COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
SM
Code nac : 56B
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 AVRIL 2018
N° RG 16/05291
AFFAIRE :
SASU CEPL ERAGNY
C/
SAS L'ANNEAU
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Juillet 2016 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 11
N° Section :
N° RG : 2014F00880
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Mélina PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SASU CEPL ERAGNY
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 16290
Représentant : Me Yves MORAINE, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
APPELANTE
****************
SAS L'ANNEAU
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 23447
Représentant : Me Pearl GOURDON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0309
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie MESLIN, Président,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
Vu l'appel déclaré le 12 juillet 2016 par la société par actions simplifiée CEPL Eragny (société CEPL), contre le jugement prononcé le 1er juillet 2016 par le tribunal de commerce de Pontoise dans l'affaire qui l'oppose à la société à responsabilité limitée L'Anneau devenue la société par actions simplifiée L'Anneau (société L'Anneau) ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :
- 23 décembre 2016 par la société CEPL, appelante à titre principal et intimée sur apple incident,
- 11 septembre 2017 par la société L'Anneau, intimée à titre principal et appelante à titre incident ;
Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.
SUR CE,
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.
1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige
La société CEPL est une filiale du groupe ID Logistics exerçant son activité dans les domaines de la logistique et du transport au niveau mondial et disposant pour ce faire, d'infrastructures nécessitant la mise en oeuvre de mesures assurant la sécurité des lieux. La société L'Anneau a de son côté pour activité principale, la sécurité des biens et des personnes, la surveillance ainsi que le gardiennage.
Ces sociétés ont le 1er avril 2009, conclu entre elles un contrat de gardiennage pour le site d'[Localité 1] prévoyant la mise à disposition d'agents de sécurité et de chefs de poste pour 24 mois à compter du 1er avril 2009, renouvelable par tacite reconduction dans les mêmes conditions sauf, désaccord des parties intervenant six mois avant l'échéance contractuelle.
Un avenant a été convenu entre les parties le 4 juillet 2012 précisant en préambule que ' les parties se sont rencontrées le 2 juillet 2012 afin d'asseoir les répercussions des augmentations conventionnelles sur la facturation sur les prochaines années à savoir les années 2012 ' 2013 ' 2014 et jusqu'au 31 mars 2015"
Le 18 juin 2014, la société CEPL a par lettre recommandée, notifié à la société L'Anneau la résiliation à effet immédiat de ce contrat.
La société L'Anneau a vainement sollicité par l'intermédiaire de nombreuses relances, le paiement d'une facture du 30 juin 2014 portant sur 49 586, 23€.
Selon acte d'huissier du 4 novembre 2014, la société L'Anneau a donc assigné la société CEPL devant le tribunal de commerce de Pontoise en constatation de rupture abusive du contrat litigieux et paiement des sommes qu'elle estime lui être dues.
Dans le dernier état de ses demandes oralement soutenues à l'audience du 16 mai 2016, la société L'Anneau a ainsi demandé aux premiers juges de :
- vu les [anciens] articles 1134 et suivants du code civil,
- vu le contrat de prestation de services en date du 1er avril 2009 et l'avenant au contrat en date du 4 juillet 2012;
- recevoir la société L'Anneau en ses demandes et la déclarer bien fondée ;
- constater la rupture abusive du contrat de prestation de service en date du 1er avril 2009 par la société CEPL Eragny ;
- dire et juger que la société CEPL Eragny reste devoir la somme de 49 586,23€ TTC au titre de la facture n° 20l4/06/3951 en date du 30 juin 2014 pour les prestations réalisées en juin 2014 ;
- dire et juger que la société CEPL Eragny reste devoir la somme de 462 326,55€ TTC au titre des prestations pour les mois de juin à décembre 2014 ainsi que janvier à mars 2015;
- en conséquence ;
- condamner la société CEPL Eragny au paiement de la somme de 49 536,23€ TTC au titre de la facture numéro 2014/06/3951 en date du 30 juin de 2014 pour les prestations réalisées en juin 2004 ;
- condamner la société CEPL Eragny au paiement de la somme de 462 326,55€ TTC au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle du contrat liant les parties ;
- condamner la société CEPL Eragny au paiement de la somme de 100 000€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice social ainsi que la rupture abusive du contrat;
- condamner la société CEPL Eragny au paiement de la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société CEPL a soulevé une exception d'incompétence territoriale au profit du tribunal de commerce de Nanterre et par ailleurs, conclu au débouté de la demande de son adversaire en se prévalant, d'un cas de faute grave ayant justifié la résiliation unilatérale du contrat.
Par jugement contradictoire du 1er juillet 2016, le tribunal de commerce de Pontoise a tranché le litige par le dispositif suivant :
- vu l'article 75 du code de procédure civile,
- vu les articles 1134 et suivants du code civil,
- vu l'article 1382 du code civil,
- vu les articles 42 et 43 du code de procédure civile,
- dit la société CEPL Eragny recevable mais infondée en son exception d'incompétence, rejette cette exception ;
- en conséquence, se déclare compétent ;
- dit la société L'Anneau fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL Eragny à lui payer la somme de 49 586, 23€ au titre de la facture n°2014l06/3951 en date du 30 juin 2014 pour les prestations réalisées en juin 2014 ;
- dit la société L'Anneau fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL Eragny à lui payer la somme de 462 326, 55€ au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle du contrat liant les parties ;
- dit la société L'Anneau infondée en sa demande de dommages-intérêts, l'en déboute;
- dit la société CEPL Eragny fondée en sa demande de paiement de la somme de 84 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- ordonne la compensation entre les créances des parties ;
- condamne, après compensation, la société CEPL Eragny à payer à la société L'Anneau la somme de 427 912,78€ ;
- condamne la société CEPL Eragny à payer à la société L'Anneau la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société CEPL Eragny aux dépens de l'instance, liquidés à la somme de 81,12€ ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution, s'il y a lieu ;
- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire du présent jugement, rejette ce chef de demande.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont pour l'essentiel, retenu que : 1) sur l'exception d'incompétence soulevée par la société CEPL, - cette exception était soulevée sur le fondement de l'article 24.2 du contrat du 1er avril 2009 stipulant que 'les parties font attribution expresse de juridiction au tribunal de commerce des Hauts de Seine' ; - selon la jurisprudence, celui dans l'intérêt exclusif duquel la clause a été stipulée, a la faculté d'y renoncer ; - le siège social de la société CEPL est situé sur le ressort du tribunal de commerce de Pontoise ; - la clause attributive de compétence ayant été rédigée dans l'intérêt exclusif de la société L'Anneau, celle-ci avait dès lors la faculté d'y renoncer et d'assigner la défenderesse devant cette dernière juridiction dans le ressort duquel se trouve le siège social de celle-ci ; 2) Sur la rupture) abusive du contrat par la société CEPL, au regard de l'ancien article 1134 du code civil, de l'article 16 du contrat du 1er avril 2009, de la jurisprudence établissant que les manquements graves d'une partie à ses obligations contractuelles justifient la rupture immédiate de relations commerciales et enfin, de l'avenant du 4 juillet 2012, la société CEPL ne peut soutenir que le contrat s'analyse finalement en un contrat à durée indéterminée à la fin de la première période de deux ans et qu'il est donc résiliable à tout moment;
- un différend physique ayant opposé les parties, ne saurait être considéré comme une cause grave de résiliation du contrat justifiant la résiliation unilatérale et immédiate de celui-ci par la société CEPL, nonobstant les conditions contractuelles de résiliation puisque les prestations de service de la société L'Anneau n'ont jamais été remises en cause ou critiquées ; - il y a donc bien rupture abusive du contrat, devant produire ses effets jusqu'au 31 mars 2015 ; - la société L'Anneau qui justifie ainsi d'une créance certaine de 462 326,55€ est fondée à en réclamer le paiement ; 3) Sur la facture du 30 juin 2014, il ressort des pièces versées aux débats que les salariés de la société L'Anneau étaient présents sur le site du 1er au 30 juin 2014, nonobstant la présence d'une société remplaçante ; - selon l'article 23.2 du contrat litigieux, l'exercice de la faculté de résiliation ne dispense pas la partie défaillante, de remplir les obligations contractées jusqu'à la date de prise d'effet de la résiliation ; - la société L'Anneau a donc à juste titre, facturé la totalité du mois de juin 2014 à la société CEPL ; - elle est fondée, à en demander le paiement à hauteur de 49 586, 23 € ; 4) Sur les dommages-intérêts, la société L'Anneau n'apporte pas la preuve d'un préjudice lié à un comportement déloyal, au non-respect de l'obligation d'exclusivité ou à l'atteinte à son image ; 5) Sur la demande reconventionnelle de la société CEPL au titre du préjudice lié à l'agression physique et à la rupture immédiate du contrat qu'elle a dû notifier, - l'agression du dirigeant de la société L'Anneau n'est pas contestée et à ce titre, la société CEPL apparaît donc fondée à en demander réparation sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil.
La société CEPL a déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 décembre 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 février 2018 tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date les débats ont été ouverts et l'affaire, mise en délibéré.
2. dispositifs des conclusions des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
La société CEPL prie la Cour de :
- vu les pièces communiquées,
- vu les articles 1193, 1224 et 1231-1, du code civil,
- vu l'article 442-6 du Code de Commerce,
- recevoir la société CEPL Eragny en son appel et le dire bien fondé,
- dire et juger que la société L'Anneau Sécurité s'est rendue coupable d'un comportement gravement fautif qui autorisait en conséquence la société CEPL Eragny à procéder à la résiliation sans préavis du contrat à durée déterminée qui liait les parties,
- en conséquence,
- réformer le jugement dont appel et débouter la société L'Anneau Sécurité des demandes
indemnitaires qu'elle forme en conséquence de la prétendue résiliation injustifiée,
- rejeter également l'appel incident formé par la société l' Anneau Sécurité tendant à obtenir une indemnisation complémentaire à hauteur de 100 000€,
A titre infiniment subsidiaire sur ce point, et si par extraordinaire la cour devait juger que la résiliation sans préavis était injustifiée,
- limiter au gain manqué par la société L'Anneau Sécurité sur un mois d'exercice du contrat liant les parties l'indemnisation du préjudice sollicité,
- dire et juger par ailleurs qu'au titre de l'exécution du contrat la société CEPL Eragny ne reste débitrice envers la société L'Anneau Sécurité que d'une somme limitée à 26 967,76€ TTC relativement aux prestations réalisées par la société L'Anneau Sécurité en juin 2014,
- confirmer le jugement dont appel, mais au visa de l'article 1231-1 du code civil, en ce qu'il a condamné la société L'Anneau Sécurité à payer à la société CEPL Eragny une indemnité de 84 000€ en réparation du préjudice subi par la société CEPL Eragny en conséquence de l'attitude gravement fautive de la société L'Anneau Sécurité,
- rejeter l'appel incident formé de ce chef par la société L'Anneau Sécurité,
- confirmer en tant que de besoin le principe de la compensation,
- condamner la société L'Anneau Sécurité à payer à la société CEPL Eragny une indemnité de 12 000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société L'Anneau Sécurité au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société L'Anneau demande à la Cour de :
- vu les articles 1134 ancien et suivants du code civil;
- vu le contrat de prestation de services en date du 1er avril 2009 et l'avenant au contrat en date du 4 juillet 2012 ;
- déclarer mal fondée la SASU CEPL Eragny en son appel, l'en débouter,
- confirmer le jugement rendu le 1er juillet 2016 par le Tribunal de commerce de Pontoise en ce qu'il a :
- dit la société L'Anneau fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL Eragny à lui payer la somme de 49.586, 23€ au titre de la facture n°2014/06/3951 en date du 30 juin 2014 pour les prestations réalisées en juin 2014 ;
- dit la société L'Anneau fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL Eragny à lui payer la somme 462 326, 55€ au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle du contrat liant les parties ;
- Statuant de nouveau et y ajoutant,
- constater la rupture abusive du contrat de prestation de service en date du 1er avril 2009 par la société CEPL Eragny ;
- débouter, en conséquence, la société CEPL Eragny de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société CEPL Eragny au paiement de la somme de 100 000€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice social ainsi que la rupture abusive du contrat ;
- condamner la société CEPL Eragny au paiement de la somme de 8 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Pedroletti conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.
CELA ETANT EXPOSE
1.Il doit pour l'essentiel être statué, sur le bien fondé d'une demande de dommages-intérêts pour rupture unilatérale prétendument abusive d'un contrat de prestations de services ainsi que, sur le mérite de la demande en paiement d'un solde de facture de prestations assurées au-delà de cette rupture.
2.La Cour constate au préalable, que le contrat litigieux ayant été conclu et ayant pris fin antérieurement au 1er octobre 2016, les dispositions légales applicables au cas d'espèce sont bien les articles 1134 et suivants dans leur rédaction antérieure à cette date auxquels se réfèrent la société L'Anneau et non pas, les articles 1224 et 1231-1 du code civil dans leur version actuellement en vigueur ainsi qu'allégué par la société CEPL.
Sur l'imputabilité de la rupture du contrat de gardiennage litigieux
3.La société CEPL expose que : - l'inexécution grave de ses obligations par une partie à un contrat, justifie selon une jurisprudence bien établie, une libération immédiate s'il y a urgence quand bien même les parties auraient exclu cette solution, aux risques et périls de la partie se prévalant de cette résiliation ; - une clause résolutoire prévoyant une résiliation pour un motif autre que grave, ne fait nullement disparaître cette possibilité générale pour chaque partie, de rompre immédiatement le contrat sans préavis pour faute grave ; - les premiers juges ont à tort extrait de la relation contractuelle, le comportement du responsable de la société L'Anneau ayant fait preuve de violences alors que, le manquement d'un des salariés de cette société dans le cadre de la relation contractuelle correspond bien à un manquement de la société elle-même ; - il est ainsi constant que le dirigeant de la société L'Anneau a frappé à deux reprises, menacé, et insulté devant témoins le directeur de la société CEPL ; - ce comportement est de manière incontestable, un manquement grave de nature à justifier la résiliation sans préavis du contrat ; - contrairement à ce qui est allégué par la partie adverse, la société CEPL n'a jamais initialement envisagé de rompre immédiatement le contrat mais seulement de rompre à l'échéance de celui-ci; - quoi qu'il en soit, à supposer même que le représentant de la société CEPL ait eu un comportement outrancier et menaçant, le comportement de son adversaire ne saurait en rien être justifié dès lors que la violence physique n'est pas un mode légal de résolution de conflit ; - les violences physiques commises caractérisent donc une faute grave justificative d'une décision de rupture unilatérale immédiate du contrat.
4.La société L'Anneau plaide la mauvaise foi de son adversaire ayant convoqué son représentant, sans précisier l'objet de cette rencontre et qui, lors du rendez-vous, lui a fait part de sa décision de rompre, unilatéralement et brutalement, les relations contractuelles nouées entre elles sans raisons ; - la perte de sang froid de son représentant a été provoquée par les nombreuses menaces, insultes, moqueries proférées par le nouveau directeur de la filiale CEPL contre les salariés de la société L'Anneau et contre le directeur commercial de cette même société ; - la résiliation du contrat de gardiennage litigieux contrevient par ailleurs directement aux obligations découlant du code du travail et de la convention collective quant à la reprise du personnel en cas de transfert de marché de sorte que certains salariés se sont retrouvés sans travail du fait de cette transgression ; -le procès-verbal d'audition du 19 juin 2014 du représentant de la société CEPL démontre que celle-ci avait décidé de mettre un terme au contrat sans respecter les conditions contractuelles de résiliation avant de la convoquer ; - le comportement outrancier et menaçant de son représentant a provoqué la perte de sang froid de son directeur commercial ; - le fait que dès le lendemain de la rupture du contrat, une autre société de sécurité soit intervenue pour la remplacer est une preuve supplémentaire que la décision de résilier le contrat litigieux était ancienne et quoi qu'il en soit, antérieure à leur entrevue ; - la société CEPL ne conteste pas l'audit réalisé par elle en 2013 sur son site.
5.Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er
octobre 2016 ;
6.Il est de principe établi qu'une partie peut mettre fin unilatéralement à un contrat à durée déterminée, même en l'absence de clause résolutoire, en cas de manquement grave imputable à son cocontractant.
7.Les éléments documentaires portés aux débats par la société CPEL démontrent, que la rupture du contrat litigieux est intervenue brutalement à l'issue d'un échange verbal conflictuel ayant opposé les représentants des deux sociétés en présence dont l'un, convoqué à l'entrevue sollicitée par son partenaire pour s'entretenir des modalités de fin du contrat de gardiennage litigieux, a perdu son sang froid au point de porter à deux reprises la main (paires de gifles.) sur son interlocuteur.
8.Selon les mêmes éléments, l'incident s'est déroulé devant des témoins, membres de la société CEPL, et a donné lieu à l'intervention des services de police appelés par l'assistante du site ainsi qu'au dépôt d'une plainte auprès de ces derniers - voir cote 1 du dossier de la société CEPL.
9.La société L'Anneau qui admet la perte de sang froid dont son directeur commercial a fait preuve, considère que ce dernier a cependant à tout le moins été pris par surprise, puisque l'objet et la raison de l'entrevue sollicitée par la partie adverse qui avait été victime quelque temps auparavant d'un vol important ne lui avait pas été communiqué, et quoi qu'il en soit, a été provoqué par les insultes exprimées envers les salariés de la société L'Anneau et des menaces proférées par la victime.
10.Plusieurs indices factuels tendent à établir que, contrairement à ses affirmations, la société CEPL avait l'intention de rompre au plus vite le contrat de gardiennage en cours.
11.La main courante établie le 18 juin 2014 par les salariés de la société L'Anneau présents sur le site ce jour là, mentionnent ainsi, l'arrivée des services de police et les propos du directeur du site de la société CEPL indiquant qu'une autre société de gardiennage interviendrait dès le lendemain. Le remplacement quasi immédiat de la société L'Anneau par un autre prestataire de gardiennage sur la base d'un contrat qui n'a jamais été présenté comme ayant été défini dans l'urgence laisse déjà supposer, que la société CEPL avait, avant même l'entrevue de son représentant avec le directeur commercial de la société L'Anneau, déjà pris la décision de rompre et ainsi, préparé le cadre juridique d'un autre contrat de prestation de services avec une société tierce.
12.La plainte de la victime et le témoignage de son subordonné corroborent cette première analyse. La victime précise en effet elle-même lors du dépôt de sa plainte le 19 juin 2014 : 'Notre société a été victime il y a quelque temps d'un gros vol (environ 5 millions d'euros), je vous le précise, car cela aura un impact immédiat plus tard. Ainsi, je souhaitais à la base renégocier notre contrat avec la société de M. [X] car nous avions un contrat de trois ans avec lui. Je l'ai ainsi convoqué dans mon bureau (...), mon responsable technique était présent lors d le'entretien (...) Lors de la discussion Mr [X] savait en partie la cause de son entretien et avait l'air tendu à son arrivée. Il m'a donc présenté plusieurs arguments pour que nous travaillions encore ensemble dont un qui me faisait chanter suite au braquage En présentant des documents de sécurité auprès de notre assureurs au vu des jurisprudences nous perdrions 1 million d'euros s'ils les diffusaient' tandis que le directeur technique ayant assisté à l'entretien controversé (M. [V] [T]) atteste de son côté personnellement 'Le rendez-vous avait pour objet les modalités de rupture du contrat de prestations qui nous liait à L'Anneau' - cotes 2et 9 du dossier de la société CEPL [surligné par la Cour].
13.Ces premiers éléments ajoutés au fait, qu'aucun grief n'apparaît jamais avoir été porté sur la qualité des prestations de la société L'Anneau, que par ailleurs la société CEPL affirme, sans le démontrer, que le directeur commercial de la société adverse avait été informé de l'objet de l'entretien du 18 juin 2014, que la société L'Anneau justifie avoir dès le 24 juin suivant, contesté la décision de rupture immédiate pour faute grave qui lui avait été notifiée au mépris des stipulations du contrat - voir cote 6 et présente encore la copie d'une lettre adressée le 20 juin 2014 par la société mère de la société CEPL concluant : 'Nous n'entendons pas épiloguer à nouveau sur les faits qui se sont produits le 18 juin 2014 dans nos locaux d'[Localité 1] entre Messieurs [U] et [X] car nous n'avons et n'auront jamais la même interprétation des faits' - voir cote 7 ce qui est admettre implicitement que la thèse de la société L'Anneau pourrait être plausible, sont ensemble, de nature à établir qu'aucune faute grave imputable à la société L'Anneau ne peut fonder une résiliation unilatérale et immédiate du contrat de gardiennage dont l'exécution lui avait été confiée.
14.Si la société ID Logistics ajoute certes dans sa lettre du 20 juin 2014 : 'Toutefois, votre directeur commercial n'avait pas à perdre son sang froid et à gifler Monsieur [U] à deux reprises. Ces faits sont inacceptables du directeur commercial d'une société de gardiennage qui se doit de se contenir vis à vis de son client.', ce comportement regrettable est admis par la société L'Anneau qui en fournit l'explication.
15.La confrontation de l'ensemble de ces circonstances tend finalement à établir l'existence de torts partagés, justifiant sauf à permettre à la société CEPL d'un comportement qui n'est pas exempt de toute reproche pour les raisons sus énoncées, la fin des relations contractuelles moyennant, en l'état du contrat alors applicable, le respect d'un délai de préavis de 6 mois avant l'échéance en cours fixée au 31 mars 2015.
Sur les conséquences de la rupture du contrat litigieux
En ce qui concerne le bien fondé de la facture du 30 juin 2014
16.La société L'Anneau est fondée à obtenir le paiement des prestations de sécurité qu'elle justifie avoir, nonobstant la présence d'une autre société de gardiennage réalisées tout au long du mois de juin 2014 et partant, selon la facture n° 2014/06/3951 présentée aux débats, la somme de 49 586, 23 € toutes taxes comprises.
En ce qui concerne le bien fondé de la demande d'indemnisation de la société L'Anneau au titre du gain manqué
17.Cette société s'estime en droit de réclamer l'indemnisation du gain manqué, corrélatif à la rupture abusive de son contrat, évaluant celui-ci à 462 326, 55€ toutes taxes comprises.
18.La société CEPL objecte qu'à supposer qu'elle ait été dans l'incapacité juridique de procéder à une rupture sans préavis, elle aurait néanmoins pu se prévaloir des stipulations de l'article 23 de la convention autorisant une résiliation de plein droit du contrat en cas d'inexécution par l'une des parties, d'une ou plusieurs de ses obligations ; - les insultes et violences physiques commises par la partie adverse, constituent précisément un manquement aux obligations contractuelles et même au delà, un manquement à la bonne foi exigée par l'ancien article 1134 alinéa 3 du code civil ; - ce manquement qui une fois commis était irréversible et ne pouvait être réparé, lui aurait donc permis de fonder sa demande sur l'article précité limitant le délai de préavis à un mois.
19.Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédation antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l'article 26 précité du contrat dont il ressort que la résiliation du contrat 'ne devient effective qu'un mois après l'envoi par la partie plaignante d'une lettre recommandée avec accusé réception exposant les motifs de la plainte, à moins que dans le délai la partie défaillante n'ait satisfait à ses obligations ou n'ait apporté la preuve d'un empêchement consécutif en cas de force majeure'
20.Au vu de ce qui précède la Cour a retenu que la rupture des relations contractuelles devait être imputée aux torts de chacune des parties et que le comportement outrancier de la société L'Anneau répondait en réalité à une certaine violence, non physique mais sous forme d'une contrainte morale, dont la société CEPL a été l'auteur.
21.Faute pour la société CEPL d'établir, et même d'alléguer, quelques circonstances ou raisons précises et objectives, permettant de considérer qu'une rupture conventionnelle anticipée du contrat litigieux aurait pu alors, au-delà du différend qui les a opposées, être négociée dans des conditions normales sur des bases différentes, la Cour fera droit à ce chef de réclamation sur la base des éléments de calculs présentés par la société L'Anneau, non réellement contredits par la société CEPL. Cette dernière se borne en effet, à relever au mépris de la réalité, que son adversaire ne fournit aucun élément sur ce que pourrait représenter son gain manqué.
22.Le jugement entrepris sera donc de ce chef confirmé.
En ce qui concerne le mérite de la demande de dommages-intérêts pour non-respect des modalités de reprise de personnel en cas de transfert de marché
23.La société L'Anneau explique que : - la résiliation du contrat de gardiennage à laquelle son adversaire a procédé, contrevient directement aux obligations découlant du code du travail et de la convention collective ayant trait à la reprise du personnel en cas de transfert de marché et notamment, à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ; - sur 15 salariés présents sur le site, seuls deux ont ainsi été repris par la société entrante au mépris des dispositions légales ; - elle s'est donc trouvée dans l'obligation de régler aux salariés non repris leurs salaires et de les reclasser ; - il n'est pas aisé de reclasser dans l'urgence 13 salariés en même temps, notamment dans le contexte économique actuel et a ainsi dû verser le salaire de plusieurs salariés qui sont restés chez eux ; - cette situation a par ailleurs porté atteinte à son image dans l'esprit de ses salariés, ce qui est d'autant plus inadmissible que comportement de la société CEPL a fait suite au braquage du site d'[Localité 1] dont certains salariés ont été victimes et dont quelques uns resteront même de manière définitive, inaptes au travail alors que ce braquage n'aurait jamais eu lieu si la société CEPL avait engagé les travaux de modernisation et de sécurisation nécessaires à la protection des salariés de la société L'Anneau et du site, préconisés par l'audit qu'elle avait fait réaliser en 2013 ; - le résultat de cet audit explique d'ailleurs à l'évidence, le comportement de la société CEPL ; - cette société a en effet craint, qu'il soit porté à la connaissance de ses assureurs ; - une des raisons de l'énervement de son directeur commercial est précisément la dissimulation à l'assureur par la société CEPL de cet audit dont elle ne conteste pas les résultats et le fait que la société CEPL ait préféré imputer la faute du braquage à ses salariés, en les dénigrant ; - ces circonstances justifient l'attribution de dommages-intérêts à hauteur de 100 000€ et ce d'autant plus que la société CEPL a enfreint l'obligation d'exclusivité dont elle bénéficiait en ayant fait immédiatement appel à la société Distri Sécurité.
24.La société CEPL répond que : - elle n'est aucunement liée à l'accord du 5 mars 2002, applicables aux entreprises de prévention à laquelle son adversaire fait référence; - le problème soulevé relève en réalité des relations entre entreprise sortante et entreprise entrante sans responsabilité aucune d'elle-même, étant en effet cliente de l'une et de l'autre.
25. En l'absence de lien direct établi entre la faute imputable à la société CEPL et le préjudice allégué, la société L'Anneau n'apparaît pas pouvoir être déclarée fondée en ce chef de réclamation. Les obligations prétendument enfreintes pesaient en effet non pas directement sur elle mais sur la société ayant succédé à la société L'Anneau. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que la société CEPL ait de manière directe, contribué à la réalisation de ce chef de préjudice.
26.La société CEPL ne justifie quoi qu'il en soit nullement, d'un préjudice lié à la violation de l'obligation d'exclusivité corrélatif à la rupture immédiate du contrat litigieux, distinct de celui déjà réparé par l'attribution de dommages-intérêts pour rupture abusive.
En ce qui concerne le préjudice prétendument subi par le directeur de la société CEPL
27.La Cour n'ayant pas retenu l'existence d'une faute grave de la société L'Anneau justifiant la résiliation unilatérale et immédiate du contrat litigieux, il y a lieu de débouter la société CEPL de sa demande subséquente tendant à obtenir l'indemnisation, du traumatisme moral subi par son directeur et son adjoint dans le cadre de leur travail, de l'émotion causée sur le site par l'incident suivi d'une intervention des services de police et encore, des conséquences en termes d'exploitation, de l'obligation de mettre immédiatement en place un nouveau prestataire sécurité.
Sur les autres demandes
28.Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;
29.La société CEPL, principale partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Mélina Pedroletti, avocat.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a dit la société par actions simplifiée CEPL Eragny fondée en sa demande en paiement de quatre vingt quatre mille euros (84 000€.) à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi et en ce qu'il a, subséquemment ordonné la compensation des créances réciproques entre les parties.
Statuant de nouveau du seul chef des dispositions réformées.
DÉBOUTE la société par actions simplifiée CEPL Eragny de sa demande de dommages-intérêts lié à l'agression physique de son dirigeant.
CONDAMNE la société par actions simplifiée CEPL Eragny aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société par actions simplifiée CEPL Eragny à payer à la société par actions simplifiée L'Anneau cinq mille euros (5 000€.) à titre de frais irrépétibles d'appel.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier f.f., Le président,