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10/04/2018 | FRANCE | N°17/04763

France | France, Cour d'appel de Versailles, 10 avril 2018, 17/04763


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 59C


13e chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 10 AVRIL 2018


No RG 17/04763


AFFAIRE :


SNC GREEN YELLOW HYERES SUP




C/




SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF - ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE


SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE




Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 31 janvier 2018 par le conseiller de la mise en état de la chambre




Expéditions exécut

oires
Expéditions
Copies
délivrées le : 10.04.18


à :


Me I... X...


Me Bertrand Y...,


Me Christophe Z...,


TC NANTERRE


MPREPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LE DIX AVRIL DEUX MILLE DIX H...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 59C

13e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 10 AVRIL 2018

No RG 17/04763

AFFAIRE :

SNC GREEN YELLOW HYERES SUP

C/

SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF - ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 31 janvier 2018 par le conseiller de la mise en état de la chambre

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 10.04.18

à :

Me I... X...

Me Bertrand Y...,

Me Christophe Z...,

TC NANTERRE

MPREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SNC GREEN YELLOW HYERES SUP
 [...]         
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 12/00466 (Fond)

Représenté(e) par Maître I... X... de la A...           I..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - No du dossier 00040611 - et par Maître Emmanuel B... de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat plaidant au barreau de PARIS,

APPELANTE et DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ

****************

SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF - ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE - No SIRET : 444 608 442
[...]                                                         
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 12/00466 (Fond)

Représenté(e) par Maître Bertrand Y... J... H...-G... C... AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - No du dossier 20120091 - et par Maître Romain D..., avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMEE et DÉFENDERESSE AU DÉFÉRÉ

****************
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE
No SIRET : 399 22 7 3 54
[...]                                     

Représenté(e) par Maître Christophe Z..., avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et par Maître Olivier E... de l'AARPI VIGUIE SCHMIDT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS,

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mars 2018, Madame Sophie K..., présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie K..., Présidente,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

Le visa du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général, a été transmis le 22 février 2018 au greffe par la voie électronique. Vu le jugement du 7 décembre 2011 du tribunal de commerce de Nanterre qui a notamment rejeté une exception d'incompétence au profit du tribunal administratif de Paris et condamné la société ERDF au paiement de dommages-intérêts ;

Vu l'arrêt du 4 juin 2013 de la cour d'appel de Versailles qui a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal des conflits, saisi sur conflit négatif de compétence par jugement du tribunal administratif de Paris du 15 janvier 2013 ;

Vu l'arrêt contradictoire de la cour d'appel de Versailles du 11 février 2014 qui a :

- rejeté les moyens de procédure invoqués et les fins de non-recevoir soulevées,
- reçu la société Axa Corporate Solutions en son intervention volontaire,
- confirmé le jugement sauf au titre de l'évaluation de la perte de chance et du quantum fixé pour l'indemnisation du préjudice subi par la société Green Yellow Hyeres Sup,
- infirmé le jugement en ce qu'il a chiffré le préjudice de la société Green Yellow Hyeres Sup à la somme de 370 068,82 euros,
- statuant à nouveau de ces chefs,
- dit que la société Green Yellow Hyeres Sup a été privée, par suite du non-respect par
la société ERDF du délai de traitement de sa demande de raccordement au réseau, du bénéfice
de l'obligation d'achat de l'électricité photovoltaïque au tarif fixé avant le moratoire du 9 décembre 2011 par l'arrêté du 10 juillet 2006,
- dit le préjudice indemnisable à hauteur de 80 %,
- avant-dire droit sur l'évaluation du préjudice subi par la société Green Yellow Hyeres Sup,
- ordonné une expertise,
- désigné en qualité d'expert M. F... en vue d'évaluer le préjudice subi par la société Green Yellow Hyeres Sup selon la base de détermination suivante : la différence sur une durée prévisible de contrat de 20 ans, entre les anciens et les nouveaux tarifs d'électricité résultant de l'arrêté du 4 mars 2011 et dans le cadre des procédures d'appels d'offres organisées par la commission de régulation de l'énergie incluant les incidences financières pour le producteur, notamment fiscales(..),
- déclaré recevable et bien-fondé l'appel en garantie de la société ERDF à l'encontre de la société Axa Corporate Solutions en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société ERDF,
- condamné la société Axa Corporate Solutions, en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société ERDF, à la garantir pour l'ensemble des condamnations qui seront mises à sa charge, à l'issue du dépôt du rapport d'expertise, en principal, frais, intérêts et accessoires et pour celles résultant du présent arrêt ;

Vu l'arrêt du 9 juin 2015 de la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé à l'encontre de cette décision ;

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 juillet 2016 qui a rejeté la demande aux fins de sursis à statuer dans l'attente de la réponse de la CJUE saisie d'une question préjudicielle relative à la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2006 en estimant que seule la cour statuant au fond était qualifiée pour cette demande ;

Vu l'arrêt du 8 novembre 2016 de la présente cour d'appel qui a :

- saisi la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante :

"1. L'article 107, paragraphe 1, du TFUE doit-il être interprété en ce sens que le mécanisme d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur au prix du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité, tel que ce mécanisme résulte des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 (JORF no 171 du 26 juillet 2006, p, 11133) et 12 janvier 2010 (JORF no011 du 14 janvier 2010, p. 727.) fixant les conditions d'achat de cette électricité, lus en combinaison avec la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, le décret no 2000-1196 du 6 décembre 2000 et le décret no 2001-410 du 10 mai 2001, constitue une aide d'Etat ?
2. Et, dans l'affirmative, l'article 108, paragraphe 3, du TFUE doit-il être interprété en ce sens que le défaut de notification préalable à la Commission européenne de ce mécanisme affecte la validité des arrêtés susvisés comportant la mise à exécution de la mesure d'aide litigieuse ?"
- ordonné le sursis à statuer sur cette affaire dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne,
- ordonné le retrait de cette affaire du rôle des affaires en cours ;

Vu l'ordonnance du 18 mai 2017 du Président de la Cour de justice qui a radié la procédure, après avis conforme de la cour d'appel de Versailles, la Cour de justice s'étant en effet déjà prononcée dans une autre affaire opposant la société Enedis, la société Axa ainsi qu'une société productrice d'électricité dénommée CS Ombrière Le Bosc, en décidant par arrêt du 15 mars 2017 d'une part que le mécanisme tel qu'instauré par la réglementation nationale en cause devait être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, et d'autre part que l'article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens que, en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure ;

Vu la réinscription de l'affaire au rôle ;

Vu les conclusions au fond, après dépôt du rapport d'expertise, de la société Enedis, notifiées par RPVA le 5 février 2018 qui soutient notamment que le préjudice subi par la société Green Yellow n'est pas réparable en ce qu'il est fondé sur un arrêté tarifaire illégal pris en violation du droit de l'Union européenne, puisque le mécanisme mis en place par application de l'arrêté du 10 juillet 2006 est une aide d'Etat, qui n'ayant pas été notifiée, est contraire au TFUE ; que l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 11 février 2014 ne peut lui être opposée ; et que les principes d'effectivité et d'équivalence du droit communautaire oblige le juge national à faire prévaloir l'application du droit communautaire sur l'autorité de chose jugée ;

Vu les conclusions au fond de la société Axa, intervenante volontaire, qui soutient au principal que la société Green Yellow Hyeres Sup n'a subi aucun préjudice et au subsidiaire que le caractère non réparable du préjudice ne cède pas devant le principe de l'autorité de chose jugée et que ce principe ne saurait faire obstacle à ce que la cour tire toutes les conséquences du défaut de notification à la commission de l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 ;

Vu les conclusions au fond de la société Green Yellow Hyeres Sup remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 juin 2017 qui prétend que l'autorité de chose jugée doit prévaloir et que ce n'est que par exception que le juge national peut y déroger ;

Vu l'ordonnance d'incident du conseiller de la mise en état du 31 janvier 2018, à laquelle il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, rejetant la demande de la SNC Green Yellow Hyeres Sup de transmettre à la CJUE la question préjudicielle ci-après:
(1)L 'indemnisation par un Etat membre du préjudice consistant en la perte par le demandeur de la chance de percevoir une aide d'Etat non notifiée à la Commission méconnaît-elle les obligations résultant pour les Etats membres du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ?
(2)Dans l'affirmative, lorsque le litige relatif à ce préjudice n'oppose pas le dispensateur de l'aide et son récipiendaire mais ce dernier à un tiers et que l'exécution de la condamnation ne se traduira pas par un versement de deniers publics, en va-t-il de même ?
(3)Dans l'affirmative l'exclusion du droit à indemnisation prévaut-elle sur l'autorité de chose jugée attachée à un jugement ayant définitivement dit le préjudice réparable ?
(4)La remise en cause de la chose jugée méconnaissant les dispositions figurant à l 'article 108 TFUE est-elle possible sans méconnaître les droits résultant de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux ?
Vu la requête aux fins de déféré à la cour en date du 13 février 2018 aux fins d'infirmation de l'ordonnance et de transmission à la CJUE des questions préjudicielles posées ;
Vu la communication de la procédure au ministère public qui l'a visée le 22 février 2018;
Vu les conclusions en réponse sur déféré remises au greffe et notifiées par RPVA le 9 mars 2018 pour la société Enedis sollicitant la confirmation de l'ordonnance ;
Vu les conclusions en réponse sur déféré remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 mars 2018 pour la société Axa disant n'y avoir lieu à question préjudicielle ;
Vu les débats à l'audience du 13 mars 2018 à laquelle l'affaire a été fixée par ordonnance du 20 février 2018 ;
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,
La société Green Yellow Hyeres Sup, qui soutient que l'arrêt du 11 février 2014 s'est bien prononcé sur le caractère réparable du préjudice et que l'arrêt du 8 novembre 2016 par lequel la cour d'appel a posé une question préjudicielle à la CJUE n'a pas fait marche arrière sur ce point, fait valoir que les questions qu'elle demande à la cour de poser sont très différentes de celles déjà posées à la CJUE, notamment dans les affaires Association Vent de colère!, Ombrière du Bosc et Epta Rak, puisqu'elles portent non sur la qualification d'aide et sur la légalité d'une aide non notifiée, mais sur l'aptitude d'un préjudice consistant en la perte d'une aide à être réparé, non par le dispensateur d'une aide sur fonds publics mais par un tiers ne se finançant que par les recettes d'une exploitation commerciale, ce dans une situation dans laquelle l'aptitude du préjudice à être réparé a été consacrée par une décision définitive.

Elle en déduit que, contrairement à ce qu'a retenu le conseiller de la mise en état, l'existence des décisions susvisées ne peut pas justifier le refus de transmission.
Elle explique que s'il y a deux catégories de décisions communautaires statuant les unes comme les autres sur des cas d'affectation de la concurrence que ce soit directement par les agents économiques (Eco Swiss China Time Ltd pour l'article 101) ou indirectement via une intervention étatique (Klausner Holz pour l'article 108) révélant un traitement différencié de la chose jugée, laquelle ne cède que dans le second cas, c'est parce qu'il faut sauvegarder la compétence exclusive de la Commission, inexistante s'agissant des pratiques restrictives de concurrence, mais s'imposant pour les aides d'Etat, et cite l'arrêt Fallimento Olimpiclub Srl.
Elle estime que ces questions n'ont jamais été traitées par la CJUE qui n'a notamment jamais statué sur la combinaison de l'article 108 du TFUE avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux qui consacre le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, et dont l'importance a été rappelée récemment dans un arrêt Rossneft, ce qui comprend le droit de disposer d'une décision ne pouvant être remise en cause sans limite dans le temps.
Elle fait valoir également que l'autorité de chose jugée, principe fondamental commun à tous les Etats membres impose qu'il n'y soit dérogé que par exception, lorsque ce principe rend impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union ou si elles sont plus favorables que celles régissant des situations semblables de nature interne.
Elle se fonde notamment sur l'arrêt Kapferer du 16 mars 2006 qui fait prévaloir l'autorité de chose jugée, même si "l'inverse" aurait permis de remédier à une violation du droit communautaire par la décision en cause. Elle soutient :
- qu'il n'y a pas ici de risque que le juge commette un excès de pouvoir en empiétant sur les pouvoirs de la Commission, puisque le dispensateur de l'aide n'est pas dans la cause et qu'il ne s'agit que de la réparation d'un préjudice, question dans laquelle la Commission n'a aucun rôle à jour,
- qu'en l'espèce l'autorité de chose jugée ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (autre condition posée par l'arrêt Klausner Holz pour écarter la chose jugée), puisque les sociétés Enedis et Axa auraient pu faire valoir l'illicéité du préjudice en première instance ou en appel et enfin qu' à supposer que l'article 108 du TFUE puisse justifier d'ignorer la chose jugée, il faudrait s'assurer de la conformité de ce principe à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux (qui correspond à l'article 6 de la CEDH), car le recours devant un tribunal ne peut être considéré comme effectif si le jugement pouvait être remis en cause sans limite et le délai raisonnable disparaîtrait puisque ce serait la conséquence même de la faculté de remettre en cause la chose jugée que de s'exercer sans délai, question sur laquelle la cour de justice ne s'est pas prononcée.
Elle conclut en précisant, que la première question soit ou non transmise, la seconde question ne peut être résolue que par le droit européen, seul compétent pour dire si, lorsque l'avantage perdu n'est pas financé sur fonds publics et ne peut de ce fait être une aide d'Etat, le TFUE prohibe ou non la réparation de sa perte.
La société Enedis réplique que ces questions relèvent de l'appréciation du juge national, soit ici la cour d'appel de Versailles.

Elle soutient :
- que la première des questions dont la transmission est demandée a déjà été posée dans l'affaire Ombrière le Bosc et réitérée dans la présente affaire à la CJUE qui a dit qu'il incombait aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de l'illégalité d'une aide d'Etat, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure, qu'il appartient dès lors à la Cour d'appel de Versailles de se prononcer sur le caractère réparable ou non du préjudice invoqué par la société Green Yellow Hyeres Sup consistant en la perte d'une chance d'avoir pu bénéficier d'une aide d'Etat non notifiée,
- que la deuxième question a déjà été tranchée par la Cour de cassation, qui dans un arrêt du 19 février 2013 rendu en matière d'avantage fiscal déclaré illicite, a donné son plein effet au droit communautaire et considéré que le préjudice invoqué n'avait pas un caractère réparable, qu'en outre dans un arrêt Transalpine, la CJUE a déjà jugé que les juridictions nationales ne devaient adopter aucune mesure qui aurait pour seul effet d'étendre le cercle des bénéficiaires de l'aide,
- que quant aux troisième et quatrième questions, les deux postulats de la société Green Yellow selon laquelle refuser de reconnaître au préjudice un caractère réparable reviendrait à méconnaître l'autorité de chose jugée et autoriser sans limite de temps la remise en cause de la chose jugée serait disproportionné et contraire à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont erronés ; que la cour de Versailles a répondu en partie à ces questions dans son arrêt du 8 novembre 2016 et que la contestation s'inscrit dans le cadre d'un procès en cours qui prendra fin après l'audience de plaidoirie sur le fond et qui est donc bien enfermé dans le temps.
La société AXA Corporate solutions soutient que le préjudice allégué par la société Green Yellow Hyeres Sup consistant en la perte de chance d'avoir bénéficié de l'arrêté du 10 juillet 2006, soit d'une aide d'Etat illégale, est non réparable et que le principe d'effectivité du droit de l'Union s'oppose en tout état de cause à ce que la règle de l'autorité de chose jugée fasse obstacle à l'application du droit de l'Union comme rappelé dans l'affaire Klausner Holz Niedersachsen Gmbh.
S'agissant des questions 1 et 2 que la société Green Yellow Hyeres Sup souhaite voir transmettre à la CJUE, elle souligne que celles-ci constituent un ajout à la demande de question préjudicielle déjà formulée par la société Green Yellow à titre subsidiaire dans ses conclusions au fond et ne justifient pas une saisine de la CJUE dès lors qu'il est évident qu'en l'espèce l'illégalité invoquée a la particularité de reposer sur une violation du droit communautaire, dont le principe d'effectivité est en cause.
S'agissant des questions 3 et 4, qui constituent également une reprise de la question formulée dans les conclusions au fond de la société Green Yellow Hyeres Sup, elle reconnaît que celles-ci n'ont jamais été tranchées par une juridiction française tout en considérant que la saisine de la CJUE n'est pas pour autant nécessaire. Elle fait valoir qu'il découle de l'arrêt Klausner Holz que l'autorité de la chose jugée doit être mise à l'écart au constat de la méconnaissance du droit communautaire, en l'espèce, le fait qu'un mécanisme d'aide d'Etat ait été édicté en méconnaissance des exigences de notification préalable à la Commission européenne découlant de l'article 108§3 du TFUE, l'absence de rôle de la Commission dans un contentieux qui n'implique pas le dispensateur de l'aide étant à cet égard sans aucune pertinence. Elle ajoute qu'elle ne voit pas en quoi la mise à l'écart exceptionnelle de l'autorité de chose jugée pour faire respecter le droit de l'Union serait de nature à violer le principe d'un droit au recours effectif à un tribunal.

Prévu aux articles 19, paragraphe 3, sous b), du traité sur l'Union européenne (TUE) et 267 du TFUE, le renvoi préjudiciel est un mécanisme fondamental du droit de l'Union européenne qui vise à garantir l'interprétation et l'application uniformes de ce droit au sein de l'Union, par la possibilité offerte aux juridictions des États membres de saisir la CJUE de questions portant sur l'interprétation du droit de l'Union ou la validité d'actes adoptés par les institutions, organes ou organismes de l'Union. S'agissant d'une possibilité c'est à la juridiction nationale saisie d'un litige qu'il appartient d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une demande de décision préjudicielle pour être en mesure de rendre sa décision que la pertinence des questions qu'elle pose à la Cour.
En l'espèce, les questions que la société Green Yellow souhaiterait voir poser à la CJUE sont soulevées dans le cadre d'une affaire pendante devant la présente cour dont les décisions sont susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne en sorte que cette juridiction, qu'elle statue sur recours de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ou au fond, n'est pas tenue de saisir la Cour d'une demande de question préjudicielle.
Les deux premières sont relatives aux conséquences à tirer de l'absence de notification d'une aide d'Etat sur le caractère réparable du préjudice allégué par celui qui a perdu une chance de la percevoir et ce notamment lorsque la réparation du préjudice est demandée à un tiers qui n'est pas le dispensateur de l'aide et qu'elle ne se traduira pas par le versement de fonds publics.
En raison des décisions rendues par la CJUE les 19 décembre 2013 et 15 mars 2017 dans les affaires Association Vent de colère! et Ombrière le Bosc, la cour de cassation le 19 février 2013 dans l'affaire Epta Rack, le Conseil d'Etat les 15 mai 2012 et 28 mai 2014 dans l'affaire Association Vent de colère!, ces questions ne peuvent être considérées comme concernant une interprétation nouvelle présentant un intérêt général pour l'application uniforme du droit de l'Union.
Les deux dernières questions posent la question de la portée du principe de l'autorité de chose jugée d'une décision accordant une indemnisation en méconnaissance des obligations nées du droit de l'Union et ce au regard du principe de sécurité juridique découlant de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux.
Les parties s'accordent pour reconnaître que la cour de cassation et la CJUE ne les ont pas déjà tranchées, qu'il convient de faire application du droit de l'Union à l'affaire en cours et que le principe d'effectivité du droit communautaire est en cause.
Cependant et sans entrer dans l'examen de l'affaire qui relève de la compétence de la cour statuant au fond, les arrêts rendus par la CJUE, notamment les 16 mars 2006, le 3 septembre 2009 et 11 novembre 2015 dans les affaires Kapferer, Fallimento Olimpiclub Srl et Klausner Holz, doivent permettre à celle-ci, tenue d'appliquer le droit de l'Union au besoin en l'interprétant, d'en tirer les conséquences concrètes et de trancher le litige qui lui est soumis en laissant le cas échéant inappliquée la règle nationale jugée incompatible avec le droit de l'Union et ce sans avoir besoin au préalable de saisir la CJUE des questions préjudicielles litigieuses.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance déférée ;
Laisse les dépens de l'incident à la charge de la société Green Yellow Hyeres Sup.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie K..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 17/04763
Date de la décision : 10/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-10;17.04763 ?
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