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06/03/2018 | FRANCE | N°16/05473

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 06 mars 2018, 16/05473


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 57A



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 6 MARS 2018



N° RG 16/05473



AFFAIRE :



SAS FINANCIERE BANCEL Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège





C/

SA LA FRANCAISE DES JEUX









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de N

ANTERRE

N° chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2012F03823



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN



Me Bertrand ROL



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 57A

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 6 MARS 2018

N° RG 16/05473

AFFAIRE :

SAS FINANCIERE BANCEL Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

SA LA FRANCAISE DES JEUX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2012F03823

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN

Me Bertrand ROL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SIX MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS FINANCIERE BANCEL Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1600663

Représentant : Me François MOREL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0105

APPELANTE

****************

SA LA FRANCAISE DES JEUX

N° SIRET : 315 065 292

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20160837

Représentant : Me Vanessa BENICHOU du PARTNERSHIPS KING & SPALDING INTERNATIONAL LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0305

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Novembre 2017, Madame Sylvie MESLIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY

Vu l'appel déclaré le 19 juillet 2016 par la société par actions simplifiée Financière [K] (société [K].) contre le jugement prononcé le 14 juin 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre, dans l'affaire qui l'oppose à la société anonyme La Française des Jeux (société FDJ.) ;

Vu le jugement entrepris ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 6 octobre 2017 par la société [K], appelante à titre principal et intimée sur appel incident,

- 2 novembre 2017 par la société FDJ, intimée sur appel principal et appelante sur appel incident;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties en ce compris les notes en délibéré des 12 et 29 novembre 2017.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige

La société FDJ, anciennement dénommée Société de la Loterie Nationale et du Loto National (SLNLN.) puis France Loto, est une société d'économie mixte détenue par l'Etat à 72 %, sous la forme d'une société anonyme, soumise aux dispositions du code de commerce et du code civil. Constituée en 1978 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 19 février 1979, cette société dispose du monopole légal des loteries de jeux d'argent ainsi que de celui des jeux de paris sportifs en points de vente sous réserve pour ces derniers, de certains jeux sur l'Internet pour lesquels elle se trouve être en concurrence avec d'autres acteurs.

Ce monopole légal s'explique par des raisons impérieuses d'intérêt général telles la moralité publique, l'ordre social et la protection des consommateurs mais également, par la volonté d'éviter les fraudes liées à la pratique des jeux d'argent. Les mises des différents jeux et loteries organisés par la société FDJ sont collectées puis redistribuées, aux joueurs sous la forme de gains mais également, à l'Etat pour contribuer au financement des dépenses publiques et enfin, à la FDJ elle-même et à son réseau d'intermédiaires indépendants à titre de rémunération. La répartition des mises est fixée pour chacun des jeux par arrêté du Ministre du Budget.

Pour assurer la distribution des divers jeux qu'elle organise auprès du public, la société FDJ s'appuie sur un réseau d'intermédiaires comprenant d'une part, les courtiers-mandataires prospectant et gérant les détaillants de leur secteur géographique, assurant l'approvisionnement en tickets, collectant les mises et effectuant le paiement des gros lots aux joueurs et d'autre part, les détaillants, essentiellement constitués de commerces de proximité tels que les cafés, bars, tabacs et presse, commercialisant auprès du public, en annexe de leur activité principale, l'ensemble ou une partie des jeux proposés par la société FDJ. Ces deux types d'intermédiaires indépendants sont mandataires de la société FDJ, avec qui ils sont en relation contractuelle directe.

Alors que lors de la mise en place du réseau de distribution, les courtiers-mandataires achetaient les dixièmes de billets de loterie afin de les revendre, effectuant ainsi des actes d'achat-revente comme de véritables commerçants bénéficiant de marges commerciales et d'un fonds de commerce, la société FDJ a en effet courant 1987, proposé à l'ensemble des courtiers la souscription d'un contrat unique, contractualisant la relation juridique entre eux et elle, visant à leur conférer la qualité de mandataire. La société FDJ leur a enfin courant 1991, proposé un nouveau contrat de courtier-mandataire analysé comme un mandat d'intérêt commun, aujourd'hui toujours en vigueur, nonobstant plusieurs modifications notamment intervenues en 1994 et 1998. La société FDJ, mandante, confie donc aux courtiers-mandataires un secteur géographique déterminé et leur demande de la représenter auprès de l'ensemble des détaillants du secteur attribué.

A la suite de négociations ayant eu lieu entre 2001 et 2003 entre l'Union nationale des diffuseurs de jeux (UNDJ) et la société FDJ concernant la baisse des rémunérations et les modalités de cette baisse, un avenant a été signé le 15 juillet 2003. Cet avenant a introduit des modifications au contrat initial, consentant certains avantages aux courtiers-mandataires qui, en contrepartie d'une baisse de leur rémunération, se sont vus offrir l'alternative suivante soit, poursuivre leur activité de courtage aux conditions de ce nouvel avenant avec une réduction de leur taux de commission soit, cesser leur activité en bénéficiant d'une indemnisation renforcée. Pour compenser la baisse de rémunération, l'avenant précité porte l'indemnisation de fin de contrat à 1,65 fois les commissions de l'année précédente en cas de cessation d'activité, de résiliation à l'initiative de la société FDJ ou de non-renouvellement par l'État de la convention avec la société FDJ.

Sur 180 courtiers-mandataires exerçant leur activité au sein du réseau de distribution, 179 dont la société [K], ont signé l'avenant de 2003 parmi lesquels, 84 ont cessé leur activité et obtenu l'indemnisation prévue soit 2,10 fois le montant des commissions de l'année 2002. Une opération de réorganisation des secteurs géographiques s'est alors avérée nécessaire. Certains secteurs devenus vacants, ont été dévolus soit, à des courtiers-mandataires existants souhaitant les reprendre avec une indemnisation à hauteur de 1, 65 fois les commissions de l'année 2002 soit, à des sociétés par actions simplifiées unipersonnelles ayant pour actionnaire la société FDJ lorsqu'aucun repreneur n'a été trouvé au sein des courtiers-mandataires existants.

De nouvelles négociations ont été engagées en 2008 sur les objectifs desquels les parties divergent, la société FDJ disant devoir appliquer une nouvelle baisse à la demande de l'État en suite du rapport annuel de la Cour des comptes de 2010 préconisant une baisse des commissions de courtage. Les courtiers-mandataires ont manifesté leur désaccord et ont déposé une plainte devant l'Autorité de la Concurrence dont ils se sont ensuite désistés. Les négociations reprises en 2009, se sont traduites par un accord de confidentialité et par la mise au point d'un programme de travail signé en septembre 2009 par l'UNDJ et la société FDJ.

Début 2010, en raison des relations difficiles existant entre elle et l'UNDJ, la société FDJ a nommé un tiers, chargé de poursuivre les négociations déjà engagées. Les courtiers-mandataires contestaient ainsi les modalités de réattribution des secteurs vacants, observant que la société FDJ refusait toute cession de secteur à des candidats proposés par les cédants.

Le 7 janvier 2011, l'ensemble des courtiers-mandataires ont finalement été rendus destinataires d'une proposition de compromis portant sur les aspects commerciaux et financiers de la relation existant avec la société FDJ. Une réunion a été organisée le 11 février 2011 avec l'UNDJ, à l'issue de laquelle la société FDJ a rédigé une note interne portant sur des baisses de rémunération de ses distributeurs.

La société FDJ a le 29 avril 2011 puis le 27 juillet suivant, adressé un projet de contrat à l'ensemble des courtiers-mandataires qui, pour la majorité d'entre eux, ont refusé ce projet. La société FDJ les a alors selon lettre du 13 octobre 2011, réitérée le 17 février 2012, informé qu'elle devait travailler à la détermination d'une nouvelle organisation commerciale susceptible de contenir des mesures pouvant 'affecter les relations commerciales' entretenus jusqu'alors.

Par acte d'huissier du 16 mai 2012, 106 des 127 courtiers-mandataires de l'UNDJ ont assigné la société FDJ devant le tribunal de commerce de Nanterre en résiliation judiciaire de l'avenant de 2003 et en paiement de dommages et intérêts visant à réparer le préjudice corrélatif à la diminution de leur rémunération.

Quinze d'entre eux se sont ensuite désistés de leur demande.

La société FDJ a, sur l'avis préalable de son conseil d'administration, décidé de modifier la structure et l'organisation de son réseau de distribution afin de permettre la mise en oeuvre sa nouvelle politique commerciale. C'est dans ces circonstances que par lettre du 22 mai 2014, la société FDJ a au visa de l'article 7 de l'avenant de 2003, notifié à chaque courtier-mandataire la résiliation du contrat noué entre eux moyennant un délai de préavis fixé en fonction de la durée des relations commerciales et le versement d'indemnités contractuellement convenues soit 1,65 fois le montant des commissions de l'année précédente.

M. [I] [K] succédant à ses père et grand-père dans les départements de la Drôme, de l'Ardèche, de l'Isère et du Vaucluse avait pour sa part, conclu un contrat de courtier-mandataire le 10 février 1987 avec des avenants signés les 21 janvier et 6 juillet 1991 ainsi que 15 juillet 2003, d'abord en son nom propre puis, sous la forme de la société à responsabilité limitée [K] et enfin, par fusion, sous celle de la société Financière [K]. Ce contrat devant prendre fin le 4 avril 2010 par application de l'article 6 du contrat de courtier-mandataire fixant la limite d'âge d'exercice à 66 ans, la société FDJ en a prorogé, avec l'assentiment de ce courtier-mandataire, l'exécution jusqu'au 1er juillet 2012, date à laquelle il a pris fin.

Par lettre du 6 janvier 2012, la société FDJ a donc informé le groupement d'intérêt économique Rhône Dauphiné géographiquement compétent de cette cessation d'activité à compter du 1er juillet suivant. Elle a ensuite en application de l'article 10 du contrat litigieux, invité le GIE Rhône Dauphiné à lui présenter, en accord avec M. [I] [K], trois successeurs. Le GIE Rhône Dauphiné a proposé la candidature de M. [Z] [K], fils de M. [I] [K] disant vouloir acquérir la totalité du capital social de la société [K] pour le prix de 4 619 287€. Cette première proposition a été refusée selon lettre recommandée du 8 mars 2012, au motif que cette candidature extérieure ne correspondait pas à la politique commerciale consistant à privilégier les courtiers-mandataires déjà en place dans le réseau, de manière à homogénéiser la taille des secteurs et à en réduire le nombre.

Les deux autres propositions notamment présentées comme procédant d'une logique d'agrandissement des secteurs existants, d'homogéniété et de gains de productivité ayant également été refusées au visa de l'article 10.3 du contrat de courtier-mandataire, la société FDJ a finalement confié la gestion de ce secteur à sa filiale, la société par actions simplifiée Grenoble Jeux Distribution et selon lettre du 19 juin 2012, a adressé à la société [K] un contrat de résiliation de son contrat de courtier-mandataire prévoyant le versement d'une indemnité de 1, 65 fois le montant de ses commissions de l'année 2011 soit, la somme de 2 933 729,43€ toutes taxes comprises.

La société [K] a refusé de signer ce contrat et a le 18 juillet 2012, mis la société FDJ en demeure de lui verser 4 724 218€ correspondant au prix de cession de ses actions auquel s'ajoute le montant de l'exonération fiscale dont aurait bénéficié M. [I] [K], déduction faite des sommes reçues de la société FDJ, fixant donc finalement son préjudice à 7 235 662€. La société FDJ a le 18 juillet 2012 procédé au versement de la moitié des indemnités contractuelles qu'elle estimait dues à la société [K] soit 1 228 690,45€ puis le 24 juillet suivant, un solde de 1 246 041,01€ et a le 1er août 2012, relevé que 'le contrat qui avait été proposé ne constituait pas un contrat de cession d'un élément d'actif incorporel, mais bien une convention précisant les modalités de résiliation' du contrat de courtier-mandataire.

Par acte du 11 octobre 2012, la société [K] a fait assigner la société FDJ devant le tribunal de commerce de Nanterre en lui faisant grief de ne pas avoir respecté les stipulations contractuelles applicables et notamment, celles énoncées à l'article 10 du contrat de courtier-mandataire se rapportant à la procédure de cession.

Dans le dernier état de ses demandes oralement soutenues à l'audience, la société [K] a prié les premiers juges de :

- débouter la Française des Jeux de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire que la Française des Jeux, qui avait décidé dès 2010 et confirmé en 2011, de ne plus agréer de cession de gré à gré, a détourné et violé la procédure de cession du contrat de [K], telle que fixée à son article 10, en :

- tentant de débaucher, en dehors de la procédure de cession contractuelle, un candidat courtier présenté par le GIE qui était prêt à acquérir le secteur de la Financière [K] ;

- ne cherchant pas un cessionnaire de la Financière [K] ;

- ne justifiant pas en quoi, cette solution était impossible ;

- résiliant le contrat de la Financière [K], pour l'attribuer à sa filiale, la SAS Grenoble Jeux Distribution ;

- ce faisant, dire que la Française des Jeux a fait preuve de mauvaise foi et a commis un abus de droit dans la mise en oeuvre de la procédure de cession de l'article 10 du contrat constitutif d'une faute générant la mise en cause de sa responsabilité ;

- dire que la Française des Jeux, dans les mêmes circonstances de fait et de temps, a détourné la procédure d'agrément de son objet et qu'elle n'a pas respecté les critères de sélection mis en place par elle, alors qu'elle ;

- disposait de la candidature d'un courtier mandataire en activité qui répondait à ses critères de sélection et à sa politique commerciale et qui était prêt à acquérir le secteur de la Financière [K] ;

- disposait d'une proposition de sectorisation répondant à ses critères de sélection et à sa politique commerciale ;

- ne justifie pas avoir cherché de cessionnaire à la Financière [K], alors que l'examen des critères de sélection appliqués à sa filiale, par comparaison aux courtiers mandataires en activité l'obligeait à le faire ;

- a refusé d'examiner la situation de tous les courtiers mandataires en activité dans le seul but de satisfaire sa décision de ne plus accepter de cession de gré à gré entre courtiers mandataires et de reprendre ce secteur à son compte ;

- désigné sa filiale, la SAS Grenoble Jeux Distribution en violation de tous les principes de sélection mis en place par elle et donc de sa politique commerciale en matière d'agrément, puisque cette société ne satisfaisant à aucun des critères de sélection ;

- dire qu'en ne détournant la procédure de cession (article 10 du contrat.)et la procédure d'agrément (les principes de sectorisations) de leur objet, la Française des Jeux a commis une faute génératrice de la mise en cause de sa responsabilité contractuelle ;

- dire que ces fautes ont causé un préjudice à la Financière [K] qu'il convient de réparer;

- en conséquence, condamner la Française des Jeux à lui payer 4 778 281, 10€ à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de droits à compter du 16 février 2012, date de la mise en demeure ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil ;

- condamner la Française des Jeux aux entiers dépens de l'instance et la condamner à lui payer la somme de 20 000€, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie et sans constitutions de garantie.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a tranché le litige en ces termes :

- dit que la Française des Jeux a commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire ;

- la condamne à payer à SA Financière [K] venant aux droits de [K] 170 000€,

- ordonne la capitalisation des intérêts par année entière en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- condamne la Française des Jeux à payer à Sa Financière [K] venant aux droits de [K] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- condamne la Française des Jeux aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont pour l'essentiel retenu que : - le contrat litigieux est un contrat de droit privé régi par les seules règles s'appliquant à ces conventions ; - la société Financière [K] fait grief à la société FDJ d'avoir commis un abus de droit et d'avoir agi de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la procédure de cession définie à l'article 10 de ce contrat ; - les principes fondamentaux de la liberté du commerce autorisent tout mandant à choisir son cocontractant et l'article 10 précité n'impose aucune obligation de conclure ; - le courtier-mandataire disposant cependant, du droit de présenter un successeur, le refus d'agrément pour ne pas être fautif, doit répondre à des motifs objectifs et respecter la procédure de l'article 10 précité ; - selon la société FDJ, les candidats présentés par le GIE compétent, ne correspondaient pas à sa politique commerciale ; - la société FDJ comme toute entreprise, est libre d'organiser sa politique commerciale sous condition de ne pas l'appliquer de manière abusive ou discriminatoire ; - la politique commerciale de la société FDJ est connue et résulte d'une note établie le 6 octobre 2003 intitulée 'Principes de Re sectorisation' diffusée aux courtiers-mandataires ainsi que l'admettent les parties ; - selon cette note, la politique suivie par la société FDJ consiste à appliquer des 'principes' relatifs à la reconnaissance du métier de courtier-mandataire, à rechercher l'efficacité en homogénéisant la taille des secteurs au fur et à mesure des départs des courtiers-mandataires en place en privilégiant les cessions aux courtiers-mandataires présents dans le réseau, à favoriser le meilleur découpage du territoire par l'achat des secteurs limitrophes et l'harmonisation avec les limites des départements; - le refus opposé à la candidature de M. [Z] [K] est conforme au principe de re-sectorisation consistant à privilégier les courtiers-mandataires en place et ne saurait donc être fautif ; - il ressort par ailleurs de l'examen des cartes versées aux débats par les parties et de la comparaison des chiffres d'affaires des secteurs environnants que la seconde hypothèse présentée par le GIE avait pour effet de créer un vaste secteur avec un nombre de points de vente disproportionné par rapport à celui des secteurs environnants, ce qui allait à l'encontre de la politique d'harmonisation recherchée par la société FDJ ; - la société FDJ, libre de sa politique commerciale dès lors qu'elle l'applique loyalement, n'est pas tenue de cogérer cette dernière avec ses courtiers-mandataires et le droit de présentation d'un successeur reconnu à chaque-courtier mandataire ne constitue pas une obligation d'agrément de la part de la société FDJ ; - en l'espèce, aucune faute ou abus dans l'application des articles 10-1 et 10-2 du contrat du courtier-mandataire n'est établie contre la société FDJ ; - celle-ci entend par ailleurs démontrer qu'elle a satisfait à son obligation de moyens de rechercher un cessionnaire au sens de l'article 10-3 du contrat litigieux ; - elle ne justifie cependant d'aucun justificatif de ces recherches et des refus qu'elle prétend s'être vue opposer d'autant que plusieurs attestations versées aux débats par son adversaire contredit ses allégations ; - elle ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de moyens et a donc commis une faute contractuelle dont elle doit réparation.

La société [K] a déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 novembre 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 28 novembre suivant tenue en formation collégiale pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire, mise en délibéré.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société [K] prie la Cour de :

- vu les pièces versées aux débats, vu les anciens articles 1101 et suivants, 1134 et suivants, 1154 et suivants du code civil (ancien)

- débouter la FDJ de son appel incident, ainsi que de tous ses moyens fins et conclusions, l'y déclarant mal fondée.

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016, en ce qu'il a :

- dit et jugé que la Française des jeux avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire.

- condamné la FDJ à lui payer des dommages et intérêts et ordonnant la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1154 du code civil.

- condamné la FDJ au paiement de la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de première instance, ainsi qu'aux dépens.

- l'infirmer en ce qu'il n'a pas répondu aux demandes de la SAS [K] tendant à dire et juger que :

- la FDJ a commis un abus de droit en détournant la procédure de cession de son objet, ayant décidé dès 2010 de refuser toute cession de contrats de gré à gré, ce qui est avéré dans les faits et confirmé par ses écritures, pour ce qui concerne le secteur de la SAS [K] ;

- la FDJ a violé l'article 10 du contrat, en résiliant le contrat de la SAS [K], après avoir refusé les trois candidats présentés par son GIE, désignant sa filiale, qui n'est pas courtier mandataire, comme successeur.

- la FDJ n'a pas respecté les critères de sélection mis en place par elle :

- pour ne pas avoir mis en place la procédure de concertation prévue avec le GIE Rhône Dauphiné.

- bien que disposant d'une proposition de sectorisation émise par le GIE Rhône Dauphiné répondant à ses critères de sélection et à sa politique commerciale,

- et de la candidature d'un courtier mandataire en activité qui répondait à ses critères de sélection et à sa politique commerciale et qui était prêt à acquérir le secteur de la société [K].

- a désigné sa filiale, la SAS Grenoble Jeux Distribution alors que cette société ne satisfaisait à aucun des critères de sélection, ce qui constitue une discrimination à l'égard des propositions de candidatures faites par le GIE Rhône Dauphiné.

- dire et juger que ces fautes lui ont causé un préjudice qu'il convient de réparer,

- infirmer le même jugement, en ce qu'il a dit et jugé que :

- le préjudice de la SAS [K] s'analysait en une perte de chance, alors qu'il s'agit d'un gain manqué.

- ce préjudice de la société par actions simplifiée [K] s'élevait à 170 000€.

Statuant à nouveau :

- condamner la FDJ à lui payer la somme de 2 010 583€ à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, avec intérêt de droit à compter du 11 octobre 2012.

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 (ancien) et 1343-2 (nouveau) du code civil,

- la condamner au paiement de la somme de 10 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FDJ demande à la Cour de :

- vu l'article 1134 du code civil

- vu l'article 10 du contrat de courtier-mandataire

- vu les principes de re-sectorisation du 6 octobre 2003,

A titre principal :

- constater que les deux offres de reprises présentées par le GIE Rhône-Dauphiné en accord avec M. [I] [K], en sa qualité de gérant de la société [K], par lettre datée du 9 février 2012 mais reçue le 14 février 2012 sont irrecevables car présentées hors délai ;

- constater en tout état de cause que les trois offres de reprises présentées par le GIE Rhône-Dauphiné en accord avec M. [I] [K], en sa qualité de gérant de la société [K], par lettres des 2 et 9 février 2012 ne respectaient pas la politique commerciale de la Française des jeux ;

- constater que la Française des jeux n'a pas abusivement refusé d'agréer les deux candidats à la reprise du secteur de la société [K] ;

- constater que la Française des Jeux a effectivement recherché un cessionnaire à la société [K] ;

- constater que, devant l'impossibilité de désigner un tel cessionnaire, la Française des jeux a versé à la société [K] l'indemnité contractuellement prévue et attribué son secteur à la SAS Grenoble Distribution ;

En conséquence,

- dire et juger que la Française des Jeux a parfaitement respecté les dispositions contractuelles et sa politique commerciale ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016 en ce qu'il a considéré que la Française des Jeux avait commis une faute en ne justifiant pas avoir recherché un cessionnaire ;

- débouter la société [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société [K] n'a pas subi de préjudice indemnisable ;

- constater que l'indemnité contractuelle de 1, 65 fois les commissions est destinée à pallier l'absence de possibilité de céder le contrat de courtier-mandataire en dehors de la procédure d'agrément ;

- constater que le montant de cette indemnité a été fixé d'un commun accord entre les parties et correspond au prix du marché ;

- constater que cette indemnité n'est pas de nature à léser les courtiers-mandataires ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016 en ce qu'il a estimé que la société [K] avait subi un préjudice tiré d'une perte de chance de ne pas céder son contrat à un cessionnaire désigné par la Française des jeux ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 juin 2016 en ce qu'il a évalué le préjudice subi par la société [K] à un montant de 170 000€ ;

- débouter la société [K] de sa demande de paiement à hauteur de 2 010 583€ ;

En tout état de cause :

- condamner la société [K] au paiement d'une somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Bertrand Rol, AARPI JRF Avocats, au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE

1.Vu les notes en délibéré transmises par chacune des parties en respect des délais impartis au visa de l'article 444 du code de procédure civile ;

2.Il doit à titre principal, être statué sur le mérite d'une demande d'indemnisation de préjudice économique présentée par un courtier-mandataire de la société FDJ (société [K].) à qui, est imputée une faute tirée du non-respect prétendu de la procédure de cession du courtage prévue à l'article 10 du contrat signé entre les parties le 10 février 1987 auquel plusieurs avenants sont adossés ainsi qu'un prétendu abus dans l'exercice du droit au refus d'agrément d'un successeur notamment présenté par le courtier-mandataire concerné atteint par la limite d'âge et par voie de conséquence, sur le bien-fondé de la demande d'indemnisation du préjudice corrélativement allégué par ce dernier.

3.La société [K] maintient à l'appui de sa demande de réformation que son adversaire n'a respecté ni l'article 10 intitulé 'cession du contrat' inséré au contrat de courtage litigieux, ni les principes gouvernant la procédure d'agrément de ce courtage notamment rappelés dans un document intitulé 'Principes de resectorisation'.

4.La société FDJ répond que, si elle a parfaitement respecté les termes du contrat du courtier-mandataire en refusant d'agréer les candidats présentés ainsi que l'ont jugé les premiers juges, elle a également, dûment satisfait à son obligation de moyens de rechercher un cessionnaire au courtier-mandataire partant et a donc, après avoir constaté l'impossibilité de ré-attribuer le secteur libéré à un autre courtier, fait une parfaite application de l'article 10.3 du contrat en versant à la société [K] l'indemnité contractuellement définie entre elles.

Sur le non-respect de la procédure de cession instituée à l'article 10 du contrat de courtier-mandataire litigieux venant à expiration pour atteinte de limite d'âge

5.La société [K] observe que : - si de 1994 à 2002, les secteurs s'étant libérés ont été transmis de courtiers-mandataires à courtiers-mandataires par voie de cession, ceux qui se sont libérés de 2010 à 2013 ont tous été repris par la société FDJ et conservés par ses filiales ou attribués à des distributeurs en dehors de toute cession en vertu d'un nouveau contrat, excluant le statut de courtier mandataire ; - la société FDJ a en effet pris dès 2010, en suite du refus légitime des courtiers-mandataires de signer le compromis qui leur avait été proposé à l'occasion du différend né à propos de la réattribution des secteurs vacants, la décision de principe, réitérée en 2011, de refuser pour l'avenir toute cession de contrat de gré à gré et donc, de ne plus appliquer le contrat de courtier-mandataire ; - la mise en place par la société FDJ de la procédure de cession du contrat litigieux et de celle de l'agrément de son successeur constitue dans ces conditions une parodie qui ne fait qu'illustrer cette stratégie d'éviction.

Elle précise que : - si les premiers juges ont à juste titre estimé que la société FDJ n'avait pas respecté la procédure d'agrément en ce qu'elle ne pouvait justifier avoir cherché un cessionnaire, ils ont en revanche commis une erreur d'appréciation en estimant que la procédure d'agrément n'imposait aucune concertation pour organiser la succession des secteurs qui se libéraient et en écartant ainsi, l'hypothèse d'une faute commise lors de la première étape de la procédure applicable ; - la société FDJ avait en effet, défini sa politique commerciale en matière d'agrément et de sectorisation en fixant des critères de sélection exposés dans un document intitulé 'Principes de sectorisation' dont il ressort, que la concertation comprend deux phases tendant d'une part, à connaître l'ensemble des propositions puis, après que ces propositions aient été portées à la connaissance de la société FDJ, à organiser un débat entre celle-ci et le GIE concerné ; - la société FDJ passe cependant totalement sous silence cette phase de la procédure de concertation dont elle nie l'existence et qui est pourtant essentielle puisqu'elle tend, à résoudre les difficultés présentées par telle ou telle candidature et à y apporter une solution en comité commercial composée de représentants des courtiers-mandataires et de la société FDJ ; - les propositions de candidatures à sa succession, émises par le GIE Rhone Dauphiné n'ont ainsi jamais été débattues et examinées en comité commercial ; - dans ses écritures devant les premiers juges la société FDJ reconnaît avoir écarté la mise en place de ce comité ; - ce non-respect de la procédure d'agrément convenue caractérise une faute.

Elle ajoute que la société FDJ a en réalité, détourné la procédure de cession à son profit, en interdisant toute cession du contrat concerné ; - elle a ainsi, après avoir refusé les trois candidats présentés par le GIE, immédiatement résilié le contrat litigieux selon lettre du 22 juin 2012 sans chercher le moindre cessionnaire alors qu'elle n'a pas de choix alternatif entre la désignation d'un cessionnaire ou le versement d'une indemnité mais bien l'obligation de chercher un cessionnaire et seulement s'il s'avère impossible d'en trouver un, de désigner un courtier mandataire lui succédant après avoir versé une indemnité de 1, 65 ; - la désignation de la société Grenoble Distribution qui n'était pas courtier-mandataire est donc intervenue en violation de l'article 10 du contrat dans le but d'empêcher le règlement au courtier-mandataire partant, du prix de cession correspondant à la valeur du contrat et ainsi, de le faire disparaître.

6.La société FDJ répond que : - il n'appartient pas au juge, de se prononcer sur le bien-fondé de la politique commerciale d'une entreprise ; - un mandant peut ainsi, parfaitement résilier un mandat d'intérêt commun tel le contrat d'un courtier-mandataire pour des motifs de réorganisation géographique ou matérielle selon l'évolution prévisible de la situation économique ; - en l'espèce la société [K] ne peut sérieusement soutenir que la décision de réorganiser son réseau serait fautive en ce qu'elle serait en réalité, la conséquence du refus des courtiers-mandataires de signer un avenant puisque, outre le fait que la présente espèce n'a rien à voir avec la résiliation des contrats des courtiers-mandataires, le contrat litigieux a pris fin de plein droit au 66ème anniversaire du courtier concerné ; - les juridictions n'ont quoi qu'il en soit pas, à s'immiscer dans la gestion économique et commerciale d'une société privée ; - une réorganisation telle que celle qu'elle a mise en place, fait partie de ses prérogatives d'entreprise ; - devant l'impossibilité de faire évoluer son réseau de distribution pour faire face aux nouveaux défis qui étaient les siens, elle a ainsi selon lettre du 22 mai 2014, légitimement résilié l'intégralité des contrats de courtiers-mandataires en cours ; - l'article 10 prévoit qu'elle est libre d'agréer ou non les candidats présentés puisqu'elle peut successivement les refuser ; - ce même article ne peut s'interpréter, sans tenir compte de l'économie générale du contrat de courtier-mandataire litigieux et de sa cohérence ; - les termes de ce contrat ont été négociés entre la société et l'organe représentatif des courtiers-mandataires appelé 'Chambre professionnelle des courtiers-mandataires' devenu l'UNDJ ; - son article 10 n'étant nullement autonome, par rapport aux autres clauses, la cession du contrat du courtier-mandataire bien que contractuellement admise, demeure de manière nécessaire, soumise à l'agrément préalable de la société FDJ lequel reste une condition de réalisation de cette cession ; - les premiers juge ont donc à bon droit retenu, que dans les circonstances de cette espèce, le droit d'agrément de la société FDJ prime sur tout droit de cession des courtiers-mandataires et la société [K] ne peut, subséquemment prétendre que son contrat serait nécessairement cessible à un autre courtier-mandataire et qu'ainsi, la société FDJ a simplement, la possibilité d'autoriser et d'agréer la reprise d'un secteur par un candidat dont elle estime qu'il remplit les conditions fixées par sa politique commerciale.

Elle précise que cette politique commerciale exposant les principes de re-sectorisation, a été clairement explicitée par une note du 6 octobre 2003 dont l'ensemble du réseau, et donc la société [K], a été parfaitement informé ; - cette politique commerciale avait pour ambition d'une part, d'agrandir les secteurs confiés à chacun des courtiers-mandataires et ainsi, élargir l'assiette de leurs commissions et améliorer la rentabilité de la profession, notamment après la ratification de l'avenant de 2003 ayant abaissé le taux de commissions applicable aux courtiers-mandataires et d'autre part, d'obtenir le renouvellement de la convention conclue entre la FDJ et l'Etat subordonné au renforcement de la compétitivité du réseau ; - il suit de là, que la procédure prévue à l'article 10 du contrat litigieux ne constitue, qu'une modalité de mise en oeuvre de la cessation de plein droit du courtier-mandataire suite au 66ème anniversaire de celui-ci.

7.Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle en vigueur depuis le 1er octobre 2016, ensemble l'article10 intitulé 'cession du contrat' du contrat du courtier-mandataire consenti à M. [I] [K] aux droits duquel se trouve être la société [K] ;

8.Selon ce dernier article, modifié par l'article 4 de l'avenant signé le 15 juillet 2003, ' - 10.1: le courtier-mandataire souhaitant cesser son activité ou céder une partie de celle-ci doit en informer la Française des Jeux par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, avec un préavis d'au moins trois mois et préciser la date souhaitée de la cessation de son activité./La Française des Jeux en informe immédiatement le GIE, territorialement compétent qui dispose d'un mois pour proposer à la Française des Jeux, en accord avec le courtier-mandataire cédant, un ou plusieurs successeurs, personnes physiques représentant le nouveau courtier-mandataire proposé ; - 10.2 :Les renseignements suivants sont également communiqués à la Française des Jeux (...) ; - 10.3 : Après trois refus successifs des candidats présentés, la Française des Jeux doit soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier-mandataire cédant, soit, si cette solution s'avère impossible, verser au courtier-mandataire cédant une indemnité fixée, sous réserve des dispositions de l'article 10.4 ci-après, à une fois virgule soixante-cinq, les commissions du courtier-mandataire au titre de l'année civile précédente, recalculées sur la base des taux de commission applicables à la date de cessation d'activité, à savoir (...)[Formule de Calcul];

- 10.4 :Toutefois, le montant de ces indemnités ne peut excéder le prix le moins élevé proposé par le(s) candidat(s) cessionnaire(s) présenté(s) par le courtier-mandataire cédant dont la candidature n'aura pas été agréée par la Française des Jeux./La Française des Jeux est alors libre de conclure un nouveau contrat avec le courtier-mandataire de son choix.'

[surligné par la Cour].

9.La société FDJ rappelle à bon droit que l'interprétation de ces dispositions se combine avec l'article 2 du même contrat prévoyant une procédure d'agrément de l'opérateur et que, eu égard au caractère intuitu personae du dit contrat, cet agrément préalable constitue une condition de réalisation de la cession. Il ne saurait dans ces conditions être considéré, que le contrat litigieux est cessible dans tous les cas de figure au profit d'un autre courtier-mandataire et que partant, l'agrément de la société FDJ procédant notamment de la politique commerciale définie par cette dernière, n'est pas le préalable indispensable à cette cession.

10.Ainsi que retenu par les premiers juges, la société Française des Jeux ne justifie pas au cas d'espèce qui concerne l'hypothèse d'une cessation du contrat de plein droit pour atteinte de limite d'âge (66 ans.), avoir respecté les principes de re sectorisation qu'elle a elle-même définis - voir cote 41 du dossier de la société [K], puisqu'elle ne dément pas, s'être abstenue d'examiner les propositions de candidatures présentées par les GIE régionaux en concertation avec eux, au besoin en comité commercial.

11.Selon en effet, ces principes de re sectorisation définis dans ce document datant du 6 octobre 2003, visant à optimiser la carte de France des secteurs et porté à la connaissance de l'ensemble des membres du réseau de la société FDJ, ' Pour répondre à l'objectif d'homogénéisation de la taille des secteurs, l'évolution des frontières des GIE actuels [doit] être étudiée. Ces évolutions éventuelles seront débattues entre la Française des Jeux et les GIE concernés.' et il doit par ailleurs être veillé 'à l'équité entre courtiers' ce qui suppose de 'connaître l'ensemble des propositions : après concertation entre les responsables régionaux et les GIE, les propositions de candidatures seront transmises à la Française des Jeux pour une mise en cohérence nationale. Ces propositions seront débattues entre la Française des Jeux et les GIE concernés et feront également l'objet d'un examen en comité commercial.' et encore de 'privilégier les courtiers présents : les resectorisations actuelles doivent bénéficier aux courtiers ayant choisi de poursuivre leur activité. La conséquence logique de ce principe est de ne pas retenir, dans cet exercice, l'hypothèse de l'arrivée de nouveaux courtiers.'

12.Ne pouvant dans ces conditions, justifier avoir respecté de bonne foi la procédure d'agrément convenue entre les parties alors même qu'elle se trouve d'une certaine manière, et ne conteste au demeurant pas, être juge et partie, la société Française des Jeux a nécessairement commis une faute.

13.Démontrant cependant, sans être précisément contredite par son adversaire, qu'aucun candidat, au delà des trois candidatures présentées et dont il est établi qu'elles n'étaient pas utiles, n'était en réalité susceptible d'être retenu au regard des principes sus énoncés exprimant sa politique commerciale parmi les autres courtiers-mandataires en activité, les premiers juges l'ont à tort condamnée à réparer un préjudice inexistant.

14.Il est en effet constant que M. [Z] [K] ne pouvait justifier être déjà membre du réseau de courtier-mandataire et était donc tiers à ce réseau tandis que les propositions de reprise de M. [L] [X] ne répondaient pas davantage à l'objectif d'homogénéisation recherché en ce qu'il aurait abouti à ce que le secteur de ce courtier soit très supérieur à celui des autres.

15.Il est tout aussi constant que la reprise du secteur libéré par la société [K] par l'un des courtiers limitrophes ne satisfaisait pas aux mêmes principes de resectorisation ou ne pouvait être envisagé, qu'il s'agisse de M. [Z] (création d'un secteur surdimensionné comprenant 795 points de vente), Mme [P] (création d'un secteur étendu sur 2 régions et 4 départements différents) ou de M. [E] ou encore de MM. [N] et [L] outre Mme [U] (prochainement atteints par la limite d'âge), MM. [R] et [Y] ainsi que Mme [T] (intéressés par le secteur de Mme [U]) et enfin M. et Mme [H] (non intéressés).

16.Il ressort quoi qu'il en soit des débats et des documents produits que les attestations des courtiers mandataires ayant retenu l'attention des premiers juges (cotes 132, 133 et 134 du dossier de la société [K]) au soutien du grief fait à la société FDJ de ne pas avoir satisfait à son obligation de moyens de recherche d'un cessionnaire pour le secteur litigieux, émanent en réalité de personnes ayant au même moment manifesté leur intérêt pour un autre secteur (celui de Mme [E] [U].)- voir cote 53 du dossier de la société FDJ. Il n'était ainsi pas utile de susciter leur candidature dès lors qu'il n'est ni soutenu ni démontré, que cet intérêt pour cet autre secteur était sans aucun espoir.

17.Il suit de tout ce qui précède que le jugement entrepris sera sur ce point infirmé.

Sur l'abus et la discrimination imputés à la société FDJ

18.La société [K] affirme que la société FDJ est à la fois juge, en ce qu'elle décide de l'agrément d'un nouveau mandataire et partie, en ce qu'elle bénéficie finalement de cet agrément par l'intermédiaire de sa filiale et soutient qu'elle a dans les circonstances précises de cette espèce, détourné la procédure d'agrément applicable de son objet en en faisant un usage abusif, dans le but de s'approprier le secteur que le contrat litigieux lui avait dévolu ; - la discrimination découle de ce que le choix de son successeur apparaît s'être effectué de manière moins sévère à l'égard de la filiale de la société FDJ qu'à l'égard des candidats présentés par le GIE ; - l'abus de droit est en l'espèce d'autant plus caractérisé qu'au regard des principes de sectorisation et de la politique commerciale définie par la société FDJ elle-même, M. [Z] [K] remplissait tous les critères sauf un, alors qu'en ce qui la concerne, la société Grenoble Jeux Distribution n'en remplissait aucun ; - les critères de sélection ont donc bien fait l'objet d'une application discriminatoire afin de respecter la décision de principe prise ab initio de ne plus agréer aucune cession de gré à gré et de mise en place d'une stratégie d'éviction ; - par ces agissements, la société FDJ reprend progressivement les secteurs qui se libèrent depuis 2010 avant de les ré-affecter à ses filiales ou à des distributeurs sur la base d'un nouveau contrat à durée déterminée excluant le statut de courtier-mandataire.

19.La société FDJ répond que : - la décision d'octroyer ou non un agrément à un candidat procède de la plus grande liberté dès lors, que le refus est motivé et justifié par des critères objectifs, précis et non discriminatoires ; - les motifs de refus des candidatures présentées sont ainsi en l'espèce, parfaitement fondés et ne présentent aucun caractère abusif ; - l'analyse des candidatures qui lui sont proposées ne s'accompagne d'aucune obligation de se concerter avec le GIE local, ni d'aucune obligation d'information puisque les GIE locaux ont une parfaite connaissance de la configuration des secteurs et des dates de cessation d'activité de chacun des courtiers en fonction ; - il appartient en réalité au GIE concerné d'organiser cette concertation entre courtiers-mandataires avant de lui proposer, de concert avec le courtier partant, trois offres de reprise ; - les offres proposées par le GIE qui ont en l'espèce été exprimées hors délai, n'étaient quoi qu'il en soit pas conformes à sa politique commerciale et notamment pas, aux principes de resectorisation applicables.

Elle précise que : - elle a ainsi à bon droit, sans abus ni discrimination, refusé au regard de sa politique commerciale, les trois candidats conjointement présentés par la société [K] et par le GIE; - elle a ainsi mis en oeuvre les moyens nécessaires pour rechercher un cessionnaire à la société [K], qui serait susceptible de reprendre le secteur libéré conformément à sa politique commerciale ; - constatant l'impossibilité de désigner un tel cessionnaire, notamment en raison de la réorganisation du réseau en cours, elle a versé au courtier-mandataire sortant, l'indemnité contractuellement prévue avant de réattribuer normalement le secteur concerné à sa filiale, la société Grenoble Jeux Distribution ; - le choix d'attribuer le secteur litigieux à l'une de ses filiales n'a aucun caractère fautif dès lors, qu'il est loisible à tout opérateur économique de faire coexister au sein de son réseau de distribution plusieurs catégories de distributeurs répondant à des exigences différentes et dès lors que le contrat de courtier mandataire n'interdit nullement de conclure un contrat d'une nature différente avec la personne de son choix ; - en l'absence de toute violation des stipulations contractuelles et de sa politique commerciale, il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu qu'elle n'avait pas commis de faute dans l'application des articles 10.1 et 10.2 du contrat de courtier-mandataire.

20.Il est de principe que la discrimination en matière économique est le fait pour une société, de pratiquer ou d'obtenir à l'égard d'un partenaire, sans justification par des contreparties réelles, des conditions d'acquisition différentes de celles négociées avec des concurrents du partenaire, créant de ce fait un désavantage ou un avantage dans la concurrence pour ce dernier (Cass. com. 29'janvier 2008, pourvoi'n° '07-13 778.) tandis que l'abus se caractérise par l'absence d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ou encore, par le constat que le traitement dénoncé ne concerne pas tous les opérateurs placés dans des situations semblables.

21.En l'espèce, les premiers juges ont à raison écarté l'hypothèse d'un exercice abusif par la société FDJ de son droit d'agréer un cessionnaire en observant que la première candidature présentée, celle de M. [Z] [K]., ne répondait manifestement pas aux critères de la politique commerciale qu'elle avait librement définie et dont il est constant que celle-ci était connue de l'ensemble des courtiers-mandataires de son réseau d'intermédiaires puisque, ce candidat n'était en effet pas déjà membre de ce réseau et en relevant par ailleurs que, selon l'examen des cartes des territoires concernés versées aux débats et la comparaison des chiffres d'affaires des secteurs environnants, les deux autres hypothèses présentées, se rapportant à la candidature de M. [L] [X], aboutissait à la création d'un vaste secteur avec un nombre de points de vente disproportionné par rapport à celui des secteurs environnants, contraire à l'harmonisation recherchée par la société FDJ.

22.Démontrant par ailleurs de manière précise et concrète, sans être sérieusement contredite par son adversaire, que la dévolution du secteur de la société [K] à l'une de ses filiales n'est finalement, en l'absence d'un courtier-mandataire limitrophe satisfaisant aux critères de re sectorisation nécessaires pour pouvoir être agréé ou ayant accepté la reprise du secteur litigieux, que la stricte application de la procédure définie par l'article 10 du contrat litigieux, la société FDJ ne saurait se voir reprocher aucun abus dans l'exercice de son droit d'agrément.

23.Il est quoi qu'il en soit constant que le réseau de distribution de cette société était au début des années 2000 l'un des plus coûteux de toute l'Europe et que la société FDJ s'est ainsi vue enjoindre d'adapter ce réseau à l'évolution de la situation économique, notamment par une baisse de rémunération de la filière conduisant à une modification du contrat du courtier-mandataire et partant, à une baisse des commissions octroyées à ce dernier. Il est tout aussi constant qu'en vertu d'un arrêté du 30 avril 2012, la société FDJ doit chaque année, soumettre au Ministre chargé du Budget un programme des jeux pour l'année suivante, présentant notamment le réseau de distribution ainsi que le nombre d'ouverture de points de vente et que ce programme est alors soumis à l'approbation du Ministre chargé du Budget.

24.L'attrition du nombre de points de vente ne saurait dans ces conditions être le fait exclusif de la société FDJ et partant, l'expression ou le résultat d'une stratégie d'éviction que celle-ci aurait mise au point mais s'explique essentiellement, par les difficultés rencontrées par le réseau de points de vente presse et tabac et les décisions de gestion des courtiers-mandataires.

Sur les autres demandes

25.Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

26.La société [K], partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvement direct en faveur de Maître Bertrand Rol, AARPI JRF, avocats.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société anonyme Française des Jeux avait commis une faute en ne justifiant pas avoir recherché un cessionnaire du contrat de courtier-mandataire de la société par actions simplifiée Financière [K].

STATUANT de nouveau et Y AJOUTANT :

DÉBOUTE la société par actions simplifiée Financière [K] de l'ensemble de ses demandes.

CONDAMNE la société par actions simplifiée Financière [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Bertrand Rol, AARPI JRF, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société par actions simplifiée Financière [K] à verser à la soicété anonyme Française des Jeux, huit mille euros (8 000€.) À titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/05473
Date de la décision : 06/03/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/05473 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-06;16.05473 ?
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