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15/03/2018 | FRANCE | N°15/03914

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 15 mars 2018, 15/03914


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MARS 2018



N° RG 15/03914



AFFAIRE :



[Z] [Y]





C/

EPIC IFREMER









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 13/00855





Copies exécutoires délivrées à :



M

e Stéphane MARTIANO

la SELARL ACTANCE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Z] [Y]



EPIC IFREMER







le : 16 mars 2018

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MARS 2018

N° RG 15/03914

AFFAIRE :

[Z] [Y]

C/

EPIC IFREMER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 13/00855

Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphane MARTIANO

la SELARL ACTANCE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Z] [Y]

EPIC IFREMER

le : 16 mars 2018

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Stéphane MARTIANO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459 substitué par Me Magalie PIERRON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459

APPELANTE

****************

EPIC IFREMER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substituée par Me Clément SALINES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe FLORES, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

Mme [Z] [Y] a été engagée le 29 juin 2009 en qualité de cadre administratif 1, coefficient 743, par l'établissement public industriel et commercial IFREMER selon contrat de travail à durée déterminée du 29 juin 2009 au 30 juin 2010. A compter du 1er janvier 2010, les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, Mme [Y] étant engagée en qualité de responsable paie, cadre administratif, catégorie CII A, coefficient 817.

Institut de recherche intégré en sciences marines, l'Ifremer contribue au système de recherche et d'innovation national, ainsi qu'à l'espace européen de la recherche. Il emploie plus de 10 salariés.

La convention applicable est la convention d'entreprise du 18 mai 1993.

Mme [Y] a été arrêtée du 17 au 28 novembre 2012.

Le 19 février 2013, Mme [Y] a été convoquée à un entretien préalable. Cet entretien préalable s'est tenu le 27 février 2013, lors duquel Mme [Y] était présente et assistée, et mise à pied à titre conservatoire. Le 12 mars 2013, Mme [Y] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 29 avril 2013, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt afin de contester son licenciement. Elle a demandé la condamnation avec exécution provisoire de l'Ifremer au paiement des sommes de 54 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 26 645,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 2 664,58 euros au titre des congés payés sur préavis, 17 760 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 948 euros au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, 394,80 euros au titre des congés payés afférents, 2 541,21 euros au titre de rappel de salaire 13eme mois sur période de mise à pied conservatoire et préavis, 67 095 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires, 6 709,50 euros au titre des congés payés afférents, 52 950,53 euros au titre de l'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les intérêts légaux de droit sur le tout.

L'Ifremer a demandé au conseil de débouter Mme [Y] et de la condamner à la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 29 juin 2015, le conseil (section encadrement) a :

- dit que les faits reprochés à Mme [Y] ne sont pas constitutifs d'une faute grave mais qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement,

- condamné la société Ifremer à lui verser 26 645,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 664 euros au titre des congés payés sur préavis, 17'760 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 948 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, 394,80 euros au titre des congés payés afférents, 2 541,21 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois,

- débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes,

- débouté l'Ifremer de sa demande reconventionnelle,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement au-delà, des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des salaires à retenir à ce titre étant fixée à la somme de 4 440,97 euros,

- dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

- dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés.

Le 21 juillet 2015, Mme [Y] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, Mme [Y] demande à la cour :

- de confirmer la décision déférée, en ce qu'elle a condamné l'Ifremer à lui verser les sommes de 26.645,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2.664,58 euros à titre de congés payés y afférents, 17.760 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3.948 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, 394,80 euros à titre de congés payés y afférents, 2.541,21 euros à titre de rappel de 13ème mois,

- de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau, de condamner l'Ifremer à lui verser les sommes de 54 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 67 095 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, 6 709 euros à titre de congés payés y afférents, 52 950,53 euros à titre d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'Ifremer aux dépens.

Mme [Y] soutient que l'Ifremer a profité de son état de santé fragilisé pour la licencier et que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés. Elle affirme que l'employeur n'apporte pas la preuve des fautes alléguées dans la lettre de licenciement, que les faits invoqués sont contestés, pour certains prescrits et qu'en toute hypothèse, ils ne sauraient en aucun cas justifier le licenciement. Mme [Y] conteste également avoir adopté un comportement irrespectueux à l'égard de Mme [H] et Mme [A] lors de l'entretien du 18 février 2013 (et non du 19 février). Elle ajoute qu'il s'agit d'une mise en scène de ces dernières, que durant l'entretien préalable il n'a pas été question une seule fois d'insultes proférées par Mme loyer contre qui que ce soit, que ce motif est faux et n'a été ajouté par l'employeur que pour renforcer la crédibilité d'un licenciement pour faute grave.

Mme [Y] affirme avoir exécuté de nombreuses heures supplémentaires et produit un tableau des heures qu'elle prétend avoir exécuté de 2009 à 2012. Elle précise que ces heures ont été rendues nécessaires du fait des décisions de l'entreprise sur l'organisation, tant sur les techniques informatiques que sur la gestion humaine de l'effectif du service paie. Elle ajoute qu'en raison du nombre d'heures exécutées, le contingent de 220 heures supplémentaires a été dépassé, ouvrant droit à une compensation obligatoire de repos fixée à 100 %.

L'Ifremer soutient que le licenciement pour faute grave est justifié, Mme [Y] n'ayant pas assuré le règlement des cotisations dues au titre de la protection sociale complémentaire de plusieurs salariés comme il lui appartenait de le faire en sa qualité de responsable paie, en relation avec la Caisse des Français de l'Etranger. L'Ifremer précise que Mme [Y] a commis des fautes professionnelles dans le traitement d'opérations comptables relatives aux indemnités de congés payés et n'avait pas effectué de correction avant l'intervention de la direction en janvier 2013. L'Ifremer ajoute que lors d'une réunion tenue le 19 février 2013, Mme [Y] a eu un comportement insultant à l'égard de sa supérieure hiérarchique.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, l'Ifremer demande à la cour :

- de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a constaté que Mme [Y] avait déjà fait l'objet de rappel à l'ordre, que Mme [Y] a commis de nombreuses fautes professionnelles faisant peser un risque sur la protection sociale de plusieurs salariés de l'Ifremer, que Mme [Y] a fait preuve d'une attitude inacceptable à l'égard de sa hiérarchie, notamment le 19 février 2013 et que Mme [Y] n'apporte pas le moindre élément venant justifier de ses demandes de rappels d'heures supplémentaires,

en conséquence,

- de débouter Mme [Y] de ses demandes de rappels d'heures supplémentaires et d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos ;

- de débouter Mme [Y] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de l'infirmer pour le surplus, et le réformant :

- de dire et juger que le licenciement de Mme [Y] repose sur une faute grave ;

- d'ordonner le remboursement des sommes versées à Mme [Y] au titre de l'exécution provisoire de droit ;

- de condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [Y] aux éventuels dépens.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur le licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement du 21 janvier 2011, qui fixe les limites du litige, énonce :

« Nous avons été alertés par plusieurs de nos salariés d'une absence de couverture sociale, certains s'étant même directement adressés à moi car n'obtenant pas de réponse de votre part depuis plusieurs mois.

C'est ainsi le cas d'[Q] [W], expatrié en [Localité 1] avec sa famille pour lequel il y a eu un défaut de paiement aux caisses de protection sociale (Caisse des Français de l'Etranger, Welcare du groupe Humanis) l'exposant, ainsi que sa famille, depuis 6 mois à une privation de garantie d'assurance pour les risques d'accident du travail, décès, et incapacité de travail/invalidité. Concomitamment, nous sont parvenues les lettres d'avertissement de la CEE de la part d'autres salaries expatriés qui ont également été privés de protection sociale (dont un depuis Janvier 2010 - [A] [I] base à [Localité 2], qui, de plus, n'avait pas été inscrit à la Caisse de Protection Sociale depuis janvier 2010). Les cotisations n'avaient pas été payées bien que vous les faisiez apparaître sur le bulletin de paie selon un calcul utilisant, par ailleurs, un taux erroné.

Pour d'autres expatriés, les cotisations n'avaient pas été payées depuis Juillet 2012.

Nous avons donc dû procéder à l'ensemble des régularisations. il s'agit de fautes particulièrement graves ayant conduit des salariés et leur famille à être placés dans une situation précaire à l'égard des organismes sociaux. Il relevait indéniablement de vos fonctions de veiller scrupuleusement à ce que la situation de ces salariés soit correctement suivie.

Par ailleurs, nous sommes alertés par [B] [L], agent comptable principal et le cabinet Nexia, d'erreurs importantes dans le « déversement» des opérations comptables des indemnités de congés payés de décembre 2011 à septembre 2012. Il s'avère que le transfert des informations concernant les éléments variables de paie entre les applications de gestion administrative et paie n'a pas été contrôlé par vous pendant ces dix mois.

Ces faits avaient pourtant été diagnostiqués par le service informatique depuis plusieurs mois et ce n'est que tardivement, plusieurs mois après, que vous avez mené très partiellement une action corrective et cela uniquement pour les mois qui ont suivi. Ainsi, force est de constater que jusqu'à notre intervention courant janvier 2013, aucune régularisation pour les mois concernés n'avait été entreprise. De plus, de nombreux éléments de paye n'ont pas été traités alors que vous étiez régulièrement destinataires des demandes, En voici quelques exemples :

- l'accord de départ en Congés sans solde d'[T] [M] avait été décidé par la Direction des Ressources Humaines mais vous ne l'avez pas traité en paie conformément à l'accord sur les congés annuels,

- les règles de valorisation des congés d'expatriation de [C] [Z] ne lui ont pas été expliquées alors qu'il s'agit de règles de paie,

- le nombre de jours pris et l'indemnisation des congés par le Compte Epargne Temps d'[T] [T] ne correspondaient pas à son avenant de passage à temps partiel signé en 2002,

- les demandes répétées d'explications sur le solde de tout compte et le net imposable de Madame [F] [J] suite à une longue maladie n'ont pas obtenu de réponse de votre part depuis avril 2012,

- la retenue et le maintien de salaire longue maladie de [K] [Q] n'ont pas été expliqués ni préalablement ni postérieurement à la retenue d'environ 30% opérée sur son bulletin de paie de septembre 2012 concernant ses absences maladie depuis juin 2011,

il en a été de même pour 1a demande d'explications de [U] [S] concernant son absence de mars 2012, non traitée depuis octobre 2012. Ces manquements particulièrement graves ont placé nos salariés dans des situations inacceptables jusqu'à ce que nous en soyons saisis pour régularisation au cours des mois de janvier et février 2013.

Il vous appartenait en votre qualité de Responsable de Paie de veiller scrupuleusement au respect des règles de gestion inhérentes à votre domaine de compétence et de répondre aux salariés qui vous sollicitaient sur leur situation concernant des questions de paie.

Outre ces faits, votre comportement vis-à-vis de votre hiérarchie s'est révélé de nombreuses fois totalement inacceptable.

A ce titre, vous avez fait l'objet d'un rappel à l'ordre avant sanction disciplinaire par [I] [V], Directeur des Ressources Humaines, le 25 juin 2012.

Manifestement vous n'avez pas tenu compte de ce rappel à l'ordre puisque très récemment vous avez, une fois de plus, adopté un comportement inacceptable à l'égard de votre hiérarchie. En effet, le 19 février 2013, lors de votre retour suite à congés, vous avez, dans un premier temps, été reçue par [D] [H], puis en présence d'[Y] [A] pour faire un point technique sur les dossiers en cours. Au cours de cet entretien, vous avez utilisé envers votre hiérarchie un ton menaçant et totalement irrespectueux, allant jusqu'à proférer des insultes. Ainsi, vous n'avez pas hésité à lui tenir des propos suivants « va au diable », « comment peux-tu te regarder dans une glace ' », «tu n'es pas une bonne adjointe mais une pourriture». Votre responsable hiérarchique, particulièrement choquée, vous a d'ailleurs alors demandé de sortir de son bureau.

Ces faits, qui se sont déroulés en présence de Madame [A], constituent également une faute grave.

Lors de votre entretien du 7 mars dernier, vous n'avez pas jugé utile de vous excuser au sujet des insultes précitées et n'avez eu de cesse de répéter que vous n'acceptez pas les griefs qui vous sont reprochés et qui justifient pleinement votre licenciement à effet immédiat ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute et le doute profite au salarié.

L'employeur reproche à la salariée d'avoir tenu des propos insultants à l'égard de Mme [H]. La réalité de ce grief est confirmée par l'attestation de Mme [A], qui a assisté à l'altercation et qui indique : '(...) Très vite, à la lecture des différents autres points, le ton de Mme [Y] a monté, son visage s'est crispé et ses dents se sont serrées. J'ai tenté de désamorcer la situation qui allait très certainement se détériorer en ramenant la conversation sur les aspects techniques mais lorsque le sujet de sa renonciation à participer au projet de Progiciel de gestion intégrée de l'Institut a été abordé, après avoir dit qu'à ce sujet '... [A] lui avait été foutu dans les pattes ...' elle a lancé plusieurs invectives moqueuses et menaçantes 'M-a-d-a-m-e F-i-l-i-p-o-v-i-c', allant jusqu'à la traiter de 'pourrie' suivi d'un 'va au diable'. Une telle insulte proférée en présence d'un collègue, qui remettait en cause l'honnêteté et l'intégrité de sa supérieure hiérarchique et déniait le pouvoir de direction dans le cadre d'une réunion examinant les difficultés rencontrées dans le service, faisait obstacle au maintien de la salariée dans l'entreprise et constituait, à elle seule, une faute grave. Le licenciement se trouvant justifié par ces seuls faits, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres griefs relatifs à l'exécution par la salariée de ses tâches.

Le jugement doit donc être infirmé du chef de la cause de licenciement et des indemnités de rupture et la salariée déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement. Le licenciement reposant sur une faute grave, les demandes au titre de la mise à pied conservatoire et du 13° mois au titre de cette période et du préavis doivent être rejetées.

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires

La salariée sollicite la somme de 67 095 euros au titre des heures supplémentaires effectuées pendant la relation de travail en sus de son temps de travail habituel en raison de la surcharge de travail qui s'est traduite par le manque de personnel, les problématiques techniques informatiques, la préparation d'un appel d'offres.

La société s'oppose à cette demande rappelant notamment que le salarié doit produire un décompte qui n'a pas été établi a posteriori et pour les besoins de la cause, que tel est le cas en l'espèce puisque le tableau produit par la salariée ne comprend que les prétendues heures supplémentaires qui auraient été réalisées en 2009 alors que Mme [Y], réclame des salaires jusqu'à l'année 2012, qu'aucun élément probant ne corroborant la ligne de ce tableau n'est produite, qu'interrogée sur l'organisation, elle a répondu par mail du 6 février 2012 ne relever aucun dysfonctionnement, que le mail adressé le 26 janvier 2010 à une collègue en indiquant qu'elle travaille de 7 heures à 21 heures ne précise pas la durée de ce travail, que cette collègue basée en Nouvelle Calédonie, sans lien hiérarchique avec elle, n'avait aucune raison d'y répondre, que Mme [A] avait été recrutée afin de soulager Mme [Y] dans le cadre de la mise en plage du nouveau Progiciel de gestion paie, mais que celle-ci n'a pas profité de cette aide, que Mme [Y] a indiqué par mail en décembre 2012 ne plus souhaiter s'occuper du dossier 'appel de cotisations' et que Mmes [A] et [N] ont du assumer lors de la commission prévoyance, de telle sorte que ce dossier ne lui a pas été retiré.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Au soutien de sa demande au titre des heures supplémentaires, la salariée produit, un décompte de 8 feuillets reprenant ses heures de travail quotidiennes du 29 juin 2009 au 31 décembre 2009, un second décompte quotidien des heures effectuées, couvrant la période du 29 juin 2009 au 31 décembre 2012, ainsi qu'un certain nombre de mails. Ces documents sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre de sorte que la demande est étayée.

De son côté, l'employeur conteste les éléments produits par le salarié mais ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier des horaires accomplis par la salariée.

Toutefois, le décompte produit par la salariée n'est accompagné d'aucun élément précis susceptible d'établir la réalité et l'importance des heures supplémentaires accomplies tout au long de ces quatre années. Du reste, ainsi que le relève l'employeur, lors de la réunion DRH du 6 février 2012, relative aux dysfonctionnements liés à la mise en place de la nouvelle organisation, Mme [Y] ne signalait aucun dysfonctionnement, déclaration qui contredit l'allégation d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. En outre, le mail du 26 janvier 2010, dans lequel Mme [Y] indique à son interlocuteur arriver vers 7h30 et terminer vers 21 h, reste malgré tout ponctuel et imprécis, se borne à indiquer une amplitude de travail et non les temps de travail effectif. Il est de surcroît également contredit par le propre décompte de la salarié qui sur cette période fait état d'horaires de 8 h à 12 h et de 13h à 20H. Cette incohérence interne aux éléments de preuve produits par la salariée prive ceux-ci de portée.

Il résulte de l'ensemble des éléments soumis à la cour que l'accomplissement d'heures supplémentaires par la salariée n'est pas établi. Le rejet de la demande au titre des heures supplémentaires conduit au rejet de celles au titre des repos compensateurs pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens

Mme [Y], qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Sur les frais irrépétibles

Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne vient justifier l'octroi d'une indemnité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 25 juin 2015 mais seulement en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et des repos compensateurs.

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute la salariée de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et de rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et du 13éme mois,

Condamne Mme [Y] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03914
Date de la décision : 15/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°15/03914 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-15;15.03914 ?
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