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22/02/2018 | FRANCE | N°17/03563

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 22 février 2018, 17/03563


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



14e chambre



ARRÊT N°



contradictoire



DU 22 FÉVRIER 2018



N° RG 17/03563



AFFAIRE :



[A],[U] [G]-[T]

...



C/

SA CRÉDIT AGRICOLE CORPORATE ET INVESTMENT BANK agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Février 2017 par le Tribunal de

Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 16/3509













Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Claire RICARD



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

14e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 22 FÉVRIER 2018

N° RG 17/03563

AFFAIRE :

[A],[U] [G]-[T]

...

C/

SA CRÉDIT AGRICOLE CORPORATE ET INVESTMENT BANK agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 16/3509

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Claire RICARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [A],[U] [G]-[T]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758160

assisté de Me François KLEIN de la SELAFA KGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0110 -

Madame [W] [Z] veuve [S]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 3] (ALGÉRIE)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758160

assistée de Me François KLEIN de la SELAFA KGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0110 -

Madame [K] [S]

née le [Date naissance 3] 1997 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758160

assistée de Me François KLEIN de la SELAFA KGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0110 -

Monsieur [R] [S]

né le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 6] (92)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758160

assisté de Me François KLEIN de la SELAFA KGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0110 -

[H] [S] sous l'administration légale de Madame [W] [Z]

né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 7] (92)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1758160

assisté de Me François KLEIN de la SELAFA KGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0110 -

APPELANTS

****************

SA CRÉDIT AGRICOLE CORPORATE ET INVESTMENT BANK agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 304 187 701

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017290

assistée de Me Claude BENDEL et de Me Calmann BELLITY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : T12

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 janvier 2018, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

EXPOSÉ DU LITIGE,

M. [A] [G]-[T] a été engagé en 1993 en qualité de 'trader' eurofranc de la division "obligataire" puis nommé responsable du 'market-making' au sein de la société CPR Intermédiation aux droits de laquelle vient la société anonyme (SA) Crédit Agricole Corporate and Investment Bank (la société Crédit agricole).

[S] [S], décédé le [Date décès 1] 2016, avait été engagé en 1990 par la société Banque de Financement et de Trésorerie, aux droits de laquelle vient la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, pour intervenir sur le marché des transactions obligataires.

M. [G]-[T] et [S] [S] ont respectivement été licenciés pour faute lourde les 25 et 28 octobre 1996, M. [G]-[T] au motif qu'il aurait conclu onze transactions entre janvier et septembre 1996 avec dissimulation délibérée de l'identité de la contrepartie finale qui s'est avérée être un intermédiaire suisse, soit [S] [S], et ce dernier au motif qu'il aurait effectué entre 1994 et le 28 octobre 1996 des opérations avec le même intermédiaire, en l'occurrence M. [G], en dehors des conditions normales du marché.

Par arrêt du 27 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a jugé bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [G]-[T].

Par arrêt du 3 avril 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [G]-[T]. Celui-ci a introduit un recours en révision, lequel a été déclaré irrecevable par arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2015. Deux pourvois ont été introduits à l'encontre de cet arrêt et sont pendants devant la Cour de cassation.

Le licenciement de [S] [S] a été jugé sans cause réelle et sérieuse par jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 13 janvier 2015, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2015. Un pourvoi a été formé devant la Cour de cassation.

Entre temps, une information judiciaire était ouverte à compter du 30 mai 1997 devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris des chefs d'escroquerie, d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux sur plaintes avec constitution de partie civile déposées le 13 mars 1997 par la société CPR Intermédiation, le 7 avril 1997 par la société Financière Kléber et le 30 juillet 1997 par la société Banque de Financement et de Trésorerie.

M. [G]-[T] et [S] [S] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris des chefs d'abus de confiance et relaxés par jugement du 9 mars 2011, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mars 2014.

Le 8 décembre 2014, M. [G]-[T] et [S] [S] ont fait directement citer la société Crédit Agricole Corporate and Investment Bank devant le tribunal correctionnel de Paris pour dénonciation calomnieuse.

Par jugement du 17 novembre 2015, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré M. [G]-[T] et [S] [S] irrecevables en leur action. Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Paris le 12 mai 2017.

Par acte du 24 mars 2016, M. [G]-[T] et [S] [S] ont fait assigner la société Crédit Agricole Corporate and Investment Bank devant le tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil aux fins de :

- dire la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank entièrement responsable des préjudices subis par eux,

En conséquence,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à verser à M. [G] :

*la somme de 15 708 144 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte salariale,

*la somme de 1 398 960 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte liée aux cotisations patronales retraite,

*la somme de 3 000 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer à [S] [S] :

*la somme de 11 712 503 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte salariale,

*la somme de 1 109 596 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte liée aux cotisations patronales retraite,

*la somme de 2 282 559 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte de revenus liée aux 'stock-options',

*la somme de 469 888 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte de revenus liée à la participation,

*la somme de 2 100 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

*la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

A la suite du décès de [S] [S] le [Date décès 1] 2016, ses ayants-droit, Mme [W] [Z] veuve [S], Mme [K] [S], M. [R] [S] et M. [H] [S] (ci-après « les consorts [S] ») ont signifié des conclusions de reprise d'instance le 21 octobre 2016.

Par ordonnance contradictoire rendue le 23 février 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre, retenant notamment que les demandeurs, sous couvert de l'exercice d'une action en responsabilité délictuelle exercée à l'égard de la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank venant aux droits de leurs employeurs respectifs, entendent démontrer le caractère fautif du licenciement pour faute lourde dont ils ont fait l'objet et qui a déjà donné lieu à diverses décisions en justice, mais également obtenir la réparation d'un préjudice en lien avec la rupture de leurs contrats de travail, que lesdites juridictions ont également eu à connaître, au moins partiellement ; que l'exception d'incompétence soulevée par la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank est donc bien fondée, a :

- déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt concernant la demande formée par M. [G]-[T],

- déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Nanterre, concernant les demandes formées par les ayants-droit de M. [S],

- rejeté les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le dossier sera directement transmis par le greffe au greffe du conseil de prud'hommes de Nanterre et du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt selon les modalités de l'article 97 du code de procédure civile à défaut de 'contredit' dans les délais, les parties devant le cas échéant justifier d'un tel 'contredit',

- réservé les dépens.

Le 8 mars 2017, M. [G]-[T] et les consorts [S] ont formé contredit contre cette décision.

Par arrêt du 27 juillet 2017, cette cour a dit que l'ordonnance du 23 février 2017 rendue par le juge de la mise en état devait être déférée à la cour par la voie de l'appel au lieu de celle du contredit et a invité en conséquence les parties à régulariser la procédure en application des dispositions de l'article 91 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [G]-[T] et les consorts [S], appelants, demandent à la cour de :

- 'juger' que l'action en responsabilité civile engagée à l'encontre de la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank trouve sa cause dans la dénonciation de faits erronés et d'actes inexistants tels qu'exposés dans les plaintes pénales déposées à l'encontre de MM. [S] et [G], pour lesquels ceux-ci ont été relaxés par arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mars 2014,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 23 février 2017,

En conséquence,

- 'juger' que le tribunal de grande instance de Nanterre est compétent pour trancher ce litige,

Après évocation :

- 'juger' la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank entièrement responsable des préjudices respectivement subis par M. [A] [G]-[T] et [S] [S],

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à verser à M. [A] [G] la somme de 15 708 144 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et professionnel,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à verser à M. [A] [G] la somme de 1 398 960 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier relatif à la retraite,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer à M. [A] [G] la somme de 3 000 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation professionnelle,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer aux consorts [S] la somme de 11 712 503 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et professionnel,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer aux consorts [S] la somme de 1 109 596 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier relatif à la retraite,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer aux consorts [S] la somme de 2 282 559 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de sa perte en termes de participation,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer aux consorts [S] la somme de 469 888 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier en termes de perte sur stock options,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à payer à Mme [W] [S], Mme [K] [S] et MM. [R] et [H] [S], ayants droit de [S] [S], la somme de 2 100 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation professionnelle,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à leur verser respectivement la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank aux dépens.

Au soutien de leurs demandes, M. [G]-[T] et les consorts [S] font valoir :

- que l'action engagée devant le tribunal de grande instance de Nanterre vise uniquement la plainte pénale avec constitution de partie civile de la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank et ses conséquences ; qu'il est reproché à la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank d'avoir commis une faute en déposant plainte avec constitution de partie civile pour des faits qualifiés d'escroquerie, abus de confiance, abus de bien social et de pouvoir, complicité et recel ; que cette plainte a entraîné une instruction judiciaire de treize années et a abouti à la relaxe définitive de M. [G] et de [S] [S] après dix-sept années; que c'est cette procédure qui leur a causé un préjudice direct dont ils réclament réparation ;

- qu'en déclarant le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent au profit du conseil de prud'hommes, ils seront contraints de saisir la juridiction prud'homale de demandes directement liées aux conséquences fautives des plaintes pénales déposées par la société Crédit Agricole, ce

qui conduira immanquablement cette juridiction à se déclarer incompétente ; que si le juge civil refuse de connaître des dommages spécifiques liés aux plaintes de la société Crédit Agricole, ils se trouveront face à un déni de justice ;

- que les conditions de l'évocation sont parfaitement réunies, dès lors que la cour est la juridiction d'appel du tribunal de grande instance de Nanterre, et qu'il serait de bonne justice de trancher à ce litige afin de permettre aux demandeurs d'obtenir réparation du préjudice subi, compte tenu des procédures antérieures.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 19 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SA Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, intimée, demande à la cour de :

A titre principal :

- 'dire et juger' les appelants mal fondés en leur appel,

- 'dire et juger' que la juridiction matériellement compétente pour statuer sur les prétentions de [S] [S] et de M. [G] doit être déterminée par application des articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail,

En conséquence :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions,

- déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre matériellement incompétent pour se prononcer sur les demandes de [S] [S] et de M. [G],

- 'dire et juger' que seul le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt est matériellement compétent pour statuer sur les demandes de M. [G]-[T],

- renvoyer M. [G]-[T] à se pourvoir devant le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt,

- 'dire et juger' que seul le conseil des prud'hommes de Nanterre est matériellement compétent pour statuer sur les demandes de [S] [S],

- renvoyer 'M. [G]' à se pourvoir devant le conseil des prud'hommes de Nanterre,

A titre subsidiaire :

- dire n'y avoir lieu d'évoquer le fond du litige,

- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin que celui-ci entende les parties en leurs observations au fond,

En tout état de cause :

- condamner in solidum les appelants à s'acquitter à son profit d'une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, intimée, fait valoir :

- que les juridictions prud'homales sont compétentes à titre exclusif pour connaître non seulement des litiges nés de la rupture d'un contrat de travail, mais également de toutes les conséquences de cette rupture ;

- que toute tentative de se soustraire à la compétence des juridictions prud'homales en introduisant une action devant le juge de droit commun sur le fondement de l' ancien article 1382 du code civil est inéluctablement vouée à l'échec ;

- qu'en l'espèce, le 'socle' des griefs et des prétentions indemnitaires formulés par les appelants réside exclusivement dans leur licenciement survenu en 1996 ; que les prétendus 'perte de salaire','perte liée à l'absence de cotisations retraite', 'perte sur les stock-options', ' perte sur la participation' et 'préjudice moral' sont directement et exclusivement liés à leur licenciement ;

- que les appelants sont totalement défaillants dans l'administration de la preuve de ce qu'il serait indispensable de déroger au principe du double de degré de juridiction ; que rien ne justifie que la cour évoque le fond du litige qui a été introduit par les appelants par une assignation délivrée le 24 mars 2016.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur la compétence

L'article L.1411-1 du code du travail dispose que 'Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.'.

Selon l'article L.1411-4 du même code, 'Le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention est réputée non écrite.

Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents de travail et maladies professionnelles.'.

Il en résulte que la compétence du conseil de prud'hommes est subordonnée à l'existence d'un contrat de travail, d'un litige d'ordre individuel et d'un litige né à l'occasion du contrat de travail.

Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges résultant d'événements postérieurs à la rupture du contrat de travail (Soc, 17 janvier 1996, n°92-10.968 ; Soc, 17 décembre 2013, n°12-26.938 ; Soc, 28 janvier 2015, n°13-20.685).

Il peut cependant être compétent pour connaître des litiges nés postérieurement à la rupture du contrat de travail, peu important la durée écoulée depuis la rupture du contrat, pour autant que le litige résulte de faits commis durant l'exécution du contrat de travail et non postérieurement à sa rupture.

En l'espèce, il résulte tant des termes de l'assignation délivrée le 24 mars 2016 devant le tribunal de grande instance de Nanterre que des écritures des appelants que ces derniers ont initié une action en responsabilité à l'encontre de la société Crédit agricole, venant aux droits de leurs anciens employeurs, sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, applicable au litige, pour obtenir l'indemnisation des préjudices matériels et moraux qu'ils estiment avoir subis en raison des plaintes pénales déposées contre eux en 1997 par la société CPR Intermédiation et la société Banque de financement et de trésorerie, aux droits desquelles se trouve la société Crédit agricole qui a repris à son compte la poursuite de la procédure pénale, pour des faits qualifiés d'escroquerie, abus de confiance, abus de bien social et de pouvoir, complicité de recel, estimant que celui-ci s'est rendu coupable de dénonciations fautives à leur égard et qu'il a dissimulé des preuves déterminantes, ce qui a conduit à une procédure d'instruction de 13 années et à une relaxe pure et simple les concernant au bout de 18 ans, les griefs allégués étant faux ou inexistants.

Les appelants dénoncent l'acharnement du Crédit agricole à leur encontre, sa volonté de diriger l'instruction sur de 'fausses pistes' en refusant de communiquer notamment 'la retranscription des ordres passés pendan t la période de prévention par les deux prévenus' lors du dépôt de

plainte qui aurait pu permettre d'empêcher que les plaintes prospèrent pendant une durée anormalement longue, et la large publicité donnée à cette affaire par le Crédit agricole, dès l'origine, malgré la connaissance qu'il avait du caractère faux et mensonger des griefs invoqués.

Ils se prévalent d'un préjudice important directement lié au dépôt de ces plaintes pénales injustifiées, en ce qu'elles ont gâché leurs vies professionnelles et nuit à leur réputation, les privant durablement de la possibilité de retrouver un emploi de 'trader' dans ce milieu professionnel très restreint de la finance, alors qu'ils n'étaient âgés que de 32 et 35 ans et promis à de brillantes carrières.

Si les demandes indemnitaires présentées par les requérants visent des postes de préjudice qui peuvent être reliés directement aux conséquences de la rupture de leur contrat de travail, ou si ces demandes ont déjà pu être examinées dans le cadre du procès prud'homal, la cour souligne qu'en tout état de cause, leur bien fondé devra être apprécié par le juge du fond au regard des seules fautes alléguées résultant des plaintes pénales déposées et des préjudices pouvant en découler, sans que puisse être retenue une quelconque conséquence des mesures de licenciement dont les appelants ont fait l'objet en 1996, pour lesquelles des décisions irrévocables ont été rendues, étant rappelé que M. [G] a été licencié pour faute grave et que le licenciement de [S] [S] a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

Il n'appartient pas à la cour, dans le cadre du débat sur la compétence, d'apprécier si les préjudices invoqués présentent un lien de causalité avec les actes de dénonciation fautive allégués dont se serait rendu coupable le Crédit agricole.

Ainsi, au cas d'espèce, il ne peut être considéré que les faits reprochés par les anciens salariés à leur employeur trouvent leur cause dans le contrat de travail terminé dès lors que les griefs portent sur le comportement jugé fautif de cet employeur, postérieurement à la rupture du contrat de

travail, dans la mise en oeuvre d'une procédure pénale qui a duré 18 ans pour aboutir à une relaxe de ces anciens salariés et qui aurait entraîné des conséquences néfastes dans leur vie personnelle et professionnelle.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré le tribunal de grande instance incompétent pour connaître des demandes de M. [G] et des ayants droit de [S] [S] et a dit compétent les conseils de prud'hommes de Nanterre et de Boulogne Billancourt.

Il y a lieu de déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour statuer sur les prétentions de M. [G] et des consorts [S].

Sur la demande d'évocation du litige

Selon l'article 89 ancien du code de procédure civile, applicable à l'espèce, lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

Si le principe du double degré de juridiction invoqué par l'intimée pour s'opposer à la demande d'évocation formée par les appelants n'interdit pas à la cour d'user de la faculté qui lui est reconnue par l'article 89 susvisé, aucun élément de la cause ne permet de considérer qu'il serait de bonne justice d'évoquer le fond de l'affaire, M. [G] et les consorts [S] se limitant à énoncer que cela leur permettrait d'obtenir réparation du préjudice subi 'compte tenu des procédures antérieures'.

La demande sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

L'ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions.

Aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes des parties seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME l'ordonnance rendue le 23 février 2017 par le juge de la mise en état,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour statuer sur les demandes de M. [G]-[T] et des consorts [S],

DIT n'y avoir lieu à évocation du litige par la cour,

RENVOIE l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour qu'il soit statué sur les demandes de M. [G] et des consorts [S],

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03563
Date de la décision : 22/02/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°17/03563 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-22;17.03563 ?
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