La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2018 | FRANCE | N°16/07669

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 29 mars 2018, 16/07669


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 36E



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2018



N° RG 16/07669



AFFAIRE :



SARL PLJN DEVELOPPEMENT

...



C/

[U] [E]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Octobre 2016 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° Chambre : 2

N° Section :

N° RG : 2015004500



Expéditions exÃ

©cutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle GUERIN





Me Valérie DORDOIGNE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 36E

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2018

N° RG 16/07669

AFFAIRE :

SARL PLJN DEVELOPPEMENT

...

C/

[U] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Octobre 2016 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° Chambre : 2

N° Section :

N° RG : 2015004500

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle GUERIN

Me Valérie DORDOIGNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL PLJN DEVELOPPEMENT

N° SIRET : 539 26 6 6 688

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Isabelle GUERIN de la SELARL GUERIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053 - N° du dossier 206692

SAS SUBDECO

N° SIRET : 352 68 6 6 388

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Isabelle GUERIN de la SELARL GUERIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053 - N° du dossier 206692

APPELANTES

****************

Madame [U] [E]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Valérie DORDOIGNE de la SELARL CABINET JURIDIQUE CHARTRAIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000015 - N° du dossier 206692 - substituée par Me BARTEAU

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu l'appel déclaré le 25 octobre 2016 par la société à responsabilité limitée PLJN Développement (société PLJN.) ainsi que par la société par actions simplifiée Sub Déco (société Sub Déco.), contre le jugement prononcé le 5 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Chartres dans l'affaire qui les oppose à Mme [U] [I] épouse [E] (Mme [U] [E].) ;

Vu le jugement entrepris ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 19 avril 2017 par les sociétés PLJN et Sub Déco, appelantes,

- 7 décembre 2017 par Mme [U] [E], intimée ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

Selon acte sous signatures privées du 4 décembre 1989, Mme [U] [E] a constitué une société sous la dénomination 'Sub Déco' ayant son siège social à [Adresse 4] et pour activité, la vente d'articles de décoration puis celle de vente de prêt-à-porter. Son siège social a été transféré à [Localité 2], [Adresse 5] où un nouveau magasin a été ouvert avant d'en créer ou d'en acquérir plusieurs autres à [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4].

Mme [U] [E], âgée de 63 ans, a courant 2012, souhaité faire valoir ses droits à la retraite et a donc confié à la société Capi-Conseil, le soin de trouver un acquéreur pour les titres de sa société.

La société Capi-Conseil lui a présenté M. [J] [K], dirigeant de la société PLJN. Une lettre d'intention valorisant les titres de la société Sub Déco à 1 550 000€ sur la base du bilan arrêté au 30 juin 2011, a été signée le 23 juillet 2012 entre M. [J] [K] agissant tant en son nom personnel que pour le compte de toute personne qu'il se substituerait et Mme [U] [E]. Cette lettre d'intention a prévu plusieurs conditions suspensives et notamment, celle de l'obtention d'un financement bancaire de 1 150 000€ par la société PLJN animée par M. [J] [K]. Elle prévoyait par ailleurs une régularisation de la vente au 30 septembre 2012, ce délai ayant à la demande du candidat cessionnaire, été successivement reporté au 31 décembre suivant puis, au 28 février 2013.

La société PLJN a rencontré des difficultés pour obtenir les financements sollicités auprès des banques. Le 22 janvier 2013, une nouvelle lettre d'intention a donc été signée entre les parties pour le prix de 1 550 000€, prévoyant un remboursement échelonné du compte courant de Mme [U] [E] sur quatre ans à compter du jour de la cession. Il était également prévu un niveau minimum de trésorerie positive de 250 000€ au jour de la cession sauf une variation de plus ou moins 5%.

Les parties ont le 28 mai 2013, signé un protocole de cession des parts sociales de la société Sub Déco reprenant les termes de leurs accords et fixant la date ultime de la réalisation de la vente au 1er juillet 2013 ainsi que le niveau de trésorerie prévisible au jour de la cession à 150 000€, + ou - 5%.

La cession en faveur de la société PLJN, des titres de la société Sub Déco transformée en société par actions simplifiée, a finalement été régularisée entre les parties le 12 juillet 2013, Mme [U] [E] ayant par ailleurs consenti une garantie d'actif et de passif à la société cessionnaire.

Les sociétés PLJN et Sub Déco ont, après deux années d'exploitation, fait assigner Mme [U] [E] devant le tribunal de commerce de Chartres en indemnisation du préjudice qu'elles estiment avoir subi en raison de prétendues manoeuvres dolosives ayant présidé à la conclusion de l'accord précité du 12 juillet 2013.

Dans le dernier état de leurs demandes oralement soutenues à la barre, les sociétés Sub Déco et PLJN ont demandé aux premiers juges de :

- vu la loi de Modernisation de l'Economie du 4 août 2008,

- vu l'article 442-6 du code de commerce,

- dire et juger établies les fautes de Mme [U] [E] et la condamner à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société PLJN Développement et la société Sub Déco du fait de ses manoeuvres dolosives,

- voir débouter Mme [U] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Par jugement contradictoire du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Chartres a tranché le litige en ces termes :

- déclare les sociétés PLJN Développement SARL et Sub Déco SAS recevables mais mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions, les en déboute,

- condamne les sociétés PLJN Développement SARL et Sub Déco SAS à payer chacune d'entre elles à Madame [U] [I] épouse [E] la somme de 3 000€ à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- laisse les entiers dépens à la charge des sociétés PLJN Développement SARL et Sub Déco SAS, lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 104,52€ TTC dont 17, 42€ de TVA en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que : - l'action exercée par les sociétés Sub Déco et PLJN répond aux conditions classiques de l'action en responsabilité délictuelle ; - son succès, est subordonné à l'établissement d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre celui-ci et celle-là ; - le tableau présentant la structure bilancielle de la société Sub Déco au titre de l'année 2011-2012, met en évidence le fait que la trésorerie de cette société était totalement dépendante des dégagements en fonds de roulement et donc, des délais de paiement obtenus auprès de ses fournisseurs ; - pour faire face à ses besoins de trésorerie, la société Sub Déco disposait à certains moments, d'une autorisation de découvert de 100 000€; - le cessionnaire ne pouvait ignorer cette situation, clairement mentionnée dans l'étude établie par la société Capi Conseil le 22 février 2012 ; - le niveau de trésorerie prévisible, devait être déterminé par un audit pratiqué par un tiers professionnel mais cet audit n'a pas été réalisé ; - les banques ont donc donné un accord de financement pour l'opération de cession de titres, sans exiger un quelconque niveau de trésorerie au jour de la cession ; - Mme [E] a les 4 et 5 juillet 2013, fourni des informations sur le niveau de trésorerie de sa société existant au 30 juin 2013 et non pas, à la date de cession du 12 juillet suivant ; - si l'information se rapportant à l'émission de 7 chèques au bénéfice du fournisseur Esprit ne pouvait donc être donnée, ces chèques ayant été émis le 9 juillet 2013, il n'en allait pas de même pour deux chèques émis les 20 et 25 mai 2013 sans que cette faute ne porte préjudice au cessionnaire, les factures étant en effet normalement comptabilisées ; - au 30 septembre 2014, la situation bilancielle et la trésorerie de la société Sub Déco, apparaissent avoir été similaires aux situations constatées d'avant la cession des titres.

Les sociétés Sub Déco et PLJN, ont déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 16 janvier 2018 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 30 janvier suivant tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date les débats ont été ouverts et l'affaire a été renvoyée à l'audience de ce jour pour plus ample délibéré.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

Les sociétés PLJN et Sub Déco, prient la Cour de :

- vu les dispositions des articles 1108, 1109, 1116 et suivants du code civil,

- vu les dispositions de l'article 1382 du code civil,

- vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

- vu la Loi de Modernisation de l'Economie du 4 août 2008,

- vu l'article 442.6 du code de commerce

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- constater que Mme [U] [E] a pris l'engagement contractuel de produire une situation de trésorerie positive de la société Sub Déco au jour de la cession égale à la somme de 150 000€ (plus ou moins 5 %).

- constater que la situation de trésorerie réelle de la société Sub Déco ne répondait pas à la condition contractuellement prévue.

- vu la situation de trésorerie effective, négative à hauteur de 161 981, 86€,

- dire et juger que le consentement de M. [K] ès-qualités, président de la société PLJN Développement, au contrat de cession d'actions du 12 juillet 2013 a été vicié par les man'uvres dolosives de Mme [U] [E].

En conséquence,

- voir déclarer recevables et bien fondées la société PLJN Développement et la société Sub Déco en leurs demandes.

- dire et juger établies les fautes de Mme [U] [E] et la condamner à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société PLJN Développement et la société Sub Déco du fait de ses man'uvres dolosives.

- voir condamner Mme [U] [E] à payer :

- à la société PLJN Développement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, la somme de 161 981, 86€ en principal et ce avec intérêts de droit capitalisés à compter de la délivrance de la présente assignation jusqu'au parfait paiement.

- à la société Sub Déco, la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts, avec

intérêts de droit capitalisés à compter de la délivrance de la présente assignation jusqu'au parfait paiement.

- voir condamner Mme [U] [E] à payer à chacune des sociétés PLJN Développement et Sub Déco la somme de 6 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- voir débouter Mme [U] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- voir condamner Mme [U] [E] aux entiers dépens.

Mme [U] [E] demande à la Cour de :

- vu les anciens articles 1109, 1116, 1134 et 1382 du code civil,

A titre principal :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 5 octobre 2016 ;

A titre subsidiaire :

- débouter la société PLJN Développement et la société Sub Déco de leurs demandes indemnitaires ;

En tout état de cause :

- condamner la société PLJN Développement et la société Sub Déco à payer chacune à Mme [U] [E] la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

- et les condamner aux entiers dépens.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie, dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE,

1.Il y a lieu de statuer sur le bien-fondé d'une demande en responsabilité pour dol présentée par deux sociétés commerciales, cédante et cessionnaire des parts sociales de l'une d'entre elles, contre l'associée unique de la société cédante (société Sub Déco) à qui il est reproché d'avoir délibérément occulté certaines opérations comptables et d'avoir ainsi, été l'auteur de prétendues manoeuvres dolosives au sens de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 justifiant, en application des principes de responsabilité délictuelle, l'allocation de dommages-intérêts au bénéfice de chacune des parties à cet acte de cession.

2.Les sociétés PLJN et Sub Déco retiennent que : - la cession litigieuse était soumise à diverses conditions suspensives et notamment, à la justification par Mme [U] [E] du fait, que le niveau de trésorerie prévisible au jour de la cession des parts sociales devenues actions par suite de la transformation de la SARL en SAS, serait égal à 150 000€ plus ou moins 5 % ; - la société Sub Déco a pour justifier que le niveau de trésorerie atteignait ce montant, transmis par lettre électronique du 4 juillet 2013, l'état de trésorerie de la société Sub Déco au 30 juin précédent établissant un montant positif de 155 684, 60€ ; - elle a selon courriel du 5 juillet 2013, complété cette lettre d'un montant supplémentaire de 7 666, 37€ comptabilisant l'ensemble des avoirs ESPRIT en attente de réception ainsi que les chèques différés, émis à hauteur de 3 441, 37€ avant le 30 juin 2013 mais non encaissés en banque à cette date ; - en occultant de nombreuses opérations affectant dans des proportions très importantes le niveau de trésorerie contractuellement fixé à un solde positif de 150 000€, plus ou moins 5%, et donc a minima de 142 500€ puisque concernant des chèques représentant un total de 162 851, 44€ et en ayant ainsi, gravement trompé l'acquéreur de ses titres, qui ne les aurait pas acquis s'il avait été informé de cette réalité, Mme [U] [E] a gravement manqué à ses engagements contractuels ; - le solde bancaire réel de la société Sub Déco était en effet à la date de la cession, négatif à hauteur de19 481, 86€ ; - les premiers juges n'ont pas répondu à la question de fond dont dépend la solution du litige qui est celle de déterminer, si le niveau de trésorerie contractuellement fixé était atteint au jour de la cession soit le 12 juillet 2013 ; - ils se sont fondés sur des pratiques comptables prétendues pour considérer, au mépris du droit cambiaire, que si les chèques émis en cours de circulation, avaient été comptabilisés, la dette 'fournisseurs' aurait été réduite à due concurrence alors que, si les chèques en cours de circulation avaient été comptabilisés comme ils se devaient de l'être en application des règles comptables d'ordre public applicables, la situation de trésorerie aurait été beaucoup plus faible et la condition suspensive n'aurait ainsi pas été atteinte.

Elles précisent que : - tout cédant a l'obligation de donner à l'acquéreur des renseignements exacts et complets, sincères et fiables, sur la situation de la société dont il céde les parts ; - ces renseignements doivent porter sur les caractéristiques propres de l'entreprise cédée, toute information incomplète constituant une réticence dolosive ; - il est en l'espèce constant, que Mme [U] [E] a par l'intermédiaire de sa fille [E] [E], transmis une situation de trésorerie de la société Sub Déco laissant apparaître une trésorerie positive pour 155 684, 60€ le 4 juillet 2013, portée dès le 5 juillet suivant à 7 666, 37€ supplémentaires, ce qui représente un montant total de 163 350, 97€ ; - elle a donc délibérément produit un tableau justifiant d'un niveau de trésorerie équivalent à celui exigé par la convention pour constituer une condition suspensive de la vente, en omettant délibérément de mentionner l'ensemble des chèques mis en circulation dont les échéances étaient fixées au 14 juin 2013 mais qui devaient faire l'objet d'un encaissement différé à une date fixée au delà de la date de cession et qui n'avaient donc pas été pris en compte dans la situation de trésorerie alors que tout chèque étant encaissable dès son émission, la provision correspondante se trouve être immédiatement transférée au bénéficiaire et doit être déduite du montant de la trésorerie indiquée ; - Mme [U] [E] a ainsi, nécessairement remis des tableaux erronés et mensongers pour justifier fictivement que le niveau convenu était atteint et, le jour même de la signature de l'acte de cession, la société PLJN n'avait aucune possibilité de prendre connaissance de l'existence de chèques émis ne figurant pas dans la situation de trésorerie puisque Mme [U] [E] ne tenait en effet aucun livre de compte bancaire, ni aucun échéancier ; - si la société PLJN s'était vue présenter la situation de la trésorerie de la société Sub Déco telle qu'elle aurait dû être remise, correspondant à la situation exacte de cette société au jour de la cession, la société PLJN n'aurait pas contracté et par surcroît, le banquier qui en avait par ailleurs fait une condition de déblocage du financement, n'aurait pas consenti à débloquer les prêts souscrits pour le paiement du prix puisque, cette trésorerie se trouvait être négative ; - le consentement de M. [J] [K], dirigeant de la société PLJN, s'en est trouvé être vicié ; - la société PLJN qui s'est substituée à M. [J] [K] à titre personnel dans le bénéfice de la cession des titres de la société Sub Déco et la société Sub Déco elle-même, apparaissent être subséquemment bien fondées à demander en justice de constater que le dol imputable à Mme [U] [E] est caractérisé et partant, la condamnation de cette dernière au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 161 981, 86€, montant correspondant au montant de l'insuffisance de trésorerie constatée, en faveur de la société PLJN et de 20 000€ en réparation des tensions de trésorerie qui lui ont ainsi été occasionnées de manière récurrente, en faveur de la société Sub Déco.

3.Mme [U] [E] répond que : - le dol, vice de consentement, ne se présume pas et suppose que la preuve des manoeuvres délibérément pratiquées par l'une des parties soit pleinement rapportée ; - chaque cocontractant ayant le devoir de se renseigner, l'acquéreur doit démontrer que les faits non révélés étaient connus du seul cédant et que lui-même, n'avait pas la faculté de se renseigner en ce qui concerne ces éléments ; - elle a dans les circonstances de cette espèce, précisément transmis l'ensemble des éléments financiers permettant à son partenaire agissant dans le cadre de son activité professionnelle, d'avoir un parfaite connaissance de sa situation globale ; - il ressort ainsi clairement du tableau remis par les parties adverses elles-mêmes que les chèques émis antérieurement à la cession, correspondaient au règlement de factures émises par la société ESPRIT payables postérieurement à la cession et par conséquent, entre le 15 juillet et le 25 août 2013; - la société ESPRIT avait en effet exigé d'avoir ces chèques en dépôt pour pouvoir les encaisser à la date convenue soit 80 à 90 jours de la date de facture et en particulier, en considération de la cession à intervenir ; - cette pratique était pour la société ESPRIT, une pratique habituelle ; - elle y a au demeurant eu d'autant plus recours à l'occasion de la cession litigieuse, qu'elle craignait que le changement de dirigeant ne désorganise la société cédée ; - en agissant ainsi, la société ESPRIT utilisait en réalité les chèques comme des effets de commerce, ce qui sans correspondre strictement à la loi, simplifie considérablement le vie des affaires ainsi que la gestion de la trésorerie de petites sociétés ; - la société Sub Déco n'a subi aucun préjudice de ce fait dès lors que si les chèques émis n'étaient pas débités en comptabilité, les factures ainsi réglées par anticipation restaient des dettes fournisseurs sans rupture de l'équilibre bilanciel et sans aucune présentation trompeuse ; - le protocole de cession des titres du 28 mai 2013 prévoyait quoi qu'il en soit, la réalisation par l'acquéreur d'un audit, lui permettant de connaître au jour de la cession, la situation financière, comptable, juridique, fiscale, commerciale et sociale de la société cédée et la société PLJN, qui agissait dans le cadre de son activité professionnelle, admet ne pas y avoir fait procéder ; - au demeurant, pour qu'il ne soit pas reproché à Mme [U] [E] de ne pas avoir respecté la condition du niveau de trésorerie contractuel, il aurait suffi qu'elle n'adresse pas les chèques exigés par la société ESPRIT ; - le niveau de trésorerie aurait alors été largement supérieur à 150 000€ mais M. [J] [K] n'aurait pu se faire livrer aucune marchandise par la société ESPRIT tout en devant procéder au règlement immédiat de ces factures ; - M. [J] [K] qui a par ailleurs rapidement eu connaissance de cette situation, n'a pas pour autant actionné la garantie d'actif et de passif comme il aurait dû contractuellement le faire ; - il ne saurait donc aujourd'hui, légitimement invoquer la mauvaise foi de la société cédante alors qu'il s'est abstenu, d'utiliser les opportunités qui lui étaient offertes par les documents contractuels ; - il ne peut davantage lui être reproché, alors que la gestion courante de la société lui était confiée, d'avoir fait réparer un véhicule endommagé et d'avoir réglé immédiatement le coût correspondant aux franchises, l'essentiel étant réglé par les assureurs ; - la comptabilisation en charges, de la facture de loyers échus en mai 2013 se rapportant au magasin de [Localité 4] et portant sur les dettes fournisseurs au 30 juin 2013 n'est quant à elle pas contestée ; - en résumé, on voit mal quel intérêt elle aurait eu, de pratiquer des manoeuvres dolosives pour dissimuler la situation de trésorerie de la société Sub Déco ; - il y aurait certes eu tromperie, si les factures réglées par anticipation avaient été déduites des comptes fournisseurs sans que le règlement ne soit comptabilisé mais en l'espèce, les comptes bancaires n'ont pas été débités du montant de ces chèques, correspondant en fait à des effets de commerce et les comptes fournisseurs ne l'ont pas été davantage de sorte que l'équilibre du bilan au 30 juin 2013, a été parfaitement respecté ; - la société PLJN, qui a laissé passer le délai prévu pour actionner la clause de garantie d'actif et de passif, vraisemblablement parce que les méthodes retenues par Mme [U] [E] et son expert-comptable lui ont paru parfaitement normales, tente en réalité aujourd'hui, de se faire rembourser une partie du prix en l'attaquant sous l'angle du dol alors que ni l'élément moral, ni l'élément matériel de ce vice de consentement ne sont en l'espèce établis ; - il est amplement démontré, que l'insuffisance de trésorerie alléguée est purement imaginaire, les chèques émis l'ayant été pour régler des factures comptabilisées qu'il aurait de toute manière fallu régler ; - les parties adverses, qui ne prouvent nullement avoir subi le moindre préjudice du fait de cette présentation comptable, n'établissent au demeurant pas davantage que les banques prêteuses ont tiré la moindre conséquence de cette prétendue insuffisance de trésorerie ; - elles doivent donc être déboutées de leurs demandes.

4.Vu les articles 1109, 1116, 1134 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ;

5.Il est principalement reproché à Mme [U] [E] ès qualités d'associée unique de la société Sub Déco, d'avoir occulté des informations qui permettaient de conclure, que la condition de niveau de trésorerie contractuel n'était en réalité pas remplie et ainsi, d'avoir été l'auteur d'une réticence dolosive justifiant sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en faveur de la société cessionnaire et de la société cédante.

6.Il est ainsi soutenu que le niveau de trésorerie de la société Sub Déco était dans la réalité des faits au jour de la cession, nettement inférieur au niveau contractuellement prévu de 150 000€ + ou - 5% dès lors que, alors que cette trésorerie était présentée comme reflétant un solde positif de 153 664, 33€, des chèques émis et non comptabilisés auraient dû être déduits de cette situation pour un montant de 162 851, 44€.

7.Le silence gardé par une partie sur un fait qui, s'il avait été connu de l'autre, l'aurait incitée à ne pas conclure le contrat, n'est dolosif que si cette dernière n'a pas elle-même, manqué à son obligation de se renseigner.

8.En l'espèce, il ressort de la simple lecture du protocole de cession des parts sociales de la société Sub Déco et il est constant, que la cession litigieuse était précisément soumise à plusieurs conditions suspensives dont la réalisation d'un audit sur la base des comptes incriminés arrêtés au 30 juin 2012 par l'acquéreur cessionnaire et que ce dernier admet dans ses propres écritures, s'être abstenu d'avoir procédé à cet audit devant également établir que le niveau de trésorerie prévisible au jour de la cession, sera égal à 150 000€ + ou - 5%.

9.Au demeurant, il ressort clairement du tableau remis par les demanderesses elles-mêmes - voir cote 6 du dossier de Mme [U] [E], que plusieurs chèques émis antérieurement à la cession, correspondaient en réalité au règlement de factures émises par la société ESPRIT payables postérieurement à la cession soit, entre le 15 juillet et le 25 août 2013.

10.Il reste cependant constant que les factures correspondant à ces chèques restaient à la date de la cession, en dettes fournisseurs et que dans ces conditions, la comptabilité de la société Sub Déco ne peut être considérée comme trompeuse.

11.Quoi qu'il en soit, les premiers juges ont relevé avec pertinence que la réalité de cette trésorerie est apparue très rapidement au dirigeant de la société cessionnaire soit dès juillet 2013. Le cessionnaire ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, échapper au contrat dont il ne demande pas la nullité et qui comportait une garantie de passif consentie par Mme [U] [E] en sa faveur et qu'il n'a pas mise en oeuvre dans les délais.

12. Il suit de tout ce qui précède que Mme [U] [E] qui a présenté à la société PLJN des comptes arrêtés au 30 juin 2013 et non pas au jour de la cession sans que le cessionnaire qui avait une obligation de se renseigner ne fasse procéder à un audit comptable, n'a pas commis de dol au sens de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2010, engageant sa responsabilité.

13.Le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions, par motifs adoptés.

14.Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

15.Les sociétés Sub Déco et PLJN, parties perdantes au sens de ces dispositions, seront condamnées aux entiers dépens de cette instance d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société à responsabilité limitée PLJN Développement ainsi que la société par actions simplifiée Sub Déco aux entiers dépens de cette instance d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société à responsabilité limitée PLJN Développement ainsi que la société par actions simplifiée Sub Déco, à verser chacune à Mme [U] [I] épouse [E], la somme de trois mille euros (3 000€.) à titre de frais irrépétibles d'appel.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/07669
Date de la décision : 29/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/07669 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-29;16.07669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award