi engagée ;

- déboute la société CGB de sa demande d'expertise judiciaire ;

- condamne la Société Française du Radiotéléphone - SFR à payer la somme de 79 120€ à la société CGB, déboutant celle-ci du surplus de sa demande, assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement et ordonner la capitalisation des intérêts à la première date anniversaire ;

- condamne la Société Française du Radiotéléphone - SFR à payer la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société CGB, déboutant celle-ci du surplus de sa demande ;

- n'ordonne pas l'exécution provisoire ;

- condamne la Société Française du Radiotéléphone - SFR aux dépens.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont notamment retenu que : 1) Sur l'existence et la nature de la faute contractuelle, - la société SFR, prétend avoir reçu lors de l'appel de la société CGB du 21 janvier 2010 une demande relative à un déménagement à venir mais ne démontre pas avoir reçu explicitement une telle demande ; - les pièces versées aux débats par la société SFR et notamment les copies d'écran d'ordinateur, vont dans le sens d'une interprétation erronée de cette société ayant pris une demande de basculement de ligne téléphonique ADSL pour une demande de déménagement;

- les conditions générales d'inscription de Neuf Telecom du 15 décembre 2005 et celle relatives au service de téléphonie fixe du 30 juin 2008 versées aux débats stipulent en leur article 7.1 que, ' Le client est tenu de prévenir Neuf immédiatement par tous moyens puis de confirmer par lettre, dans un délai d'une semaine, de tout changement de domicile ou d'OBL. Au cas où ces modifications rendraient la fourniture du Service impossible, Neuf Télécom en informera le client et le contrat de service sera résilié'; - compte tenu de la gravité des conséquences d'un déménagement du client, toute demande de cette nature est soumise à un strict formalisme ; - la société CGB n'a formalisé par écrit aucune information portant sur un déménagement à venir ; - la société SFR a donc pris l'initiative de mettre fin à ses engagements, à tort ; - sa faute contractuelle ainsi établie s'analyse nécessairement en une faute lourde, pour manquement à une obligation essentielle du contrat à savoir, la continuité du service fourni ainsi que l'impossibilité de résilier sans l'accord du client ; 2) sur le préjudice, - les conditions générales de vente permettant de limiter le préjudice commercial versées aux débats par la société SFR, ne sont pas opposables à la société CGB faute pour cette dernière de les avoir signées ; - la société SFR ayant commis une faute lourde, aucune clause limitative de responsabilité ne peut quoi qu'il en soit trouver à s'appliquer ; - la société CGB verse aux débats des éléments comptables qui expliqueraient la diminution de son chiffre d'affaires durant le mois au cours duquel elle a été privée de liaisons téléphoniques, fax et internet, pour un montant de 32 devis x 5 908€ soit 189 056€ ; - le gain manqué de la société CGB s'induit du chiffre d'affaires réalisé ; - la société CGB produit aux débats des éléments justifiant un taux de marge brute respectif de 41, 85%, 48 % et 51, 31 % pour les années 2009, 2008 et 2007 ; - il y a lieu de retenir en vertu du pouvoir d'appréciation conféré au juge, le taux de marge le plus récent soit 41, 85% et par conséquent, de fixer le montant de l'indemnité à 79 120€ (189 056€ x 41, 85%) ; - la société CGB enfin, n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la société SFR lui a créé un préjudice de jouissance distinct du préjudice commercial, déjà compensé par le montant ci-dessus accordé ; - la société CGB doit donc être déboutée de ce chef de demande.

Sur appel de la société SFR, la cour d'appel de Versailles a par arrêt contradictoire du 6 octobre 2015, énoncé sa décision selon le dispositif suivant :

- confirme le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 15 octobre 2013, sauf en ce qu'il a alloué à la société à responsabilité limitée CGB une indemnité de 79 120€,

- et statuant à nouveau,

- condamne la société anonyme Société Française du Radiotéléphone - SFR à payer à la société à responsabilité limitée CGB la somme de 1 000,31€ de dommages et intérêts,

- rejette toutes autres demandes,

- et y ajoutant,

- laisse à la charge de chacune des parties les dépens exposés en appel.

Pour statuer ainsi les juges d'appels ont, 1) sur la responsabilité contractuelle de la société SFR, la motivation des premiers juges doit être adoptée sur ce point ; 2) Sur le préjudice subi, - la société CGB a pour chiffrer son préjudice, dénombré 32 devis acceptés en moins par rapport à la même période de l'année précédente, évaluant son préjudice à 88 856€, abondé d'un préjudice de jouissance estimé à 5 000€ ; - la société CGB ne peut cependant se prévaloir que d'une perte de chance; - sa demande d'indemnisation se heurte à la clause limitative de responsabilité insérée aux conditions générales d'inscription au service de téléphonie, nécessairement opposables ; - l'indemnité allouée à la société CGB doit donc être limitée à 1 000, 30€ sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise.

Sur pourvoi de la société SFR (pourvoi n°15-28.416), la première chambre civile de la Cour de cassation a par arrêt du 25 janvier 2017, cassé et annulé mais seulement en ce qu'il limite l'indemnisation de la société CGB à 1 000,31€, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles et a renvoyé sur ce point, la cause et les parties devant la cour de céans autrement composée.

Les motifs qui fondent l'arrêt prononcé par la Cour de cassation sont les suivants :

' Sur le moyen unique, pris en sa première branche :/Vu l'article 455 du code de procédure civile ;/Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CGB, titulaire d'un contrat de fourniture de téléphone et accès internet souscrit auprès de la Société française du radiotéléphone-SFR (la société SFR), a adressé à celle-ci une « demande de changement de ligne téléphonique »; qu'ayant compris que cette demande constituait une information relative à un déménagement impliquant la résiliation des services fournis, la société SFR a procédé à la résiliation le 18 février 2010 ; que la société CGB l'a assignée en référé aux fins de rétablissement de ses lignes téléphoniques, ce qu'elle a obtenu les 12 et 18 mars suivants ; qu'elle l'a, ensuite, assignée au fond, en responsabilité et indemnisation;/ Attendu que, pour fixer l'indemnité allouée à la société CGB à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que cette dernière se trouve limitée dans sa demande par la clause limitative de responsabilité, sans pouvoir arguer d'une inopposabilité des conditions générales, dès lors que le bulletin d'inscription signé par elle stipulait qu'elle avait reçu un exemplaire des conditions générales d'inscription au service de téléphonie, et qu'elle s'y référait pour démontrer la faute de la société SFR ;/Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société CGB qui soutenait que la société SFR avait commis une faute lourde ne lui permettant pas de se prévaloir de la clause limitative de responsabilité, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.'

La société SFR a par déclaration au greffe, saisi la juridiction de céans désignée comme juridiction de renvoi. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 janvier 2018 avec fixation de la date de plaidoiries à l'audience du 20 février suivant tenue en formation collégiale. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré à ce jour.

2. dispositifs des conclusions des parties sur renvoi de cassation

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société SFR prie la Cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 15 octobre 2013 en toutes ses dispositions faisant grief à SFR ;

- A titre principal,

- vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

- vu les [anciens] articles 1150, 1134, 1315 du code civil,

- vu les articles 4.2.2, 7.3 et 11 alinéa 3 des « conditions générales d'inscription au service de téléphonie fixe 9 business au 18 août 2005 »,

- vu les pièces versées aux débats,

- dire et juger que la société CGB ne rapporte pas la preuve d'une faute, a fortiori lourde, et d'un préjudice consécutif réparable et certain, imputables à SFR ;

- en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter la société CGB de toutes ses demandes ;

- A titre subsidiaire,

- vu l'article 1134 [ancien] du code civil,

- vu l'article 11 alinéa 2 des «conditions générales d'Inscription au Service de téléphonie fixe 9 business au 18 août 2005»,

- vu les factures d'octobre et décembre 2009,

- dire et juger que doit recevoir application la clause limitative de responsabilité stipulant que les dommages matériels directs causés au client ne peuvent excéder une somme équivalente aux montant payés par le client pour les trois derniers mois précédant la survenance de l'événement, à savoir en l'espèce 1 000,31€ toutes taxes comprises ;

- en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter la société CGB de toutes ses demandes, fin et conclusions ;

- vu l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile,

- débouter la société CGB de sa demande d'expertise ;

- en tout état de cause,

- vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner CGB à payer à SFR la somme de 2 000€ au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

- condamner la société CGB au paiement des dépens ;

- dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué- Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société CGB demande qu'il plaise à la Cour de :

- déclarer la SA SFR mal fondée en sa déclaration de saisine,

- déclarer recevable et bien fondée la SARL CGB en son appel incident,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- limité à 79 120€ l'indemnisation du préjudice économique de la société CGB en retenant dans la méthode de calcul non pas le taux de marge brut moyen des trois dernières années mais le taux de marge brut de la dernière année ;

- refusé d'indemniser le préjudice de jouissance de la société CGB.

- statuant à nouveau,

- condamner la Société Française de Radiotéléphonie (SFR) à verser à la société CGB la somme de 88 856€ en réparation de son préjudice économique au titre de la perte de chance d'avoir pu contracter des marchés avec de nouveaux clients sur la période d'interruption et 5 000€ au titre de son préjudice de jouissance, outre intérêt au taux légal sur ces sommes à compter de la délivrance de l'assignation, avec capitalisation de ces intérêts à la première date anniversaire ;

- confirmer pour le surplus le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre dont appel, - dire et juger que la Société Française de Radiotéléphonie (SFR) a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité en résiliant les lignes téléphoniques, fax et internet de la société CGB à compter du 18 février 2010 ;

- dire et juger que cette faute est une faute lourde et qu'elle constitue un manquement de SFR à une obligation essentielle du contrat ;

- écarter par conséquent l'application des clauses limitatives de responsabilité et de réparation opposées par la société Société Française de Radiotéléphonie (SFR) et dire qu'elles doivent être réputées non écrites dès lors qu'elles vident de toute substance les obligations contractuelles essentielles de SFR ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société SFR ;

- A titre subsidiaire,

- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira, ayant la qualité d'expert-comptable avec la mission suivante :

- entendre les parties et se faire remettre l'ensemble des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- déterminer le préjudice économique subi par la société CGB du fait de la coupure de ses lignes de téléphonie fixe et fax et de son accès internet sur la période du 18 février 2010 au 18 mars 2010,

- déterminer le préjudice de jouissance de la société CGB du fait de la gêne occasionnée en raison de cette interruption,

- donner tous autres éléments utiles à l'évaluation du préjudice,

- condamner la Société Française de Radiotéléphonie (SFR) à payer à la société CGB la somme de 6 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Société Française de Radiotéléphonie (SFR) aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des positions de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE,

1.Il y a lieu sur arrêt de renvoi après cassation partielle, de statuer sur le principe et l'étendue de la réparation du préjudice, prétendument subi par un commerçant professionnel bénéficiaire d'un contrat de fourniture de téléphone et d'accès internet (société CGB.) souscrit auprès d'un opérateur de téléphonie (société Neuf Cegetel devenue par fusion-absorption la société SFR), corrélativement à la faute contractuelle de cet opérateur prétendument qualifiée de faute lourde et partant, insusceptible d'être limitée par la clause de limitation de responsabilité et d'indemnisation insérée aux conditions générales applicables à tout contrat de fourniture passé auprès de ce même opérateur.

Sur l'existence et l'imputabilité d'une faute lourde de la société SFR

2.La société SFR soutient à l'appui de sa demande réformation que : - en raison de son abonnement souscrit en 2007 à l'offre de téléphonie avec présélection 9Business, la société CGB était assujettie aux conditions générales d'inscription au service de téléphonie fixe 9 Business en vigueur au 15 décembre 2005 et aux conditions générales d'inscription au service internet haut débit de Neuf en vigueur au 15 avril 2007 ; - souhaitant conserver son abonnement d'accès à internet et abandonner son contrat de téléphonie classique avec France Télécom, la société CGB a en signant un bulletin d'inscription du 12 janvier 2009, souscrit à l'offre de téléphonie fixe de Neuf Cégétel 'Intégrale Pro' avec présélection à 28,70€ par mois à la fois sur l'ancienne ligne 04 78 86 96 et sur la nouvelle ligne 04 78 86 94 87 au moyen de la vente en gros de l'accès au service téléphonique ; - techniquement, la circonstance que le service constitue une 'revente de l'abonnement téléphonique France Télécom' par SFR, signifie que France Télécom fournit directement la ligne et le service téléphonique correspondant au client final CGB ; - un changement de ligne téléphonique attribuée par France Télécom en fonction de la situation géographique du client final ne peut, qu'entraîner la résiliation des services en application des conditions générales de vente ADSL et des conditions générales 'Téléphonie fixe Pro' applicables ; - ayant informé la société CGB qu'elle devait elle-même solliciter auprès de France Télécom la réouverture des lignes téléphoniques en cause, celle-ci est restée inactive, feignant d'ignorer les recommandations qu'elle lui avait délivrées et l'assignant en référé pour obtenir une condamnation qu'elle savait impossible à exécuter et par surcroît, sans rapporter la preuve d'une faute évidente pouvant lui être imputée ; - les premiers juges ont considéré à tort que les conditions contractuelles ne sont pas opposables à la société CGB dès lors qu'elles ne les avaient pas signées ; - le code civil n'impose pas en effet qu'un contrat soit signé pour être opposable aux contractants tandis qu'il n'est pas nécessaire en matière commerciale, que les conditions générales soient acceptées et signées dès lors qu'il est établi qu'elles ont été communiquées au cocontractant ; - en l'espèce la société CGB, cliente professionnelle ayant contracté pour les besoins de son activité par le biais d'un bulletin de souscription signé portant son cachet, ne peut sérieusement soutenir, ne pas avoir eu connaissance des conditions générales qui lui sont opposées d'autant plus que ces mêmes conditions contractuelles lui ont été communiquées une seconde fois, la lettre de confirmation de commande du 9 février 2009 y faisant spécifiquement référence.

Elle précise que : - la société CGB n'a pas rapporté la preuve d'une faute qu'elle aurait commise ayant occasionné la coupure des lignes téléphoniques litigieuses entre le 18 février et le 18 mars 2010 puisqu'en effet, la résiliation des contrats litigieux, est imputable à la société CGB elle-même par annonce de son déménagement sans que l'on puisse considérer qu'en ce qui la concerne, elle a pris l'initiative de mettre fin à ses engagements et impliqué à tort France Télécom dans cette rupture ; - l'écrasement de la ligne 04 78 86 96 06 peut d'autant moins lui être imputé qu'elle a traité avec diligence les réclamations subséquentes de son adversaire ; - la qualification de faute lourde n'est donc pas justifiée ; - il est en effet de jurisprudence établie que la faute lourde, ne peut se déduire du seul fait que la faute porte sur l'obligation essentielle du contrat ; - il est donc nécessaire de caractériser les circonstances établissant une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude, le dol consistant en une inexécution volontaire par fraude ou dissimulation et donc, en un refus délibéré d'exécuter ses obligations tandis que l'inaptitude suppose une faute d'une extrême gravité dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de la mission contractuelle, cette extrême gravité se déduisant de l'importance du dommage et du comportement du professionnel débiteur de l'obligation ; - en l'espèce, les premiers juges et la société CGB n'ont pas établi de telles circonstances ; - à supposer même pour les besoins du raisonnement, que la société SFR ait commis une erreur en interprétant la demande de changement de ligne de la société CGB comme une demande de résiliation, cette erreur pourrait s'expliquer par l'ambiguïté de la demande de la société CGB ; - la circonstance que la société SFR ait été évincée de la ligne par la société France Télécom à la demande d'un autre opérateur et a ainsi été empêchée de fournir les services, constitue par ailleurs un cas de force majeure incompatible avec les notions de manoeuvres frauduleuses et de grave inaptitude au sens précité ; - au demeurant, une demande de 'changement de ligne' constitue nécessairement pour elle un déménagement ; - les conditions contractuelles stipulent en effet que le raccordement de la ligne téléphonique au domicile du client est une condition préalable du contrat et que le déménagement, entraîne la résiliation de celui-ci ; - elle a postérieurement à la coupure, conseillé à plusieurs reprises à la société CGB la marche à suivre pour obtenir de France Télécom le rétablissement de la ligne ; - la société CGB s'étant réabonnée chez elle, apparaît avoir été convaincue que la coupure litigieuse incriminée était accidentelle ; - n'ayant ainsi commis aucune faute lourde, la clause limitative de responsabilité doit trouver application.

Elle ajoute n'avoir pas davantage commis de faute quant à la durée de la coupure puisqu'elle ne pouvait rouvrir les lignes et rétablir les services correspondants ; - la société CGB s'est d'ailleurs abonnée directement auprès de France Télécom pour disposer des services qu'elle réclamait ; - lorsque le contrat conclu entre le client final et son opérateur est résilié ou lorsque l'opérateur a perdu l'accès à la ligne, l'opérateur n'a pas l'obligation de conserver le numéro France Télécom ; - c'est ainsi au client et à lui seul, de se rapprocher de France Télécom, propriétaire des lignes et fournisseur du service VGA pour solliciter la réattribution des lignes à son profit ; - la société SFR n'est pas débitrice d'un résultat et ne peut fournir un service de téléphonie et d'accès à internet, qu'à la condition préalable d'accès à une ligne téléphonique détenue par France Télécom.

3.La société CGB répond que : - si la cour de céans n'a en tant que cour de renvoi, qu'à statuer sur l'indemnisation de son préjudice, l'argumentaire concernant la faute contractuelle imputée à la société SFR n'est pas sans incidence sur l'appréciation du préjudice qui en découle ; - elle n'a de ce point de vue à aucun moment, fait part à la société SFR d'une volonté de déménagement mais a simplement souhaité basculer la ligne téléphonique ADSL sur la ligne fax afin de permettre d'installer un standard sur la ligne téléphonique proprement dite ; - elle n'aurait de toute manière eu dans l'éventualité d'un déménagement, aucun intérêt notamment commercial à souhaiter changer de numéro de téléphone et de fax ; - selon les conditions générales applicables, si tant est que ces conditions générales puissent lui être opposées, l'abonné doit en cas de déménagement, confirmer sa volonté de changement par lettre et en l'espèce, aucune lettre n'a été adressée.

Elle précise que : - elle n'a pas signé les conditions générales qui lui sont opposées et n'a au demeurant, jamais eu connaissance de celles-ci ; - l'opposabilité de ces conditions générales est d'autant plus contestable, que leur intitulé même ne correspond pas exactement à celui, figurant sur le contrat signé par la société CGB comme étant les 'conditions générales d'inscription au service de téléphonie fixe de Neuf Cegetel' ; - la société SFR se prévaut en effet de conditions intitulées 'conditions générales d'inscription au service de téléphonie fixe pro de neuf'; - les conditions générales, auxquelles il est renvoyé dans le contrat signé par elle, ne sont ainsi pas les conditions générales applicables aux professionnels ; - enfin, les conditions générales invoquées par la société SFR concernent le service de téléphone fixe alors que le fonctionnement des lignes litigieuses a été interrompu à la suite d'une résiliation du contrat internet ; - si tant est qu'elle lui soit opposable, la convention de preuve figurant dans les conditions générales de vente telle qu'elle est interprétée par la société SFR, est contraire à l'article 1315 du code civil et ne lui est donc pas opposable ; - tout démontre que la société SFR a commis une erreur lorsqu'elle l'a appelée à la fin du mois de janvier 2010 pour lui demander de procéder au basculement de la ligne téléphonique ADSL sur la ligne fax afin de permettre l'installation d'un standard sur la ligne téléphonique proprement dite ; - cette erreur de la société SFR est corroborée par d'autres éléments et ainsi notamment par, le fait que la société CGB n'ait pas déménagé et qu'elle n'avait, aucun intérêt à résilier toutes ses lignes sauf à subir des conséquences commerciales dommageables, le fait qu'alors que la résiliation du contrat nécessitait la réception d'une lettre de sa part en conformité avec l'article 7-1 des conditions générales, cette résiliation est intervenue en l'absence d'une telle lettre et enfin, le fait qu'il ressort des copies d'écran incriminées que la société SFR reconnaît elle-même avoir commis une erreur par la mention 'résiliation à l'insu du client'; - contrairement aux allégations adverses, le seul interlocuteur du client en cas de problème technique sur la ligne est l'opérateur ayant dégroupé la ligne soit en l'espèce, la société SFR qui ne peut ainsi soutenir qu'elle n'avait pas les moyens de réactiver les lignes coupées ; - la société SFR avait bien la capacité de pouvoir rétablir les lignes interrompues à telle enseigne qu'elle a elle-même mentionné sur son logiciel interne que l'activation était en cours et qu'elle serait effective sous 3 semaines ; - c'est donc à tort que la société adverse prétend que ce rétablissement a été effectué par la société France Télécom à sa demande ; - le contrat conclu avec la société SFR s'étant poursuivi après le rétablissement des lignes, les premiers juges ont à bon droit retenu l'existence d'une faute contractuelle de la société SFR caractérisée par un manquement à une obligation essentielle du contrat et également, que la société SFR s'était rendue coupable d'une faute lourde lors de l'exécution du contrat ; - cette société est ainsi gravement fautive pour avoir engagé la procédure de déménagement sur un simple appel téléphonique mal interprété, sachant au surplus que cette demande entraînait la résiliation des lignes ; - cette circonstance permet d'écarter l'application de clause limitative de responssabilité dont se prévaut la société adverse.

4.Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ;

5.Il ressort des documents versées aux débats que, - selon bulletin d'inscription SFR fixe Pro signé le 12 janvier 2009, la société CGB a souhaité bénéficier d'offres de téléphonie fixe pour deux lignes téléphoniques, respectivement 04 78 86 96 06 et 04 78 86 94 87, dont elle déclarait être titulaire et pour lesquelles elle affirmait disposer d'un abonnement téléphonique auprès de France Télécom ; - le 18 février 2010, les deux lignes en question n'ont plus fonctionné ainsi qu'en atteste un constat d'huissier établi les 18 et 19 février 2010, - la société SFR avait en effet, à la suite d'une demande de la société CGB interprétée comme se rapportant au déménagement de celle-ci, résilié les services fournis sur ces deux lignes au visa tant de ses conditions générales d'inscription au service de téléphonie 'FIXE PRO' que des conditions générales d'inscription au service internet haut débit.

6.Il est par ailleurs acquis aux débats, qu'aucune demande écrite de changement de domicile n'a été adressée par la société CGB à la société SFR dans les termes des conditions générales applicables au 30 juin 2008, dont la société CGB a précisément reconnu avoir reçu un exemplaire le 12 janvier 2009 lors de la souscription du contrat litigieux - voir cotes 1 : 'je déclare avoir reçu un exemplaire des conditions générales d'inscription au Service de téléphonie fixe de Neuf Cegetel ainsi que des descriptifs et tarifs des offres, en avoir pris connaissance et les accepter dans toute leur teneur' et 12 du dossier de la société CGB, article 7.1 : 'le Client est tenu de prévenir Neuf, immédiatement par tous moyens puis de confirmer par lettre dans un délai d'une semaine, de tout changement de domicile' [souligné par la Cour] et que par ailleurs, le fonctionnement de la ligne fax a été rétabli le 12 mars suivant tandis que celui de la ligne téléphonique a été rétabli le 18 mars 2010.

7.Il est encore exact que les conditions générales précitées énoncent au point 11, intitulé 'Responsabilité de Neuf' : ' Neuf [devenue SFR] s'engage à mettre en oeuvre les moyens raisonnables nécessaires afin de fournir le Service au Client. A ce titre, la responsabilité de Neuf est limitée à la seule fourniture du Service dans les conditions des présentes Conditions d'Inscription./Dans les seuls cas où Neuf aura commis une faute prouvée par le Client dans l'exécution du Contrat de Service, Neuf réparera les dommages matériels directs causés au Client dans la limite d'une somme équivalente aux montants payés par le Client à Neuf au titre du Contrat de Service pour les trois derniers mois précédant la survenance de l'événement ayant entraîné ledit dommage./La responsabilité de Neuf ne saurait être engagée, notamment, dans les cas suivants : - (...) - force majeure ou faits indépendants de sa volonté et, notamment, interruption du Service résultant de la défaillance du réseau de l'OBL [Opérateur de Boucle Locale soit France Télécom].

8.Il est cependant de jurisprudence bien établie qu'une clause limitative de responsabilité n'a pas vocation à trouver application en cas de faute lourde du responsable du dommage et que par ailleurs d'une part, la faute lourde est caractérisée par une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle (Cass.ch. mixte. 22 avril 2005, n° 03-14112) et d'autre part, cette faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle mais doit, se déduire de la gravité du comportement du débiteur (Cass. com, 29 juin 2010, pourvoi 09-11841).

9.En l'espèce, c'est donc au regard de tout ce qui précède à raison, que les premiers juges ont par des motifs justes, exacts et précis que la Cour adopte, imputé à la société SFR une faute de cette nature dénotant l'inaptitude de celle-ci à l'accomplissement de sa mission essentielle qui est non seulement d'assurer la continuité du service fourni mais également de ne pas, compte tenu de la gravité des conséquences qui en résultent pour l'activité commerciale et professionnelle de sa cliente, résilier le contrat de fourniture pour cause de déménagement à supposer que cette hypothèse soit remplie, sans l'accord exprès et donc écrit de cette dernière, cette inaptitude étant sanctionnée par l'éviction de la clause limitative de responsabilité permettant d'indemniser l'entier préjudice subi par la société CGB.

10.Cette dernière société ne peut au demeurant, alléguer sérieusement ne pas avoir eu connaissance des conditions générales qui lui sont opposées par la partie adverse alors que ces dernières apparaissent lui avoir été communiquées à deux reprises, lors de la souscription du bulletin de souscription - voir cote 1 du dossier de la société CGB et lors de la confirmation de la commande du service en cause - voir cote 35 du dossier de la société SFR et alors qu'elle ne justifie pas en avoir contesté l'applicabilité.

11.La société SFR ne peut enfin se prévaloir d'une circonstance de force majeure exonératoire de toute responsabilité en observant notamment, que France Télécom avait seule, en qualité de propriétaire du numéro de téléphone, la maîtrise de celui-ci alors qu'elle a ab initio, par un manquement avéré à son obligation de rigueur professionnelle, non seulement interprété à tort la demande qui lui était faite comme étant une demande de déménagement mais quoi qu'il en soit, à supposer même qu'il serait agi d'une demande de cette nature, procédé à la résiliation des lignes téléphoniques litigieuses sans l'accord écrit de sa cliente et ainsi provoqué la survenance du dommage allégué par celle-ci.

12.Le jugement entrepris sera donc sur ce premier point, confirmé.

Sur la réparation du préjudice corrélatif de la société CGB

En ce qui concerne l'indemnisation de la perte de chance de réaliser le gain attendu

13.La société CGB observe qu'elle justifie par des éléments probants, avoir perdu de nouveaux marchés en raison de la coupure incriminée des lignes qui lui avaient été attribuées et être, ainsi fondée à obtenir en réparation de ce préjudice, 88 856€ à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'avoir pu passer des contrats avec les nouveaux clients qui l'auraient contactée.

Elle conclut enfin, pour l'hypothèse où la Cour était amenée à considérer que les contestations formulées par la société SFR étaient de nature à remettre en cause ses évaluations, à l'utilité d'une mesure d'expertise permettant de déterminer de manière précise le quantum de son préjudice.

14.La société SFR répond que : - la société CGB ne rapporte en aucune manière la preuve, du principe et de l'étendue du préjudice dont elle se prévaut ni celle, d'un lien de causalité entre la faute alléguée et ce dernier ; - le lien de causalité ne peut être présumé et doit être démontré ; - la demande d'attribution de dommages-intérêts qui représente 258 ans d'abonnement au forfait concerné, n'est assortie d'aucune preuve probante puisque, les attestations produites par la société CGB établissent que celle-ci n'a pas été dépourvue de moyens de communication durant la coupure incriminée, l'attestation du comptable de cette même société apparaît par ailleurs avoir été établie sur la foi d'éléments fournis par la société CGB elle-même alors que nul ne peut se pré-constituer une preuve à soi-même, le dit expert-comptable n'explique au demeurant pas de quelle manière la marge brute a été calculée et quoi qu'il en soit l'affirmation selon laquelle le préjudice financier lié à la coupure litigieuse s'évalue en fonction de la marge brute perdue dès lors que les autres charges de l'entreprise restent constantes est inexacte, le compte de résultat de 2010 laissant en effet apparaître une importante diminution d'achats de matières premières et de la production ainsi qu'une augmentation des salaires et des charges sociales de sorte que les pertes subies par la société CGB pourraient s'expliquer par d'autres facteurs que la coupure incriminée.

Elle précise que, à le supposer établi, le préjudice commercial de la société CGB ne pourrait être indemnisé que sur le fondement de la perte de chance de réaliser ledit gain, cette perte de chance ne pouvant correspondre à l'intégralité du gain qu'aurait pu réaliser la société CGB mais seulement, à une fraction de celui-ci ; - les premiers juges ont à tort, évalué le préjudice en se fondant sur des contrats que la société CGB aurait soit-disant pu conclure alors que seule la perte de chance de conclure ces contrats était indemnisable et était requise ; - l'indemnisation de cette perte de chance supposait que la société CGB démontre, par des documents concrets, qu'elle avait une réelle chance de conclure de nouveaux contrats et que cette chance a été mise à mal par la coupure incriminée.

Elle ajoute que la société CGB a contribué à la réalisation de son préjudice en s'adressant tardivement à France Télécom alors même, que la société SFR lui a indiqué le jour de la coupure soit le 18 février 2010, la nécessité de solliciter la réouverture d'une ligne auprès de l'opérateur historique dès le 18 février 2010 et conclut s'opposer à la mise en oeuvre de toute mesure d'expertise qui au mépris des principes applicables en ce domaine, ne pourrait dans les circonstances présentes que suppléer à la carence de la partie adverse dans l'administration de la preuve. Elle souligne ainsi que l'ancienneté des faits a dû permettre à la société adverse de réunir les preuves nécessaires à la justification de sa demande indemnitaire de sorte que rien ne permet de penser, que la mesure d'instruction qui serait ordonnée permettrait de réunir d'autres éléments.

15.Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ;

16.Le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage établi et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. Le montant des dommages-intérêts alloué à titre de réparation par équivalent doit donc être égal au préjudice subi par la victime sans qu'il en résulte pour elle, une perte ou un profit.

17.En l'espèce, la réalité du préjudice subi par la société CGB est établie de manière certaine par les énonciations du constat d'huissier du 18 février 2010 versé aux débats - voir cote 3 du dossier de la société CGB ainsi que par celles des attestations de plusieurs de salariés de celle-ci - voir cotes 4, 5 et 6 du dossier de la société CGB, assurant ne plus avoir eu de possibilité de contacts avec les clients de la société à compter du 18 février 2010 sauf à devoir utiliser leur téléphone portable personnel.

18.Cette dernière circonstance ne saurait, ainsi que le soutient à tort la société SFR, effacer tout préjudice de son adversaire dès lors qu'il est d'évidence que ce mode de fonctionnement est un fonctionnement anormal et partant, sans efficience et que quoi qu'il en soit, la clientèle de la société CGB qui se trouve être essentiellement composée de particuliers, ne pouvait ab initio connaître ces numéros. Quoi qu'il en soit, la société SFR n'oppose aucun démenti aux affirmations de la société CGB relevant que pour ce qui concerne l'indication de numéros de portable sur le site internet Pages Jaunes relatifs à CGB, un seul numéro apparaissait (XXXXXXXXXX), uniquement lorsque l'on indiquait 'CGB' à '[Localité 1]' dans le moteur de recherche et que ce numéro a vraisemblablement été mis en ligne après le rétablissement des lignes litigieuses.

19.L'étendue du préjudice apparaît par ailleurs sérieusement justifiée par l'attestation de l'expert-comptable de la société appartenant à une profession réglementée et partant, soumis à une déontologie professionnelle stricte. Selon cette attestation - voir cote 13 du dossier de la société CGB, la perte liée à la coupure téléphonique subie par cette dernière 'doit être évaluée en fonction de la marge brute perdue puisque les autres charges de l'entreprise restent constantes (loyers, salaires, charges sociales, frais généraux.) ' avec cette précision que cette 'marge brute correspond au chiffre d'affaires moins les achats de matières et consommables, et moins la sous-traitance.'

20.Contrairement aux allégations de la société SFR, cette attestation est assortie d'indications sur la méthodologie suivie pour parvenir à dégager ce résultat.

21.La somme de 88 856€ réclamée par la société CGB en toute cohérence avec les éléments d'évaluation ainsi relevés et retenus (32 devis manquants x 5 908€ x 47%) correspond, de l'aveu même de la société SFR, à l'intégralité du manque à gagner dont il importe de tirer la perte de chance de réaliser ce gain, seul indemnisable.

22.Faute de ce dernier point de vue pour la société CGB, de justifier de manière plus précise les éléments constitutifs de cette perte de chance telle une action commerciale particulière de sa part ou encore, de produire des attestations de clients potentiels indiquant avoir dû se tourner vers un autre prestataire, la Cour estime raisonnable, usant de son pouvoir d'appréciation, de fixer cette perte de chance, au vu du nombre de devis établis par cette société avant et après la coupure incriminée sans avoir recours à une mesure d'expertise, à 60 % de la marge brute ci-dessus arrêtée et par suite à 53 314€.

23.Il est par ailleurs acquis aux débats, pour les motifs sus énoncés, que la clause limitative de responsabilité insérée aux conditions générales opposées à la victime, la société CGB, n'a pas vocation à être appliquée pour cause de faute lourde imputée à la société SFR responsable du dommage litigieux. La société CGB est en droit d'obtenir l'intégralité de la somme précitée.

24.Enfin, la société SFR ne saurait être déclarée fondée à obtenir une réduction de l'indemnisation mise à sa charge au motif que la partie adverse aurait elle-même contribué à l'aggravation de son préjudice alors qu'il ressort des termes mêmes du contrat signé par les parties - voir cote 1 du dossier de la société CGB, que pour celle-ci,'la société SFR était son interlocuteur unique pour la téléphonie fixe' et qu'elle avait donné à ce même opérateur, 'mandat pour activer le service SFR Fixe intégrale ainsi que le contrat auprès de France Télécom' et que selon lettre du 26 mars 2010, postérieure à la coupure litigieuse, la société SFR a ainsi annoncé à la société CGB 'l'activation de [son] abonnement téléphonique SFR fixe intégral Pro'.

25.Il suit de tout ce qui précède que les dommages-intérêts attribués à la société CGB seront fixés dans les termes du dispositif du présent arrêt à 53 314€.

En ce qui concerne l'indemnisation de la perte de jouissance

26.La société CGB explique avoir subi un trouble de jouissance durant le mois d'interruption dans le fonctionnement des lignes concernées pour tenter de faire fonctionner son entreprise sans moyens de communication et précise que ce préjudice peut être raisonnablement évalué à 5 000€ en raison des contraintes inhérentes au fonctionnement d'une entreprise de 12 salariés.

27.La société SFR conteste ce préjudice en observant que la société CGB ne rapporte pas la preuve que le préjudice de jouissance dont elle demande réparation est un préjudice distinct du préjudice économique déja indemnisé.

28.C'est cependant à raison que la société CGB se prévaut d'un tel préjudice en raison des tracas nécessairement occasionnés par la coupure des lignes litigieuses et de la nécessité dans laquelle elle s'est donc trouvée de faire fonctionner son entreprise employant 12 salariés pendant un mois dans ce contexte difficile.

29.La Cour, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, estime raisonnable de fixer ce préjudice, non réparé par les dommages-intérêts attribués au titre du préjudice économique, à 5 000€.

Sur les autres demandes

30.Vu l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2010;

31.La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les termes et conditions de l'article précité.

32.Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

33.La société SFR, partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR AUTREMENT COMPOSEE

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

Vu l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (pourvoi n° 15-28.416) ;

Dans la limite de la cassation intervenue.

INFIRME le jugement entrepris, en ce qu'il a fixé l'indemnisation du préjudice économique de la société à responsabilité limitée CGB à 79 120€ et refusé d'indemniser le préjudice de jouissance de la société à responsabilité limitée CGB.

STATUANT DE NOUVEAU du chef de ces dispositions réformées et Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société anonyme Société Française de Radiotéléphonie à verser à la société à responsabilité limitée CGB les sommes de :

- cinquante trois mille trois cent quatorze euros (53 314€.) à titre de dommages-intérêts pour réparation de son préjudice économique avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2011, date de l'assignation, et avec capitalisation de ces intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016,

- cinq mille euros (5 000€) à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2011, date de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016.

CONDAMNE la société anonyme Société Française de Radiotéléphonie aux entiers dépens de la procédure d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Mélina Pedroletti, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société anonyme Société Française de Radiotéléphonie à verser à la société à responsabilité limitée CGB, six mille euros (6 000€) à titre de frais irrépétibles d'appel.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER F.F., Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 17/02576
Date de la décision : 03/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°17/02576 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-03;17.02576 ?
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