COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
14e chambre
ARRET N°
Par défaut
DU 15 FÉVRIER 2018
N° RG 17/03779
AFFAIRE :
Société PWC LANDWELL - PRICEWATERHOUSECOOPER TAX & LEGAL SERVICES prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
C/
[K] [P]
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Mai 2017 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° RG : 14/05624
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Julien AUCHET
Me Michel RONZEAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société PWC LANDWELL - PRICEWATERHOUSECOOPER TAX & LEGAL SERVICES prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1] (ESPAGNE)
Représentée par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017176
assistée de Me Gilles SEMADENI de la SELAS PWC SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1712 -
APPELANTE
****************
Madame [K] [P]
née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13
assistée de Me Stéphane CHUDZIAK, avocat au barreau de BORDEAUX
Maître [R] [T]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Michel RONZEAU de la SCP SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 9 - N° du dossier 1423578
Monsieur [G] [P]
[Adresse 4]
[Adresse 4])
Assigné à parquet étranger - non représenté
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 décembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odette-Luce BOUVIER, président, chargé du rapport, et Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odette-Luce BOUVIER, président,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
EXPOSE DU LITIGE
[U] [P], héritier direct des fondateurs du bureau Veritas, a perçu une somme de 66 millions d'euros lors de la vente de ses parts dans la société dans le courant de l'année 2004. Il s'est installé à cette époque à [Localité 3], en Espagne, où résidait son fils, M. [G] [P], à qui il a donné, par acte notarié du 26 juillet 2004, une procuration générale pour administrer ou disposer de ses biens.
[U] [P] est décédé en Espagne le [Date décès 1] 2008.
Affirmant que son frère, M. [G] [P], avait dilapidé la fortune familiale de sorte que sa part de succession, qui devait s'élever à 13.700.000 euros après impôts n'a été que de 3.600.000 euros outre une créance de 8.500.000 euros sur une société en procédure collective, Mme [K] [P] l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Pontoise ainsi que M. [R] [T], notaire, dont la responsabilité est recherchée notamment pour avoir participé à la rédaction de la procuration dont M. [P] avait été bénéficiaire.
Cette instance a été enrôlée au tribunal sous le numéro RG 14/05624.
Par acte du 30 décembre 2015, Mme [P] a assigné à des fins indemnitaires et en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Pontoise la société de droit espagnol PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services (PWC ), qui avait été son conseil, sur la période de juillet 2008 à septembre 2013, dans les opérations de succession de son père décédé le [Date décès 1] 2008.
Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 16/02375.
Par ordonnance d'incident contradictoire rendue le 2 mai 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise, retenant notamment que la convention établie entre Mme [P] et la société PWC l'a été entre un professionnel et un consommateur ; qu'il n'est en aucune manière démontré que la clause compromissoire invoquée par PWC avait été l'objet d'une négociation particulière ; que les clauses qui modifient les règles de compétence des juridictions à saisir quand celles-ci sont en principe favorables au consommateur, sont posées comme des clauses qui sont suspectées d'être abusives surtout en l'absence de négociation particulière, comme en l'espèce ; que ce défaut de négociation est corroboré par le fait que le recours à la CIMA siégeant à [Localité 1] est manifestement une disposition type, incluse aux
conditions générales standardisées des contrats proposés par PWC ; que la société PWC est une société d'avocats, elle-même membre de Pricewatherhouse Coopers International limited, société de droit anglais, qu'elle appartient à un réseau international d'entités d'avocats espagnoles et étrangères qui exercent leurs services professionnels sous la marque 'PWC', que cette solution est confirmée par la première page de l'offre en litige ; que la société PWC bénéficie de membres en France où ces derniers exercent leurs activités ; qu'ainsi PWC dirige ses activités vers plusieurs Etats dont la France et l'Espagne, Etats membres et cette situation s'inscrit dans le cadre de l'article 17 c du règlement CE 1215/ 2012, a :
- ordonné la jonction entre les instances RG 14/05624 et RG 16/02375,
- dit n'y avoir lieu à appliquer la clause compromissoire invoquée,
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée,
- déclaré la présente juridiction compétente,
- rejeté toutes autres demandes soutenues sur incident,
- réservé les dépens,
- renvoyés l'affaire à la mise en état du jeudi 22 juin 2017 à 9 heures 30 pour conclusions sur le fond des défendeurs.
Le 16 mai 2017, la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services (PWC) a formé appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 8 novembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services, appelante, demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance attaquée, et, statuant à nouveau :
- dire pleinement efficace la clause compromissoire stipulée entre elle et Mme [P],
- dire incompétent le tribunal de grande instance de Pontoise,
- dire seule compétente la juridiction arbitrale désignée par la clause compromissoire, à savoir la cour d'arbitrage de [Localité 1],
- ou dire, subsidiairement que le litige relève de la compétence des juridictions espagnoles,
- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
Au soutien de ses demandes, la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services fait valoir en substance :
- que l'article 3 de la directive 93/13 CCE du Conseil du 5 avril 1993 ne permet d'écarter une clause comme abusive que si la clause n'a pas été négociée, et, dans cette hypothèse, qu'elle crée un déséquilibre significatif ;
- qu'en l'espèce, la clause a été négociée et ne crée pas de déséquilibre significatif ;
- que son offre de service de prestation juridique et fiscale en Espagne ne correspond à aucune des trois hypothèses de la section 4 du règlement CE 1215/2012, puisqu'elle est localisée en Espagne et que ses activités sont réalisées exclusivement dans ce pays ; qu'elle a informé Mme [P] qu'étant un cabinet d'avocat espagnol, son champ d'intervention était nécessairement limité au territoire espagnol et au droit espagnol ;
- que les termes de l'article 17 du règlement Bruxelles I bis ne définissent pas les circonstances dans lesquelles il doit être admis que le professionnel dirige ses activités vers l'Etat membre du consommateur ;
- qu'il convient cependant de souligner que les règles des articles 17 et 18 constituent des dérogations de caractère exceptionnel à la règle fondamentale, universellement reconnue en droit international, qui veut que le défendeur soit attrait devant son juge naturel, celui de son domicile, et par suite son juge national c'est-à-dire, en l'espèce, le juge espagnol ;
- qu'en cas de pluralité de défendeurs, le règlement CE 1215/12 ne permet d'attraire au domicile de l'un de ceux-ci les défendeurs domiciliés dans un autre Etat membre que si les demandes sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si elles étaient jugées séparément ;
- que ce risque n'existe pas en l'espèce car elle n'est pas intervenue dans le règlement civil de la succession [P] et son rôle s'est situé en aval de ce règlement.
Dans ses conclusions transmises le 4 décembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [P], intimée, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du 2 mai 2017,
- constater que la convention d'arbitrage est manifestement nulle et manifestement inapplicable,
- débouter la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services de sa demande d'exception d'incompétence,
- dire et juger la clause compromissoire non écrite et inopposable à elle figurant dans le contrat 2008,
- déclarer le tribunal de grande instance de Pontoise comme compétent,
-joindre les procédures RG 16/02375 et RG 14/05624,
- condamner la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses demandes, Mme [P] fait valoir :
- sur la validité de la clause compromissoire, qu'elle a la qualité de consommateur et la société PWC la qualité de professionnel, au sens du droit européen et de la directive n°93/13 du 5 avril 1993 sur les clauses abusives ; que la relation contractuelle entre l'avocat et son client est susceptible d'être soumise aux règles européennes relatives aux clauses abusives ; que la directive impose au juge national d'apprécier d'office le caractère abusif d'une clause compromissoire stipulée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ;
- que la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services a signé avec elle deux contrats d'offre de services et conseils en droit de successions avec elle en 2008 et 2010 - dont la dernière ne comporte aucune clause compromissoire - ;
- que l'assistance de PWC ne se limitait pas uniquement au volet fiscal mais bien au contraire à une assistance complète dans toutes les opérations de succession, et dans la protection des droits, mission dans laquelle PWC a failli ;
- que la clause compromissoire contenue dans les conditions générales du premier contrat en ce qu'elle n'a pas été négociée, la société PWC ayant la charge de la preuve d'une négociation individuelle, et lui impose le recours à l'arbitrage ne peut être jugée valide et ce d'autant plus que ces conditions générales sont en espagnol, langue qu'elle ne maîtrise pas ;
- que cette clause compromissoire, manifestement abusive en l'espèce, est réputée inopposable et non écrite ; que la compétence est donc déterminée par le règlement CE n°1215/12 du 12 décembre 2012 ;
- que si l'on se trouve dans le cadre de l'article 17 du règlement n°1215/2012, les articles 18 et 19 ont vocation à s'appliquer ;
- que le simple fait d'appartenir à un réseau international comme PWC démontre une volonté d'accompagner les clients locaux lors de leur problématique étrangère et de capter la clientèle étrangère qui aurait des problèmes localement ; qu'il suffit de regarder les différentes sites 'internet' de PWC pour s'en rendre compte ;
- que la nature internationale de l'activité de PWC, la présentation de maître [D], son avocat fiscaliste, l'utilisation de la langue française, la mention de coordonnées téléphoniques avec préfixe international qui ressort du site 'internet' démontrent que la société PWC dirige ses activités vers la France ou vers d'autres Etats membres ;
- qu'enfin, sur la compétence du tribunal de grande instance de Pontoise, à la suite des opérations de succession, elle a diligenté une procédure à l'encontre du notaire, maître [T], et de son frère, à qui elle reproche des faits fautifs ; qu'il est normal que son conseil de l'époque, la société PWC, réponde également et devant le même juge, de ses manquements dans l'assistance et dans le devoir de conseil à son égard ; que la connexité des instances est établie.
Dans ses conclusions transmises le 19 septembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [T], intimé, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le bien-fondé de l'appel interjeté par la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services ;
- rejeter toutes demandes formulées contre lui ;
- mettre les dépens à la charge du succombant.
Au soutien de ses demandes, M. [T] fait valoir :
- qu'ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Versailles sur l'appel interjeté par M. [P] précédemment, si les fautes invoquées sont de nature différente compte tenu du rôle de chacun, elles s'inscrivent néanmoins dans un même cadre et sont liées par un rapport étroit ; qu'en conséquence, il existerait un risque, si elles sont jugées par des juridictions différentes, de solutions inconciliables.
M. [G] [P], intimé, régulièrement assigné à parquet étranger, par signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante, n'a pas constitué avocat.
*****
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 décembre 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'application à la cause de la clause compromissoire :
Selon l'article 1448, alinéa 1, du code civil, 'Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.'
La société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services (PWC) revendique, à titre principal, l'application de la clause compromissoire figurant dans le contrat d'offre de services professionnels et conseils en droit des successions signée le 28 novembre 2008 avec [K] [P] (pièce 40 de l'intimée).
La cour relève que Mme [P], qui reconnaît avoir signé la première offre de services tout en contestant la validité de la clause compromissoire y figurant, verse aux débats, en cause d'appel, une seconde offre de services conclue le 22 juin 2010 avec PWC (pièce 40), offre qui se décompose en dix pages auxquelles sont annexées huit autres pages de conditions générales en espagnol et qui ne contient plus de clause compromissoire (pièce 50 de l'intimée).
La société PWC remet en cause la validité de la seconde offre produite.
Toutefois, la cour retient d'une part, que maître [D], avocat de PWC, fait expresssément référence, dans un courriel envoyé le 20 décembre 2011 à Mme [P], à cette seconde offre en ces termes : 'Ces honoraires ont été établis dans le cadre de notre accord en date du 22 juin 2010.' (pièce 52 de l'intimée) et d'autre part, que l'exemplaire de cette offre produit par l'intimée, qui comporte, sur la première page de ses conditions générales, la mention des noms du directeur de PWC à [Localité 4], M. [A] [O], et de l'avocat, [F] [D], et celui de Mme [P] ainsi que leurs signatures, contient également une clause compromissoire en un article 15.3 qui prévoit, en langue espagnole, la saisine, en cas de litige entre les parties cocontractantes, de l'instance arbitrale de [Localité 1], en l'occurrence la Corte Civil y Mercantil de Arbitraje (CIMA).
Il s'en déduit que la seconde offre de services de 2010 contient également une clause compromissoire dans des termes identiques à celle contenue dans les conditions générales de l'offre de services de 2008.
Toutefois, en raison de la contestation de l'appelante quant à la validité de cette seconde offre de services et du fait qu'elle ne se fonde que sur la première offre de services en date du 28 novembre 2008, la cour n'examinera que la valeur et la portée de la clause compromissoire contenue dans cette première convention pour statuer sur l'exception d'incompétence soutenue par la société PWC.
La validité de la clause compromissoire figurant en un article 15.2 dans les conditions générales (en langue espagnole) et dans les conditions particulières (en langue française) de l'offre de services du 28 novembre 2008, invoquée par la société PWC au soutien de son exception de l'incompétence matérielle de la juridiction étatique, doit être examinée à la lumière des dispositions de la directive 93/13 CCE du conseil des communautés européennes du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ce qui est le cas en l'espèce.
L'article 3 de la directive 93/13 CCE prévoit que :
'1. Une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
2. Une clause est toujours considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle lorsqu'elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n'a, de ce fait, pas pu avoir d'influence sur son contenu, notamment dans le cadre d'un contrat d'adhésion.
Le fait que certains éléments d'une clause ou qu'une clause isolée aient fait l'objet d'une négociation individuelle n'exclut pas l'application du présent article au reste d'un contrat si l'appréciation globale permet de conclure qu'il s'agit malgré tout d'un contrat d'adhésion.
Si le professionnel prétend qu'une clause standardisée a fait l'objet d'une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.
3. L'annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives'.
L'annexe visée par le point 3 précise en un point 1.q) que tel est le cas des clauses qui ont pour objet :
'- de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par les dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition des consommateurs ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat'.
En l'espèce, l'offre de services signée entre les parties le 28 novembre 2008 se décompose en 5 pages rédigées en langue française et des conditions générales rédigées en langue espagnole.
La première partie de cette offre, rédigée en langue française, comporte un chapitre intitulé 'RESPONSABILITE, LIMITATION ET RESOLUTION DE CONFLITS' qui prévoit que :
'2. Si vous n'êtes pas satisfait(e) des services que nous vous rendons, vous devrez vous mettre en contact avec l'associé Directeur ayant signé la présente offre de services. De façon alternative, vous pourrez contacter l'Associé Directeur de Lanswell Espagne au domicile indiqué dans la proposition ;
- les deux parties tenteront de résoudre le 'différent' en négociant de bonne foi. Si une telle négociation n'était pas possible, les deux parties s'engagent à renoncer à recourir aux juridictions qui leur correspondent et à soumettre le différend à la Cour d'Arbitrage de [Localité 1] ('Corte Civil y Mercantil de Arbitraje (CIMA), ayant son siège à [Localité 1], les deux parties se soumettant à son règlement et s'engageant à appliquer la décision d'arbitrage que ladite cour émettra".
L'article 15.2 'Resolución de cuestiones litigiosas' des conditions générales de cette offre reprend en langue espagnole, dans des termes avoisinants, ladite clause compromissoire.
Comme l'a retenu à bon droit le juge de la mise en état, la société PWC ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'une négocation individuelle entre elle et Mme [P], résidant en France, ne maîtrisant pas l'espagnol et désireuse de bénéficier en Espagne de conseils éclairés sur une succession complexe et litigieuse et peu à même, dans de telles conditions, de négocier dans un rapport équilibré les termes d'une clause compromissoire manifestement prérédigée par la société cocontractante et ce peu important la présence, aux côtés de Mme [P], d'un employé de banque susceptible, selon l'appelante, de la conseiller utilement.
En effet, aucun des courriels - des 1er août, 3 août et 26 novembre 2008 - versés aux débats ne fait état de la procédure arbitrale prévue par l'offre de services du 28 novembre 2008, ces échanges ayant tous trait à des questions d'honoraires.
Conforte le caractère standardisé de la clause rédigée en français le fait qu'elle soit identique, dans ses modalités, à celle figurant en langue espagnole dans les conditions générales de ladite offre.
La cour relève enfin que la seconde offre de services du 22 juin 2010, qui prévoit notamment, sur la période fin juin 2010-septembre 2010, 'la vérification complète de la répartition qui fut réalisée par maître [T] et passée devant notaire espagnol' et jusqu'en janvier 2012, différentes démarches auprès des banques et de l'administration fiscale pour la liquidation de l'impôt sur les successions, comporte la même clause imposant, exclusivement dans les conditions générales et en langue espagnole, la saisine de la CIMA, élément qui conforte le caractère standardisé d'une clause type reprise dans les contrats d'adhésion rédigés par la société PWC, cette disposition ayant manifestement échappé à l'intimée qui affirme à tort, en cause d'appel, que cette seconde offre ne prévoit pas le recours à une instance arbitrale.
Dans de telles conditions, est manifestement abusive la clause compromissoire invoquée par la société PWC, professionnel, qui entend se prévaloir à l'égard du consommateur qu'est Mme [P] de dispositions qui n'ont pas fait l'objet d'une négociation individuelle et qui créent, en imposant la saisine de la cour arbitrale et en excluant toute possibilité de recours aux juridictions étatiques, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Dès lors, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a écarté l'application de la clause compromissoire revendiquée par la société PWC.
Sur la juridiction étatique compétente :
Il est constant qu'est applicable à la cause le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dit Bruxelles 1 bis et plus particulièrement la section 4 relative à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs (art. 17 à 19).
L'article 17 prévoit :
'1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) :
a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels ;
b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets ; ou
c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.
2. Lorsque le cocontractant du consommateur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État membre.
3. La présente section ne s'applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement.'.
L'article 18 précise que :
' 1. L'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié.
2. L'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.
3. Le présent article ne porte pas atteinte au droit d'introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section. '.
Mme [P], pour justifier de la saisine de la juridiction française pour connaître de l'entière instance initiée à l'encontre de son frère, M. [G] [P], du notaire, maître [T], domicilié à [Localité 5], et de la société PWC, se réclame des dispositions de l'article 18 du règlement Bruxelles 1 bis.
La société PWC conteste cette solution au motif que l'article 18 ne s'applique que pour les actions visées à l'article 17 c et qu'en ce qui la concerne, elle est une société d'avocats en Esapgne avec des activités réalisées exclusivement sur ce territoire, ce qui conduit à retenir, aux termes de sa demande présentée à titre subsidiaire, la compétence des juridictions espagnoles.
La cour relève que, si PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services est une société de droit espagnol dont le siège est situé à [Localité 4] (Espagne), elle appartient, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, à un réseau international d'entités d'avocats, espagnoles et étrangères, qui exercent leurs services professionnels sous la marque 'PWC' et elle est membre de la société de droit anglais, Pricewatherhouse Coopers International limited, ce qui est confirmé par la première page de l'offre de services qui présente 'Landwell - Abogados y Acesores Fiscales' comme étant une ' law firm associated with Pricewatherhouse Coopers International limited'.
En outre, la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services, indique sur son site le préfixe international de son numéro d'appel de l'étranger et présente son service juridique 'PWC Tax & Légal services' comme étant le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, présent dans des centaines de marchés, tant nationaux qu'internationaux ('principal asesor legal y fiscal del mundo [... ] presentes en cientos de mercados, tanto nacionales como internacionales') - pièce 43 de l'intimée- ce qui démontre le démarcharge par la société espagnole de clients situés à l'étranger ainsi que ses activités dans des Etats étrangers.
Plus précisément, il est démontré par les pièces versées aux débats que la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services offre les services d'avocats espagnols comme français, comme maître [D], qui se présentait comme spécialiste des relations 'hispano-françaises et a été le co-signataire de l'offre de services avec Mme [P], résidant en France.
Il résulte de l'ensemble de es constatations et énonciations que PWC dirige ses activités vers plusieurs Etats dont la France et l'Espagne, Etats membres de l'Union européenne, ce qui justifie l'application à l'espèce des dispositions combinées des articles 17 c et 18 du réglement Bruxelles I bis et permet de retenir la compétence d'une juridiction française pour connaître des deux instances initiées par Mme [P].
Ces deux instances étant connexes en ce qu'elles portent sur les conditions dans lesquelles est intervenue la liquidation de la succession du père de Mme [P] qui met en cause devant le tribunal de grande instance de Pontoise les interventions dans cette opération de M. [Q] [P], de la société PWC - notamment chargée de procéder à la vérification de la répartition réalisée par maître [T], rédacteur de l'acte en sa qualité d'exécuteur testamentaire d'[U] [P], et passée devant le notaire espagnol - et enfin de maître [T], le juge de la mise en état, relevant qu'il est d'une bonne administration de la justice que la même juridiction statue sur le tout, a prononcé, au visa de l'article 367 du code de procédure civile, la jonction des deux instances et retenu à bon droit la compétence du tribunal de grande instance de Pontoise dans le ressort duquel demeure un des défendeurs.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de ses demandes principale et subsidiaire et de renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Pontoise, déjà saisi.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de faire droit à la demande de Mme [P] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à lui verser la somme visée au dispositif de la présente décision.
Partie perdante, l'appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant publiquement par décision rendue par défaut et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
REJETTE l'ensemble des demandes de la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services en ce comprise celle fondée, en appel, sur l'article 700 du code de procédure civile,
RENVOIE les parties devant le tribunal de grande instance de Pontoise, déjà saisi,
CONDAMNE la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services à payer à Mme [K] [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société PWC Landwell-Pricewaterhousecoopertax & Legal Services aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,