COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 FEVRIER 2018
N° RG 16/00864
AFFAIRE :
Société AVIVA ASSURANCES
C/
Société ENTREPRISE JEAN ROSSI
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 2015 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 5ème
N° RG : 2012F00758
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société AVIVA ASSURANCES 'S.A.'
N° Siret : 306 522 665 R.C.S. NANTERRE
Ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 23306 vestiaire : 626
Représentant : Maître Emmanuel SOURDON de la SELEURL SOURDON AVOCATS, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : P 0290
APPELANTE
****************
Société ENTREPRISE JEAN ROSSI
Ayant son siège [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 018246 vestiaire : 52
Représentant : Maître Claude VAILLANT de la SCP VAILLANT ET ASSOCIES, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : P 0257
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Décembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, président, et Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,
Madame Anna MANES, Conseiller,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,
FAITS ET PROCEDURE :
La SCI [Adresse 3] et la SCA des Coutures, maîtres d'ouvrage, ont entrepris la construction du centre commercial régional [Adresse 3] situé à [Localité 3].
Sont notamment intervenus à l'opération :
- la société BEG Ingénierie, maître d'oeuvre,
- la société SDE, entreprise de gros oeuvre,
- la SAS Entreprise Jean Rossi, en charge du lot étanchéité.
Les travaux ont été réceptionnés le 18 février 2003.
Une police unique de chantier a été souscrite auprès de la compagnie Aviva assurances. Cette police comprend une assurance dommages-ouvrage ainsi que l'assurance de responsabilité civile décennale des constructeurs intervenus sur le chantier, dont la société Jean Rossi.
En 2010, d'importantes infiltrations d'eau de pluie se sont produites et ont provoqué des dégâts dans quatre magasins du centre commercial.
La société Aviva Assurances a diligenté deux expertises confiées au cabinet IXI.
Suite au rapport définitif de cette société, la compagnie Aviva assurances a accepté de prendre en charge le coût des réparations en indemnisant les maîtres de l'ouvrage au titre de l'assurance Dommages-ouvrage.
C'est dans ces conditions que, par acte du 6 novembre 2012, la société Aviva assurances a fait assigner la société Entreprise Jean Rossi aux fins de paiement du montant des franchises contractuelles.
Par jugement réputé contradictoire du 25 septembre 2015, le tribunal de commerce de Pontoise a :
- déclaré l'assignation en intervention forcée du 24 septembre 2013 nulle,
- donné acte à la société BEG Ingénierie, immatriculée sous le n° RCS 478 342 579, de son intervention volontaire,
- déclaré la société BEG Ingénierie hors de cause,
- débouté Aviva assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné Aviva assurances à payer à la société Jean Rossi la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré Aviva assurances et la société BEG Ingénierie mal fondées en leur demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en a débouté,
- condamné Aviva assurances aux dépens de l'instance, liquidés à la somme de 138, 84 euros, ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution s'il y a lieu.
Par déclaration du 5 février 2016, la société Compagnie Aviva Assurances a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Jean Rossi.
Par ses dernières conclusions signifiées le 27 juin 2016, la société Aviva Assurances demande à la cour de :
- Réformer le jugement déféré,
- Condamner la société Entreprise Jean Rossi à lui verser la somme de 83 691,00 euros, soit deux fois le montant de la franchise du fait de deux déclarations de sinistres distinctes, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2010, sur le fondement des articles 1792 et suivants et 1134 du code civil,
- Ordonner la capitalisation des intérêts moratoires pour toute année entière due par le débiteur, en application de l'article 1154 du code civil,
- Débouter la société Entreprise Jean Rossi de ses demandes,
- Condamner la société Entreprise Jean Rossi à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Entreprise Jean Rossi aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions signifiées le 13 mai 2016, la société Entreprise Jean Rossi demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la compagnie Aviva assurances de l'ensemble de ses demandes au visa des articles 1792 et l'article 1315 du code civil, la compagnie Aviva assurances ne démontrant pas que l'origine des désordres provient des ouvrages d'étanchéité qu'elle a réalisés,
- A titre subsidiaire, constater que les deux indemnités d'assurance ont été versées au titre d'un seul sinistre, résultant d'une même cause technique initiale,
En conséquence,
- Limiter le montant des condamnations à la somme de 30 490,00 euros,
- Condamner solidairement la société SDE et la société BEG Ingenierie à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,
En tout état de cause, condamner tous succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 octobre 2017.
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SUR CE, LA COUR :
Sur les limites de l'appel :
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré l'assignation du 24 septembre 2013 nulle et en ce qu'il a mis hors de cause la société BEG ingénierie. Ces dispositions non critiquées sont confirmées.
Le débat devant la cour est limité au recours subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage contre la société Jean Rossi chargée notamment d'effectuer les travaux d'étanchéité, à la suite de l'indemnisation des dommages causés par les infiltrations apparues en 2008 au-dessus de quatre magasins du centre commercial [Adresse 3].
Le débat se présentant sur cette question dans les mêmes termes que devant les premiers juges, il est expressément référé pour l'exposé des prétentions des parties et des moyens qui les soutiennent, au jugement déféré qui les a développés.
Sur l'imputabilité des dommages de nature décennale à la société Jean Rossi :
L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
La société Jean Rossi a été chargée d'effectuer des travaux d'étanchéité et de couverture. La réception de ces travaux a été effectuée le 18 février 2003 avec réserves sans lien avec le présent litige et ultérieurement levées.
Il n'est pas contesté que les infiltrations apparues en 2008 présentent les caractéristiques d'un dommage de nature décennale au sens de l'article 1792 du code civil.
Seule est discutée l'imputabilité des désordres aux travaux réalisés par la société Jean Rossi.
A la suite du sinistre déclaré le 12 août 2008, l'expert amiable a constaté des traces d'infiltrations visibles dans les faux plafonds de part et d'autre du mur en parpaing qui sépare les boutiques Krys et Dolce. L'expert a eu accès à la terrasse située au-dessus des magasins, réalisée sur bac acier, et dont l'étanchéité réalisée par la société Jean Rossi, est protégée par des dalles de béton posées par la société SDE.
La société Aviva Assurances soutient que les infiltrations mettent en évidence un défaut d'étanchéité de la dalle en dessous de laquelle se trouvent les magasins et que la société Jean Rossi chargée des travaux d'étanchéité est de plein droit responsable de ces désordres, sans qu'il soit nécessaire de démontrer sa faute. Elle présente les rapports des 18 décembre 2008, 28 septembre 2009 et 10 août 2010, de M. [A], expert amiable, dans le cadre de l'assurance Dommages-Ouvrage.
La société Jean Rossi relève que le rapport d'information du 28 septembre 2009 relève deux origines possibles aux infiltrations : des blessures du complexe d'étanchéité soit en partie courante, soit en relevé sous la dalle de protection en béton ou des entrées d'eau par les parpaings, ces deux causes relevant de la responsabilité de la société SDE chargée du gros 'uvre.
Au vu des pièces présentées par les parties et notamment des rapports des experts amiables, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le tribunal a pu juger qu'il n'était pas démontré que les infiltrations étaient imputables aux travaux réalisés par la société Jean Rossi.
Il sera juste ajouté que les rapports d'expertise amiable présentés par l'assureur comportent des conclusions contradictoires et insuffisamment motivées pour caractériser un lien entre les travaux réalisés par la société Jean Rossi et les dommages.
L'expert amiable mentionne dans le rapport préliminaire du 18 décembre 2008 que :
- la toiture du bâtiment est constituée d'une dalle de béton coulée sur des bacs sur laquelle a été apposé un complexe isolant et une étanchéité protégée par une nouvelle dalle de béton,
- les infiltrations dans les magasins Krys et Dolce proviennent de la trémie traversant la dalle de couverture,
- après avoir fait démolir la dalle sur une surface d'un mètre carré autour de la trémie, le relevé d'étanchéité de cette zone avait été perforé par le treillis soudé de la dalle en béton de protection du complexe d'étanchéité (dalle ferraillée posée par la société SDE).
L'expert avait à ce stade identifié deux causes possibles aux infiltrations : des entrées d'eau par les murs en parpaings non enduits et non protégés qui enclavent la terrasse, ou des blessures du complexe d'étanchéité en partie courante ou en relevé sous la dalle de protection en béton. Dans ces deux cas, la pose des parpaings et le coulage des dalles munies de ferraillages relevant des travaux effectués par la société SDE, les infiltrations n'apparaissaient pas imputables aux travaux d'étanchéité de la société Jean Rossi.
Toutefois, dans son rapport définitif du 10 août 2010, après avoir constaté de nouvelles infiltrations dans deux autres magasins, l'expert amiable affirme que « les causes exactes du sinistre seront difficiles à déterminer », et note que « les circulations d'eau ne peuvent provenir que des perforations en partie courante sous la dalle de protection, qui ont nécessairement pour origine des blessures en cours de chantier non réparées par l'entreprise Rossi avant le coulage de la dalle de béton ». L'expert n'indique nullement les motifs pour lesquels il a écarté l'autre cause précédemment évoquée et procède par affirmation sans détailler les constatations qui l'ont conduit à retenir cette cause.
De plus, l'expert n'indique pas comment la société Jean Rossi aurait pu perforer la dalle avant de procéder à ses travaux d'étanchéité alors qu'il avait évoqué la perforation sous la dalle de protection causée par du ferraillage de la dalle posée par la société SDE.
Il n'est pas démontré au vu de ces rapports que les infiltrations sont dues aux travaux effectués par la société Jean Rossi.
Le jugement qui a écarté le recours de la société Aviva Assurances sera donc confirmé.
Sur les dépens et les demandes d'indemnités de procédure :
Le sens de la décision conduit à confirmer la condamnation aux dépens de première instance prononcée par le jugement ainsi que la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de la procédure d'appel seront mis à la charge de la société AVIVA Assurances qui versera en outre à la société Jean Rossi la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant dans les limites de l'appel par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société AVIVA Assurances à payer à la société Jean Rossi la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne la société Compagnie AVIVA Assurances aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,