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22/03/2018 | FRANCE | N°16/09086

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 22 mars 2018, 16/09086


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 55B



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 MARS 2018



N° RG 16/09086



AFFAIRE :



SAS LASER





C/

SAS SCHENKER FRANCE

...







Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Décembre 2016 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : K1428.332



Expéditions exécutoires


Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON



Me Christophe DEBRAY



Me Patricia MINAULT



Me Martine DUPUIS

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 55B

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2018

N° RG 16/09086

AFFAIRE :

SAS LASER

C/

SAS SCHENKER FRANCE

...

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Décembre 2016 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : K1428.332

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Christophe DEBRAY

Me Patricia MINAULT

Me Martine DUPUIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2016 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES le 7 octobre 2014

SAS LASER

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Autre(s) qualité(s) : Défendeur dans 17/01297 (Fond), Défendeur dans 17/00980 (Fond)

assistée de Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160506, Me Xavier RODAMEL de la SCP CABINET RODAMEL, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire: 557

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

SAS SCHENKER FRANCE

N° SIRET : 311 79 9 4 56

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Autre(s) qualité(s) : Demandeur dans 17/01297 (Fond), Demandeur dans 17/00980 (Fond)

assistée de Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17101, Me Anastasia TROTSKY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SA CMA CGM

N° SIRET : 56 2 0 24 422

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Autre(s) qualité(s) : Défendeur dans 17/01297 (Fond), Défendeur dans 17/00980 (Fond)

assistée de Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20170013, Me Renaud CLEMENT de la SELEURL ARSINOÉ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2176

SA GENERALE DE MANUTENTION PORTUAIRE

[Adresse 7]

[Adresse 8]

Autre(s) qualité(s) : Défendeur dans 17/01297 (Fond), Défendeur dans 17/00980 (Fond)

assistée de Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757166, Me Farid KACI, Plaidant, avocat au barreau du HAVRE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Décembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport et Madame Hélène GUILLOU, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Mme Estelle JOND-NECAND, Vice-Présidente placée auprès de Mme le premier président,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu la déclaration de saisine du 21 décembre 2016 formée par la société par actions simplifiée Laser (société Laser) dans le litige qui l'oppose à la société anonyme Générale de Manutention Portuaire (société GMP), la société anonyme CMA CGM (société CMA CGM) ainsi qu'à la société par actions simplifiée Schenker France venant aux droits de la société anonyme Schenker (société Schenker), en suite d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 décembre 2016 (pourvoi K 14-28.332.) ayant, partiellement cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (12ème chambre.) du 7 octobre 2014 prononcé, sur appel formé par la société Schenker contre le jugement rendu le 26 janvier 2012 par le tribunal de commerce de Nanterre - RG 16-9086 ;

Vu la déclaration de saisine du 1er février 2017, formée par la société anonyme Schenker en suite de la même décision - RG 17- 980 ;

Vu la déclaration de saisine du 15 février 2017 formée par la société Schenker venant aux droits de la société anonyme Schenker en suite de la même décision - RG 17-1297 ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 26 septembre 2017 par la société GMP, défenderesse à la saisine et intimée ;

- 20 novembre 2017 par la société Schenker, demanderesse à la saisine et appelante,

- 24 novembre 2017 par la société Laser, demanderesse à la saisine et intimée,

- 4 décembre 2017 par la société CMA-CGM, défenderesse et intimée ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige

La société Laser a confié à la société Schenker, commissionnaire de transport, le soin d'organiser le transport de quatre conteneurs de décorations de Noël ('sets de pampilles acryliques') fabriquées par la société Honest Asia Ltd établie à Hong Kong, depuis Yantian (Chine) jusqu'au Havre, dans les entrepôts de la société BLD Tramar, logisticienne de la société Yves Rocher, destinataire final des marchandises. Cette organisation n'était alors soumise à aucune date impérative.

La société Schenker s'est, pour le transport maritime des marchandises, depuis le port de Yantian jusqu'à celui du Havre, substituée la société CMA CGM, transporteur maritime qui, selon le 'bill of lading' HKHK-G4000840268 du 17 septembre 2008, a pris en charge, sans réserves, les quatre conteneurs chargés le 16 septembre 2008 à bord du navire Carmen dont le conteneur CLHU 4278223 présentant un poids de 19 892, 80 kg.

La société Laser a dès le 3 octobre 2008, adressé des instructions de livraison à la société Schenker afin, qu'après déchargement du navire, les conteneurs soient livrés au [Adresse 9], les 9 et le 10 octobre 2008 et ainsi remis entre les mains de la société BLD Tramar.

Ces instructions ont été transmises par le transporteur maritime à la société

GMP laquelle a, le 6 octobre 2008 à 22h 28, procédé au déchargement des marchandises sur le Terminal de France au Havre.

Le 13 octobre suivant, le conteneur numéroté CLHU 427 822/3 a été ouvert et visité par les services de la douane française sur le terminal du Havre. Les agents des douanes ont constaté que ce conteneur était scellé avec son plomb d'origine (4823032.).

Le 14 octobre 2008, la société BLD Tramar a réceptionné dans ses entrepôts les quatre conteneurs litigieux dont le conteneur numéroté CLHU 427 822/3, d'un poids brut de 23 392 kg selon le ticket d'interchange n° 470 209 émis sur le terminal 'Terminal de France' le même jour. Le 16 octobre 2008, la société BLD Tramar a émis des réserves, après avoir constaté que ce conteneur qui, selon les intérêts cargaison et les bons de commandes MD0804745MC et MD085758 MC versés aux débats, devait contenir 2 770 cartons, n'en contenait que 1 247 d'où, un manque de 1 523 cartons représentant une quantité de 182 600 sets litigieux.

La société Schenker, informée par la société BLD Tramar, a demandé au commissaire d'avaries du Havre de procéder à une expertise amiable contradictoire

de la marchandise, après réserves formulées par lettre électronique du 17 octobre 2008 auprès de la société CMA CGM à la réception du conteneur précité (mouille et manquants).

L'expertise pratiquée le 20 octobre 2008 au sein des entrepôts de la société BLD Tramer sur convocation du 17 octobre précédent, a permis de décompter dans le conteneur litigieux, en présence des parties présentes (société Schenker, société BLD Tramer, et l'expert de GMP et de CMA CGM, le représentant de la société Laser étant absent.), 1 247 cartons (dont 12 mouillés au droit d'un trou dans le coin avant droit du conteneur), ce qui représente un déficit de 1 523 cartons correspondant à un volume de marchandises d'environ 22,5 m3.

La société Laser a le 24 octobre 2008, adressé une lettre de réclamation à la société Schenker que cette dernière a transmise à son assureur. Elle a ensuite, passé une commande de remplacement de 182 680 sets de pampilles (157 680 de la référence 61081 et 25 000 de la référence 52788.) auprès de la société Honest Asia pour une somme totale de 71 229,60$ réglée par virement, qu'elle a fait acheminer jusqu'à Paris par voie aérienne pour un total de 50 788, 39€ réglé en deux paiements. La société Laser a le 15 décembre 2008, adressé à la société Schenker, une facture de 106 026, 17€ hors taxes (71 229, 60$ convertis à 55 790, 47€ pour 182 640 sets de pampilles, par set de 10 pampilles.) + 50 235, 70€ de transport aérien.

La société Laser a le 18 juin 2009, assigné la société Schenker, estimée responsable de la perte des marchandises litigieuses devant le tribunal de commerce de Nanterre, en indemnisation de ses préjudices. La société Schenker a par acte du 15 septembre 2009, fait appeler en garantie les sociétés CMA CGM et GMP tandis que la société GMA CGM a elle-même fait assigner la société GMP selon acte du 3 décembre 2009, en garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle.

Dans ses dernières écritures, oralement soutenues à l'audience, la société Laser a demandé au tribunal de :

- vu les articles L.132-4, L.132-5 et L.132-6 du code de commerce,

- vu la sommation adressée à Schenker d'avoir à verser aux débats l'ensemble des annexes au rapport du commissaire d'avaries [N] qu'elle a mandaté,

- vu les observations du commissaire d'avaries précisant avoir vérifié le ticket de pesée au port de Yantian,

- vu la qualité de commissionnaire de transport de la société Schenker

- dire et juger la société Schenker responsable de la perte des marchandises en cours de transport confié à elle par la société Laser en raison de sa faute personnelle ainsi qu'en sa qualité de garant de ses substitués,

- condamner la société Schenker à payer à la société Laser les sommes de :

- 106 026, 17€ à titre principal en réparation de l'entier préjudice subi outre intérêts de droit à compter de 'lassignation,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil

- 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir

- statuer sur les appels en garantie et subsidiairement, ordonner leur disjonction si le tribunal s'estimait incompétent territorialement pour en connaître

- condamner la société Schenker aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 26 janvier 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a notamment :

- dit la société CMA CGM recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence territoriale,

- se déclare compétent et retient la cause,

- prend acte de l'abandon de la fin de non-recevoir soulevée par la société Schenker [tirée du défaut d'intérêt à agir],

- dit la société Schenker irrecevable en son action à l'encontre de la société GMP

- dit que la société Schenker a commis une faute personnelle et reste garante de la faute commise par ses substitués ;

- condamne la société Schenker à payer à la société Laser la somme de 106 002,34€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, majoré des intérêts à compter du 18 juin 2009 avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil

- dit la société Schenker mal-fondée en sa demande de garantie à l'encontre de la société CMA CGM, transporteur maritime et l'en a déboutée ;

- condamne la société Schenker à payer à la société Laser la somme de 3 000€, à la société CMA CGM celle de 2 000€ enfin à la société GMP, celle de 1 000€ et ce, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamne la société Schenker aux dépens

- liquide les dépens du greffe à la somme de 127, 49€ dont TVA 20, 89€.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que : - la société Schenker, à qui il ne peut être reproché de ne pas être intervenue directement dans les opérations de déchargement du conteneur litigieux et du transport de celui-ci dans les entrepôts de la société GMP, ces opérations ayant été réalisées sous la responsabilité de cette dernière, a transmis à la société Laser, dans un courriel du 21 octobre 2008 ' les premières conclusions extraites du rapport d'expertise ' mentionnant notamment, que 'son commis avait confirmé que le conteneur n'était qu'à moitié à ce moment' c'est à dire lors de la visite de la douane le 13 octobre 2008 ; - cette information, n'a pas été immédiatement portée à la connaissance de la société Laser par la société Schenker;

- le conteneur a été re scellé après ouverture puis, transporté le lendemain dans les entrepôts de la société BLD Tramar laquelle, voulant procéder au dépotage, a fait le constat d'un conteneur 'à moitié vide' avant de laisser ce conteneur en l'état, sollicitant auprès de la société Laser 'la visite éventuelle d'un expert' ; - la société Schenker, alertée par la société Laser, a accompli les diligences nécessaires auprès du commissariat d'avaries du Havre pour la mise en place d'une expertise amiable contradictoire de la marchandise ; - en ne prenant pas les dispositions appropriées pour conserver le scellé d'origine alors que la visite de douane aurait dû la conduire à mettre en place une expertise amiable contradictoire pour examiner l'état du dit scellé, la société Schenker qui était en charge du suivi de toute l'opération transport, a donc commis une faute personnelle ; - par ailleurs, après avoir légitimement soupçonné un 'short shipment' d'une partie de la marchandise lors de l'empotage effectué chez l'expéditeur ou l'un de ses substitués, l'expert, au vu notamment du 'ticket de pesage du conteneur à l'entrée du terminal à Yantian' montrant (sauf éventuelle complicité sur place pour édition d'un résultat erroné.) que le 'conteneur était plein lors de sa remise au transporteur maritime' a conclu que, malgré l'apparente intégrité du scellé lors de la visite de douane sur le terminal au Havre, les cartons manquants avaient pu être soustraits entre le 14 septembre 2008, date d'entrée sur le terminal à Yantian, et le 13 octobre 2008, date de la visite de douane sur le terminal au Havre ; - les doutes sur la validité du ticket de pesage émis par la société Schenker et les sociétés CMA CGM et GMP et au vu duquel, l'expert conclut à la soustraction de 1 523 cartons au cours de la période où ils étaient sous la garde de la société CMA CGM, ne sauraient exonérer cette dernière société de la présomption de responsabilité liée au fait qu'elle a émis un connaissement n° HK 1372962 le 16 septembre 2008 net de réserves, sur lequel est indiqué un poids de 19 892, 80 kg pour 2 770 cartons ainsi qu'une tare de 3 500 kg soit, un poids brut de 23 392 kg ; - ce ticket de pesage édité le 14 septembre 2008, date d'entrée du conteneur sur le terminal du port du Yantian, fait ressortir un poids total brut de 23 200 kg, poids très proche du poids indiqué sur le connaissement CMA CGM ; - la non-présentation par la société Schenker du scellé d'origine à l'expert, n'a pas permis à ce dernier de confirmer les dires du commis de la société Schenker tendant à établir que le scellé d'origine avait été reconnu intact lors de la visite de douane ; - cette négligence, constitutive d'une faute personnelle, interdit à la société Schenker de se prévaloir d'un 'short shipment' tel qu'envisagé par l'expert après n'avoir relevé aucune trace d'effraction ou de falsification sur le conteneur litigieux ; - dans ces conditions, ainsi que soutenu par l'expert, les 1 523 cartons manquants ont pu être soustraits alors qu'ils étaient sur le terminal du Havre et donc, sous la garde de la société CMA CGM puis de la société GMP, substitués de la société Schenker ; - la société Schenker, garante de ses substitués, a engagé sa responsabilité.

Sur appel de la société Schenker, la Cour de céans a par arrêt avant-dire-droit du 1er octobre 2013 :

- révoqué l'ordonnance de clôture du 27 juin 2013,

- renvoyé les parties à la conférence du 5 décembre 2013 pour communication des pièces suivantes :

- la liste de colisage remise à l'expert [N], mentionnée comme pièce jointe sur le bill of lading du 17 septembre 2008 HKHKG4000840268 qui précise notamment : 'Marks & Nos & Description as per attached list' et 'additionnal description as per attache documentation' à la charge de la société Schenker et communication des deux autres pages du bill of lading,

- la traduction intégrale et complète en français par un traducteur-interprète assermenté devant la cour d'appel de Versailles du document d'interchange d'entrée sur le terminal de Yantian libellé en chinois (pièce 5-23), du colisage en langue chinoise (pièce5-22), du document de pré-transport terrestre en Chine et la packing-list annexée (visée par l'expert [N]) qui est le colisage attaché au titre de transport terrestre, à la charge de la société Schenker (pièce 5-21),

- la traduction intégrale et complète en français par un traducteur-interprète assermenté devant la cour d'appel de Versailles du document établi par les douanes chinoises (pièce2) à la charge de la société Laser,

- sursis à statuer sur les demandes et les dépens.

Selon arrêt contradictoire du 7 octobre 2014, la Cour de céans a finalement statué au fond par l'énoncé du dispositif suivant :

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a joint les procédures, rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société CMA-CGM, constaté que la société Schenker a renoncé à invoquer la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Laser et dit sans objet la demande de garantie formée par la société CMA CGM à l'encontre de la société générale de manutention portuaire dite GMP ;

- infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

- dit que la société Laser est responsable des manquants à la marchandise à raison d'un short shipment (manquant préexistant au chargement) et en conséquence, exonère la société Schenker de toute responsabilité conformément à l'article 4§2i) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée par les protocoles de 1968 et 1979 ;

- déboute la société Laser de toutes ses demandes ;

- déclare sans objet la demande en garantie de la société Schenker contre la société CMA CGM et contre la société GMP.

- y ajoutant,

- condamne la société par actions simplifiée Laser à payer à la société anonyme Schenker la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- rejette toute autre demande

- condamne la société par actions simplifiée Laser aux entiers dépens de première instance et d'appel et fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.

Sur pourvoi de la société Laser, la chambre commerciale de la Cour de cassation a par arrêt du 13 décembre 2016, statué en ces termes :

- casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare la société Laser responsable des manquants à la marchandise, en ce qu'il rejette ses demandes et déclare sans objet son appel en garantie, l'arrêt rendu le 7 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

- condamne la société Schenker et la société CMA CGM ainsi que la société Générale de manutention portuaire aux dépens ;

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et condamne la société Schenker à payer à la société Laser la somme de 3 000€.

Les motifs servant d'assise à cette décision sont les suivants :

' Vu l'article 4.2, i) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ;/Attendu que pour retenir l'existence d'un manquant préexistant au chargement, la cour d'appel, qui le qualifie d'hypothèse, retient que les incohérences sur les quantités déclarées par les sociétés Honest Asia et Laser sont de nature à 'mettre en doute' les volumes mentionnés, que le déficit en poids du conteneur litigieux à l'arrivée du navire n'est pas établi, ou encore que la réalité du pesage des marchandises litigieuses à leur entrée sur le terminal au port de chargement de Yantian n'était pas établie, le traducteur-interprèe n'ayant pu traduire le document de pré-transport terrestre à Shenzhen en Chine ;/ Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la société Schenker, garante du transporteur maritime, de démontrer le caractère incomplet du chargement, de nature à constituer un acte ou une omission du chargeur exonérant le transporteur de sa responsabilité de plein droit, la cour d'appel, qui a imposé au chargeur de rapporter la preuve de l'absence de manquant au départ du navire a violé le texte susvisé.'

Les sociétés Laser, Schenker et Schenker France ont déclaré saisine de la cour de renvoi. Les procédures ayant été enrôlées sous des numéros différents, leur jonction a été ordonnée les 27 février 2017 et 6 avril 2017 par le magistrat de la mise en état. La clôture de l'instruction a finalement été ordonnée le 12 décembre 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 19 décembre suivant tenue en formation collégiale pour être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire, mise en délibéré.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société Laser prie la Cour de :

- vu les articles L.132-4, L.132-5 et L.132-6 du code de commerce,

- vu les articles 4-5 et suivants de la Convention de Bruxelles amendée,

- vu les limites de responsabilité fixées à la Convention de Bruxelles amendée à hauteur de 666,67 DTS par colis, soit 1 015 338,41 DTS au titre du présent litige.

- vu le principe de réparation intégrale du préjudice ordonné par la Convention de Bruxelles amendée comprenant, outre le préjudice matériel, la réparation des préjudices annexes qu'elle qu'en soit la nature et notamment, les frais de réexpédition des marchandises.

- dire et juger la société Schenker, en sa qualité de commissionnaire de transport, garant de ses substitués, responsable des pertes et avaries constatées à livraison.

- dire et juger que le préjudice indemnisable de la société Laser est inférieur aux limites d'indemnisation prévues à la Convention de Bruxelles amendée,

- dire et juger que la société Schenker est irrecevable et mal fondée à opposer ses propres limites d'indemnisation tirées de ses CGV, limites applicables uniquement à sa responsabilité personnelle de commissionnaire et non à sa responsabilité légale en tant que garant de ses substitués.

- condamner la société Schenker à indemniser Laser de son entier préjudice.

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Schenker à payer à la société Laser les sommes de :

- 106 026, 17€ à titre principal en réparation de l'entier préjudice subi outre intérêts de droit à compter de l'assignation,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Schenker aux entiers dépens

- En tous les cas, y ajoutant

- condamner la société Schenker à payer à la société Laser la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 en cause d'appel.

- condamner la société Schenker aux entiers dépens distraits au profit de Maître Franck Lafon, avocat sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Schenker demande de son côté à la Cour de :

- vu les dispositions de la convention de Bruxelles en date du 25 août 1924 telle qu'amendée,

- vu les articles 1134 et suivants du code civil applicables au moment des faits litigieux (article 1103 et suivants du code civil) ;

- vu les articles L.132-4, L.132-5 et L.132-6 du code de commerce relatifs à la responsabilité du commissionnaire de transport,

- vu l'article 700 du CPC [code de procédure civile],

- vu les clauses des conditions générales de vente de Schenker S.A., devenue Schenker France,

- vu la jurisprudence précitée,

- vu les pièces,

Il est demandé à la cour d'appel de Versailles, statuant sur le renvoi après cassation, d'infirmer en toutes ces dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 26 janvier 2012, - sauf en ce que ce Tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société CMA CGM et s'est déclaré compétent, et statuant à nouveau :

- A titre principal,

- déclarer la société Laser seule responsable des manquants à la marchandise à raison d'un « short shipment » (manquants préexistant au chargement) et exonérer, en conséquence, la société Schenker France de toute responsabilité ;

- débouter, en conséquence, la société Laser de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Schenker France ;

- A titre subsidiaire,

- rejeter la responsabilité de la société Schenker France, cette dernière n'ayant commis aucune faute personnelle, ni aucune faute lourde, à l'égard de la société Laser et, en conséquence,

- déclarer mal fondées l'ensemble des demandes formées par la société Laser à l'encontre de la société Schenker SA et l'en débouter ;

- A titre plus subsidiaire,

- déclarer qu'en l'absence de faute lourde de la société Schenker France, ses conditions générales de vente sont opposables à la société Laser et, en conséquence,

- retenir, - dans l'hypothèse où la Cour devrait juger que la responsabilité de la société Schenker France à l'égard de la société Laser serait engagée pour faute personnelle prouvée et en lien de causalité directe et immédiate avec les manquants allégués, - le montant maximum de la réparation, auquel la société Schenker France pourrait être condamnée au profit de la société Laser, sera strictement limité à la somme de 32 910,80€ en application de ses conditions générales ;

- En tout état de cause,

- déclarer responsables la société CMA-CGM et la société Générale de Manutention Portuaire SA, - dans l'hypothèse où, par l'impossible, la Cour écarterait le cas excepté « faute du chargeur » (short shipment), rendant Laser seule responsable des manquements qu'elle allègue, que ces manquants sont nécessairement survenus pendant que le conteneur litigieux se trouvait sous la garde/responsabilité de la société CMA CGM, en sa qualité de transporteur maritime présumé responsable depuis la prise en charge du conteneur et jusqu'à sa livraison, et de son mandataire, la société Générale de Manutention Portuaire S.A. ;

- retenir que la société CMA CGM n'a pas renversé la présomption de responsabilité pesant sur elle en sa qualité de transporteur maritime ;

- en conséquence :

- condamner solidairement, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, la société CMA CGM et la société Générale de Manutention Portuaire SA., qui avaient les marchandises sous leur garde et responsabilité, à garantir la société Schenker France de toutes condamnations qui pourraient, le cas échéant, être prononcées contre elle au profit de la société Laser en principal, intérêts, frais, dommages et intérêts, dépens, sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter les sociétés CMA CGM et Générale de Manutention Portuaire de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- condamner tout succombant in solidum au paiement à la société Schenker France de la somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui seront directement recouvrés par Maître Christophe Debray conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société CMA CGM prie la Cour de :

- vu la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée par le protocole de 1968,

- vu l'article L.132-4 du code de commerce,

- vu les articles 1134 et 1315 du code civil,

- vu la loi du 18 juin 1966 et son décret d'application,

- donner acte à la concluante de ce qu'elle abandonne son moyen tiré de l'incompétence territoriale et confirmer en ce sens le jugement entrepris,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu le « short shipment » comme origine du sinistre,

- statuant à nouveau,

- dire et juger mal fondées l'intégralité des demandes formulées par la société Laser,

- débouter la société Laser de son action principale et constater que l'appel en garantie régularisé par la société Schenker à l'encontre notamment de la société CMA CGM, ainsi que les appels en garantie subséquents, s'avèrent ipso facto sans objet;

- A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondée l'action en garantie régularisée par la société Schenker à l'encontre de la société CMA-CGM et a débouté ipso facto la société Schenker de sa demande de garantie régularisée à l'encontre de la société CMA CGM ;

- A titre encore plus subsidiaire,

- dire et juger que le montant en principal de la réclamation ne saurait dépasser 30 155€

- condamner la société GMP à relever et garantir la société CMA-CGM de toute condamnation qui interviendrait à son encontre,

- condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 6 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault avocat et ce, conformément aux dispositions prescrites par l'article 696 du dit code.

La société GMP enfin, invite la Cour à :

- vu l'article 624 du code de procédure civile,

- vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 13 décembre 2016,

- dire et juger la Société CMA CGM irrecevable en son appel en garantie à l'encontre de la société Générale de Manutention Portuaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en date du 26 janvier 2012 en ce qu'il a dit irrecevable l'action en garantie exercée par la société Schenker à l'encontre de la société Générale de Manutention Portuaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu le « short shipment » comme origine du sinistre et dit recevable et bien fondée l'action de la société Laser en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la société Schenker,

- Statuant à nouveau,

- débouter la société Laser de l'intégralité de ses demandes,

- dire sans objet la demande en garantie formée par la société CMA CGM à l'encontre de la société Générale de Manutention Portuaire,

- A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondée l'action en garantie régularisée par la société Schenker à l'encontre de la société CMA CGM, l'en a débouté, et dit sans objet la demande en garantie formée par la société CMA CGM à l'encontre de la société Générale de Manutention Portuaire,

- A titre très subsidiaire,

- dire et juger que le montant en principal de la réclamation ne saurait dépasser la somme de 30 155€,

- condamner la société Laser et/ou la société Schenker et/ou la société CMA CGM à payer à la société Générale de Manutention Portuaire la somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers au profit de Maître Martine Dupuis, Associée de la Selarl Lexavoue, par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

La Cour, renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie, dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE

1.Il doit être statué, sur le mérite de l'action en indemnisation de préjudice matériel formée par une société commerciale (société Laser) ayant passé commande de marchandises (sets de pampilles acryliques ou décorations de Noël.), fabriquées par une société chinoise (société Honest Asia Ltd.) et ayant confié l'organisation du transport international de ces marchandises sous connaissement à un commissionnaire de transport (société Schenker.) lequel, s'est substitué un transporteur maritime (société CMA CGM.) ayant lui-même sous-traité à une entreprise de manutention (société GMP.), le déchargement des conteneurs embarqués sur le navire Carmen, sur le Terminal de France au Havre.

2.Cette action en réparation de préjudice fondée sur une prétendue faute personnelle du commissionnaire de transport mais aussi et à titre principal, sur la responsabilité présumée de celui-ci du fait de la faute de ses substitués, donne lieu d'une part, à l'exercice par le commissionnaire d'une action en garantie contre le transporteur maritime (société CMA CGM.) et contre le mandataire de celui-ci, entrepreneur de manutention maritime (société GMP.) qui lors de la prétendue disparition des marchandises litigieuses, avait celles-ci sous leur garde ainsi que d'autre part, à une action en garantie du transporteur maritime envers son mandataire chargé de la manutention des marchandises sur le port du Havre (société GMP).

3.La Cour constate de prime abord que la société CMA CGM objecte à bon droit que la demande en garantie formée par elle contre la société GMP et celle formée par la société Schenker contre elle et la société GMP sont irrecevables pour cause d'autorité de la chose jugée puisque, l'arrêt de renvoi en suite duquel la présente instance est ouverte, n'a pas cassé l'arrêt de la cour de céans autrement composée qui lui était déféré en ce que celui-ci, a confirmé le jugement entrepris ayant dit sans objet la demande de garantie formée par la société CMA CGM contre la société GMP et ayant par ailleurs déclaré sans objet, la demande de garantie de la société Schenker contre elle et la société GMP.

Sur le principe de responsabilité du commissionnaire de transport dans la perte de marchandises fondée sur les articles L.132-4 et suivants du code de commerce

4.La société Laser rappelle qu'elle n'a pas en qualité de donneur d'ordre, à rapporter la preuve de la faute du commissionnaire de transport ou de celle des substitués de celui-ci puisque cette faute s'établit d'elle-même, du seul fait de l'existence de dommages à la livraison.

Elle précise que : - la responsabilité de la société Schenker est établie de manière certaine en tant que garante de ses substitués ; - en l'absence de réserves faites par le transporteur maritime sur le bill of lading lors de la prise en charge des marchandises, celui-ci a accepté les mentions portées sur ce document et ainsi pris en charge un conteneur CHLH4278223 plein de marchandises pour un poids total de 19 892, 80 kg; - ce poids n'a pas été remis en cause par le grutier lors des opérations de chargement et les douanes chinoises n'ont pas relevé d'incohérence lors des opérations de chargement, le ticket de pesée que la société Schenker a communiqué en cours de procédure établi au port de Yantian, révélant en effet un poids à l'embarquement de 23 200 kg, en cohérence avec celui porté sur le bill of lading, précité déduction faite du poids de la tare du conteneur (3 700kg.) ; - dès l'instant, qu'elle-même démontre que les marchandises transportées ne sont pas arrivées en bon état et au complet chez la société BDL Tramar, destinataire,la responsabilité de ce commissionnaire de transport apparaît être établie par présomption ; - il appartient à la société Schenker, de rapporter la preuve positive du caractère incomplet du chargement, cette circonstance étant seule susceptible de constituer une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit qui pèse sur elle en tant que commissionnaire de transport.

Elle ajoute que : - eu égard à la jurisprudence, faisant peser sur le commissionnaire une obligation de suivi ainsi qu'une obligation de diligence et de loyauté, la société Schenker voit également sa responsabilité engagée pour faute personnelle ; - selon en effet le rapport du commissaire d'avaries [Q] [N], le conteneur a, en suite de son déchargement au port du Havre le 6 octobre 2008, fait l'objet d'une visite de douane le 13 octobre suivant et à cet instant, le commis de la société Schenker accompagnant le douanier, a constaté que le conteneur n'était qu'à moitié plein et a apposé à l'issue de la visite des douanes, un nouveau scellé n° 08796 ; - le scellé d'origine n° 4823032, n'a pas fait l'objet d'une vérification d'intégrité par le douanier et le commis de la société Schenker n'a pas conservé le scellé original ; - il est étrange que la société Schenker n'ait pas informé la société Laser dès le 13 octobre 2008 de ce que le conteneur présentait des manquants et qu'elle n'ait pas diligenté de mesure d'expertise pour déterminer la nature des dits manquants et leur origine ; - la société Schenker a en effet poursuivi le transport jusqu'à la livraison chez le destinataire BLD, sans signaler au réceptionnaire la différence de poids, entre celui déclaré lors de la prise en charge et celui livré du fait des manquants.

Elle précise que quoi qu'il en soit, plusieurs raisons militent pour écarter l'hypothèse d'un short shipment puisque : - pour s'exonérer, la chaîne de transport ne peut se contenter de supposer que le conteneur n'aurait pas été empoté au complet ; - elle doit en rapporter la preuve irréfutable ; - aucune des parties intimées n'ignore en l'espèce, que lors de l'embarquement, lors du levage, le poids des marchandises apparaît au grutier du port, intervenant sous la responsabilité du transporteur maritime dont répond la société Schenker ; - en l'absence, de constat de différence de poids, le conteneur a été embarqué selon le poids déclaré sans réserve ; - les documents émis lors du transport, à savoir le connaissement, le document douanier et/ou ticket de pesée, font ainsi état d'un poids conforme ; - le poids porté sur le ticket de pesée des douanes chinoises est par ailleurs cohérent, avec celui porté sur le 'bill of lading' pour le conteneur litigieux ; - le simple fait que la société Schenker ne rapporte pas la preuve qui lui incombe à savoir, une prise en charge des marchandises non au complet, emporte donc sa responsabilité pleine et entière au titre des manquants constatés à la livraison ; - la société Honest Asie n'a aucun intérêt à gruger la société Laser avec laquelle, elle en relation commerciale soutenues depuis 2006, sans problème de qualité ni de quantité depuis 10 ans ; - la société Schenker et ses substitués n'évoquent en réalité un short shipment que pour échapper à leur responsabilité, parfaitement établie par les éléments du débat ; - l'intégrité des plombs à l'arrivée n'est ainsi même pas certaine, ce qui est, de nature à exclure l'hypothèse d'un short shipment ; - la présentation d'un scellé intact ne constitue quoi qu'il en soit pas un moyen de défense permettant d'exonérer le transporteur maritime de sa présomption de responsabilité dès lors que, selon une jurisprudence parfaitement établie, l'intégrité des plombs ne constitue pas une garantie absolue d'inviolabilité du conteneur ; - la responsabilité de la société CMA CGM en qualité de transporteur maritime est présumée dès l'instant où le connaissement, net de réserves à la prise en charge, justifie ainsi une prise en charge au complet des marchandises ; - aucune exonération de responsabilité n'est caractérisée si la cause du dommage est inconnue ou indéterminée ; - en l'espèce, la société CMA CGM ne rapporte pas la preuve irréfutable d'un cas, lui permettant de s'exonérer de sa responsabilité présumée susceptible de rejaillir sur le commissionnaire de transport.

5.La société Schenker répond que : - le vol de 11 tonnes de pampilles acryliques représentant un volume de 22, 5 m3, n'a pas pu être physiquement réalisé pendant les opérations de transport organisées par la société Schenker, ni matériellement mises en place par le transporteur maritime ou par le manutentionnaire durant leur intervention; - le short shipment constitue une faute du chargeur et exonère la chaîne de transport de toute responsabilité envers la société Laser ; - cette circonstance, est établie par les éléments du débat ; - la fiche de visite intitulée 'ouverture de conteneur', établie par la douane le 13 octobre 2008 et contresignée par le mandataire du transporteur maritime, la société GMP, ne porte en effet aucune mention d'effraction de scellés ; - outre par ailleurs, le fait que le rapport du commissionnaire d'avaries mentionne que le trou constaté sur le conteneur est dû à un engin de manutention, il est évident, au simple examen des photos annexées au rapport d'expertise précité que les dimensions de ce trou ne permettent pas d'extraire 11 tonnes de marchandises ; - des malfaiteurs auraient dû de toute évidence, faire venir dans le port de chargement ou dans le port de déchargement plusieurs camions pour assurer l'enlèvement et le ré acheminement de 12 tonnes de marchandises représentant 1 523 cartons/colis ; - ce type de marchandises, très spécifique, ne présente par ailleurs en pratique, aucun intérêt commercial pour des voleurs.

Elle ajoute que : - l'hypothèse d'un short shipment imputable à la société Honest Asia

est confortée par le ticket de pesée des douanes chinoises (à l'export.), mettant en évidence un manquant en poids de près d'une tonne (960 kg.) avant embarquement en Chine ; - cette circonstance est de nature à rendre sujet à caution, les volumes et quantités déclarés par les intérêts cargaison (Honest Asia et Laser) ; - le ticket de pesée versé aux débats par la société Laser est ainsi constitué de deux documents de pesée contradictoires entre eux, l'un relevant un poids de 19 658 kg et l'autre, 23 200 kg ; - le lieu de pesée ne figurent cependant sur aucun de ces documents, ce qui ajoute à la confusion sur ce qui a réellement pu se passer en Chine avant la prise en charge par les transporteurs ; - la faute du vendeur/chargeur Honest Asia et de la société Laser est une évidence, que les propres pièces de celle-ci établissent ; - les incohérences sur les quantités déclarées par les intérêts cargaison (Honest Asia et Laser.) étant de nature à mettre en doute les volumes mentionnés sur les documents de transport, la présomption de responsabilité du transporteur et du commissionnaire de transport est anéantie.

Elle précise encore que : - elle avait en effet, en tant que commissionnaire de transport, uniquement pour rôle, de mettre en place l'organisation intellectuelle et non pas matérielle, des opérations de transport litigieux; - elle ne peut dans ces conditions, être responsable envers la société Laser qu'en qualité de garante du fait de ses substitués et non pas, en tant qu'ayant commis une faute personnelle propre ayant directement provoqué le préjudice allégué ; - les premiers juges n'ayant constaté aucun lien de causalité, entre les manquants allégués par la société Laser et sa faute prétendue contraire aux règles de responsabilité civile tirée de ce qu'elle n'a pas informé la société Laser dès le 13 octobre 2008, de l'existence des prétendus manquants, lui ont donc imputé à tort, une faute personnelle ; - la société Laser ne prouvant en effet, aucun préjudice distinct et séparé subi entre les 13 et 14 octobre 2008 du chef de ce prétendu retard d'un jour par manque de diligence, à la supposer établie, cette faute personnelle est sans aucun lien causal direct et immédiat avec les prétendus manquants préexistants.

Elle conclut par ailleurs que : - à supposer que sa faute soit engagée pour ne pas avoir conservé le scellé d'origine ou ne pas avoir provoqué d'expertise contradictoire au moment même de l'ouverture du conteneur litigieux ou encore, pour ne pas avoir pris concomitamment de réserves auprès du transporteur maritime, elle serait en droit, de se prévaloir des limitations de responsabilité prévues dans ses conditions générales ; - aucune faute lourde permettant d'écarter l'application de cette clause limitative de responsabilité issue de ses conditions générales n'est en effet établie à son encontre ; - une telle faute se définit comme étant une faute d'une particulière gravité, une négligence commise avec la conscience qu'un dommage en résulterait probablement, autrement dit une faute volontaire et délibérée presque assimilable à une tromperie ; - la charge de la preuve d'une telle faute se trouvant en lien de causalité avec les préjudices subis par les intérêts cargaison, incombant à celui qui s'en prévaut, la société Laser échoue à présenter cette preuve ; - elle n'avait aucune raison le 13 octobre 2008 de soupçonner l'existence de manquants, pensant avoir affaire à un short shipment classique d'autant, que le conteneur litigieux était arrivé au port du Havre muni de son plomb d'origine n° 48823032, que ce conteneur ne présentait aucune trace d'effraction et que les prétendus manquants représentaient environ 11 tonnes ; - la visite de la douane le 13 octobre 2008 a été déclenchée par la douane elle-même dont les services disposent du pouvoir discrétionnaire d'ouvrir tout conteneur qu'elle estime nécessaire d'inspecter, pour vérifier que la marchandise réellement transportée est bien celle déclarée ; - la fiche de visite alors établie à l'issue de ce contrôle ne fait état d'aucun manquant ni d'aucun incident ; -les pampilles acryliques transportées dans le conteneur ne suscitent quoi qu'il en soit, aucune convoitise des voleurs et ne sont donc pas considérées comme étant une marchandise à risque.

6.La société CMA CGM observe pour sa part que : - l'absence de réserves des intervenants successifs, ayant pour effet de répercuter en cascade, la présomption de responsabilité dont chacun doit répondre à l'égard de son donneur d'ordres, pèserait in fine sur le manutentionnaire havrais ; - selon la convention de Bruxelles du 25 août 1924, ratifiée par la France et par la Chine dans sa version modifiée en 1968 et notamment son article 4§2 i), un acte ou une omission du chargeur ou du propriétaire des marchandises est une cause exonératoire de responsabilité ; - cette cause est en l'espèce stigmatisée, au bénéfice du transporteur maritime dans ses rapports avec la société Schenker, chargeur au connaissement maritime et a priori par voie de ricochet, également et théoriquement, au bénéfice de ce dernier ès qualités de commissionnaire de transport garant du fait de ses substitués à l'égard de la société Laser ; - le conteneur litigieux est arrivé au port du Havre muni de son plomb d'origine n° 4823032 et l'expert y a constaté l'absence de toute trace d'effraction ; - alors par ailleurs que le conteneur se trouvait sur le terminal de la société GMP, le service des douanes a procédé à une inspection des marchandises le 13 octobre 2008 sans constater aucun incident, ni aucun manquant ; - lorsque les douanes ont refermé le conteneur, un nouveau plomb portant le n° 008796 a été mis en place et s'est avéré être intact lorsque ce conteneur a été remis à la société BLD Tramar ayant procédé au dépotage pour le compte du destinataire ; - à supposer que le commis de la société Schenker ait constaté des manquants dès l'ouverture du conteneur par le service des douanes le 13 octobre 2008, il est difficilement imaginable que la société Schenker ait pu commettre une erreur aussi grossière que celle d'omettre de prendre des réserves immédiatement contre la société CMA CGM et/ou de la société GMP et de requérir sur le champ, l'intervention d'un expert ; - à la supposer établie, cette faute serait donc nécessairement une faute inexcusable ; - le ticket de pesage du conteneur à l'entrée du terminal de Yantian, qui attesterait du poids du conteneur complet à son arrivée au port de départ, dont rien n'atteste de la véracité, ne saurait établir la responsabilité présumée des intervenants successifs à la chaîne logistique découlant de leur absence respective de réserves ; - ce document ne fait état d'aucun sceau ni signature identifiables ; - aucun des autres documents, ne permet par ailleurs de revenir sur l'opinion première de l'expert [N], tendant à privilégier l'hypothèse du short shipment ; - le bon sens commande de considérer l'hypothèse d'un vol à bord purement et simplement invraisemblable ; - il y a donc lieu de relever des certitudes rendues effectives après élimination des autres causes possibles du sinistre ; - l'analyse de l'ensemble des causes possibles des manquants doit définitivement permettre au transporteur maritime et partant, au commissionnaire s'agissant de la responsabilité du fait de ses sous-traitants, de renverser la présomption de responsabilité pesant sur lui.

Elle précise que : - la société Schenker a envers elle, la qualité de chargeur au sens de la convention de Bruxelles précitée ; - en ne permettant pas du fait de nombreuses fautes personnelles, au transporteur maritime dont il est le garant, de disposer des moyens de défense dont celui-ci aurait dû disposer au titre des règles les plus élémentaires de conservation des preuves, le commissionnaire de transport Schenker, qui ne saurait donc se départir de la présomption de responsabilité pesant sur lui en amont, fait l'aveu de sa responsabilité personnelle ; - la société Schenker qui, dès la visite des douanes au port du Havre, savait que le conteneur présentait des manquants a, en omettant d'aviser la société Laser de cette circonstance et en ne constatant curieusement pas de différence de poids lors de la réception de la marchandise, en s'abstenant enfin de conserver le scellé d'origine et d'organiser une expertise contradictoire dès cet instant, commis une triple faute personnelle ; - les premiers juges ont retenu à raison, que la gravité de ces fautes est telle au regard des dispositions prescrites par l'article L.132-4 du code de commerce, qu'elle interdit à la société Schenker de bénéficier du recours contre ses substitués et/ou de se prévaloir des causes d'exonération dont ces derniers bénéficieraient, indépendamment du point de savoir si en amont de son intervention, un short shipment pouvait être caractérisé en amont de son intervention ; - le fait pour la société Schenker, d'avoir re-scellé le conteneur litigieux après coup, c'est à dire le lendemain 14 octobre 2008, témoigne encore à tout le moins, de la mise en oeuvre d'un process minutieux auquel les autres intervenants à l'expédition n'ont pas participé ; - l'absence de précaution de la société Schenker qui s'est par ailleurs abstenue de conserver le scellé d'origine n° 48232032 brisé lors de la visite des douanes sur le terminal, atteste d'un attitude anormale et induit de manière directe et incontestable, l'impossibilité pour le transporteur maritime de se prévaloir d'un moyen de défense imparable, à supposer que l'examen contradictoire de ce scellé eusse pu effectivement conduire à le considérer comme intact ; - s'il est exact que le régime applicable au commissionnaire de transport ne doit a priori pas empêcher ledit commissionnaire de solliciter, en l'absence de faute personnelle de sa part, la garantie de ses substitués dans la perspective d'un partage de responsabilité dès lors que les textes régissant la matière ne sont pas d'ordre public, rien ne saurait à l'inverse interdire aux juges, au visa du pouvoir souverain dont ils disposent, de recourir à des principes de base de droit civil tirés des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil au rang desquels, figure l'obligation de bonne foi.

7.Vu les articles L.132-4 et suivants du code de commerce, dont il ressort que le commissionnaire de transport est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de force majeure légalement constatés et garant des avaries ou pertes des marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture comme des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse la marchandise ; vu ensemble l'article 4.2 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 modifiée par le protocole du 23 février 1968 et par celui du 21 décembre 1979 ;

8.Il est de principe, ainsi que rappelé par la société Laser dans ses écritures, que le commissionnaire de transport est tenu d'une obligation de résultat envers son client et que, dans le cadre de cette obligation de résultat, il assume une double responsabilité de son fait personnel et du fait de ses substitués sauf, à ne pas pouvoir être, lorsqu'il est recherché en raison d'un substitué, plus responsable vis à vis de son client que le substitué fautif ne l'est légalement envers lui-même. Autrement dit, le commissionnaire tenu de la bonne exécution du transport de bout en bout, endosse automatiquement la responsabilité de tout ce qui sera constaté d'anormal à l'arrivée de la marchandise sauf à démontrer de manière positive que la perte ou l'avarie provient d'une des causes d'exonération accordées par la loi et donc d'un cas de force majeure, du vice propre de la marchandise ou de la faute du commettant ou du destinataire. Le doute joue contre le commissionnaire en ce que sa responsabilité reste engagée au titre des dommages dont l'origine n'est pas complètement élucidée.

9.En l'espèce, l'ensemble des éléments documentaires soumis à l'appréciation de la Cour et notamment, le rapport d'expertise amiable établi au contradictoire des protagonistes concernés - voir cote 11 du dossier de la société CMA CGM ainsi que les débats au soutien des écritures de chaque partie, établissent que la livraison des marchandises litigieuses a permis de constater des manquants, ayant donné lieu aux réserves exprimées par la société BLD Tramar auprès du commissionnaire de transport lequel, les a immédiatement répercutées auprès du transporteur maritime.

10.Cette circonstance est à elle seule, de nature à engager la responsabilité de la société Schenker du fait de ses substitués et notamment, du fait du transporteur maritime ayant pris en charge les conteneurs sans réserves dès lors que se prévalant à front renversé d'un short shipment (chargement incomplet.) imputable à l'expéditeur pour écarter, au visa de l'article 4 § 2 i) de la convention de Bruxelles précitée, le jeu de la présomption pesant sur lui du fait de ses substitués, ce transporteur échoue à établir cette preuve de manière positive et tangible.

11.Le rapport d'expertise amiable produit aux débats et les documents qui y sont adossés, permettent ainsi de relever que : - le 13 septembre 2008, le conteneur litigieux référencé CLHU 427 822.3 a, à l'état vide, été mis à disposition de l'expéditeur (société Honest Asia.) puis, empoté le jour même par ce dernier et livré plein le lendemain, sur le terminal de Yantian ; - le pesage de ce conteneur réalisé à l'entrée du terminal le 14 septembre 2008, a fait ressortir un poids total brut, tare conteneur comprise, de 23 200 kg - voir cote 13 et 13-1 du dossier CMA/ CGM ; - ce conteneur était ainsi plein lors de son entrée sur le terminal ainsi que lors de sa remise au transporteur maritime ; - il a été chargé à bord du navire 'CMA CGM CARMEN' à Yantian le 16 septembre 2008 sans aucune réserve du transporteur maritime puis, déchargé au Havre le 6 octobre suivant, sans rupture de charge entre les deux ports ; - selon les informations obtenues par l'expert [Q] [N], le conteneur litigieux a été débarqué du navire avec son scellé d'origine n° 4823032 avant de faire l'objet sur le dit terminal, d'une visite de douane pratiquée le 13 octobre 2008 ; - la fiche de visite établie à cette occasion, contresignée par le manutentionnaire, mentionne la présence du scellé d'origine n° 4823032 avant visite ainsi que l'apposition, après visite, d'un nouveau scellé référencé n° 008796 ; - le commis Schenker, présent lors de la visite des services de Douane, a confirmé que le conteneur n'était qu'à moitié plein lors de ce contrôle et également, que le conteneur était déjà percé en toiture ; - le conteneur a ensuite été transféré le 14 octobre 2008 dans les entrepôts de la société BLD Tramar pour dépotage et l'interchange de sortie de terminal n° 470 209 du même jour porte mention du scellé n° 008796 apposé postérieurement au contrôle douanier ; - si lors de l'ouverture du conteneur pour dépotage, ce dernier scellé a été trouvé intact, la société BLD Tramar a par lettre électronique du 16 octobre 2008, signalé la présence de colis mouillés ainsi que le fait, que le conteneur était à moitié vide. Le dépotage n'a donc pas été entrepris et le conteneur, a été laissé en l'état dans l'attente de la mise en place d'une expertise contradictoire ; - le scellé d'origine n° 482 3032, brisé lors de la visite de douane sur terminal , n'a pas pu être présenté aux experts ; - en dépit des recherches effectuées, il n'a pas été retrouvé ; - l'expert, a alors constaté que les marchandises n'occupaient qu'environ la moitié avant du conteneur, l'arrimage montrant en effet que les colis présents avaient été empotés en piles droites et que celles-ci, s'étaient partiellement renversées du fait du vide en partie arrière ; - l'examen du conteneur et en particulier, celui des poignées, verrous et supports de poignées ainsi que celui des crémones des portes, n'a par ailleurs révélé aucune trace de falsification de ces éléments alors que si certaines méthodes, permettent par démontage/remontage de certains éléments de fermeture, d'ouvrir les conteneurs sans bris du scellé, ces pratiques laissent nécessairement des traces qui ne peuvent échapper à un examen attentif.

12.L'expert conclut finalement en p. 7 de son rapport : ' Le volume des 1523 colis manquants représentait environ 22,5 m3 et leur poids brut près de 11 tonnes : une contradiction est donc apparue entre l'importante logistique nécessaire pour l'évacuation d'une telle masse après effraction du conteneur et la nature même du chargement qui, de toute évidence, ne constitue pas une marchandise à risque (type parfums, vins, matériels électroniques ....);/Un short shipment d'une partie de la marchandise lors de l'empotage effectué chez l'expéditeur où l'un de ses substitués pouvait donc être très légitimement soupçonné. Sous réserve que ce short shipment n'ait pas été frauduleux, le fournisseur devait être en mesure de contrôler ses stocks et vérifier les quantités empotées./ En réponse à cette demande, le fournisseur a produit :(...)Un ticket de pesage du conteneur à l'entrée du terminal à Yantian montrant (sauf éventuelle complicité sur place pour édition d'un résultat erroné) que le conteneur était plein lors de sa remise au transporteur maritime./ Il faut donc bien convenir, sur la seule base de ce dernier document et en l'absence d'examen du scellé d'origine n° 48823032 que malgré l'apparente intégrité de ce scellé lors de la visite de douane sur le terminal au Havre les 1 523 cartons manquants ont pu être soustraits entre le 14.09.2008, date d'entrée sur le terminal Yantian, et le 13.10.2008, date de la visite de douane sur le terminal au Havre.' [surligné par la Cour]

13.En résumé, les différents conteneurs en ce compris le conteneur litigieux, ont après avoir été pesés avant embarquement, été transportés par voie maritime et sous scellés, sans rupture de charge entre le port de Yantian et celui du Havre puis, ont été déchargés le 6 octobre 2008 à 22 h 28 par la société GMP sur le terminal portuaire du Havre où ils sont restés stationnés sans surveillance particulière jusqu'au 13 octobre 2008, date à laquelle les services de douane ont procédé à leur contrôle. Ce contrôle a selon les déclarations faites à l'expert par un commis de la société Schenker, notamment permis de constater l'existence de manquants, nonobstant l'intégrité prétendue des plombs d'origine.

14.Les doutes émis par le transporteur maritime sur la véracité du ticket de pesage établi le 14 septembre 2008 en Chine - voir cote 32 de la société Laser et cote 5-23 de la société Schenker, lors de l'entrée du conteneur litigieux (CLHU4278223.) sur le terminal à Yantian produit par la société Schenker et sur lequel l'expert a fondé ses conclusions, ne sont qu'allégations et ne peuvent à eux seuls valoir démonstration que les mentions lisibles qui y sont portées, ne sont pas crédibles.

15.Il est au demeurant constant qu'aucune pesée n'a été réalisée par les services de douane tandis que le scellé d'origine, brisé lors de la visite de douane, n'a pu être retrouvé. La Cour constate encore que les premières réserves émises sur le chargement sont celles formées le 16 octobre 2008 par la société destinataire BLD Tramar auprès de la société Schenker qui elle-même, a selon lettre électronique du 17 octobre suivant à 16 heures 27, émis des réserves auprès de la société Laser avant, de solliciter la mise en place d'une mesure d'expertise.

16.Il suit de tout ce qui précède que l'absence de réserves portées sur le connaissement lors de l'embarquement du conteneur litigieux en Chine ainsi que sur la fiche de visite établie par les services de douanes le 13 octobre 2008, l'absence de pesée du conteneur à l'occasion de ce contrôle avant le transfert terrestre du conteneur à destination des entrepôts de la société destinataire, l'aveu du commis de la société Schenker dans le cadre des opérations d'expertise ayant révélé que lors de la visite de la douane, le conteneur n'était plus qu'à moitié plein, la perte du scellé d'origine ne permettant pas de vérifier son intégrité et enfin, le constat de manquants à l'arrivée dans les entrepôts de la société BLD Tramar, logisticienne de la société Yves Rocher réputée pour la commercialisation de cosmétiques considérés comme des produits sensibles, donnent à penser que la perte alléguée de marchandises est nécessairement intervenue entre le 14 septembre et le 13 octobre 2008 voire, entre le 6 et le 13 octobre 2008 puisqu'il est de jurisprudence établie qu'aucun plomb n'est inviolable ou encore, le jour même du 13 octobre 2008 nonobstant les énonciations portées sur le ticket interchange du 14 octobre 2008, mentionnant un poids brut de 23 392 kg dont rien, ne permet cependant de soutenir qu'elles correspondent à une pesée effective du conteneur litigieux à cette date et qu'elle ne sont donc pas, de ce point de vue, la simple retranscription de mentions antérieures.

17.Contrairement par ailleurs, aux dires de la société Schenker, il est parfaitement concevable que sur le laps de temps de 7 jours qui s'est écoulé entre le 6 et le 13 octobre 2008, des malfaiteurs se soient présentés avec un camion pour emporter 1523 cartons/colis d'un poids total de 11 tonnes.

18.Le principe de responsabilité de la société Schenker du fait de la faute commise par ses substitués dont la société CMA CGM est ainsi établi en l'absence de toute cause exonératoire de responsabilité avérée et notamment, de l'absence de toute faute caractérisée du commettant ou du destinataire.

19.Aucune limitation contractuelle d'indemnisation ne peut donc lui être opposée.

Sur l'indemnisation du préjudice de la société Laser par la société Schenker

20.La société Laser s'estime en droit d'obtenir auprès du commissionnaire de transport la réparation de l'intégralité de son préjudice, observant que seules les limites légales d'indemnisation du fait des substitués de ce dernier sont applicables au cas présent et en précisant également, que ces limites apparaissent être supérieures au préjudice réellement subi.

Elle précise que si les conditions générales de vente ne sont en effet applicables que lorsque la responsabilité du commissionnaire de transport est engagée pour faute personnelle, le plafond d'indemnisation fixé par la convention de Bruxelles amendée précitée relative à la responsabilité du transporteur maritime s'élève à la contrevaleur en euros de 1 015 338, 41 droits de tirage spéciaux ou DTS (666, 67 DTS x 1523 colis manquants) et est donc supérieur au préjudice réel qu'elle a subi, dont elle sollicite réparation.

21.Au vu des attestations produites par elle aux débats en cotes 26 et 28 non sérieusement contredites par son adversaire, la société Laser apparaît fondée à obtenir la réparation du préjudice réclamé comprenant d'une part, la somme de 55 590, 47€ hors taxes au titre de la perte des marchandises en cours de transport et d'autre part, celle de 50 235, 70€ au titre des frais aériens dûs correspondant aux frais de réexpédition.

22.Il est en effet exact que les conditions générales de vente de la société Schenker apparaissent au vu des articles 7.2.1 a et 7.2.2, n'être applicables que dans l'hypothèse où la responsabilité du commissionnaire de transport est retenue pour faute personnelle. L'article 7.2.1 a) de ces condition générales précise ainsi que : 'Dans le cas où la responsabilité personnelle de l'OTI serait engagée pour quelque cause que ce soit et à quelque titre que ce soit, elle est strictement limitée à ....' Ces conditions générales seront donc écartées au cas présent dès lors, que la responsabilité de la société Schenker n'est retenue que du fait de ses substitués.

23.Le jugement entrepris sera donc de ce chef, confirmé sauf à dire que le montant de la condamnation mise à la charge de la société Schenker est de 106 026, 17€ et non pas de 106 002, 34€.

Sur les autres demandes

24.Vu l'ancien article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable avant le 1er octobre 2016 ;

25.Il sera fait droit à cette demande par confirmation du jugement entrepris.

26.Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

27.La société Schenker, principale partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Franck Lafon, avocat.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

Vu l'arrêt de la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation du 13 décembre 2016 (pourvoi K 14-28.332) ;

Statuant dans la limite de la cassation intervenue :

CONFIRME le jugement entrepris, en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société anonyme Schenker en qualité de commissionnaire de transport sauf à dire que cette responsabilité des pertes et avaries constatées à la livraison de la société par actions simplifiée Schenker venant aux droits de la société anonyme Schenker, est celle de garante de ses substitués

LE CONFIRME en toutes ses autres dispositions, sauf à dire que :

- d'une part, la société par actions simplifiée Schenker est condamnée à payer à la société par actions simplifiée Laser une somme de cent six mille vingt six euros dix sept centimes hors taxes (106 026, 17€ ) en indemnisation de préjudice et non pas celle de cent six mille deux euros trente quatre centimes (106 002, 34€.),

- et que d'autre part, l'article 1154 du code civil applicable est celui dont la rédaction est antérieure au 1er octobre 2016.

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société par actions simplifiée Schenker aux entiers dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Franck Lafon, avocat, et de la Selarl Lexavoué agissant sous le ministère de Maître Martine Dupuis, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société par actions simplifiée Schenker à verser à la société par actions simplifiée Laser une indemnité de six mille euros (6 000€) à titre de frais irrépétibles d'appel.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le president,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/09086
Date de la décision : 22/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/09086 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-22;16.09086 ?
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