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08/03/2018 | FRANCE | N°17/04793

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 08 mars 2018, 17/04793


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 61B



14e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 MARS 2018



N° RG 17/04793



AFFAIRE :



SA UCB PHARMA agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié de droit en cette qualité audit siège



C/

[K], [D] [D] épouse [H]

...







Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er Juin 2017 par le tribunal de grande instance de NANTERREr>
N° RG : 14/07949



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Pierre GUTTIN



Me Stéphane CHOUTEAU



Me Martine DUPUIS



Me Rachel LEFEBVRE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

14e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 MARS 2018

N° RG 17/04793

AFFAIRE :

SA UCB PHARMA agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié de droit en cette qualité audit siège

C/

[K], [D] [D] épouse [H]

...

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er Juin 2017 par le tribunal de grande instance de NANTERRE

N° RG : 14/07949

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

Me Stéphane CHOUTEAU

Me Martine DUPUIS

Me Rachel LEFEBVRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA UCB PHARMA agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié de droit en cette qualité audit siège

N° SIRET : 562 079 046

'[Adresse 1]'

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 17000210

assistée de Me Valérie RAVIT et de Me Carole SPORTES LEIBOVICI de la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire: P0443

APPELANTE

****************

Madame [K], [D] [D] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003417

assistée de Me Martine VERDIER, avocat au barreau D'ORLEANS

Monsieur [R] [H]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003417

assisté de Me Martine VERDIER, avocat au barreau D'ORLEANS

Madame [P] [D]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003417

assistée de Me Martine VERDIER, avocat au barreau D'ORLEANS

SAS GLAXOSMITHKLINE SANTE GRAND PUBLIC venant aux droits de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 672 012 580

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757932

assistée de Me Jean-Pierre GRANDJEAN du PARTNERSHIPS CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0112

CPAM DE PARIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 - N° du dossier RL303

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 janvier 2018, Madame Odette-Luce BOUVIER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

EXPOSE DU LITIGE

Mme [K] [H] née [D] est née le [Date naissance 1] 1972. Sa mère, Mme [P] [D] affirme avoir été traitée, durant sa grossesse, avec l'hormone de synthèse dénommée diéthylstilboestrol (DES), en raison d'un risque de fausse couche.

Mme [H], à l'âge adulte, a présenté une adénose vaginale constatée en février 2002. Il lui a été diagnostiqué au cours de l'année 2007 la présence d'une segmentation en ligne brisée des bords utérins.

Devant l'échec de la survenue de grossesse spontanée, elle a été dirigée vers un spécialiste des problèmes de stérilité et une assistance médicale à la procréation a été organisée, puis un protocole de fécondation in vitro à compter de 2008 et au terme d'une grossesse pathologique durant laquelle elle est resté alitée, Mme [H] a donné naissance à une petite fille, [O], le [Date décès 1] 2009, à 37 semaines.

Par la suite, les différentes tentatives de fécondation in vitro qui se sont soldées par des échecs n'ont pas permis à Mme [H] de mener une grossesse à son terme et d'avoir un deuxième enfant.

Elle a ainsi fait une fausse couche en mai 2010 à 5 semaines d'aménorrhée avec une rétention intra-utérine. Deux nouvelles tentatives de fécondation in vitro ont été réalisées : la première a échoué en avril 2011 et la seconde a nécessité une intervention en raison de la constatation d'un 'uf clair en avril 2012.

Par acte du 28 septembre 2011, Mme [K] [H] née [D] a assigné la société anonyme (SA) UCB Pharma, productrice du médicament Distilbène® devant le tribunal de grande instance de Nanterre en responsabilité et indemnisation, en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris.

Le 7 mars 2012, la société UCB Pharma a assigné en intervention forcée le laboratoire producteur du Stilboestrol Borne®, la société Novartis Santé Familiale devenue Glaxosmithklin Santé Grand Public.

Les deux affaires ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du juge de la mise en état du 27 mars 2012.

Par ordonnance du 6 juillet 2012, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à un collège d'experts, le professeur [S] [R], pharmacologue, le professeur [G] [G], expert en médecine légale et le docteur [V] [Y], gynécologue obstétricienne.

Le 15 juin 2014, les experts ont déposé leur rapport.

Par jugement contradictoire rendu le 1er juin 2017, le juge du tribunal de grande instance de Nanterre a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SAS Glaxosmithkline aux droits de la société Novartis Familiale,

- déclaré les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition au DES de Mme [H],

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline à payer à Mme [H] les sommes suivantes, en réparation du préjudice causé, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et dont il conviendra de déduire les provisions versées :

*1.533,03 euros au titre des frais divers,

*30.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

*3.825 euros au litre du déficit fonctionnel temporaire,

*15.000 euros au titre des souffrances endurées,

*50.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

*10.000 euros au titre du préjudice sexuel,

*6.000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- débouté pour le surplus des demandes d'indemnisation,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline à payer à M. [H] la somme de 5.000 euros et à Mme [D] la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline à payer à la CPAM de Paris la somme de 16.732,29 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que la société UCB Pharma contribuera à la dette à hauteur de 95 % et que la SAS Glaxosmithkline contribuera à la dette à hauteur de 5%,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline à payer à Mme [H] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline à payer à la CPAM de Paris la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 1.047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés directement par les avocats de la cause chacun pour ce qui le concerne, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur des 2/3 des indemnités allouées et en totalité pour les sommes allouées au titre des frais de procédure et des dépens.

Le 23 juin 2017, la SA UCB Pharma a formé appel de la décision.

Dans ses conclusions transmises le 6 décembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA UCB Pharma, appelante, demande à la cour de :

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel du jugement du 1er juin 2017 par elle,

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant de nouveau comme suit :

A titre principal :

Sur l'absence de preuve de l'exposition :

- dire et juger que Mme [H] ne rapporte pas la preuve d'une exposition in utero au Distilbène®,

- dire et juger que Mme [H] ne peut se prévaloir d'une présomption d'exposition in utero au DES à défaut de démontrer qu'elle présente une pathologie ayant pour seule cause possible une exposition in utero à la molécule DES,

Sur l'absence de preuve d'une faute :

- dire et juger qu'elle n'a pas commis de faute à raison de la commercialisation du Distilbène® en 1971-1972 compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque,

Sur l'absence de preuve d'un lien de causalité :

- dire et juger qu'aucune présomption de causalité ne saurait s'appliquer,

- dire et juger que Mme [H] est défaillante dans la démonstration qui lui incombe d'un lien de causalité entre les pathologies qu'elle invoque et l'exposition in utero au DES alléguée,

En conséquence :

- dire et juger que sa responsabilité ne peut être retenue,

- débouter les consorts [H] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- débouter la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public et la CPAM de Paris de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les intimés à restituer les sommes versées par elle aux consorts [H] et à la CPAM de Paris au titre de l'exécution provisoire du jugement,

- condamner tout succombant aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, en cas d'application d'une présomption d'exposition in utero au DES :

- dire et juger que la preuve de l'exposition in utero au Distilbène® n'étant pas rapportée, elle et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public ne pourront être condamnées in solidum qu'en application de la présomption d'exposition in utero au DES,

- dire et juger qu'elle est bien fondée à invoquer la jurisprudence relative à la présomption d'exposition au DES pour soutenir son recours à l'égard de la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public,

- dire et juger que la part de la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public dans la contribution à la dette sera de 50 % et condamner la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public à la relever et la garantir à hauteur de 50 % de toutes condamnations,

- dire et juger en toute hypothèse que la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la part de marché qu'elle allègue,

- débouter la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à son égard,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une présomption de causalité entre l'exposition in utero au DES et les affections présentées par Mme [H] et évaluer les préjudices des consorts [H] comme suit :

Sur les préjudices allégués par Mme [H] :

-dire et juger que l'indemnité au titre du déficit fonctionnel temporaire ne saurait excéder 2.220 euros,

-dire et juger que l'indemnité au titre du pretium doloris ne saurait excéder 8.000 euros,

-dire et juger que le déficit fonctionnel permanent ne peut être supérieur au taux de 10% et que toute indemnité à ce titre ne saurait excéder 14.000 euros,

-dire et juger que les autres préjudices allégués ne sont pas caractérisés ou ne sont pas en lien avec l'exposition alléguée au DES et en conséquence débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

Sur les préjudices allégués par M. [H] :

- dire et juger que les préjudices d'affection, d'accompagnement et de procréation ne sont pas caractérisés ou ne sont pas en lien avec l'exposition alléguée au DES de Mme [H] et, en conséquence, condamner M. [H] à restituer les sommes versées par UCB Pharma à M. [L] au titre de l'exécution provisoire du jugement du 1er juin 2017,

Sur les préjudices allégués par Mme [D] :

- dire et juger que le préjudice moral invoqué n'est pas caractérisé ou n'est pas en lien avec l'exposition alléguée au DES de Mme [H] et, et, en conséquence, condamner Mme [D] à restituer les sommes versées par elle à Mme [D] au titre de l'exécution provisoire du jugement du 1er juin 2017 ;

Sur les demandes de la CPAM de Paris :

- dire que les sommes allouées à la CPAM de Paris au titre de la créance invoquée ne saurait excéder la somme de 4.294,43 euros et, en conséquence, condamner la CPAM de Paris à lui restituer les sommes versées à la CPAM de Paris au titre de l'exécution provisoire du jugement du 1er juin 2017,

- débouter la CPAM de Paris de toute autre demande,

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

- ramener l'indemnité sollicitée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

-laisser à la charge de chacune des parties ses propres dépens.

Au soutien de ses demandes, la SA UCB Pharma fait valoir :

- que le mode de preuve par voie de présomptions graves, précises et concordantes est inadapté à la preuve de l'exposition au produit ; que le terme « distilbène » est employé comme synonyme de la molécule DES ou d'autres molécules ;

- que les attestations produites par Mme [H] sont dépourvues de force probante ; que les mentions de « distilbène » dans le dossier médical renvoient au terme générique 'DES' ; que le jugement ne pouvait retenir une présomption d'exposition à la molécule sur le fondement de la présomption de fait de l'homme, l'exposition in utero au DES ne pouvant s'induire du parcours médical de la demanderesse ;

- qu'aucun lien de causalité n'est démontré entre les préjudices invoqués par les demandeurs et l'exposition alléguée au DES de Mme [H] ; qu'aucune présomption de causalité ne saurait être posée ;

- qu'aucune faute de la part d'UCB Pharma n'est démontrée ;

- que la contribution à la dette entre les deux laboratoires doit se faire à parts égales ; qu'elle a un droit de recours sur le fondement de la jurisprudence « [Q] » ; que les fautes reprochées aux laboratoires sont de nature et de gravité identiques ; que le rôle causal dans la survenance du dommage de la faute reprochée aux laboratoires est identique ;

- que les justifications avancées par la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public pour tenter de voir consacrer un partage à hauteur des parts de marché sont inexactes et infondées ; qu'en effet, la jurisprudence américaine n'est pas transposable en droit français ; qu'une répartition à hauteur des parts de marché n'est pas plus 'équitable' ni 'logique et opportune' ; qu'opérer une répartition à hauteur des parts de marchés prétendues est inenvisageable tant en droit qu'en opportunité ; que ce n'est pas compatible avec la jurisprudence '[Q]' et imposerait de statuer par voie d'arrêt de règlement et impliquerait en outre la violation de droits fondamentaux - droit d'accès à un recours effectif, droits de la défense et du droit à un procès équitable - ;

- qu'enfin, une répartition à hauteur des parts de marché est impraticable en l'absence de données fiables et complètes, et que tout raisonnement fondé sur les parts de marché impliquerait de déterminer le marché pertinent.

Dans leurs conclusions transmises le 20 novembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens Mme [K] [H], M. [R] [H] et Mme [P] [D], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

- recevoir la SA UCB Pharma en son appel mais le déclarer infondé,

- recevoir Mme [H] et Mme [D] en leur appel incident et le déclarer recevable et bien fondé,

- dire que Mme [H] justifie avoir été exposée in utero au distilbène®, produit commercialisé par la SA UCB Pharma, à l'époque de la grossesse de sa mère, avec toutes suites et conséquences de droit,

-dire que l'infertilité, les fausses couches et la grossesse pathologique sont présumées en lien direct avec l'exposition in utero au DES de Mme [H],

- constater que la SA UCB Pharma ne prouve pas que son produit n'est pas en cause,

- déclarer la SA UCB Pharma entièrement responsable du dommage subi par Mme [H] et tenue de le réparer,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre au titre de l'indemnisation des postes de frais divers, souffrances endurées et préjudice sexuel,

Infirmant pour le surplus

- condamner la SA UCB Pharma au paiement des sommes ci-dessus détaillées en réparation de l'entier préjudice de Mme [H] :

*dépenses de santé 2.096,23 euros

*déficit fonctionnel temporaire : 4.590 euros

*perte de gains professionnels 192.097,80 euros

*incidence professionnelle 100.000 euros

*déficit fonctionnel permanent 60.000 euros,

Subsidiairement si la cour devait inclure l'angoisse du suivi régulier et la crainte de contracter une pathologie cancéreuse dans le déficit fonctionnel permanent :

*déficit fonctionnel permanent aggravé : 75.000 euros

*préjudice d'établissement 15.000 euros

*préjudice spécifique d'anxiété 15.000 euros,

A titre subsidiaire, avant dire droit sur le préjudice économique :

- ordonner une mesure d'expertise psychiatrique et comptable de Mme [H] avec mission d'évaluer les préjudices économiques en tenant compte de l'impact des diminutions de revenus sur les droits à la retraite :

*dire si un lien peut exister entre les choix professionnels de Mme [H] et son exposition au DES,

*décrire les modifications induites par les changements de postes et les répercussions économiques des choix effectués,

*donner à la cour tous éléments comptables permettant d'apprécier le préjudice économique, notamment chiffrer la perte de gains futurs y compris la perte de droits à la retraite,

*donner à la cour tous éléments permettant d'apprécier l'incidence professionnelle,

- dire que les frais de consignation d'expertise seront supportés par la SA UCB Pharma,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre condamnant la SA UCB Pharma au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation de l'entier préjudice de Mme [D],

Infirmant la décision dont appel concernant M. [H] :

- condamner la SA UCB Pharma à réparer les préjudices de M. [H] à hauteur de :

*8.000 euros pour son préjudice moral

*10.000 euros au titre de son préjudice sexuel et de procréation,

- débouter la SA UCB Pharma de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre pour les frais irrépétibles de première instance,

- condamner la SA UCB Pharma au paiement de la somme de 8.000 euros au titre des frais engagés devant la cour sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA UCB Pharma aux entiers dépens comprenant les frais de consignation avancés.

A titre subsidiaire,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre qui a déclaré solidairement responsables la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public aux droits de Novartis en toutes ses dispositions sauf à retenir une présomption de causalité des anomalies utérines avec le DES,

- dire que l'infertilité, les fausses couches et la grossesse pathologique sont présumées en lien direct avec l'exposition in utero au DES de Mme [H],

- constater que la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public ne prouvent pas que leur produit n'est pas en cause,

- déclarer la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement et entièrement responsables du dommage subi par Mme [H] et tenues de le réparer,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre au titre de l'indemnisation des postes de frais divers, souffrances endurées et préjudice sexuel,

Infirmant pour le surplus

- condamner la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement au paiement des sommes ci-dessus détaillées en réparation de l'entier préjudice de Mme [H]

*dépenses de santé 2.096,23 euros

*déficit fonctionnel temporaire : 4.590,00 euros

*perte de gains professionnels 192.097,80 euros

*incidence professionnelle 100.000 euros

*déficit fonctionnel permanent 60.000 euros,

Subsidiairement si la cour devait inclure l'angoisse du suivi régulier et la crainte de contracter une pathologie cancéreuse dans le déficit fonctionnel permanent

*déficit fonctionnel permanent aggravé 75.000 euros

*préjudice d'établissement 15.000 euros

*préjudice spécifique d'anxiété 15.000 euros,

A titre subsidiaire, avant dire droit sur le préjudice économique :

- ordonner une mesure d'expertise psychiatrique et comptable de Mme [H] avec mission d'évaluer les préjudices économiques en tenant compte de l'impact des diminutions de revenus sur les droits à la retraite,

- dire si un lien peut exister entre les choix professionnels de Mme [H] et son exposition DES,

- décrire les modifications induites par les changements de postes et les répercussions économiques des choix effectués,

- donner à la cour tous éléments comptables permettant d'apprécier le préjudice économique, notamment chiffrer la perte de gains futurs y compris la perte de droits à la retraite,

- donner à la cour tous éléments permettant d'apprécier l'incidence professionnelle,

- dire que les frais de consignation d'expertise seront supportés par la SA UCB Pharma,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre condamnant la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation de l'entier préjudice de Mme [D],

Infirmant la décision dont appel concernant M. [H]

- condamner la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement à réparer les préjudices de M. [H] à hauteur de

*8.000 euros pour son préjudice moral

*10.000 euros au titre de son préjudice sexuel et de procréation,

- débouter la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre pour les frais irrépétibles de première instance,

- condamner la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement au paiement de la somme de 8.000 euros au titre des frais engagés devant la cour sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA UCB Pharma et la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public solidairement aux entiers dépens qui comprendront les frais de consignation.

Au soutien de leurs demandes, Mme [H], M. [H] et Mme [D] font valoir en substance :

- que les éléments produits constituent des présomptions graves, précises et concordantes suffisantes à retenir que Mme [K] [H] a bien été exposée au DES sous la spécialité distilbène®, produit dont répond la SA UCB Pharma ; qu'elle n'a pu obtenir communication des dossiers médicaux de sa mère en raison de l'ancienneté de l'exposition et de la déperdition des moyens de preuve directs ;

- que les experts ont retenu que Mme [H] présentait des anomalies utérines caractéristiques d'une exposition au DES et affirment de façon claire et précise qu'il n'y a pas d'autres causes possibles ;

- que selon le rapport général d'expertise dressé par le collège de quatre experts désignés et de nombreux sapiteurs en septembre 1994, avant 1969, et dès les années 1953-1954, les doutes sur l'efficacité du DES dans l'indication d'avortement spontané et la littérature expérimentale qui faisait état de la survenance de cancers très divers auraient dû justifier une attitude différente du laboratoire UCB Pharma ;

- qu'à la date à laquelle Mme [H] s'est trouvée exposée in utero au DES, la notice du distilbène était strictement muette sur le risque tératogène de ce produit ; que depuis les années 1960, se trouvait posée la question de l'efficacité de la molécule DES et d'effets tératogènes constatés chez les animaux, et que son efficacité chez la femme était mise en cause depuis 1953 ;

- que les laboratoires ne démontrent pas avoir tiré les conséquences de ces interrogations en avisant les prescripteurs des inconvénients constatés et des réserves que devait susciter la prescription de ce produit ;

-que dès lors où les faits ainsi pré-identifiés seraient réunis, l'existence d'un lien de causalité serait automatiquement présumée, sauf pour le laboratoire producteur du DES de prouver par tous moyens que son produit n'est pas en cause ;

- que l'ensemble de ces pathologies sont effectivement en lien avec l'exposition à la molécule DES ;

- qu'ils contestent enfin le quantum de certaines des indemnisations accordées par le jugement et sollicitent l'allocation de sommes notamment au titre des pertes de gains professionnels, d'un préjudice spécifique d'anxiété et d'un préjudice permanent et distinct lié à l'exposition in utero au DES.

Dans ses conclusions transmises le 17 novembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

A titre principal, sur sa mise hors de cause :

- dire et juger que la solution posée par l'arrêt "[Q]" n'est pas applicable dans les rapports entre les laboratoires, auxquels s'applique le droit commun,

- dire et juger que les éléments versés aux débats par les consorts [H], confortés par la disparité des parts de marché des deux médicaments en cause, établissent que Mme [K] [H] a été exposée in utero au Distilbène et non au [Adresse 6],

- dire et juger que les pathologies de Mme [K] [H] ne trouvent pas leur "seule cause possible" dans une exposition in utero au DES, de sorte qu'elles ne permettent pas d'induire une telle exposition,

- dire et juger qu'aucune présomption de lien de causalité ne saurait s'appliquer en l'espèce,

En conséquence,

-infirmer le jugement du 1er juin 2017 en ce qu'il a retenu sa responsabilité,

- débouter la SA UCB Pharma et/ou les consorts [H] et/ou la CPAM de Paris de leurs demandes dirigées contre elle,

- la mettre hors de cause,

- condamner la SA UCB Pharma ou les consorts [H] ou la CPAM de Paris à lui rembourser le montant des sommes provisionnelles qu'elle a versées en exécution de l'ordonnance de mise en état du 27 janvier 2015 et de l'arrêt d'appel du 26 janvier 2017, soit 16.000 euros,

- condamner UCB Pharma et/ou les consorts [H] à lui rembourser les frais d'expertise qu'elle a avancés et la somme de 2.000 euros qu'elle a versée aux consorts [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en exécution de l'ordonnance du 27 janvier 2015 et de l'arrêt d'appel du 26 janvier 2017,

Subsidiairement,

- confier à tel collège d'experts qu'il plaira à la cour, composé d'un gynécologue obstétricien et d'un pharmacologue, dans le respect du contradictoire, la mission de :

*convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception,

*entendre les parties ainsi que toute personne susceptible de fournir des informations en rapport avec les faits de la procédure,

*se faire communiquer par les parties tous documents médicaux et scientifiques ainsi que tous autres documents qu'ils estimeront utiles et nécessaires à leur mission, et notamment les entiers dossiers médicaux de Mme [K] [H] et de sa mère, sans que puisse leur être opposé le secret médical,

*déterminer et décrire avec le plus de précision possible les antécédents de santé de la mère de Mme [K] [H], ainsi que l'ensemble des traitements qu'elle a pu suivre pendant sa grossesse ayant conduit à la naissance de Mme [K] [H] et pendant son allaitement, et déterminer si elle a présenté des difficultés à procréer, des anomalies utérines et cervicales, et si elle a subi des accidents gravidiques,

*en particulier, réunir tous éléments de nature à éclairer la cour sur l'éventuelle absorption de Diéthylstilbestrol par la mère de Mme [K] [H], durant sa grossesse, et, dans l'affirmative, décrire les dates précises de cette absorption, ainsi que la posologie suivie par la mère de Mme [K] [H] ; le cas échéant, réunir tous éléments de nature à déterminer le nom de la spécialité administrée (Distilbène ou Stilboestrol Borne) et déterminer la contribution respective de chacune des spécialités à l'apparition des pathologies de Mme [K] [H],

*décrire les antécédents de santé de Mme [K] [H], les traitements médicaux suivis et leur évolution avec le plus de précision possible ; dire si ces traitements ont été et/ou sont conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science,

*procéder à l'examen médical contradictoire de Mme [K] [H], en présence des médecins-conseils des parties, et décrire son état de santé actuel,

*déterminer si elle présente ou a présenté des difficultés à procréer, des anomalies utérines et cervicales, et si elle a subi des accidents gravidiques,

*le cas échéant, décrire ces pathologies avec toute précision utile, les dates auxquelles elles sont survenues, leur évolution, les traitements prescrits, etc.,

*dire si les pathologies éventuellement présentées ont pour seule cause possible une exposition in utero au Diéthylstilbestrol,

*dans le cas contraire, décrire les autres facteurs qui ont pu intervenir dans la survenance de ces pathologies en établissant dans la mesure du possible une échelle de probabilité et de proportionnalité entre chaque facteur,

*dans l'hypothèse où les pathologies présentées ne pourraient s'expliquer que par une exposition in utero au Diéthylstilbestrol, donner à la cour tous éléments de nature à lui permettre d'évaluer les préjudices subis par Mme [K] [H] en relation directe avec cette exposition,

*le cas échéant, déterminer la date de consolidation desdits préjudices,

*dire que les experts pourront s'adjoindre tout sapiteur de leur choix pour l'accomplissement de leur mission, dans une spécialité autre que la leur,

*adresser aux parties un pré-rapport et solliciter leurs éventuelles observations auxquelles les experts répondront dans le cadre de leur rapport définitif,

*mettre les frais d'expertise à la charge des consorts [H],

A titre subsidiaire, sur la contribution à la dette :

- confirmer le jugement du 1er juin 2017 en ce qu'il a réparti la charge de la dette entre la SA UCB Pharma et elle au prorata de leurs parts de marché respectives,

- dire et juger que sa contribution à la dette est limitée à une proportion de 2 % du montant des sommes allouées aux consorts [H] et à la CPAM de Paris, au prorata de sa part de marché,

- confirmer, subsidiairement, le jugement du 1er juin 2017 en ce qu'il a dit et jugé que sa contribution à la dette est limitée à une proportion de 5% du montant des sommes allouées aux consorts [H] et à la CPAM de Paris,

- débouter pour le surplus la SA UCB Pharma de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause, sur l'évaluation des dommages-intérêts :

- infirmer le jugement du 1er juin 2017 en ce qu'il a évalué les préjudices des consorts [H] à la somme totale de 141.358,03 euros et en ce qu'il a alloué à la CPAM de Paris une somme totale de 19.279,29 euros,

Statuant à nouveau,

- débouter la SA UCB Pharma, les consorts [H] et la CPAM de Paris de l'ensemble de leurs demandes,

- donner acte, subsidiairement, de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur les montants sollicités par la CPAM de Paris,

- dire et juger, subsidiairement, que l'indemnisation des consorts [H] ne saurait excéder la somme de 33.358,03 euros (soit 667,16 euros, ou à titre subsidiaire, 1.667,09 euros, à sa charge),

Enfin,

- condamner la SA UCB Pharma à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de ses demandes, la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public fait valoir en substance:

- que la SA UCB Pharma ne saurait invoquer à son profit la solution de l'arrêt "[Q]" du 24 septembre 2009 pour mettre en cause sa responsabilité, cette solution dérogatoire ne bénéficiant qu'aux victimes demanderesses ;

- que Mme [H] démontre avoir été exposée in utero au médicament Distilbène, spécialité commercialisée par la SA UCB Pharma, et non au Stilboestrol Borne, de sorte que l'arrêt "[Q]" n'a pas vocation à s'appliquer ; qu'en effet, la mise en 'uvre de la présomption ainsi posée suppose que la spécialité administrée ne soit pas connue ;

- que les pathologies invoquées par Mme [H] ne trouvent pas leur "seule cause possible" dans une exposition in utero au DES, de sorte que la présomption posée par l'arrêt "[Q]" est en tout état de cause inapplicable en l'espèce ;

- que les conclusions du rapport d'expertise sont erronées en ce que les experts se sont fondés sur les preuves "directes" d'exposition de Mme [H] "au DES" pour en déduire une exposition certaine à cette molécule ;

- qu'enfin, il y a une disproportion manifeste entre les parts de marché du Distilbène et du Stilboestrol Borne ; que le Distilbène a été commercialisé dans des proportions considérablement supérieures à celles dans lesquelles le Stilboestrol Borne a été prescrit ; qu'au moment où Mme [H] indique avoir été exposée au DES, le Stilboestrol Borne ne détenait au maximum que 2% des parts de marché ; qu'il n'y a que 2% de probabilité que Mme [H] ait bien été exposée au Stilboestrol Borne plutôt qu'au Distilbène, et que sa contribution à la dette de réparation doit être limitée à la part de marché du Stilboestrol Borne à l'époque des faits, soit 2,3%.

Dans ses conclusions transmises le 13 novembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CPAM de Paris, intimée, demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum les société UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à lui verser la somme de 16.732,29 euros au titre des prestations servies dans l'intérêt de Mme [K] [H],

-la recevoir en son appel incident et l'y déclarer bien fondée,

En conséquence :

- condamner, in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public au paiement des intérêts au taux légal à compter de chaque demande soit à compter du :

*du 25 juin 2012 sur la somme de 12.036,20 euros,

*du 27 novembre 2014 sur la somme de 16.356,60 euros,

*du 22 avril 2015 sur la somme de 16.732,29 euros,

-condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public au paiement de la somme de 1.055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion valeur janvier 2017 sauf à parfaire de son actualisation pour sa valeur au jour du paiement,

-condamner, in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à lui verser la somme de 2.000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

-condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public aux dépens d'instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la CPAM de Paris fait valoir :

- que les prestations prises en charge par elle au titre de la législation Assurance Maladie s'élèvent à la somme de 16.732,29 euros ; qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle entend exercer son recours subrogatoire ;

- que l'imputabilité des frais engagés par elle est incontestable, comme ressortant tant du rapport d'expertise, des pièces médicales communiquées en demande, de l'attestation d'imputabilité du docteur [O] médecin conseil du service médicale d'Ile de France ;

- que conformément à l'article 1231-6 (anciens articles 1153 et 1153-1) du code civil et à l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale, les dépenses dont les organismes sociaux poursuivent le remboursement à l'encontre du tiers responsable portent intérêts de droit, à compter du jour de leur première demande ;

- que suivant un arrêté du 26 décembre 2016 des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, publié au Journal Officiel du 30 décembre 2016, le montant plafonné de l'indemnité forfaitaire de gestion a été porté au 1er janvier 2017 à 1.055 euros à laquelle sont tenues les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public en vertu des dispositions d'ordre public de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 décembre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

****

Mme [H], née le [Date naissance 1] 1972, affirme avoir été exposée in utero, lors de la grossesse de sa mère, Mme [D], au Distilbène®, produit à cette époque par la société UCB Pharma et recherche à titre principal, sur le fondement combiné des anciens articles 1199, 1382 et 1383 du code civil, applicables à la cause, la responsabilité de ce laboratoire et, à titre subsidiaire, celle des sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public (GSK) venant aux droits de Novartis Santé familiale, laboratoire également producteur de la molécule diéthylstilboestrol (DES) avec le Stilboestrol Borne®.

* Sur la présomption d'exposition in utero de Mme [H] au Distilbène®, ou à défaut, à la molécule diéthylstilboestrol (DES) :

Il est constant que, s'il appartient à la demanderesse de prouver qu'elle a été exposée in utero au diéthylstilbose lors de la grossesse de sa mère, cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Si cette preuve est rapportée, il appartient à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient de prouver que celui-ci n'est pas à l'origine du dommage.

Il n'y a pas lieu de renverser cette répartition de la charge de la preuve et de remettre en cause cette présomption d'exposition qui répond aux difficultés de preuve résultant de l'ancienneté des faits et satisfait ainsi aux exigences du procès équitable, contrairement à ce que soutiennent les consorts [H] et [D] qui revendiquent l'application, en la matière, d'une présomption de causalité consistant à exiger des laboratoires qu'ils prouvent que les pathologies sont liés à des facteurs autonomes et exclusifs du DES.

Dans la présente espèce, il est constant qu'il n'est produit aucune pièce, source de prescription de la molécule ou de l'une des spécialités.

La cour relève que l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé -AFFSAPS - devenue l'agence nationale de sécurité du médicament - ANSM - indique notamment en juin 2011 dans sa 'mise au point' sur le DES et les complications liées à ce médicament destinée aux professionnels de santé pour les sensibiliser sur les modalités de dépistage et prise en charge, dans les cas où l'exposition au DES n'est pas connue de la mère et/ou de la sa fille :

'Une certitude ou un faisceau d'arguments en faveur d'une exposition in utero pourront être établis sur les éléments suivants:

1) A l'interrogatoire, la notion d'antécédents maternels de fausse couche ou de difficultés obstétricales chez toute patiente née entre les années 1948 et 1977,

2) A l'examen clinique, la découverte d'anomalies du col ou de l'utérus évocatrices d'une exposition au DES,

4)A l'hystérographie, la mise en évidence d'images évocatrices d'une exposition au DES.

De plus chez toute femme née avant 1977, une exposition au DES devra être systématiquement recherchée dans les situations critiques suivantes :

- grossesse extra utérine

- avortements à répétition du 1er trimestre ou surtout avortements du 2nd trimestre

- accouchement prématuré' (pièce 243 des consorts [H]-[D])

En l'état actuel des données scientifiques - selon cette 'mise au point' 2011 de l'AFFSAPS-, les principales complications recensées chez les filles exposées in utero au DES sont :

- l'adénocarcinome à cellules claires du col de l'utérus ou du vagin (ACC),

- les anomalies structurales, morphologiques et fonctionnelles au niveau du vagin, du corps et du col de l'utérus avec par ordre de fréquence, l'adénose (présence en dehors de sa localisation normale de la muqueuse cylindrique du col utérin), l'hypoplasie du col utérin (absence ou diminution du relief du col, aspect en cimier de casque), des anomalies utérines souvent associées aux anomalies précédentes avec, par ordre de fréquence décroissante, l'utérus en forme de T et la cavité de petite taille, l'hypoplasie utérine (utérus petit dans sa globalité), rétrécissement de la cavité (pseudosynéchies), des strictions, diverticules de l'utérus et anomalies des trompes (trompes grêles à la coelioscopie).

Certaines de ces atteintes peuvent provoquer des problèmes de fertilité (environ une femme sur 3) et des complications obstétricales telles que troubles de l'ovulation, grossesses extra-utérine, fausses couches précoces ou tardives, semaines d'aménorrhée et prématurité.

Enfin, les troubles observés chez les enfants de mères exposées in utero (3ème génération) sont essentiellement liés aux complications liées aux naissances prématurées avec notamment, une augmentation du nombre d'enfants infirmes moteurs cérébraux.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats par Mme [H] :

- que, née en 1972, elle présente une des anomalies utérines répertoriée par l'AFFSAPS dans sa 'mise au point', à savoir une adénose vaginale et un utérus en T avec segmentation en ligne brisée des bords utérins ;

- qu'en l'absence de grossesse, elle a suivi un protocole de procréation médicalement assistée.et a donné naissance à une petite fille prématurée, née le [Date naissance 3] 2009 à 37 semaines, au terme d'une grossesse pathologique ;

- qu'elle n' a pu avoir d'autre enfant en dépit de diverses tentatives de fécondation in vitro, ayant subi, en outre, une fausse couche, en mai 2010, à cinq semaines.

Les experts judiciaires qui l'ont examinée indiquent qu'il existe 'une malformation de l'utérus fortement évocatrice de l'exposition au DES, et que l'évolution pathologique et les échecs de fécondation, d'insémination et la fausse couche sont compatibles avec les faits observés chez les patientes exposées in utero au DES " et relèvent "une adénose cervicale et vaginale étendue" et "une image de segmentation en ligne brisée des bords et une cavité triangulaire évocatrice de DES", enfin "un utérus en T".

Outre ces concordances médicales, Mme [H], pour prouver son exposition in utero au DES, ne produit pas une ordonnance prescrivant à sa mère, Mme [P] [D], la prise de cette molécule mais communique :

- une attestation du 21 juillet 2010 établie par sa mère qui y certifie que le docteur Palmer lui avait prescrit du distilbène ('25 mg 2 comprimés par jour pendant 2 mois') le 27 septembre 1971 au terme de deux mois de grossesse (pièce I-1). Mme [D] explique avoir consulté le professeur Palmer en 1971, en raison de sa stérilité, lequel lui a prescrit du Distilbène, à raison de 25 mg sous forme de 2 comprimés par jour, et ce le 27 septembre 1971 au terme de deux mois de grossesse, compte tenu de son antécédent de fausse couche et de son dosage hormonal trop faible faisant craindre une nouvelle fausse couche. En conclusion de son témoignage, elle précise que le docteur [B], successeur du professeur Palmer, a continué à la suivre sur le plan gynécologique et a souhaité voir sa fille [K] en consultation à l'âge de 14 ans, pour un premier examen clinique compte tenu de son exposition in utero au Distilbène.

- les notes rédigées par sa mère depuis une fausse couche datant du 14 juillet en 1967 dans lesquelles est portée la mention '27/09/1971 distilbène 25mg' (pièce I-1/2 et 3) ;

- les éléments médicaux relatifs à la fausse couche de Mme [D] en 1967 et au curetage alors subi (pièce I-1/1), à l'intervention chirurgicale effectuée en mai 1968 par le docteur [J] en raison d'une rétroversion utérine consécutive à la fausse couche ;

- une feuille volante écrite à la main par sa mère le 13 mars 2012 dans laquelle celle-ci consigne toutes les prescriptions marquantes la concernant à compter de sa fausse couche de 1967 (pièce I-54) en raison des problèmes de santé dont elle a pu souffrir au fil des années et en particulier l'indication de la prise de Distilbène 25 mg prescrit par le docteur Palmer ;

- une attestation établie le 13 mars 2012 pour les besoins de la présente procédure dans laquelle Mme [D] confirme avoir renseigné ce document pour consigner toutes les prescriptions marquantes la concernant à compter de sa fausse couche de 1967 ;

- le propre dossier médical de Mme [H] qui fait mention, dès 2001, de son exposition au distilbène et dans lequel son gynécologue traitant, le docteur [S], note comme antécédents familiaux la prescription de DES à sa mère pendant 2 à 3 mois lors de sa grossesse (pièce I-50), étant rappelé par la cour que Mme [D] a été suivie par le docteur Palmer et le professeur [B] que sa fille a rencontré à l'âge de 14 ans (pièce I-57) et dont le successeur est précisément le docteur [S] ce qui atteste de la continuité de la prise en charge médicale des deux femmes et explique la transmission d'éléments d'information sur leur suivi gynécologique.

La cour rappelle que le seul fait que l'attestation produite par Mme [H] provient d'un membre de sa famille, en l'occurrence sa mère, ne saurait priver cette pièce de toute valeur et portée probante, étant précisé qu'en la matière, est admis un certain assouplissement aux exigences habituelles du droit de la preuve par l'affirmation d'une présomption d'imputabilité au bénéfice de la victime du DES au regard de l'ancienneté de l'exposition au produit et de la déperdition en conséquence des moyens de preuve directs.

En l'espèce, l'attestation de Mme [D] et ses notes, détaillées et précises, sont confortées par les pièces médicales produites sus mentionnées et corroborent les constatations expertales qui font état de conséquences médicales chez sa fille, caractéristiques de l'exposition in utero au DES et notamment la malformation utérine en T, les difficultés de grossesse, la fausse couche, les échecs d'insémination, de FIV et la mise au monde d'un enfant prématuré.

En outre, les experts soulignent que les troubles de la fécondité ainsi présentés par Mme [H] sont 'plus fréquemment [observés] chez les femmes exposées au DES que dans la population générale normale." et concluent que s'il n'existe pas de preuve non discutable de prescriptions de Distilbène à la mère de Mme [H] ' il existe par contre une malformation de l'utérus fortement évocatrice de l'exposition au DES, que l'évolution pathologique et les échecs de fécondation, d'insémination et la fausse couche sont compatibles avec les faits observés chez les patientes exposées in utero au DES. Ainsi, bien que l'on ne dispose pas d'ordonnance, l'exposition est considérée comme certaine par les experts. » (rapport page 11), certitude réaffirmée, sans réserve, 'du fait de la malformation utérine caractéristique et de la prise de DES, certifié par la mère' dans le chapitre « exposition au DES » (rapport page 12).

Enfin, ils ne retiennent dans les antécédents de Mme [H] aucun argument 'pouvant de façon formelle évoquer une autre cause' aux malformations et troubles dont elle souffre (rapport page 18).

En réponse aux dires des deux laboratoires, les experts précisent :

« L'exposition au DES de Madame [H] est certaine et l'avis d'expert est que cette exposition a eu pour conséquence l'adénose vaginale, l'infertilité et l'aspect caractéristique de l'utérus » (rapport page 64)

Comme l'a retenu à bon droit le jugement déféré, il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir que Mme [D], la mère de Mme [H], s'est vue prescrire du diéthylstilboestrol pendant sa grossesse et que Mme [H] a été exposée, de ce fait, in utero au DES.

Il est en outre établi que les pathologies dont souffre Mme [H] trouvent leur seule cause possible dans cette exposition au DES, aucun élément de fait ou de preuve ne permettant de retenir, en l'espèce, une autre cause .

* Sur la responsabilité des sociétés UCB Pharma et GSK :

Selon l'ancien article 1382 du code civil, applicable à l'espèce, l'instance ayant été engagée avant le 1er octobre 2016, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, l'ancien article 1383 du même code précisant que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Dès lors, Mme [H], tiers à toute relation contractuelle engagée par sa mère, est fondée à rechercher, en application des dispositions sus vises, la responsabilité délictuelle des laboratoires producteurs du produit mis en cause.

L'exposition au diéthylstilbestrol (DES) est une « maladie rare » dont les conséquences évoluent avec des effets, en l'état, sur trois générations dites ' DES'.

Le DES, principe actif des spécialités Distilbène® et Stilboestrol Borne®, a été prescrit en France de 1948 à 1977 aux femmes enceintes dans le but annoncé d'éviter les fausses couches et autres complications de grossesse.

Selon le rapport général d'expertise établi en février 1999 par un collège de quatre experts et sept sapiteurs (pièce 37 des consorts [H] et [D]), dès 1953, une étude dite 'Dieckman' a remis en cause l'efficacité du DES dans la prévention des fausses couches du premier trimestre, étude qui sera ignorée par l'industrie pharmaceutique.

En outre, les études expérimentales chez l'animal (Lacassagne et a. 1938 et Gabriel -Ribez et al 1967) ont mis en évidence des effets indésirables tels que des cancers et des anomalies morphologiques, fentes palatines et anomalies cardiaques. D'autres études faites sur des animaux de laboratoire en 1939, 1941, 1947, 1952 et 1959 ont révélé des effets toxiques, y compris tératogènes, bien que leurs conclusions ne soient pas directement transposables à l'homme.

Par la suite, en 1971, a été constatée par Herbst une relation entre l'exposition à la molécule DES et l'apparition de cancers chez la femme au niveau du col de l'utérus et du vagin (Etude Herbst et al., 1971) et la FDA (Food and Drug Administration), organisme américain chargé de la surveillance des médicaments et des produits, a contre-indiqué en novembre 1971 l'usage du DES durant la grossesse. L'apparition d'anomalies morphologiques utérines a été signalée et inventoriée par deux études américaines (Kaufman, 1977 et 1980).

En France, à partir de 1971, année de publication de 'Herbst et al.' mettant en cause le DES en clinique humaine, le traitement par le Distilbène® est clairement déconseillé dans les instantanés médicaux de l'Encyclopédie Médicochirurgicale et dans les publications du Concours Médical, de Millet et al., Belaisch et al. et de Robert et Palmer.

En dépit de ces alertes, ce n'est qu'en 1977, en France, que la contre-indication 'grossesse' est mentionnée dans le dictionnaire 'Vidal' et le fabricant tenu par l'autorisation de mise sur le marché du Distilbène du 5 février 1977 de signaler cette contre-indication sur la notice du produit pour les femmes enceintes ou susceptibles de l'être.

Le rapport général d'expertise de février 1999 conclut en indiquant qu'à partir de 1971, les éléments connus de diverses natures (nombreuses études expérimentales, observations personnelles en clinique humaine, position de la FDA, obligation faite aux industriels américains de changement de l'étiquetage du médicament en précisant que la grossesse est une contre-indication) auraient dû conduire la société UCB Pharma et les autres laboratoires à ne pas maintenir, au-delà de cette date, en France, la distribution du DES pour son usage en cours de grossesse.

Dans de telles conditions, les laboratoires UCB Pharma et Novartis devenue Glaxosmithkline, commercialisant le diéthylstilboestrol (DES) respectivement sous le nom de Distilbène® et sous celui de Stilboestrol Borne® , en ne prenant aucune mesure afin de prévenir ou limiter les conséquences, sur trois générations désormais, de l'utilisation du DES chez les femmes enceintes et en maintenant sur le marché, sans précaution ni mise en garde, un produit dont l'efficacité puis l'innocuité avaient été remises en cause dès les années 1953-1954 et de manière documentée par de nombreuses études expérimentales et observations cliniques publiées, sur plusieurs années, dans la littérature médico-scientifique, ont manqué à leur obligation de vigilance et partant, commis une faute de nature à engager leur responsabilité, la discordance même des résultats obtenus quant aux avantages et inconvénients du produit étant elle-même, dans un tel contexte, de nature à alerter les producteurs concernés et aurait dû les amener à prendre toutes mesures de prévention et de mise en garde utiles.

Le tribunal a dès lors justement retenu une imprudence par défaut de vigilance à l'encontre des sociétés UCB Pharma et Novartis devenue Glaxosmithkline.

S'il est établi en l'espèce, par des présomptions graves, précises et concordantes, que le DES est la cause directe des pathologies dont souffre Mme [H] du fait de son exposition in utero à cette molécule, elle n'établit pas, en revanche, de façon formelle, la spécialité administrée, contrairement à ce qu'elle soutient, à titre principal, en cause d'appel.

En effet, le quasi monopole du marché par la spécialité Distilbène® ne permet pas, à lui seul, de retenir avec certitude que Mme [D] a été traitée par ce produit de la société UCB Pharma car le terme 'Distilbène' était communément utilisé par le public pour désigner la molécule DES et le dosage "Distilbène 25mg" dont fait état Mme [D] n'est pas plus probant car il est susceptible d'être interprété de façon différente, UCB Pharma faisant valoir que ce dosage n'existait que pour le Stilboestrol Borne et GSK affirmant que cette précision révèle précisément l'exposition au Distilbène.

Il appartient dès lors aux laboratoires de démontrer que leur produit n'est pas à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation.

Les laboratoires ne l'établissant pas, dans la présente instance et pour les motifs sus relevés, ils seront déclarés in solidum responsables des dommages causés par l'exposition in utero au DES de Mme [H], comme l'a retenu à bon droit le jugement déféré.

* sur la réparation des préjudices :

A) subis par Mme [H]

La consolidation doit être fixée à la fin du mois d'avril 2012, au terme des tentatives successives d'une nouvelle grossesse.

Aux termes de leur rapport, les experts judiciaires retiennent pour Mme [H] les préjudices suivants:

"La consolidation peut être réputée comme acquise au terme des tentatives successives de démarrer une nouvelle grossesse, la fin du mois d'avril 2012 apparaît être une date optimale. Une surveillance gynécologique annuelle est souhaitable dans un cadre de prévention qui concerne les femmes exposées ou non au DES. L'accompagnement psychologique depuis 2008 peut être maintenu encore un an.

Le déficit fonctionnel temporaire est total pour :

- 8 jours à la suite d'une coelioscopie du 5 décembre 2007,

- il en est de même pour la grossesse du 4 novembre 2008 au 14 mars 2009 en ce sens que le repos strict était nécessaire pour permettre son succès du fait des difficultés générées par l'exposition au DES,

- hystéroscopie et utéroplastie du 26 février 2010 ont entraîné un arrêt de travail de 8 jours, puis Mme [H] a été arrêtée du 25 mai au 2 juillet du fait d'une fausse couche avec curetage,

- une nouvelle hystéroscopie est pratiquée début 2011 avec nouvel arrêt de travail de 8 jours,

- et une fausse couche avec aspiration utérine nécessite un jour d'arrêt de travail en avril 2012.

Le déficit fonctionnel permanent correspond à l'infertilité secondaire avec nécessité de recourir à une procréation médicalement assistée et des interventions d'utéroplastie : il est estimé à 20%.

Le changement d'orientation professionnelle de Mme [H] est un choix personnel et elle a su se mettre dans les conditions optimales pour démarrer et conduire sa grossesse à terme. Rien,

à ce jour, ne fait obstacle à ce qu 'elle exerce sa nouvelle orientation.

Le pretium doloris sera qualifié de 4 sur une échelle de 1 à 7.

Préjudice esthétique : sans objet

Préjudice d'agrément : sans objet"

* les dépenses de santé actuelles :

Pour ce poste de préjudice Mme [H] sollicite la somme de 2 096,13 euros pour les frais de santé restés à sa charge.

Elle verse aux débats le justificatif desdits frais médicaux (pièce I-89) : il ne lui appartient pas d'apporter la preuve négative de leur non-prise en charge, ne serait-ce que partielle, par une mutuelle complémentaire contrairement à ce qu'a retenu le jugement déféré.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée et d'accorder à Mme [H] la somme de 2 096, 13 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge.

La CPAM sollicite la prise en charge de la somme de 16.732,29 euros au titre des frais d'hospitalisation, pharmaceutiques et des indemnités journalières. Comme l'a retenu à bon droit le jugement déféré, elle justifie de leur imputabilité à l'infertilité de Mme [H], dont le lien causal avec l'exposition in utero au DES est établi de sorte que la demande de la CPAM est fondée.

Il convient de confirmer la décision en ce qu'elle a condamné les deux laboratoires in solidum à lui payer la somme de 16.732,29 euros, outre intérêts au taux légal sauf à préciser que lesdits intérêts courent à compter de chaque demande soit à compter du :

*du 25 juin 2012 sur la somme de 12.036,20 euros,

*du 27 novembre 2014 sur la somme de 16.356,60 euros,

*du 22 avril 2015 sur la somme de 16.732,29 euros,

et de condamner in solidum, conformément à la demande incidente de la CPAM, les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public au paiement de la somme de 1.055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion valeur janvier 2017 sauf à parfaire de son actualisation pour sa valeur au jour du paiement.

* les frais divers :

Le poste de préjudice « frais divers » concerne notamment les honoraires que la victime a été contrainte de débourser auprès de médecins pour se faire conseiller et assister à l'occasion de l'expertise médicale la concernant.

Mme [H] demande l'octroi d'une somme de 1 533,03 euros exposés au titre des honoraires du médecin conseil qui l'a assistée pour les opérations d'expertise et des frais réglés à l'hôpital [Établissement 1] pour obtenir communication de son dossier médical.

Comme le retient exactement le jugement, la technicité des opérations d'expertise nécessitant l'assistance de la demanderesse par un médecin conseil, Mme [H], qui produit les justificatifs des honoraires du praticien, est bien fondée à solliciter le paiement de ces sommes qui doivent être versées au titre des frais divers et non à titre des frais irrépétibles, la cour relevant que l'expertise judiciaire diligentée ainsi que la nécessité de recourir à la justice aux fins d'indemnisation résultent de la faute des laboratoires producteurs et des positions par eux adoptées et non du libre choix de la victime .

Il convient en conséquence de confirmer la condamnation in solidum des deux laboratoires, au titre des frais divers, au paiement de la somme de 1 533,03 euros.

* les pertes de gains professionnels

Ce poste de préjudice assure l'indemnisation des revenus dont la victime a été privée.

Mme [H] sollicite la somme de 197 986,80 euros au titre des pertes de gains professionnels, soutenant qu'elle a quitté son métier d'avocat collaboratrice, en juin 2006, pour se consacrer à un poste salarié lui apportant plus de sécurité et des horaires fixes plus compatibles avec son projet d'enfant, avant de s'orienter vers le métier de professeur des écoles, en raison d'une rupture conventionnelle de contrat qu'elle a été contrainte d'accepter, du fait de ses nombreuses absences justifiées par son parcours de procréation. Elle dit avoir dû quitter ce métier qu'elle ne pouvait exercer en raison de sa difficulté psychologique à se trouver entourée d'enfants alors qu'elle ne pouvait elle-même plus en concevoir. Elle expose chercher un nouvel emploi depuis septembre 2014.

Comme le rappelle à bon droit le jugement déféré, il appartient à Mme [H] de démontrer que les pertes de revenus qu'elle a subies du fait des changements d'emploi sont en lien de causalité avec son infertilité et les contraintes médicales qu'elle a subies et non pas l'expression de choix personnels l'ayant conduit à réorienter sa carrière vers des fonctions lui convenant mieux.

Or, il ne résulte pas des éléments de fait et de preuve produits que le choix fait l'année de son mariage, en 2005, par Mme [H], alors avocate, de s'orienter vers un poste de juriste d'entreprise ait été lié spécifiquement à son projet d'enfant, le processus de procréation médicalement assistée n'ayant débuté qu'en 2007.

De même, par des motifs que la cour adopte, le jugement déféré retient que Mme [H] ne démontre pas plus, par les pièces produites, que la rupture conventionnelle dont a fait l'objet le contrat de travail qui la liait à la société Aima au sein de laquelle elle était juriste d'entreprise soit liée aux multiples arrêts de travail nécessaires au suivi du protocole de procréation médicalement assistée étant relevé que Mme [H] a bénéficié d'un congé emploi formation pendant 6 mois avant cette rupture conventionnelle pour préparer le concours de professeur des écoles, son employeur, qui a donné un avis favorable à sa demande de formation, ayant exprimé son soutien dans 'l'accompagenement au changcment de carrière professionnelle' (pièce 85 de Mme [H])

Ainsi, Mme [H] ne parvient pas à caractériser le lien direct, certain et exclusif entre sa situation médicale et la rupture du contrat, et consécutivement la baisse de sa rémunération.

Comme le relève le jugement, il n'est pas plus démontré que le terme mis à son activité de professeur des écoles stagiaire soit consécutif à sa situation médicale. Il résulte en effet de l'arrêté de licenciement du 25 septembre 2014 que Mme [H] a été licenciée pour inaptitude pédagogique, en lien avec une faiblesse des préparations, une méconnaissance des programmes, une absence d'investissement. En conséquence, Mme [H] ne rapporte pas la preuve d'un lien causal certain et direct entre ce licenciement et l'exposition au DES.

Dès lors, il n'est pas établi que les pertes de revenus invoquées, à les supposer établies, découlent de la situation médicale de Mme [H] et non de choix personnels ce que retiennent au demeurant les experts judiciaires (pièce II-1, UCB, pp 20 et 61).

La cour confirme en conséquence le rejet de la demande d'indemnisation au titre des pertes de revenus ainsi que celle, subsidiaire tendant à une expertise psychiatrique et comptable dont l'utilité n'est pas démontrée au regard des observations et conclusions expertales et autres pièces médicales versées aux débats.

* l'incidence professionnelle

Ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d'une chance professionnelle ou l'augmentation de la pénibilité, de la nécessité de devoir abandonner sa profession au profit d'une autre. Ce poste doit également inclure les frais de reclassement professionnel, de formation, de changement de poste, d'incidence sur la retraite.

Mme [H] échoue à démontrer un lien de causalité certain et direct entre la perte de revenus professionnels alléguée et sa situation médicale et il en est de même, pour les mêmes motifs, pour l'incidence professionnelle alléguée.

En effet, Mme [H] n'établit pas en l'espèce que l'infertilité consécutive à l'exposition in utero au DES qui l'a amenée à suivre un protocole médical, certes éprouvant et chronophage, pour mener à bien son projet d'enfant a eu une incidence certaine sur sa carrière professionnelle ou l'a dévalorisée sur le marché du travail. Le choix du salariat assuré par le poste de juriste d'entreprise et d'horaires moins contraignants puis celui d'un emploi d'enseignant dans la fonction publique relèvent en effet d'une décision personnelle de Mme [H], qui ne démontre pas qu'ils ont été induits par les contraintes médicales et son état de santé et partant, qu'ils sont liés de façon directe et certaine aux conséquences de l'exposition au DES

Dès lors, n'est pas caractérisée l'incidence professionnelle imputable au DES et il convient d'infirmer le le jugement en ce qu'il indemnise ce poste de préjudice.

* le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice correspond à l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation, dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle. Il inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L'évaluation de ces troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, proprement dite, mais également des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité telles que les nombreuses interventions, hospitalisations ou immobilisations pendant plusieurs mois.

Selon les experts, le déficit fonctionnel temporaire (DFT) subi par Mme [H] est total à la suite de la coelioscopie du 5 décembre 2007 (8 jours).

Le jugement retient cette durée comme correspondant à celle de l'arrêt temporaire d'activité, nonobstant l'absence de certificat d'arrêt de travail et la seule journée d'hospitalisation, invoquées par les laboratoires pour s'opposer à ce calcul.

Est établie en outre, une durée de DFT de 8 jours pour une coelioscopie du 5 décembre 2007, de 3 mois et 18 jours pour la grossesse du 4 novembre 2008 au 14 mars 2009 avec un repos strict imposé à Mme [H] du fait des difficultés générées par le DES, de 8 jours à compter du 26 février 2010 pour l'hystéroscopie et utéroplastie, d'un mois et 8 jours - du 25 mai au 2 juillet 2011- en raison d'une fausse couche et du curetage pratiqué, de 8 jours du fait de la nouvelle hystéroscopie au début de l'année 2011, enfin d'une journée en avril 2012 pour aspiration utérine à la suite d' une fausse couche.

Il convient dès lors de confirmer la décision en ce qu'elle indemnise ce poste de préjudice sur la base d'une somme de 750 euros par mois tout en précisant que la durée totale de DFT est de 5 mois et 21 jours (soit 8 jours + 3 mois et 18 jours + 8 jours + 1 mois et 8 jours + 8 jours + 1 jour) et que le jugement sera infirmé sur le quantum de l'indemnisation qui sera de 4 275 euros au total (750 x 5 + 750 x 21/30), et non de 3.825 euros, pour les troubles dans les conditions d'existence subis jusqu'à la consolidation.

* les souffrances endurées

Il convient de confirmer le jugement qui a indemnisé à bon droit par l'allocation de la somme de 15 000 euros ce poste de préjudice sur la base de l'évaluation par les experts des souffrances endurées à 4 /7 pour prendre en compte la souffrance psychologique subie par Mme [H] à l'annonce de son infertilité et face aux obstacles rencontrés pour avoir un enfant et à l'impossibilité d'en concevoir un second, ainsi que les souffrances physiques générées par les multiples interventions subies au long de ce parcours de procréation médicalement assisté.

* le déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent (DFP) consiste en la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques liées à l'atteinte corporelle subie, ainsi que les conséquences objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. Le préjudice d'anxiété y est ainsi inclus, sauf élément particulier.

Le jugement a retenu à bon droit, sur la base du rapport expertal, un DFP de 20 % incluant les conséquences psychologiques consécutives à l'infertilité secondaire, directement liée à l'anomalie utérine responsable de stérilité découlant directement de l'exposition au DES contrairement à ce que soutiennent les laboratoires, le syndrome dépressif dont souffre Mme [H] et sa permanence étant en outre confirmés par les pièces médicales et témoignages de son mari et de ses proches.

Il n'y a pas lieu d'inclure, dans le déficit fonctionnel permanent, l'angoisse induite par le risque aggravé de cancer qui pèse sur le devenir de Mme [H] dès lors que cette anxiété ne résulte pas, en l'état, d'une atteinte aux fonctions physiologiques de la victime mais porte sur un risque qui, bien qu'avéré, reste futur non réalisé et qu'elle doit être indemnisée au titre d'un poste de préjudice permanent et autonome.

Il convient en conséquence, de confirmer le jugement quant à l'indemnisation du préjudice fonctionnel permanent à hauteur de 50 000 euros et, y ajoutant, de dire n'y avoir lieu à indemniser un préjudice fonctionnel aggravé.

* le préjudice d'anxiété

Il est constant que la crainte de découvrir une pathologie grave, notamment cancéreuse, en raison d'un risque majoré et l'angoisse générée et réactivée par une surveillance médicale plus étroite justifient l' indemnisation d'un préjudice dit d'anxiété, préjudice distinct du déficit fonctionnel, temporaire ou permanent, et des souffrances endurées par ailleurs indemnisés.

Il résulte en l'espèce des études versées aux débats (et notamment celle de l'Organisation mondiale de la santé - 0MS- 2009) qu'est établi le risque cancérigène spécifique lié à l'exposition au DES, l'AFFSAPS (aujourd'hui ANSM) recommandant un suivi régulier tous les 6 mois pour les femmes exposées au DES, les experts ayant expressément relevé, dans le présent dossier, la nécessité d'un suivi régulier au regard des risques 'majorés' de présenter certaines pathologies notamment cancéreuses.

La cour relève que les experts judiciaires, s'ils retiennent la nécessité pour Mme [H] d'un suivi régulier, au regard de ces risques majorés, n'ont pas pris en compte l'angoisse générée par cette surveillance pour évaluer le déficit fonctionnel temporaire de Mme [H] et que ce préjudice n'a pas été inclus dans les souffrances endurées avant consolidation.

L'angoisse permanente liée à l'angoisse du suivi régulier et à ce risque de pathologie cancéreuse du col/vagin et des seins chez Mme [H], âgée de 39 ans à la date de la consolidation, doit être indemnisée en un poste de préjudice autonome dès lors qu'elle n'a pas été prise en compte au titre des souffrances subies, du déficit fonctionnel temporaire ou permanent, pour les motifs sus retenus, et que ce préjudice est une des conséquences objectivement liées à l'exposition de Mme [H] au DES.

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété et de condamner in solidum les laboratoires à payer, à ce titre, à Mme [H], la somme de 15.000 euros.

* le préjudice sexuel

Ce poste de préjudice tend à réparer les effets permanents des séquelles touchant à la sphère sexuelle. Il faut distinguer :

- le préjudice morphologique, lié à l'atteinte des organes sexuels primaires et secondaires,

- le préjudice lié à la vie sexuelle elle-même, qui repose essentiellement sur la perte de plaisir ou de confort lors de l'accomplissement de l'acte sexuel.

- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

Comme l'a retenu le jugement déféré, si les experts n'ont pas conclu à l'existence de ce préjudice, il convient de prendre en compte, en l'espèce, les contraintes liées à la procréation médicalement assistée, les difficultés à procréer et les conséquences manifestes des différents traitements subis et de son infertilité sur la vie sexuelle de Mme [H] et notamment sur la perte de libido invoquée, à l'origine d'un préjudice sexuel indéniable justement indemnisé par les premiers juges par l'allocation de la somme de 10 000 euros.

* le préjudice d'établisssement

Ce préjudice consiste dans la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

En l'espèce, Mme [H] a été privée, au terme d'un parcours douloureux de procréation médicalement assistée, de son espoir d'avoir plusieurs enfants et de donner à leur fille unique un frère ou une soeur, comme le souhaitait le couple, étant précisé que M. [H] refuse l'idée d'une filiation adoptive à laquelle Mme [H] est favorable.

Est dès lors caractérisé un préjudice d'établissement certain que le jugement déféré a exactement indemnisé à hauteur de 6 000 euros.

B) subis par M. [H], le mari de la victime directe :

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence du préjudice moral subi par M. [H] du fait des souffrances qu'il a endurées et des troubles subis par sa femme, sur de nombreuses années, directement causés par l'exposition au DES de Mme [H].

Comme le retient à bon droit la décision déférée, M. [H] a accompagné et soutenu son épouse, gravement affectée sur le plan psychologqiue comme physique, tout au long du parcours de procréation médicalement assistée auquel il a dû également se soumettre, durant une grossesse difficile et à risques puis pour l'aider à surmonter les fausses couches auxquelles a été confrontée son épouse et enfin il a dû renoncer lui-même à l'espoir d'avoir un second enfant.

En outre, est établie par les éléments de fait et de preuve versés aux débats la réalité du préjudice sexuel invoqué notamment en raison de la difficulté à procréer et de l'impossibilité d'avoir un second enfant biologique.

Le préjudice moral de M. [H] sera exactement réparé par l'octroi d'une somme de 8 000 euros, la décision de première instance étant infirmée sur le quantum de l'indemnisation, et y ajoutant, son préjudice sexuel et de procréation sera indemnisé à hauteur de 2 000 euros.

C) subis par Mme [D], mère de Mme [H] :

Mme [D] a ressenti des annés durant, comme le retient exactement la décision de première instance, un sentiment lourd de culpabilité d'avoir exposé au cours de sa grossesse, sans le vouloir et sans le savoir, sa fille à une infertilité secondaire et a souffert de la voir dans la peine et une grande souffrance, face à sa difficulté d'avoir un premier enfant, puis l'impossibilité d'en concevoir un second.

Ce préjudice, dont attestent le recours à un traitement médicamenteux et les témoignages de ses amies, est majoré par l' angoisse de Mme [D] induite par le risque de développer elle-même un second cancer consécutif à l'exposition au DES.

Il convient en conséquence de confirmer la condamnation in solidum des laboratoires au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par Mme [D]..

- sur la répartition de la charge définitive de la dette entre les laboratoires :

Selon l'ancien article 1213 du code civil, applicable à l'espèce, l'instance ayant été engagée avant le 1er octobre 2016, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,: l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteur, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

La fixation de la part contributive a été déterminée par la jurisprudence et dépend de l'implication de chacun des débiteurs dans la réalisation du dommage. En cas de faute, la part contributive de chacun des coauteurs s'apprécie exclusivement en fonction de la gravité des fautes commises.

Concernant la faute imputable à chacun des deux seuls laboratoires ayant commercialisé la molécule DES en France, qui ne sont au demeurant pas coauteurs du dommage causé, il s'agit bien d'une faute de même nature et de même gravité, en l'occurrence un manquement à leur obligation de vigilance.

Lorsqu'il est impossible de déterminer l'origine de la faute ou son imputabilité, ce qui est le cas en l'espèce, la contribution à la dette se fera, dans le présent litige, entre les reponsables du dommage en fonction de leurs parts de marché respectives et non à parts égales, le degré de gravité de la faute devant être appréciée en tenant compte de l'importante disparité de présence sur le marché de chacune des spécialités des deux laboratoires.

En effet , la responsabilité in solidum des deux laboratoires est en réalité fondée, dès lors que les fautes retenues sont de nature identique, non sur un lien de causalité strictement entendu, mais sur une présomption d'imputabilité à une prise de risque fautive, soit en d'autres termes sur une probabilité que l'un ou l'autre des responsables présumés soit l'auteur du dommage, à raison de la faute commise.

Or, il n'est pas contesté que le Distilbène produit par la société UCB Pharma était très majoritairement présent sur le marché alors que le Stilboestrol ne représentait qu'une très infime part de ce marché.

Le risque imputable à Novartis est, au vu de sa part de marché, bien moindre. Ce laboratoire est donc bien fondé, dans ses rapports avec son co-responsable, à demander que la contribution à la dette soit proportionnelle au risque qui lui est imputable, qui doit dès lors être appréciée par référence à leurs parts de marché respectives.

Le critère des parts de marché est d'autant plus pertinent en l'espèce que la faculté reconnue à l'un des auteurs présumés de rapporter la preuve que son produit n'est pas la cause du dommage demeure, en sorte que le grief relatif à la violation de ses droits fondamentaux résultant de l'application d'un tel critère évoquée par UCB Pharma n'est pas démontré .

En ce qui concerne la détermination des parts de marché respectives des deux laboratoires, la cour constate que, contrairement à l'opinion exprimée par UCB Pharma, les éléments produits sur ce point sont suffisamment précis, en ce que, notamment, ils comprennent des données concernant la période de grossesse de Mme [D], en sorte qu'il n'existe, en l'espèce, aucune réelle difficulté pour cerner la part de marché respective des deux laboratoires.

Il convient, au regard des études et statistiques contradictoirement versées aux débats sur la question du calcul des parts de marché, de retenir une répartition moyenne sur la période de 1963 à 1973 de l'ordre de 95% pour le Distilbène et de l'ordre de 5% pour le Stilboestrol Borne et confirmer, par les présents motifs, le jugement déféré.

Sur la demande de condamnation à garantie :

L'équivalence des fautes retenues contre les sociétés UCB Pharma et Novartis aux droits de laquelle se trouve la société Glaxosmisthkline Santé Grand Public conduit à rejeter la demande de garantie formulée par UCB Pharma contre Glaxosmisthkline.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la condamnation aux frais irrépétibles prononcée par le jugement déféré ainsi que la charge des dépens de première instance.

En cause d'appel, l'équité commande de faire droit à la demande de Mme [H], de Mme [D] et de M. [H] ainsi que celle présentée par la CPAM de Paris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public sont condamnées in solidum à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Parties perdantes pour l'essentiel, les sociétés UCB Pharma et Glaxosmisthkline ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter in solidum les dépens d'appel qui comprendront les frais de consignation.

La provision accordée pour frais d'instance devra en être déduite.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public

aux droits de la société Novartis Familiale,

- déclaré les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition in utero au diéthylstilboestrol (DES) de Mme [H],

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public

à payer à Mme [H] les sommes suivantes, en réparation du préjudice causé, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et dont il conviendra de déduire les provisions versées :

*1.533,03 euros au titre des frais divers,

* 15.000 euros au titre des souffrances endurées,

*10.000 euros au titre du préjudice sexuel,

*6.000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- rejeté les demandes d'expertise et d'indemnisation de la perte des gains professionnels,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à verser à Mme [D] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer à la CPAM de Paris la somme de 16.732,29 euros sauf à préciser que les intérêts au taux légal courent à compter de chaque demande soit à compter du :

*du 25 juin 2012 sur la somme de 12.036,20 euros,

*du 27 novembre 2014 sur la somme de 16.356,60 euros,

*du 22 avril 2015 sur la somme de 16.732,29 euros,

- dit que la société UCB Pharma contribuera à la dette à hauteur de 95 % et que la SAS Glaxosmithkline Santé Grand Public contribuera à la dette à hauteur de 5%,

- débouté la société UCB Pharma de sa demande de garantie contre la société Glaxosmisthkline Santé Grand Public,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer à Mme [H] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer à la CPAM de Paris la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés directement par les avocats de la cause chacun pour ce qui le concerne, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur des 2/3 des indemnités allouées et en totalité pour les sommes allouées au titre des frais de procédure et des dépens.

L'INFIRMANT pour le surplus :

CONDAMNE in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmisthkline Santé Grand Public venant aux droits de la société Novartis à payer à Mme [K] [H], provisions non déduites et indépendamment du recours des tiers payeurs, les sommes suivantes :

* 2 096,13 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge,

* 4 275 euros au litre du déficit fonctionnel temporaire,

* 15 000 euros au titre du préjudice d'anxiété,

DÉBOUTE Mme [H] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'incidence professionnelle,

CONDAMNE in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmisthkline Santé Grand Public venant aux droits de la société Novartis à payer à M. [R] [H] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral et celle de 2 000 euros en réparation de son préjudice sexuel et de procréation,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer à la CPAM de Paris de la somme de 1.055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion valeur janvier 2017 sauf à parfaire de son actualisation pour sa valeur au jour du paiement,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer à Mme [K] [H], M. [R] [H] et Mme [P] [D] la somme globale de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline Santé Grand Public à payer à la CPAM de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmisthkline Santé Grand Public aux aux entiers dépens d'appel qui comprendront les frais de consignation et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 17/04793
Date de la décision : 08/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°17/04793 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-08;17.04793 ?
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