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23/02/2018 | FRANCE | N°16/02365

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 23 février 2018, 16/02365


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 74C



1ère chambre

1ère section





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 FEVRIER 2018



N° RG 16/02365



AFFAIRE :



Alain [A]

[V] [M] épouse [E]

[S] [M] épouse [I]

Syndicat des copropriétaires des [Adresse 1]

C/

[L] [J]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVILr>
N° Chambre : 7

N° RG : 14/02370



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES



Me Stéphanie ARENA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT TROI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74C

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 FEVRIER 2018

N° RG 16/02365

AFFAIRE :

Alain [A]

[V] [M] épouse [E]

[S] [M] épouse [I]

Syndicat des copropriétaires des [Adresse 1]

C/

[L] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVIL

N° Chambre : 7

N° RG : 14/02370

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES

Me Stéphanie ARENA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT TROIS FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation le 16 février 2018 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur Alain [A]

né le [Date naissance 1] 1955 à SAINTE FOY LES LYON (69110)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentant : Me Patrice LEBATTEUX substitué par Me Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0154 - N° du dossier CJ14342

Madame [V] [M] épouse [E]

née le [Date naissance 2] 1951 à OUED ZEM (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentant : Me Patrice LEBATTEUX substitué par Me Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0154 - N° du dossier CJ14342

Madame [S] [M] épouse [I]

née le [Date naissance 3] 1955 à FQUIH BEN SALAH (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentant : Me Patrice LEBATTEUX substitué par Me Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0154 - N° du dossier CJ14342

Syndicat des copropriétaires des [Adresse 1] représenté par son syndic, le cabinet IMMOBILIER G COGE (COGESCO)

C/O IMMOBILIER G COGE (COGESCO), syndic

[Adresse 6]

[Adresse 1]

Représentant : Me Patrice LEBATTEUX substitué par Me Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0154 - N° du dossier CJ14342

APPELANTS

****************

Monsieur [L], [O], [W] [J]

né le [Date naissance 1] 1966 à BOIS COLOMBES (92270)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 1]

Représentant : Me Stéphanie ARENA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 - N° du dossier 2016-031 - Représentant : Me Hervé PERRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1748

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 décembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président chargé du rapport, et Madame Anne LELIEVRE, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

****************

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 20 octobre 2015 qui a statué ainsi':

- dit Monsieur Alain [A], Madame [V] [M], épouse [E], et Madame [S] [M], épouse [I], recevables en leur action aux côtés du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8],

- déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], Monsieur Alain [A], Madame [V] [M], épouse [E], et Madame [S] [M], épouse [I], de leurs demandes de démolition sous astreinte de la partie surélevée de l'immeuble appartenant à Monsieur [L] [J] et à de production sous astreinte d'une étude d'un bureau d'études techniques,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], Monsieur Alain [A], Madame [V] [M], épouse [E], et Madame [S] [M], épouse [I], aux dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise,

- condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], Monsieur Alain [A], Madame [V] [M], épouse [E], et Madame [S] [M], épouse [I], à payer à Monsieur [L] [J] la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles.

Vu la déclaration d'appel en date du 31 mars 2016 du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], de Monsieur Alain [A], de Madame [V] [M], épouse [E], et de Madame [S] [M], épouse [I].

Vu les dernières conclusions en date du 28 septembre 2017 du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], de M. [A], de Mme [M], épouse [E], et de Mme [M], épouse [I] qui demandent à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déclarés recevables en leur demande,

- rejeter l'appel incident de M. [J] tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déclarés recevables en leur demande,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes en démolition sous astreinte de la partie surélevée de l'immeuble appartenant à M. [L] [J] et de production sous astreinte d'une étude d'un bureau d'études techniques,

Et statuant à nouveau,

S'agissant de la méconnaissance de la servitude de vue,

A titre principal,

- condamner M. [J] à démolir la partie surélevée de l'immeuble lui appartenant sis [Adresse 7], et dépassant le niveau de la limite basse de la fenêtre d'où s'exerce la servitude de vue bénéficiant au fonds du syndicat des copropriétaires aux dépens du fonds de M. [J] et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

A titre subsidiaire,

- condamner M. [J] à démolir la partie surélevée de l'immeuble lui appartenant sis [Adresse 7] et située à moins de 1m90 du parement du mur extérieur ou se trouve l'ouverture profitant au lot de M. [A], et d'où s'exerce la servitude de vue bénéficiant au fonds du syndicat des copropriétaires aux dépens du fonds de M. [J], et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

A titre encore plus subsidiaire,

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 20 000 euros au profit de M. [A] et de celle de 20 000 euros au profit du syndicat des copropriétaires, en réparation du préjudice subi du fait de la méconnaissance de la servitude de vue bénéficiant au fonds du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9] aux dépens du fonds de M. [J], et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

A titre infiniment subsidiaire,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir dans le cadre de la procédure en annulation du permis de construire délivré à M. [J] et actuellement pendante devant la cour administrative d'appel de [Localité 1] sous le n°16 VE00266,

Sur la méconnaissance des règles de la mitoyenneté,

- condamner M. [J] à produire une étude émanant d'un bureau d'étude technique attestant que les travaux réalisés ne portent pas atteinte à l'intégrité des murs mitoyens entre son pavillon et l'immeuble du syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner M. [J] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], à M. Alain [A], à Mme [V] [M] et à Mme [S] [M] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner M. [J] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Vu les dernières conclusions en date du 28 juillet 2016 de M. [J] qui demande à la cour de':

1°) Sur les demandes de Mme [M], épouse [E], et Mme [M], épouse [I],

- à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré leurs demandes recevables,

- déclarer irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, les demandes de Mme [M], épouse [E], et Mme [M], épouse [I],

- subsidiairement au fond, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes,

2°) Sur les autres demandes,

- confirmer le jugement, en ce qu'il rejeté l'intégralité des demandes présentées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 10] et par M. [A],

3°) condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], M. [A], Mme [M], épouse [E], et Mme [M], épouse [I], au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

4°) condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], M. [A], Mme [M], épouse [E], et Mme [M], épouse [I], aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 octobre 2017.

***********************************

FAITS ET MOYENS

Par acte dressé le 4 octobre 1968, a été établi le règlement de copropriété d'un immeuble situé à [Adresse 11], composé de divers corps de bâtiments.

M. [J] est propriétaire, depuis le 20 mars 1998, du lot 59 de la copropriété constitué d'une maison.

Par acte du 30 juin 2006, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a scindé la copropriété existante en quatre entités distinctes (lots A, B, C et D), la plus grande étant attribuée au syndicat des copropriétaires, les trois autres à des copropriétaires, dont l'une à M. [J] (terrain B).

L'acte de scission prévoit diverses servitudes de vue intéressant les parcelles attribuées au syndicat des copropriétaires et à M. [J].

Est notamment instituée au profit du syndicat une servitude de vue à la charge de la parcelle attribuée à M. [J], fonds servant (point K) ainsi libellée :

"Plusieurs fenêtres existantes au rez-de-chaussée, au premier étage et une lucarne au deuxième étage du fonds dominant offrent une vue sur le mur pignon ou sur la toiture du fonds servant tel que cela figure sous le numéro 15 du plan établi par le Cabinet Renfer & Venant, géomètres experts, dont l'original visé par les parties concernées, est demeuré ci-annexé.

En conséquence, le propriétaire du fonds servant concède au profit du fonds dominant et de ses propriétaires successifs, une servitude perpétuelle et à titre gratuit de vue".

L'acte de scission précise également, dans ses conditions particulières au titre des conventions diverses':

"la scission de copropriété objet du présent acte va induire une mitoyenneté concernant certains murs pignons, savoir':

- mur pignon séparant l'immeuble sis [Adresse 7],

- mur pignon séparant l'immeuble sis [Adresse 7],

- mur pignon séparant l'immeuble sis [Adresse 7],

- mur pignon séparant l'immeuble sis [Adresse 12]

Les parties n'entendent apporter aucune dérogation aux règles édictées par le code civil concernant l'entretien, la réparation et la reconstruction des murs mitoyens ".

M. et Mme [J] ont obtenu le 16 novembre 2009 un permis de construire pour la surélévation de la maison dont seul M. [J] est propriétaire.

Les travaux ont été effectués.

Estimant que la construction de M. [J] portait atteinte à une servitude de vue lui bénéficiant résultant de l'acte de scission et méconnaissait les règles d'urbanisme, le syndicat des copropriétaires de l' immeuble a déposé devant le maire de la commune un recours gracieux contre ce permis de construire puis, le 14 mai 2010, devant le tribunal administratif de Cergy Pontoise une requête en annulation de la décision implicite de rejet de ce recours gracieux ainsi que du permis de construire.

Par jugement du 23 mars 2012, le tribunal administratif a rejeté la requête.

Par arrêt en date du 22 mai 2014, la cour administrative d'appel a rejeté le recours du syndicat des copropriétaires.

Par arrêt du 23 décembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel.

La procédure est pendante devant la juridiction de renvoi.

Parallèlement, une procédure judiciaire a été initiée.

Par ordonnance du 1er décembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par le syndicat des copropriétaires et par deux copropriétaires, a dit n'y avoir lieu à référé sur leur demande de démolition et a ordonné une expertise, confiée à M. [U], avec pour mission, notamment, de se prononcer sur la méconnaissance d'une servitude de vue, la démolition d'un mur mitoyen et les troubles ou désordres engendrés par les travaux.

L'expert a déposé son rapport le 8 novembre 2012.

Il a relevé que les travaux réalisés par M. [J] ont consisté à surélever son pavillon d'un étage alors que la façade de celui-ci n'est distante de celle de l'immeuble en copropriété que d'1m60.

Il a également relevé que la façade de l'immeuble en copropriété était percée de plusieurs ouvertures dont une fenêtre pratiquée au niveau du 2ème étage constituant l'éclairement principal de la chambre de M. [A].

Il a précisé que la vue depuis cette ouverture donnait auparavant sur une toiture.

Il a conclu que "la surélévation du mur mitoyen entre les propriétés de M. [J] et le lot de copropriété de M. [A] a modifié profondément la vue à partir des fenêtres du fonds dominant et a entraîné une diminution de l'éclairement des pièces à partir de ces fenêtres".

Il a considéré que cette surélévation portait un préjudice certain à la vue de la baie éclairant la chambre sous comble du lot de M. [A] dont elle diminuait sensiblement l'éclairement et la qualité.

Il a également a relevé que "les travaux entrepris ont entraîné une démolition très partielle du mur pignon sur rue séparant le [Adresse 13] qui a été arasé pour permettre sa surélévation et la suppression de la baie située au niveau des combles".

Par acte délivré le 10 février 2014, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8], M. [A], Mme [M], épouse [E], et Mme [M], épouse [I], ont assigné M. [J] devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement querellé.

Aux termes de leurs conclusions précitées, les appelants rappellent que M. [A] et Mmes [M] font valoir des préjudices personnels liés à la construction entreprise par M. [J] et en concluent à la recevabilité de leurs demandes.

Ils rappellent que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, l'existence du droit invoqué n'étant pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès.

Mmes [M] en concluent qu'elles n'ont pas à établir la réalité de leur préjudice pour être recevables à en demander réparation.

Elles ajoutent, citant des arrêts, que les copropriétaires sont toujours recevables à agir aux côtés du syndicat sans même devoir établir l'existence d'un préjudice personnel distinct de celui des membres de la collectivité des membres du syndicat dès lors que l'action concerne le respect du règlement de copropriété ou la cessation d'une atteinte aux parties communes.

Les appelants rappellent l'existence de servitudes de vue créées par l'acte de scission du 30 juin 2006 grevant le fonds de M. [J] au profit de celui du syndicat.

Ils rappellent que la servitude stipulée au point K s'exerce à partir d'une lucarne constituant une des principales sources de luminosité du lot de M. et Mme [A].

Ils estiment qu'en surélevant son pavillon, M. [J] a méconnu cette servitude et se prévalent du rapport de l'expert.

Ils invoquent donc une violation de cette servitude de vue.

Ils déclarent que l'intention des parties à l'acte constitutif de la servitude a été de préserver la vue droite s'exerçant depuis les ouvertures de l'immeuble en copropriété décrites comme «'offrant une vue sur le mur pignon ou sur la toiture du mur servant'».

Ils en infèrent que ces travaux réalisés à une distance inférieure à celle d'1,90 m visée à l'article 678 du code civil contredisent cette servitude et, donc, qu'ils doivent être supprimés conformément à l'article 1143 du code civil.

Ils reprochent au tribunal d'avoir dénaturé le titre constitutif de la servitude et d'avoir méconnu les articles 678 et 680 du code civil.

Ils font valoir qu'une servitude conventionnelle de vue n'a pas pour seul objet d'interdire l'obturation totale des vues s'exerçant du fonds dominant vers le fonds servant mais aussi de préserver en l'état les vues s'exerçant lors de sa constitution.

Ils citent les articles 678 et 680 du code civil et en infèrent, citant des arrêts, que, dans le cas d'une servitude de vue acquise du fait de l'homme, aucune construction ne peut être édifiée par le propriétaire du fonds grevé à une distance inférieure à 1,90 m mesurée depuis tout point du mur où l'ouverture donnant lieu à la servitude est pratiquée, indépendamment du point de savoir si l'ouverture est, ou non, susceptible d'être obstruée par la construction.

Ils soutiennent que, dès lors qu'en application de l'article 680 du code civil, la distance liée à l'existence d'une servitude de vue - quelle qu'en soit la source - se mesure depuis le parement du mur extérieur et non depuis l'ouverture, l'objet de la servitude ne se limite pas à empêcher l'obturation des ouvertures d'où s'exerce la vue mais s'étend nécessairement à toute construction nouvelle à moins d'1,90 m depuis le parement du mur.

Ils estiment que le raisonnement du tribunal permettrait au syndicat de construire librement devant toutes les fenêtres de M. [J] qui disposent inversement des mêmes servitudes.

Ils lui reprochent également d'avoir considéré que l'article 678 du code civil n'est pas applicable en présence de servitudes conventionnelles qui permettraient de déroger aux distances légales nées des ouvertures visées dans l'acte constitutif.

Ils déclarent que les articles 678 à 680 ne distinguent pas selon l'origine de la servitude et se prévalent d'arrêts et d'auteurs considérant que la distance prescrite par les articles 678 à 680 s'applique quelle que soit l'origine de la servitude de vue.

Ils sollicitent donc la démolition de la surélévation.

Ils rappellent que la transgression d'une servitude doit être sanctionnée par une démolition sans que le demandeur doive rapporter la preuve d'une faute ou justifie d'un préjudice.

Ils affirment que c'est toute la surélévation dépassant le niveau de la limite basse de la fenêtre d'où s'exerce la servitude de vue bénéficiant au syndicat qui encourt la démolition, la distance d'1,90 m se mesurant depuis tout point de la façade dans laquelle est pratiquée l'ouverture couverte par la servitude.

Ils soutiennent que le seul arasement de la partie de la construction située à moins d'1,90 m du fonds du syndicat, au droit de la vue où s'exerce la servitude profitant actuellement et ainsi limité la vue de ce fonds à M. [A], contreviendrait à l'article 680 du code civil.

Ils ajoutent qu'il aurait pour effet de constituer une construction illicite au regard du règlement d'urbanisme.

Ils citent l'article 7.2 du plan d'urbanisme et déclarent que la démolition aurait pour effet de mettre la partie surélevée du pignon en retrait du pignon préexistant et, donc, que la construction ne sera plus dans le prolongement du mur existant au sens de l'article 7.2.

Ils en concluent que la surélévation devra, à partir du retrait, respecter les règles relatives aux constructions nouvelles conformément à l'article 7.3 qui prescrivent un retrait de 3 ou 4 mètres des limites séparatives.

Ils soulignent que l'expert a considéré que la démolition était la seule solution.

Ils précisent leurs demandes formées à titre subsidiaire.

A titre encore plus subsidiaire, M. [A] sollicite le paiement d'une somme de 20 000 euros - représentant 10 % de la valeur de son bien - en réparation de son préjudice et le syndicat la même somme.

Ils invoquent une violation des règles relatives à la mitoyenneté.

Ils exposent que les travaux ont pris appui sur les murs mitoyens sans l'accord préalable du syndicat en violation de l'article 662 du code civil.

Ils citent les droits de mitoyenneté définis dans l'acte de scission et soulignent qu'il a été convenu que le mur pignon séparant le fonds de M. [J], [Adresse 7], et celui de la copropriété côté façade, avenue Albert, serait un mur mitoyen.

Ils contestent que la mitoyenneté du mur soit limitée sur une partie de la hauteur, le courrier du géomètre n'étant pas repris dans l'acte de scission et ce courrier ne pouvant prévaloir sur les indications précises de l'acte de scission qui ne limitent pas la mitoyenneté à une partie du mur.

Ils affirment que l'acte ne renvoie aux règles du code civil qu'en ce qui concerne «'l'entretien, la réparation et la reconstruction des murs mitoyens'» mais pas en ce qui concerne la définition de la mitoyenneté qui constitue l'objet même de l'acte.

Ils font donc grief au tribunal d'avoir appliqué la règle selon laquelle la mitoyenneté s'arrêterait à l'héberge du mur, la convention ne posant aucune limite.

En tout état de cause, ils excipent - même si la citoyenneté ne concerne qu'une partie du mur - de l'article 662 du code civil.

Ils se prévalent d'un arrêt d'où il résulte que dès lors que la construction s'appuie directement sur le mur mitoyen - même s'il n'est mitoyen qu'en partie - M. [J] aurait dû demander l'accord du syndicat.

Ils indiquent qu'il a démoli une partie de ce mur mitoyen sans en avoir avisé le syndicat. Ils invoquent le rapport de l'expert.

Ils ajoutent que les travaux de surélévation ont pris appui sur les deux murs mitoyens.

Ils rappellent que l'article 662 du code civil exige alors l'accord du fonds servant ou la justification que la construction ne nuise pas au mur.

Ils indiquent qu'en 2000, un architecte déclarait nécessaire l'étude de reprises en sous 'uvre et affirment que la situation s'est aggravée, M. [J] ayant décaissé le sol d'environ 40 centimètres.

Ils font état de la fragilité de la zone concernée attestée par un rapport de M. [W].

Ils précisent que les consorts [M] sont particulièrement sensibles à cette difficulté, leur lot étant attenant au mur mitoyen et subissant d'importantes inondations en cas de fortes précipitations.

Ils réclament donc la production d'une étude technique.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [J] expose que les demandes de Mmes [E] et [I] sont irrecevables, celles-ci ne démontrant pas l'existence d'un préjudice causé par la surélévation.

Il réfute toute méconnaissance de la servitude de vue.

Il se prévaut des termes du jugement.

Il fait valoir que les servitudes conventionnelles de vue ont été instituées dans un contexte constructif particulier préexistant.

Il rappelle que les différents bâtiments composant la copropriété initiale ont été édifiés à des distances ne respectant pas toujours 1,90 mètre ce qui a conduit le syndicat des copropriétaires à accepter la mise en place de servitudes de vues réciproques, dans le cadre de la future scission de cette copropriété d'immeubles.

Il indique que des servitudes de vue réciproques ont été insérées dans l'acte de scission pour, comme l'a jugé le tribunal, « autoriser les fonds dominants à avoir des vues à une distance inférieure à la distance légale sur les fonds servants ».

Il en conclut qu'elles permettent donc à chaque fonds de conserver ses vues sur le fonds voisin, nonobstant la règle de distance minimale édictée à l'article 677 et suivants du code civil.

Il estime que les appelants se méprennent sur la nature et la portée de ces servitudes de vue.

Il soutient qu'elles n'interdisent pas de surélever sa maison d'habitation puisqu'il ne s'agit ni de servitudes non aedificandi, ni de servitudes non altius tollendi, ni de servitudes de prospect.

Il en infère que le tribunal n'a pas dénaturé l'acte de scission du 30 juin 2006.

Il conteste l'applicabilité de l'article 678 du code civil.

Il cite l'article 686 du code civil et fait valoir qu'après avoir constaté que l'acte de scission du 30 juin 2006 instituait des servitudes qui se bornaient, dans un contexte constructif particulier, à autoriser les fonds dominants à avoir des vues à une distance inférieure à la distance légale sur les fonds servants, le tribunal a jugé à bon droit que l'article 678 n'était pas applicable.

Il s'oppose aux demandes de démolition, aucune servitude de vue n'ayant été méconnue.

Il conteste également avoir méconnu les servitudes d'urbanisme issues du plan local d'urbanisme.

Il rappelle que les dispositions de l'article L.480-13 du code de l'urbanisme s'opposent à ce que le propriétaire d'une construction ayant été édifiée conformément à un permis de construire puisse être condamné à la démolir ou à verser des dommages et intérêts par un tribunal de l'ordre judiciaire, si ce permis de construire n'a pas été préalablement annulé.

Il relève que ce permis n'a pas été annulé.

Il réfute toute méconnaissance des droits de mitoyenneté.

Il se prévaut des termes du jugement.

Il souligne que le tribunal a appliqué l'article 653 du code civil.

Il rappelle que le cabinet a procédé à la division de cette copropriété d'immeubles et indique que, dès 2005, celui-ci avait explicité au syndic les règles et principes issus de cet article.

Il soutient qu'il en résulte que la surélévation de sa construction n'affecte aucun mur mitoyen et, donc, que l'accord de la copropriété n'était pas requis.

******************************

Sur la recevabilité des demandes de Mmes [M]

Considérant que Mmes [M] sont membres du syndicat des copropriétaires';

Considérant, d'une part, qu'elles invoquent des préjudices personnels causés par les faits reprochés à M. [J]';

Considérant que leur intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action';

Considérant, d'autre part, que les copropriétaires sont, en application de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, recevables à agir aux côtés du syndicat dès lors que l'action a pour objet la cessation d'une atteinte aux parties communes u la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble';

Considérant que leur demande est donc recevable'; que le jugement sera confirmé de ce chef';

Sur la violation d'une servitude de vue

Considérant qu'il résulte des pièces produites que M. [J] a surélevé son pavillon d'un étage alors que la façade dudit pavillon est distante d'1,60 m de la façade de l'immeuble du syndicat'; qu'il en ressort également que la façade de l'immeuble en copropriété est percée de plusieurs ouvertures dont une fenêtre pratiquée au niveau du 2ème étage qui constitue l'éclairement principal de la chambre de M. [A]';

Considérant que l'expert a précisé, en réponse à un dire des appelants, que la fenêtre concernée de l'appartement de M. [A] avait une allège située à un mètre du sol et permettait une vue horizontale à hauteur d''il normale'; qu'il a constaté que la construction a remplacé la vue dégagée dont bénéficiait M. [A] sur les toits par celle d'un mur pignon situé à 1,60 m de sa baie';

Considérant que l'article 678 du code civil prohibe toute vue droite sur le fonds voisin s'il n'y a pas 19 décimètres entre le mur où se pratique la vue et le fonds voisin';

Considérant que les vues droites résultant des ouvertures pratiquées dans le mur appartenant au syndicat sont situées à moins d'1,90 m du fonds de M. [J]';

Considérant qu'avant la scission, les fonds appartenaient au syndicat des copropriétaires';

Considérant que, compte tenu de cette scission, des servitudes conventionnelles ont donc été stipulées';

Considérant que la servitude litigieuse énonce que plusieurs fenêtres de l'immeuble du syndicat offrent une vue sur le mur ou la toiture de l'immeuble de M. [J] étant précisé que certaines de ces fenêtres ne sont pas situées dans le lot de M. [A]';

Considérant que les parties ont ainsi décidé de conférer à l'immeuble du syndicat des copropriétaires une servitude de vue sur le bien de M. [J]';

Considérant donc que le syndicat bénéficie, par cette convention, d'une servitude de vue droite distante de moins d'1,90 m du fonds de M. [J]';

Considérant qu'une servitude conventionnelle de vue n'a pas pour seul objet d'interdire l'obturation des vues prohibées par l'article 678 du code civil mais a également pour effet de préserver les vues telles qu'elles existent lors de la constitution de la servitude';

Considérant qu'elle interdit donc au propriétaire du fonds servant d'occulter les vues alors existantes ;

Considérant que la servitude litigieuse porte précisément sur des ouvertures «'offrant une vue sur le mur pignon ou sur la toiture du fonds servant'»';

Considérant qu'elle a donc pour effet d'empêcher M. [J] de réclamer l'obturation totale de ces ouvertures mais aussi de les occulter par des constructions'; qu'il ne peut, en tant que propriétaire du fonds servant, dresser un écran à la vue exercée par ces ouvertures';'

Considérant que cette interdiction de les occulter est la conséquence de la servitude de vue'; qu'il n'est donc nul besoin d'assortir cette servitude d'autres servitudes telles des servitudes non aedificandi, non altius tollendi ou de prospect';

Considérant que l'acte ne précise pas l'étendue de cette vue'à la charge du fonds servant ;

Mais considérant que la distance prescrite par les articles 678 et 680 du code civil s'applique quelle que soit l'origine de la servitude';

Considérant, en outre, que la servitude a précisément pour objet de permettre la conservation d'ouvertures situées à moins d'1,90 m du fonds de M. [J]';

Considérant, au surplus, que les ouvertures faisant l'objet de la servitude «'offrent une vue sur le mur pignon ou sur la toiture du fonds servant'»'; que la servitude convenue a pour objet la conservation de ces vues';

Considérant, enfin, qu'il ne résulte d'aucune pièce que les parties ont entendu, nonobstant l'absence de toute précision dans l'acte, limiter la portée de la servitude conventionnelle de vue à une moindre distance';

Considérant que la servitude de vue concédée par M. [J] l'empêche donc de procéder à une construction ayant pour effet de réduire l'étendue de la servitude ainsi consentie';

Considérant qu'en surélevant sa propriété à moins d'1,90 m du fonds du syndicat, et en limitant la vue dont bénéficiait ce fonds, il a, en conséquence, méconnu la servitude conventionnelle';

Sur les conséquences de cette violation

Considérant que la transgression d'une servitude est sanctionnée par la démolition'compte tenu de l'atteinte portée au droit réel de son bénéficiaire';

Considérant qu'aux termes de l'article 680 du code civil, la distance d'1,90 mètre se mesure depuis le parement extérieur du mur où est pratiquée l'ouverture';

Considérant qu'en application de ce texte, M. [J] ne pouvait surélever sa construction à une distance inférieure à 1,90 mètre du mur dans lequel est pratiquée une des ouvertures pour lesquelles la servitude a été stipulée';

Considérant qu'en conséquence, la totalité de la surélévation pratiquée dépassant le niveau de la limite basse de la fenêtre où s'exerce la servitude de vue doit être démolie';

Considérant qu'une astreinte n'est pas nécessaire en l'état pour assurer l'exécution de cette décision';

Sur les règles de la mitoyenneté

Considérant qu'il ressort des constatations de l'expert et des plans déposés par M. [J] que la surélévation affecte, en tout ou partie, des murs mitoyens';

Considérant que, dans le cadre de recherches de fuites, M. [W], architecte, a, dans un rapport remis le 16 juin 2000, suggéré de vérifier la nécessité de procéder à des travaux de reprise en sous 'uvre d'une fosse se trouvant partiellement sous le bien de M. [J]'; que M. [J] a procédé à des travaux de décaissement du sol';

Considérant que, compte tenu de de la fragilité constatée par M. [W], de l'imbrication des constructions et de la nature des travaux entrepris par M. [J], il est nécessaire de vérifier que ceux-ci n'ont pas porté atteinte à la solidité des murs mitoyens';

Considérant que la demande tendant à la production d'une étude technique sera accueillie';

Considérant qu'une astreinte n'apparaît pas, en l'état, nécessaire';

Sur les autres demandes

Considérant que, compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

Considérant que M. [J] devra verser aux appelants une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés'; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins sera rejetée';

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré Madame [V] [M], épouse [E], et Madame [S] [M], épouse [I], recevables en leur action,

Statuant de nouveau de ces chefs,

Condamne M. [J] à démolir la partie surélevée de l'immeuble lui appartenant sis [Adresse 7] et dépassant le niveau de la limite basse de la fenêtre d'où s'exerce la servitude de vue bénéficiant au fonds du syndicat des copropriétaires et ayant comme servant le fonds de M. [J],

Condamne M. [J] à produire une étude émanant d'un bureau d'étude technique attestant que les travaux réalisés n'ont pas porté atteinte à l'intégrité des murs mitoyens entre son pavillon et l'immeuble du syndicat des copropriétaires,

Rejette les demandes d'astreinte,

Y ajoutant,

Condamne M. [J] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], à M. Alain [A], à Mme [V] [M] et à Mme [S] [M] la somme, unique, de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [J] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 16/02365
Date de la décision : 23/02/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°16/02365 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-23;16.02365 ?
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