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07/03/2018 | FRANCE | N°15/03555

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 07 mars 2018, 15/03555


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



15e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 07 MARS 2018



N° RG 15/03555



AFFAIRE :



SARL ADREXO, prise en la personne de son gérant Mr [Y] [K]





C/

[T] [L]



UNION LOCAL CGT DE CHATOU





Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY



N° R

G : 11/00212





Copies exécutoires délivrées à :



Me Isabelle D'AUBENTON CARAFA

Me Dimitri DEBORD





Copies certifiées conformes délivrées à :



SARL ADREXO, prise en la personne de son gérant Mr [Y] [K]



[T] [L]



Me DADI Ghislain





l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 07 MARS 2018

N° RG 15/03555

AFFAIRE :

SARL ADREXO, prise en la personne de son gérant Mr [Y] [K]

C/

[T] [L]

UNION LOCAL CGT DE CHATOU

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° RG : 11/00212

Copies exécutoires délivrées à :

Me Isabelle D'AUBENTON CARAFA

Me Dimitri DEBORD

Copies certifiées conformes délivrées à :

SARL ADREXO, prise en la personne de son gérant Mr [Y] [K]

[T] [L]

Me DADI Ghislain

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL ADREXO, prise en la personne de son gérant Mr [Y] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Isabelle D'AUBENTON CARAFA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0421

APPELANTE

****************

Monsieur [T] [L]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

comparant en personne, assisté de Me Dimitri DEBORD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 331

UNION LOCAL CGT DE CHATOU

[Adresse 6]

[Adresse 7]

non comparant, ni représenté, Ayant pour conseil Me DADI Ghislain

avocat au barreau de PARIS- A0257

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2017, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Dominique DUPERRIER, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Françoise PIETRI-GAUDIN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL

M. [T] [L] a été engagé le 6 juillet 1999 en qualité de distributeur, employé 1, niveau 1, par la société de distribution et de promotion SDP selon contrat de travail à durée indéterminée.

La société Adrexo SAS est venue aux droits de la société SDP et un nouveau contrat de travail a été signé avec celle-ci le 19 novembre 2001, identique au précédent.

La société Adrexo exerce une activité de distribution de journaux gratuits et d'imprimés sans adresse dans les boîtes à lettres des zones desservies. Elle dispose à cet effet, d'établissements répartis sur tout le territoire métropolitain. Elle emploie plus de 10 salariés.

A compter du 1er juillet 2005, la société Adrexo a été assujettie à la convention collective de la distribution directe du 9 février 2004, étendue le 16 juillet 2004.

M. [L] a signé un contrat de travail à temps partiel modulé le 18 juillet 2005 qui prévoit une durée annuelle de référence de 1.560 heures, une durée indicative mensuelle moyenne de 130 heures, variable selon le planning. Son ancienneté a été reprise. Il a été affecté au dépôt d'[Localité 1].

M. [L] a été élu délégué du personnel titulaire d'avril 2006 à octobre 2010, délégué du personnel suppléant en novembre 2010, nommé délégué syndical (C.G.T. FILPAC) du 18 janvier 2007 à octobre 2010 et représentant FILPAC C.G.T. au comité d'entreprise en octobre 2009 puis en octobre 2010.

Depuis le 11 mars 2011, il a été placé en arrêt de travail.

La moyenne du salaire est de 1.043,90 euros outre 72,69 euros de prime d'ancienneté, soit 1.116,59 euros.

Par requête du 20 juillet 2009, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy afin notamment de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la requalification de celui-ci en contrat à temps plein.

Par jugement rendu le 25 octobre 2011, le conseil de prud'hommes (section activités diverses) a :

- requalifié le contrat de travail à temps plein à compter de juillet 2005,

- prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 25 octobre 2011,

- condamné la société Adrexo à verser à M. [L], avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2009, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, les sommes suivantes :

- 20.397,05 euros à titre de rappel de salaire sur temps plein de juillet 2005 à octobre 2011 et 2.039,70 euros de congés payés afférents,

- 2.765,36 euros à titre d'indemnité de préavis et 276,53 euros de congés payés afférents,

- 4.077,52 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- ordonné la délivrance par la société d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail et de fiches de paie conformes au jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- fixé la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 1.382,68 euros,

- condamné la société Adrexo à verser à M. [L], avec intérêts au taux légal à compter du jugement, les sommes suivantes :

- 8.296,08 euros pour travail dissimulé,

- 16.600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 59.455,24 euros d'indemnité pour violation des statuts de représentant au CE, DP et DS,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité,

- 1.149,12 euros au titre du DIF,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la consignation de la somme de 85.000 euros à la caisse de dépôts et consignations jusqu'à ce que la décision soit définitive ou que toutes les voies de recours soient épuisées,

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

- débouté l'UL CGT Chatou de ses demandes.

La société a exécuté le jugement par consignation de la somme de 85.000,00 euros et par versement à M. [L], d'une somme nette de 25.028,08 euros (incluant notamment le rappel de salaire et l'indemnité de licenciement) et d'une somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Adrexo a relevé appel de cette décision le 15 novembre 2011 et demande à la cour de:

- prendre acte de la renonciation, par l'Union Locale CGT de Chatou, à l'audience du 29 juin 2015, de l'appel qu'elle avait interjeté le 9 novembre 2011, appel enregistré sous le numéro RG 11/04278, radié le 13 janvier 2014, dont elle n'a jamais sollicité la réinscription,

- juger que le jugement rendu le 25 octobre 2011 par le conseil de prud'hommes de Poissy est devenu définitif en ce qu'il a débouté l'Union Locale CGT de Chatou de ses demandes,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a requalifié le contrat de travail de M. [L] en un contrat de travail à temps plein et ordonné un rappel de salaire à temps plein,

- débouter M. [L] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein,

- débouter M. [L] de sa demande de rappel de salaire à temps plein,

- débouter M. [L] de sa demande de rappel de salaire au titre d'une sous-modulation et au titre des heures de délégation,

- juger qu'aucun des griefs allégués par M. [L] pour justifier sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail n'est fondé et ne constitue un manquement de l'employeur,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] et l'a condamnée à lui verser diverses sommes,

- ordonner à M. [L] de restituer à la société Adrexo, les sommes qu'elle a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance, soit la somme globale de 26.528,08 euros nets,

- ordonner la déconsignation de la somme de 85.000,00 euros au profit de la société Adrexo.

- débouter M. [L] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] à verser à la société Adrexo la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] demande à la cour de :

- rejeter les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure soutenues par la société Adrexo,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat et condamné la société Adrexo au paiement des sommes suivantes :

- 20.397,05 euros à titre de rappel de salaire

- 2.039,70 euros au titre des congés-payés afférents

- 2.765,36 euros à titre d'indemnité de préavis

- 276,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 077,52 euros au titre d'indemnité légal de licenciement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il fixe la moyenne mensuelle des salaires en application de l'article R 1454-28 du code du travail à la somme de 1.382,68 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Adrexo à lui verser les sommes suivantes:

- 8.296,08 euros en application de l'article L. 8223-l du code du travail,

- 16.600, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 59.455,24 euros à titre d'indemnité pour violation du statut de représentant DS et DP,

- 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 1.149,12 euros au titre des droits acquis au titre du DIF,

- 5.000 euros à titre de dommage et intérêts pour harcèlement moral,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer en ce qu'il déboute M. [L] pour le surplus et statuer à nouveau sur les demandes formulées en première instance n'ayant pas abouti et ses demandes nouvelles,

- l'infirmer en ce qu'il a débouté l'UL CGT Chatou de ses demandes d'indemnisation,

statuant à nouveau :

- fixer le salaire moyen à temps partiel à l.116, 59 euros brut (1.043,90 euros + 72,69 euros de prime d'ancienneté),

- fixer l'échelon professionnel conventionnel de M. [L] au niveau 1.2 et prendre en compte la véritable rémunération minimale qu'il aurait dû percevoir à compter de juillet 2005 ;

- requalifier le contrat à temps partiel de M. [L] en contrat à temps plein ;

- fixer en conséquence le nouveau salaire moyen à temps plein, selon une classification 1.2, à 1.435,69 euros brut (1.363 euros + 72,69 euros de prime d'ancienneté) ;

- condamner la société Adrexo à verser à M. [L] :

- 22.975,20 euros brut et les congés payés afférents 2.297,52 euros brut (10%) de rappel de salaire de juillet 2005 à juin 2011 équivalent à la différence entre un temps plein et les heures payées (1.435,69 euros brut mensuel temps plein - 1.116,59 euros brut mensuel temps partiel = 319,10 euros brut x 12 mois x 06 ans ),

- 8.614,14 euros d'indemnité pour travail dissimulé,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur pour non respect du contrat de travail et des règles en matière de temps partiel, violation de l'annexe III de la CCN de la distribution directe, harcèlement moral, entraves à ses mandats de DS et DP, manquement à l'obligation légale de sécurité, discrimination en matière d'évolution de carrière en raison de ses mandats,

- condamner la société Adrexo à lui payer les sommes de :

- 75.000,00 euros d'indemnité pour licenciement nul,

- 78.982,90 euros d'indemnité pour violation des statuts de représentant au CE, DP et DS de (salaire jusqu'à la fin du mandat de représentant au CE : novembre 2014 + 06 mois de protection post mandat = 1.435,69 euros brut x 50 mois = 71.784,50 euros + 10 % de CP),

- 2.871,38 euros brut d'indemnité de préavis de deux mois,

- 287,14 euros brut de congés payés afférents,

- 20.099,66 euros brut d'indemnité de licenciement de (1.435,69 euros de salaire brut x 14 ans d'ancienneté, fin de préavis après date de l'audience),

- 14.331,2 euros brut et les congés payés afférents pour 1.433,12 euros brut de rappel d'heures de 'sous-consommations' impayées sur la période allant de juillet 2005 à décembre 2010 (1.690 heures x 8,48 euros au taux horaire moyen),

- 20.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 20.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination en matière de carrière et de formation,

- 30.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2.000 euros une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la délivrance des documents suivants, selon condamnations, sous astreinte de 150 euros et se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte : attestation assedic, certificat de travail et fiches de paies,

- prononcer la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l'article 1154 du code civil, à compter de la première demande, soit la saisine du conseil et l'exécution provisoire,

et ajoutant en appel :

- condamner la société Adrexo à lui verser :

- 25.000 euros de dommages et intérêts pour l'avoir soumis à un système de rémunération discriminatoire eu égard à son handicap,

- 25.000 euros de dommages et intérêts pour violation du smic,

- 25.000 euros de dommages et intérêts pour violation du salaire minimum conventionnel,

A titre subsidiaire, si la cour infirmait la résiliation judiciaire prononcée en première instance, d'ordonner :

- la réintégration immédiate de M. [L] à son poste de travail,

- le paiement de ses salaires du jour de la rupture de son contrat de travail au jour de sa réintégration effective en prenant en compte les évolutions de rémunération et de carrière moyennes,

- le paiement des charges sociales correspondantes,

- la délivrance des bulletins de paie mensuels du jour de la rupture de son contrat de travail au jour de sa réintégration effective.

L'Union locale CGT Chatou est absente et non représentée.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la classification

M. [L] fait valoir que son niveau de classification a stagné à 1.1 alors qu'eu égard à la convention collective, à son ancienneté et à la fonction réellement exercée, il aurait dû au moins être classé au rang 1.2 à compter de juillet 2005.

La société Adrexo rétorque que le salarié n'apporte aucun élément à l'appui de sa demande et qu'il ne remplit pas les critères conventionnels pour prétendre à ce coefficient.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Selon l'annexe 1 - Classification - Filière technique, logistique et technologique de la convention collective de la distribution directe, le distributeur niveau 1.1. est un 'salarié assurant, le chargement, la préparation et la distribution en boîtes aux lettres et/ou en dépôt des documents, échantillons, journaux gratuits et autres matériels publicitaires sur les secteurs géographiques qui lui sont confiés par les responsables de l'établissement auquel il est rattaché. Il leur transmet les observations utiles pour optimiser la distribution'.

Le distributeur niveau 1.2. est 'un salarié dont la distribution constitue l'essentiel de l'activité. Il a une connaissance professionnelle étendue à la zone habituelle d'activité de son centre de rattachement et effectue régulièrement des tâches connexes à la distribution au sein de la filière logistique (chauffeur livreur, préparateur-manutentionnaire, recenseur-étalonneur). Il participe ponctuellement à des opérations de contrôle'.

Le contrat de travail de M. [L] stipule que son poste correspond à 'la distribution indifféremment réalisée en boîtes à lettres, en dépôt ou remise en main au destinataire dans le respect des consignes données' et le salarié ne justifie pas qu'il exécutait d'autres tâches.

En outre, les missions accomplies, telles qu'elles ressortent des listes détaillées des salaires, correspondent au coefficient 1.1, tel que défini ci dessus.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de classification en 1.2.

- Sur la demande de requalification à temps plein et de rappel de salaire

M. [L] fonde sa demande de requalification sur les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail sur le contrat de travail à temps partiel qui doit notamment mentionner : 'la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition

de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois' et soutient que son contrat ne mentionne pas la durée de son travail ni les éléments de sa rémunération, seule la rémunération mensuelle brute étant précisée.

Il ajoute que le système conventionnel de pré-quantification du temps de travail ne lui est pas opposable suite à l'annulation par le Conseil d'Etat des deux décrets des 4 janvier 2007 et 8 juillet 2010 qui introduisaient un régime dérogatoire en matière de décompte de la durée du travail ; qu'il convient dès lors d'appliquer les dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail et que les heures de travail définies par la grille de cadence et mentionnées sur les feuilles de route ne correspondent pas à la réalité de son activité, compte tenu notamment d'une sous évaluation de la typologie des secteurs ; qu'il a ainsi travaillé au-delà d'un temps partiel et qu'il a noté mois par mois les heures de travail réellement effectuées, récapitulées sous forme de tableau qu'il produit ; qu'en ne prenant pas en compte son temps de travail réel, la société Adrexo ne lui assure pas une rémunération au moins égale au SMIC et au minimum conventionnel, ce qui caractérise également un travail dissimulé.

La société Adrexo rétorque que le contrat de travail à temps partiel modulé n'a pas à mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, que le contrat de travail à temps partiel modulé de M. [L] mentionne les éléments de rémunération, que les modalités conventionnelles de décompte du temps de travail sont conformes aux dispositions légales et réglementaires, la durée conventionnelle étant mentionnée sur les feuilles de route, que la durée du travail nécessaire à M. [L] a été décomptée conformément aux dispositions légales et conventionnelles, sans aucune sous-évaluation de la durée du travail, qu'il n'y a eu aucune dissimulation d'heures.

Le contrat de travail de M. [L] est soumis aux anciens articles L. 3123-14 et suivants du code du travail qui organisaient un temps partiel modulé, mis en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou accord d'entreprise ou d'établissement et qui excluaient l'obligation de mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-4-3 (devenu L. 3123-14) du code du travail portant sur le contrat de travail à temps partiel. Ces dispositions, issues de la loi du 19 janvier 2000 ont été abrogées par la loi du 20 août 2008 qui a néanmoins expressément prévu que les accords déjà conclus restaient valables.

Le dispositif légal permettait à une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement de prévoir que la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle pouvait varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année, à condition que sur un an la durée n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat (ancien article L. 3123-25) et que la rémunération versée mensuellement aux salariés était indépendante de l'horaire réel et calculée dans les conditions prévues par la convention ou l'accord (ancien article L. 3123-27).

Devaient être mentionnés :

-dans l'accord collectif : notamment les catégories de salariés concernés, les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée, la durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle,

-dans le contrat de travail : la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, l'ancien article L. 3123-14 excluant expressément l'obligation de mentionner la répartition du temps de travail dans le contrat à temps partiel modulé.

La convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 applicable à la société Adrexo a créé un statut spécifique adapté à cette activité avec des dispositions particulières qui régissent le statut du distributeur, notamment au regard du temps de travail et de la rémunération. Ainsi, la convention prévoit notamment un contrat de travail à temps partiel modulé sur l'année, un mécanisme de référencement horaire a priori, appelé 'pré-quantification' de la durée du travail, un décompte du temps de travail récapitulé grâce aux feuilles de route, en application des dispositions de la grille de correspondance de la convention collective (annexe III

qui fixe un cadencement horaire selon le nombre de boîtes aux lettres à distribuer par heure, en fonction du poids de la poignée de prospectus et de la densité du secteur), un décompte récapitulatif a posteriori détaillé effectué tous les mois et adressé au salarié en même temps que sa fiche de paie. La société Adrexo a également conclu un accord d'entreprise le 11 mai 2005, qui reprend ces dispositions et spécificités.

Le contrat de travail à temps partiel modulé de M. [L] mentionnait sa qualification, une durée annuelle contractuelle moyenne de référence de 1560 heures, une durée indicative mensuelle moyenne de travail variable selon planning de 130 heures et une rémunération mensuelle brute moyenne correspondante de 1.043,90 euros, la modulation de la durée du travail se faisant sur une année glissante de 52 semaines.

Il précisait également les règles applicables à la durée du travail, à la possibilité de réaliser des prestations additionnelles (article 5), à la détermination de la rémunération (article 6) et que le salarié reconnaissait que son employeur ne lui imposait pas d'horaires de travail, l'exécution de celui-ci se faisant dans une complète autonomie.

Le contrat a ainsi été établi conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur en matière de contrat de travail à temps partiel modulé et il n'y a donc pas lieu à requalification du contrat en temps plein de ce chef, étant relevé qu'en tout état de cause un manquement relatif à la mention de la rémunération n'était pas de nature à entraîner la requalification du contrat à temps plein.

En second lieu, l'annulation du décret du 4 janvier 2007 relatif aux modalités d'application du décompte du temps de travail et du décret du 8 juillet 2010 venant en remplacement du précédent n'a remis en cause ni la licéité du temps partiel modulé ni la validité de la convention collective et des modalités de pré-quantification qu'elle prévoit.

En revanche, la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective, ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail et l'annulation de ces décrets a donc imposé aux parties d'appliquer les règles habituelles en matière de preuve du temps de travail en cas de contestation.

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Ainsi, le salarié n'a pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais revêtant suffisamment de précision quant aux horaires effectivement réalisés afin que l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.

A l'appui de sa demande, M. [L] produit un tableau établi pour les années 2004 à 2009 mentionnant globalement pour chaque mois les heures payées, les heures non payées, le taux du smic et le rappel de salaire réclamé.

Ce tableau ne précise ni les jours travaillés, ni les horaires effectués et n'est pas accompagné des notes manuscrites évoquées par le salarié.

En outre, la cour relève qu'il est mentionné tous les mois de ces 6 années le même total d'heures travaillées et précisément 151,67 heures, soit un temps plein.

Cette constance, alors que le nombre des heures payées différait d'un mois sur l'autre, ôte tout sérieux au tableau ainsi présenté qui s'apparente en réalité à un décompte de rappel de salaire sur un temps plein.

Quant aux attestations de collègues de travail, ils font état de leur propre situation et n'évoquent pas celle de M. [L].

Ainsi, le salarié ne fournit pas d'éléments préalables de nature à étayer sa demande et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué un rappel de salaire à ce titre.

La demande de requalification en temps plein fondée également sur ce document sera rejetée.

Enfin, il en ira de même des demandes pour non respect du SMIC et du salaire minimum conventionnel, pour violation de l'obligation de rémunération et pour travail dissimulé puisque fondées sur la reconnaissance d'un travail à temps complet qui n'a pas été retenu par la cour, le salarié précisant dans ses conclusions que son employeur faisait 'une juste mention du taux horaire SMIC sur les feuilles de route ainsi que sur les bulletins de salaire'.

- Sur la demande en paiement des heures de 'sous consommation'

M. [L] fait valoir que le seuil annuel d'heures de travail prévu par son contrat (1.560 heures) n'a jamais été atteint et qu'il a ainsi été privé de la rémunération des heures non-consommées, malgré les demandes adressées en ce sens à son employeur. Il dénombre les heures suivantes au titre d'une 'sous-consommation' dont il demande le paiement, pour un minimum de 770 heures:

- sur 2005-2006 (de juillet à juin) : 35 heures

- sur 2006-2007 : 218 heures,

- sur 2007-2008 : 277 heures,

- sur 2008-2009 : 240 heures,

- sur 2009-2010 : 460 heures.

La société rétorque que les heures de sous-modulation au titre de la période 2005/2006 ont été reportées sur la période de modulation suivante, comme celles des deux années suivantes, que M. [L] a été rempli de ses droits pour les périodes annuelles de modulation 2008/2009 et 2009/2010, qu'il a également été rempli de ses droits au titre de ses heures de délégation.

Le salarié a droit chaque année, au paiement des heures prévues au contrat et garanties, lesquelles comprennent les heures de délégation.

M. [L] produit deux états récapitulatifs de modulation établis par la société mentionnant pour 2005-2006 une variation d'activité négative de 34,60 heures et pour 2006-2007, une variation négative de 218,87 heures, les heures de délégation étant comprises dans le total des heures travaillées.

Il produit également un courrier du 8 janvier 2007 de son employeur précisant que le solde négatif de 34,60 heures serait reporté l'année suivante et un courrier du 15 avril 2009 dans lequel il demande le paiement de la totalité de ses heures contractuelles pour les deux périodes susvisées et également pour 277 heures sous consommées sur 2007-2008.

La société qui ne conteste pas ces éléments chiffrés ne justifie pas d'une régularisation sur ces trois années et ne soutient pas que M. [L] aurait refusé d'effectuer des prestations.

En revanche, il ressort des pièces produites et notamment de l'avenant récapitulatif sur la période 2008-2009, des fiches de paie et du tableau du salarié mentionnant les heures réglées mensuellement qu'il a été rempli de ses droits pour les deux années postérieures, la cour relevant au demeurant l'absence de tout courrier de réclamation à ce titre.

Il sera en conséquence fait droit à la demande en paiement des heures 'sous consommées' ramenée à la somme de 4.547,45 euros, outre les congés payés afférents.

- Sur la discrimination en matière de formation et de carrière

M. [L] fait valoir qu'il a sollicité à plusieurs reprises son employeur pour pouvoir suivre une formation et intégrer le secteur cartographique de l'entreprise, d'autant que tous les postes de cartographe n'étaient pas pourvus mais que la société n'a jamais accédé à cette demande, qui aurait permis de l'associer à la réévaluation des secteurs.

La société rétorque que M. [L] ne présente aucun élément factuel et que le refus qui lui a été opposé à sa demande d'intégration à un poste de cartographe, d'un niveau bien supérieur à celui qu'il occupait (maîtrise niveau 2.1 selon la convention collective) était justifié par la nécessité de compétences spécifiques et la maîtrise de logiciels particuliers, le cartographe mettant au point 'selon les instructions de la hiérarchie des graphiques, bases de données, statistiques, cartouches, plans, cartes et légendes et est responsable de leur mise à jour'. Elle ajoute que si elle n'a pas donné suite à la demande de formation de M. [L] liée à cet objectif, c'est parce qu'elle souhaitait recruter des collaborateurs expérimentés et que même avec une formation importante, M. [L] n'avait pas les compétences et le profil recherché.

Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Il n'est pas contestable que le poste de cartographe, auquel M. [L] souhaitait accéder aux termes de plusieurs courriers adressés à son employeur, était d'un niveau supérieur à celui de distributeur et nécessitait des compétences spécifiques. Ce seul refus de l'employeur de donner suite à une demande de promotion ne saurait laisser supposer la discrimination alléguée, d'autant que M. [L] n'a présenté aucune autre demande de formation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre et confirmé également en ce qu'il a condamné la société Adrexo au paiement d'une indemnité au titre du DIF.

- Sur la discrimination en raison du handicap de M. [L]

M. [L] soutient avoir été victime d'une discrimination indirecte, en se voyant imposer un système de pré-quantification du temps de travail, prévu pour des distributeurs en pleine possession de leur moyen puisqu'handicapé d'un bras, il ne pouvait être soumis à la même cadence de distribution que les autres distributeurs de l'entreprise.

Outre le fait que la demande de rappel de salaire fondé sur un temps de travail effectif supérieur au temps de travail rémunéré a été rejetée, la cour relève que M. [L] n'a jamais saisi son employeur d'une difficulté liée à son état physique, qu'il a été reconnu apte à son poste de distributeur le 18 mai 2001 et ne justifie pas bénéficier du statut de travailleur handicapé.

Cette demande, nouvelle en appel, sera donc rejetée.

- Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

M. [L] fait valoir qu'il a été soumis à des objectifs irréalisables de distribution fixés par son employeur, dont dépendait directement sa rémunération et qu'il a fait l'objet de brimades et insultes régulières de ses supérieurs, et d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière du fait de ses qualités de délégué syndical et délégué du personnel.

La cour n'a pas fait droit à la demande de requalification du contrat en temps plein et n'a pas retenu de discrimination en matière de formation et de carrière.

Pour les autres faits, M. [L] produit :

- des mails qu'il a adressés à la direction en février 2011 dans lesquels il relatait une altercation l'ayant opposé à M. [S] (adjoint chef de centre) qui l'aurait traité de 'connard',

- un mail adressé par sa hiérarchie à la suite de sa demande de réponse aux questions DP, du 3 janvier 2011 rédigé de la sorte : 'avant de réclamer, lisez vos tableaux, cela vous évitera de vous rendre ridicule' et 'une demande orale vous aurait évité un mail, certes plus officiel mais aussi plus ridiculisant'.

Si l'existence d'un incident en janvier 2011 avec l'adjoint au chef de centre n'est pas contesté par l'employeur, la teneur des échanges n'est relatée que dans les mails de M. [L] et ne peut donc être retenue comme établie.

Quant à la réponse de M. [C] du 3 janvier 2011, si elle apparaît sèche, elle ne saurait à elle seule caractériser des brimades ou insultes répétées à son égard.

Enfin l'arrêt de travail en date du 11 mars 2011 s'il évoquait un 'état dépressif réactionnel' ne mentionnait pas le contexte professionnel.

Ainsi le salarié n'établit pas de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son égard et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué des dommages intérêts à ce titre.

- Sur l'obligation de sécurité

M. [L] soutient en premier lieu qu'en 10 années d'ancienneté consécutives, il n'a jamais bénéficié d'une visite médicale d'embauche et n'a rencontré qu'une seule fois la médecine du travail, et ce, postérieurement à la résiliation judiciaire de son contrat (la prise de rendez-vous ayant été faite juste avant la résiliation), le médecin l'ayant d'ailleurs déclaré inapte à la fonction de distributeur.

La société Adrexo, qui ne conteste pas l'absence de visite médicale, invoque le turn-over important des distributeurs en son sein, certains ne restant que quelques jours et des difficultés matérielles des centres de médecine du travail pour expliquer qu'elle privilégie une procédure sur demande du distributeur, seule à même de permettre que les visites médicales soient effectivement réalisées et que M. [L] n'a jamais demandé à passer de visite médicale d'aptitude.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail : 'l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs'.

En application des articles R. 4624-10, R 4624-16 & R 4624-18 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail, puis tous les 24 mois au plus tard. La visite médicale d'embauche, comme les examens périodiques concourent à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dont l'employeur est tenu d' assurer l'effectivité.

Le salarié produit un avis d'aptitude du 18 mai 2001 et les avis d'inaptitude rédigés après la résiliation de son contrat le 16 novembre et le 1er décembre 2011.

L'absence de toute visite périodique entre 2001 et 2011 caractérise un manquement à l'obligation de sécurité, d'autant plus grave que M. [L] présentait une malformation à un bras et que dans ses avis des 16 novembre et 1er décembre 2011, le médecin du travail le déclarait inapte à son poste de distributeur et à tout autre nécessitant des charges supérieures à 1 kilogramme de façon répétée.

M. [L] fait valoir également des conditions de travail dégradées, qu'il a été employé pendant 10 ans, dans des locaux non chauffés, la température descendant à - 10°C en période de grand froid, que l'employeur a été mis en demeure par l'inspection du travail d'installer un dispositif de chauffage pour la saison froide, qu'il a été repéré dans les locaux des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante, pour lesquels des investigations et des analyses devaient être effectuées, que l'employeur a exposé ses salariés au risque d'être en contact avec une substance toxique.

Sur les locaux non chauffés, la société rétorque que la mise en demeure du 6 juillet 2009 ordonnant l'installation d'un système de chauffage dans l'entrepôt d'[Localité 1] a été motivée par le constat le 25 juin 2009 que deux salariés de la société Adrexo, Messieurs [G] et [T], étaient en train d'y préparer les poignées de prospectus publicitaires qu'ils devaient distribuer, mais que M. [L] n'est pas mentionné, car comme la majorité des distributeurs, il effectuait à son domicile, la tâche de préparation des poignées lorsque celle-ci est nécessaire.

Si M. [L] ne démontre pas avoir effectivement accompli ses tâches de préparation au sein de l'entrepôt non chauffé, il n'en demeure pas moins qu'il se rendait sur les lieux ne serait-ce que pour retirer les prospectus et sa feuille de route et qu'il a donc été exposé à l'absence de chauffage constatée par l'administration mais également dénoncée par d'autres distributeurs.

S'agissant de l'amiante, la société rétorque à juste titre que le courrier de l'Inspecteur du Travail du 6 juillet 2009 ne permet pas de démontrer que les salariés ont été exposés à un risque d'amiante, le repérage effectué mentionnant uniquement qu'il a 'été repéré des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante' et que le rapport d'expertise du 23 septembre 2009 a conclu au contraire que le dépôt ne contenait pas d'amiante.

Certains manquements de l'employeur à son obligation de sécurité étant établis, il sera alloué de ce chef au salarié la somme de 5.000 euros, le jugement étant infirmé quant au montant alloué.

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

En application de l'article 1184 du code civil, le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat.

M. [L] fonde sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail sur les manquements d'ores et déjà évoqués mais également sur l'entrave à ses mandats de DS et DP.

Il fait ainsi grief à la société d'avoir entravé ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical, en ne mettant pas à disposition des instances représentatives du personnel les moyens nécessaires à l'exercice de leur fonction, à savoir une armoire et un ordinateur, en refusant de mettre à disposition une ligne téléphonique indépendante, en refusant d'associer les délégués syndicaux et les délégués du personnel au processus de réévaluation des secteurs de distribution, en ne mettant pas à disposition le registre du personnel et un exemplaire de la convention collective.

Il ressort des pièces produites et notamment des courriers du salarié et des comptes rendus de réunion avec les délégués du personnel que la société, si elle a tardé à fournir une armoire, a néanmoins mis à disposition un local et un téléphone aux représentants du personnel. En outre,

il résulte de la convention collective de la distribution directe que la classification des secteurs relève de la seule compétence de l'employeur. Enfin, le salarié n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation d'un registre du personnel et d'un exemplaire de la convention collective 'hors de portée des salariés'.

Ce manquement, invoqué uniquement à l'appui de la demande de résiliation judiciaire n'est donc pas établi.

En revanche, comme précédemment développé, la cour a reconnu établi à l'encontre de la société Adrexo des manquements dans le paiement des heures contractuelles garanties et dans la mise en oeuvre de l'obligation de sécurité.

Ces manquements, qui ont perduré jusqu'à l'arrêt de travail du salarié en mars 2011, en ce qu'ils touchent d'une part à la rémunération du salarié et d'autre part à sa santé, étaient d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite de la relation contractuelle, d'autant plus que la tardiveté de la visite médicale périodique n'a pas permis la recherche d'un reclassement dans le cadre d'une procédure d'inaptitude.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Adrexo, laquelle produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, M. [L] étant alors titulaire d'un mandat électif ou de représentation.

- Sur les demandes pécuniaires liées à la résiliation du contrat

M. [L] a droit, outre aux indemnités de rupture, à une indemnité au titre de la nullité du licenciement d'un montant au moins égal aux salaires des 6 derniers mois, l'article L. 1235-11 du code du travail qu'il invoque ne s'appliquant qu'aux licenciements économiques nuls pour défaut de PSE. En revanche, il ne saurait prétendre également à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande. Le fait que le salarié ait, entre temps, bénéficié d'un nouveau mandat est sans incidence et ne prolonge pas la période de protection à prendre en compte.

S'agissant du salaire de référence, le salarié faisant état d'un salaire moyen à temps partiel de l.116, 59 euros brut (1.043,90 euros + 72,69 euros de prime d'ancienneté), il convient de retenir la somme de 1.292,80 euros fixée par la société Adrexo qui correspond au salaire minimum moyen au coefficient 1.1. selon les dispositions conventionnelles au mois d'octobre 2011, pour une durée du travail mensuelle de 130 heures conformément au contrat de travail.

S'agissant de l'ancienneté, à la fin du préavis suivant le prononcé de la résiliation judiciaire, soit le 25 décembre 2011, M. [L] avait une ancienneté de 10 ans, 1 mois et 6 jours, puisque l'ancienneté acquise au titre de son contrat du 30 septembre 1997 et au titre de son contrat du 9 juillet 1999, rompus par démissions les 26 novembre 1998 et 1er août 2001, comme en attestent les pièces produites par la société (registre du personnel et attestation pôle emploi) ne pouvait pas être prise en compte.

M. [L] peut ainsi prétendre au paiement des sommes suivantes :

- 3.242,33 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement qui est de 20 % de mois par année d'ancienneté jusqu'à 5 ans, puis de 25 % de mois pour chaque année entre 5 et 10 ans, puis 30 % au-delà (article 16.3 de la convention collective), le tout majoré de 10% pour les salariés âgés de plus de 50 ans,

- 2.585,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois, outre 258,56 euros au titre des congés payés.

En outre, compte tenu des mandats en cours à la date de la saisine du conseil le 20 juillet 2009, soit délégué du personnel titulaire, jusqu'au 19 novembre 2010 et délégué syndical, jusqu'au 19 novembre 2010, la période de protection au titre de ces mandats expirait le 19 mai 2011 au titre du premier et le 19 novembre 2011 au titre du second, conformément aux dispositions des articles L. 2411-3 et L. 2411-5 du Code du travail.

La résiliation judiciaire ayant été prononcée à la date du 25 octobre 2011, l'indemnité au titre de la violation du statut protecteur doit être égale au montant du salaire dû entre le 25 octobre 2011 et le 19 novembre 2011, terme de la période de protection en cours au jour de la demande.

En conséquence, le montant de l'indemnité pour violation du statut protecteur s'élève à la somme de 1.032,75 euros, calculée sur la base du taux horaire du SMIC applicable à un salarié au niveau 1.1. en vigueur au mois de novembre 2011, pour une durée du travail mensuelle de 130 heures.

Enfin, M. [L] justifie de la perception d'allocations pôle emploi jusqu'en août 2014 et eu égard également à son âge lors de la résiliation du contrat, à son ancienneté et au montant de sa rémunération, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 16.000 euros l'indemnité pour licenciement illicite.

Le jugement sera infirmé en ce sens sur les montants alloués.

- Sur les demandes accessoires

Les créances salariales portent intérêts à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne. En application de l'article 1154 du code civil (devenu 1343-2), la capitalisation des intérêts due pour une année entière sera ordonnée.

Il convient d'ordonner la déconsignation de la somme de 85.000 euros au profit de la société Adrexo.

La société Adrexo devra remettre au salarié une attestation pôle emploi, un certificat de travail et une fiche de paie récapitulative conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

La société Adrexo qui succombe partiellement supportera les dépens, sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre à M. [L] la somme de 1.500 euros, en sus de celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] à la date du 25 octobre 2011,

- condamné la société Adrexo à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 1.149,12 euros au titre du DIF,

- 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes au titre de la classification 1.2 et de la discrimination en matière de formation et de carrière et les demandes présentées par l'union locale CGT Chatou,

INFIRME le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Adrexo à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 4.547,45 euros à titre de rappel de salaire pour les 'heures sous consommées',

- 454,74 euros de congés payés afférents,

- 5.000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 2.585,60 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 258,56 euros au titre des congés payés afférents,

- 3.242,33 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 16.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite,

- 1.032,75 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

REJETTE la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein,

REJETTE les demandes en paiement :

- d'un rappel de salaire fondé sur un temps plein,

- de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- d'une indemnité pour travail dissimulé,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de dommages et intérêts présentées en cause d'appel ;

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

ORDONNE la déconsignation de la somme de 85.000 euros au profit de la société Adrexo,

ORDONNE à la société Adrexo de remettre au salarié une attestation pôle emploi, un certificat de travail et une fiche de paie récapitulative conformes au présent arrêt et REJETTE la demande d'astreinte ;

CONDAMNE la société Adrexo à payer à M. [L] la somme de :

- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

LA DEBOUTE de sa demande formée sur le même fondement,

CONDAMNE la société Adrexo aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats et aux avis de prorogation, en application de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Dominique DUPERRIER, président, et Mme Brigitte BEUREL, greffier.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03555
Date de la décision : 07/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°15/03555 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-07;15.03555 ?
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